4. Afrique au sud du Sahara

L’Afrique a été, nous l’avons vu, le théâtre de dévastations catastrophiques. Celles-ci ont provoqué une réaction salutaire, car le continent noir est maintenant parsemé d’un ensemble de réserves en tout point remarquables.

La plus ancienne d’entre elles est sans doute celle qui constitua plus tard le fameux parc Krüger au Transvaal ; elle fut en effet créée sous le nom de Sabi Game Reserve le 26 mars 1898, puis reçut son appellation actuelle en 1926. Située le long de la frontière du Mozambique et s’étendant sur 1 948 528 ha, cette zone abrite une faune très riche, comprenant notamment de nombreux grands mammifères. Largement ouvert au public, ce parc constitue une des grandes attractions touristiques de la République sud-africaine.

Notons tout de suite, pour en finir avec la partie la plus méridionale du continent, que de nombreuses autres régions ont été classées comme réserves. La plus grande est le Kahalari Gemsbok N. P., où s’abrite une très riche faune d’Ongulés. Beaucoup d’autres, plus petites, n’en sont pas moins très importantes pour la préservation de la vie sauvage. Tel est par exemple le Bontebok N. P., dans la province du Cap, où se rencontrent les derniers Bonteboks. En deux points de cette province se trouvent les derniers Éléphants de l’extrême sud de l’Afrique : l’Addo N. P. et la réserve forestière de Knysna, près de Port Elisabeth. Pour protéger les Éléphants et leur interdire toute incursion dans les terres cultivées, ce qui les ferait immédiatement mettre au ban par les planteurs, on a entouré les forêts où ils se tiennent de solides barrières faites de rails de chemin de fer. Sans doute leurs conditions d’existence sont-elles quelque peu artificielles (on leur donne notamment un complément de nourriture sous forme d’oranges) ; mais ces mesures permettent néanmoins de préserver dans le sud de l’Afrique des animaux qui en auraient autrement depuis longtemps disparu50.

Dans les autres régions d’Afrique, deux conceptions ont présidé à l’aménagement et à la gestion des réserves naturelles.

L’une visait à la création de parcs nationaux en leur donnant en fait le statut de réserves intégrales. C’est avant tout le cas des parcs nationaux du Zaïre tels que les ont organisés les administrateurs belges puis zaïrois (fig. 29). En 1925, le roi Albert de Belgique signa le décret créant le fameux parc qui a porté son nom, juste hommage à celui qui avait compris la portée de ce geste. Cela ne fut que le premier pas d’une série de mesures qui dotèrent le Zaïre des parcs nationaux les mieux organisés de tout le continent. Sous la direction du professeur V. Van Straelen, les parcs nationaux de la Garamba, des Virungas, de l’Upemba et de la Kagera, ce dernier au Rwanda, mirent à l’abri la faune, la flore et les biotopes les plus fameux de toute l’Afrique. Le parc des Virungas (parc Albert) est sans doute le mieux connu de tous (fig. 30). Sur 800 000 ha, il englobe le versant occidental du Ruwenzori, les riches savanes des plaines de la Semliki et de la Rutshuru, respectivement au nord et au sud du lac Édouard, et la chaîne des volcans au nord du lac Kivu. On y rencontre une grande diversité de milieux, allant des savanes sèches à Euphorbes cactiformes et des forêts hygrophiles aux biotopes de grande altitude, notamment aux forêts de Bambous et aux prairies alpines entrecoupées de Lobélies et de Séneçons géants. Les escarpements du Graben forment les limites naturelles de ce parc, situé dans son ensemble dans les grandes plaines d’effondrement entre deux failles profondes. Une faune riche et bien diversifiée habite les différents biotopes. Parmi les animaux les plus connus figurent les Gorilles de montagne, propres aux volcans du Zaïre oriental, et d’innombrables Ongulés, Éléphants, Buffles, Antilopes, tandis que les bords des rivières Rwindi et Rutshuru hébergent la plus forte concentration d’Hippopotames connue au monde.

Le parc national de la Garamba, situé aux confins du Soudan, a été créé avant tout pour la protection de la Girafe et du Rhinocéros blanc qui y trouvent leur seul refuge au Zaïre. Le parc de l’Upemba, le plus vaste, qui englobe 950 000 ha, se trouve placé à une frontière biogéographique entre la région katangaise et l’Afrique centrale. Le parc de la Kagera a le mérite de conserver dans un pays profondément modifié par le surpâturage des zones intactes où subsistent les restes d’une faune d’Ongulés concurrencée ou éliminée partout ailleurs. Il comprend de vastes marécages où se maintient une faune aquatique abondante. En décembre 1970, le Zaïre vient de créer quatre nouveaux parcs nationaux, ceux de la Salonga et de la Maiko dans la cuvette congolaise dont les forêts inondables sont très particulières, et ceux du Kahuzi-Biega et du Kundelungu. On louera sans réserve les efforts faits depuis l’indépendance par le gouvernement. Les nouveaux responsables, conscients de la valeur des parcs comme patrimoine national, ont protégé ces zones contre toute dégradation. Le rôle des gardes – dont quelques-uns ont payé leur dévouement de leur vie – a été particulièrement déterminant.

Les parcs nationaux du Zaïre constituent donc un ensemble grandiose où la nature a été protégée dans son intégrité, ce qui fait leur valeur exceptionnelle. S’ils ont été ouverts en partie aux visiteurs, notamment le parc des Virungas, la plus grande partie de leur étendue était néanmoins réservée, de la manière la plus libérale toutefois, aux recherches scientifiques. À l’intérieur de leur périmètre ont été effectués les travaux les plus importants sur la flore et la faune d’Afrique.

Une autre conception a présidé à la gestion des réserves ailleurs en Afrique et notamment dans les territoires d’expression britannique. De vastes superficies ont été mises en réserve, sans que certaines interventions humaines y soient interdites, aussi bien de la part des autochtones que des touristes. Tel est le cas des parcs du Kenya, et notamment le parc de Nairobi, situé au voisinage même de la ville dont il constitue l’attraction la plus marquante : des Lions, des Girafes et des Antilopes de toutes espèces se profilant sur l’arrière-plan d’une agglomération moderne. Le plus grand parc du Kenya, celui du Tsavo, situé à l’ouest de Mombasa et s’étendant sur plus de 2 millions d’hectares, a été créé en 1948, pour abriter une faune très riche, notamment des Éléphants et des Petits Koudous.

L’Ouganda a aménagé depuis la dernière guerre deux parcs de grande superficie. Le Kabalega (Murchison) Falls N. P. d’une superficie de 384 000 ha, est centré autour des fameuses chutes où le Nil s’engouffre dans une gorge très étroite ; le Rwenzori N. P. (Queen Elizabeth N. P.), d’une superficie de 220 000 ha, contigu au parc national des Virungas du Zaïre, sur l’autre rive du lac Édouard, présente une série de paysages d’un très grand intérêt touristique en même temps qu’il héberge une faune abondante.

La Tanzanie a créé entre autres en 1951 le Serengeti N. P., d’une superficie de 1 295 000 ha ; ce parc a dû malheureusement être amputé d’une partie de sa surface initiale en raison de vives pressions de la part des populations Masaï et de leurs troupeaux. Le célèbre cratère du Ngorongoro, où se concentre une faune d’une abondance inégalée, notamment des Gnous, des Gazelles de Thomson et des Zèbres, bénéficie lui aussi d’un statut de réserve. La Tanzanie dispose également de 10 game reserves, qui sont en fait de magnifiques réservoirs de faune.

La Rhodésie a aménagé sur son territoire plusieurs parcs nationaux dont le Wankie N. P., de 1 443 200 ha, et la Zambie, le Kafue N. P., de 2 240 000 ha, ouvert au public en 1955, où se trouve concentrée une faune abondante. Diverses réserves les complètent pour assurer la protection de la grande faune, de même que celle des paysages naturels célèbres.

Les pays d’Afrique francophone ont eux aussi compris l’intérêt de la préservation de leur faune et ont aménagé des parcs nationaux et des réserves en de nombreux points de leurs territoires. Sans doute l’Afrique occidentale a été le théâtre d’une destruction plus poussée de sa faune que l’Afrique centrale ou orientale, et son peuplement en grands animaux a d’ailleurs toujours été plus pauvre. De beaux ensembles faunistiques ont néanmoins été mis en réserve.

C’est notamment le cas du parc national du Niokolo-Koba, au Sénégal, doté de son statut définitif en 1962. Sa superficie est de 813 000 ha de savanes soudaniennes coupées de forêts-galeries. Il abrite de nombreux Ongulés, parmi lesquels des Cobes de Buffon, des Bubales, des Élans de Derby et des Éléphants.

En Guinée, la réserve la plus connue est sans conteste celle du mont Nimba. Le sommet de ce massif montagneux comporte des savanes d’un type particulier, riches en formes endémiques aux adaptations souvent étonnantes. Un laboratoire est annexé à ce territoire, dont la conservation à l’état naturel a été souvent compromise en raison de la richesse minière de ces districts.

Le Cameroun a mis sur pied un important système de réserves destinées à protéger certains de ses paysages et aussi sa faune, notamment le parc national de Waza, s’étendant sur 170 000 ha dans le nord du pays, où abondent les grands Ongulés et les oiseaux aquatiques. Le Tchad a établi en 1963 le parc de Zakouma sur 297 200 ha, ainsi que des réserves de faune et de chasse bien aménagées ; leur gestion a permis la préservation des animaux en même temps qu’une exploitation cynégétique à la base d’un tourisme fort prospère.

Enfin Madagascar est parsemée d’une série de réserves forestières qui ont préservé de beaux vestiges de forêts primitives dans cette île si déboisée et dont une bonne partie a été convertie en désert latéritique51. Les populations de Lémuriens font l’objet d’une protection toute particulière, malheureusement souvent peu respectée.

L’Afrique a donc dans son ensemble fait l’objet d’un grand nombre de mesures visant à protéger sa faune, et spécialement les grands mammifères dont l’attrait touristique et cynégétique est évident. Une législation de la chasse a été mise au point dans chacun des territoires. Ces mesures ont eu souvent d’heureux effets. Mais en dépit d’incontestables succès, on déplore qu’en beaucoup de régions elles n’ont fait que ralentir des phénomènes de dégradation d’origine très complexe.

5. Asie

Tous les pays asiatiques ont fait des efforts pour protéger leur faune et leur flore et beaucoup d’entre eux ont obtenu des résultats fort satisfaisants.

L’Inde, où le sentiment de protection des animaux est si vif, a multiplié les réserves, dont il est difficile de donner un aperçu général en raison de la complexité administrative de ce pays. De belles réalisations sont à mettre à son actif, notamment la fameuse réserve de Kaziranga, dans l’Assam. Ce sanctuaire de 42 994 ha abrite à lui seul plus de la moitié des Rhinocéros de l’Inde encore en vie, les autres se trouvant dans diverses réserves du Népal. Des facilités sont offertes aux visiteurs qui ont le loisir de visiter le site à dos d’Éléphant et d’observer les Rhinocéros dans leurs biotopes marécageux. Dans le sud de la péninsule, le lac artificiel de Periyar, entouré d’une forêt où vivent encore de nombreux animaux, notamment des Éléphants et des Gaurs, est classé et constitue un attrait pour les nombreux touristes qui le visitent chaque année. Ceylan a également été doté de belles réserves et même de parcs nationaux (Wilpattu, Gal Oya et Ruhunu) qui protègent ce qui reste de nature sauvage (et notamment les derniers Éléphants ceylanais, dont il ne subsisterait que de 1 000 à 1 500 individus) dans cette île malheureusement très abîmée par l’homme.

La Malaisie préserve notamment le Taman Negara N. P., aménagé en 1938 sous le nom de parc national George V, d’une superficie de 434 340 ha, au relief montagneux et peuplé d’animaux encore nombreux, notamment des Éléphants, des Rhinocéros, des Tapirs et des grands Carnivores.

En Indonésie, l’administration hollandaise et divers groupements particuliers avaient fondé une série de réserves dont le nombre s’élevait à une centaine en 1939. Les nouveaux dirigeants montrèrent immédiatement qu’ils ne négligeaient pas cet important problème et qu’ils avaient l’intention de maintenir en état les quelque 116 réserves s’étendant sur 2 200 000 ha. La plus précieuse est sans doute la réserve d’Udjung Kulon, dans l’ouest de Java, établie en 1921, dont les 66 620 ha constituent le domaine des derniers Rhinocéros de Java, l’animal le plus menacé du monde entier52. Cette presqu’île est mise en réserve absolue et l’on espère pouvoir sauver les Rhinocéros qui d’ailleurs se trouvent aussi protégés… par des Tigres, de mauvaise réputation parmi les braconniers en puissance.

D’autres réserves de grande importance sont celles qui, à Rintja et à Komodo, dans les petites îles de la Sonde, protègent le Varan de Komodo Varanus komodoensis, reptile gigantesque au régime carnivore, strictement propre à ces îles.

Le Japon a le grand mérite d’avoir aménagé des parcs nationaux en dépit de sa surpopulation chronique. Les Japonais, gens de goût et de tradition, ont su malgré tout créer pas moins de 17 parcs nationaux s’étendant sur 1 628 559 ha et les défendre contre toute influence extérieure. Le plus célèbre est bien entendu celui du Fuji-Hakone-Izu, au milieu duquel se dresse le fameux Fuji-Yama. D’autres préservent les paysages des Alpes japonaises et les beautés de l’île de Hokkaido (Akan et Daisetsuzan). La faune y est encore abondante.

À l’exception de la Thaïlande et des Philippines (nombreux parcs nationaux et réserves, notamment dans l’île de Luçon), il n’existe malheureusement pas de réserves de grande superficie dans la plupart des autres territoires d’Extrême-Orient et notamment dans une partie de la péninsule indochinoise. Le classement de plusieurs parcs est néanmoins en cours et les animaux y ont fait l’objet de mesures de sauvegarde. Il est cependant regrettable que certains biotopes n’aient pas été mis en réserve d’une manière efficace, surtout dans des pays à forte densité de population.

6. Australie et territoires avoisinants

Si la Nouvelle-Guinée conserve des territoires demeurés à l’état sauvage, il n’en est pas de même de l’Australie, qui a pris certaines mesures et a notamment aménagé un grand nombre de parcs nationaux et de réserves. La plupart d’entre eux se trouvent dans la partie orientale de l’Australie, du Queensland au Victoria et en Tasmanie. Leur superficie totale est considérable (les parcs nationaux occupent à eux seuls 8 179 214 km2), surtout si on y ajoute les réserves forestières. Dans la Nouvelle-Galles du Sud, le Kosciusko N. P., d’une superficie de plus de 600 000 ha, préserve des biotopes à peu près primitifs dans le massif du mont Kosciusko, le plus haut sommet australien.

Malheureusement, dans une bonne partie de l’Australie, le feu continue à faire de graves dégâts au couvert forestier, et les parcs nationaux ne sont pas à l’abri des ravages causés par les animaux introduits, notamment les Lapins, les Chats et les Renards, sans compter ceux qu’occasionnent les touristes (certains de ces parcs ne sont en fait que de vastes terrains de camping). Cela n’en donne que plus de valeur à certaines réserves plus petites, mais situées dans des îles où n’ont pas pénétré les animaux introduits, tel par exemple le Flinders Chase N. P. dans l’île Kangourou, au large de la côte méridionale de l’Australie. Notons par ailleurs que la chasse des Marsupiaux a été réglementée et que beaucoup d’entre eux sont strictement protégés.

La Nouvelle-Zélande a elle aussi pris des mesures pour protéger sa nature sauvage. Dès 1894 fut créé le Tongariro N. P., dans l’île du Nord. À l’heure actuelle, 10 parcs nationaux s’étendent sur plus de 2 millions d’hectares parmi lesquels Fiordland N. P., dans l’île du Sud, occupe à lui seul 1 223 654 ha. Quelques-unes des petites îles qui entourent la Nouvelle-Zélande ont été converties en réserves d’oiseaux.

7. Coopération internationale

L’homme a donc réussi à rétablir en partie une situation fort compromise dans la plupart des régions du globe. Un vaste mouvement en faveur de la protection de la nature a vu le jour, à l’origine duquel se trouvent les initiatives des gouvernements et d’organismes privés. On ne soulignera d’ailleurs jamais assez le rôle des « amateurs » dans les mouvements de protection de la nature. De nombreuses sociétés se sont constituées à cette fin à travers le monde, et, dans certains pays, la quasi-totalité des initiatives ont même été prises par une minorité agissante de particuliers, l’aide des autorités ne venant qu’a posteriori.

Le classement de territoires en réserves a été complété par des mesures législatives, afin de protéger certaines espèces en tout lieu et en tout temps. C’est ainsi que la chasse a été réglementée, de manière à assurer la sécurité des animaux pendant leur saison de reproduction. Certains d’entre eux bénéficient même d’une protection totale.

Très rapidement il apparut aux protecteurs de la nature que leurs efforts seraient stériles s’ils n’étaient pas entrepris sur des bases internationales. Dans tous les pays se posent des problèmes identiques, et certains ne peuvent même être résolus que par une entente internationale, par exemple la protection des oiseaux migrateurs dont les déplacements annuels ne connaissent pas de frontières (C. de Klemm, 1969), ou le trafic d’animaux et de leurs dépouilles, maintenant réglementé par la convention sur le commerce des espèces menacées (Washington, 1973), malheureusement encore non ratifiée par beaucoup de pays.

Le Suisse Paul Sarazin fut sans aucun doute le premier à militer en faveur d’une internationalisation de la lutte, car dès 1913, il provoqua la réunion à Berne d’une conférence internationale pour la protection de la nature à laquelle 17 États envoyèrent des délégués ; la création d’une commission permanente y fut décidée. Malheureusement la guerre empêcha celle-ci de manifester son activité.

Reprenant l’idée en 1928, le Hollandais P. J. Van Tienhoven créa à Bruxelles et à Amsterdam l’Office international pour la protection de la nature, dont le but était de diffuser les idées de protection et de servir de centre de documentation. Cette organisation persista jusqu’à la Seconde Guerre mondiale.

Divers mouvements réussirent entre-temps une intégration plus complète. Des réunions tenues à Paris en 1895 et en 1902 pour la protection des oiseaux aboutirent à la mise au point d’une convention adoptée et intégrée dans la législation de nombreux pays. À la suite de cet incontestable succès fut créé en 1922 à Londres le Comité (maintenant Conseil) international pour la préservation des oiseaux, qui groupe les sections nationales de chacun des pays adhérents. Largement essaimé à travers le monde depuis la dernière guerre, il a de belles réalisations à son actif, de même que le Bureau international de recherches sur la sauvagine, qui étudie les mesures propres à assurer une sage gestion cynégétique du gibier aquatique.

Parfois aussi l’entente s’est faite sur un plan géographique, notamment en Afrique. Les nations africaines et celles qui avaient des colonies dans ce continent ont toutes rapidement senti la nécessité de conjuguer leurs efforts pour sauver leur faune et leur flore si gravement menacées. Sur l’initiative de la Grande-Bretagne, une conférence internationale réunit à Londres en 1933 les délégués de tous les pays intéressés, sous la présidence du duc de Brabant qui allait régner plus tard sous le nom de Léopold III. Celui-ci prononça à l’occasion un discours que l’on peut véritablement considérer comme la charte de la protection de la nature en Afrique. Cette conférence mit au point une convention que ratifièrent ensuite la plupart des pays intéressés ; son but était de susciter la création de réserves et de parcs nationaux, d’assurer la survie des espèces sauvages, de conserver des échantillons de biotopes dans leur état originel et de réglementer la chasse pour éviter toute destruction inutile de la grande faune.

Cette conférence fut un succès incontestable, car elle contribua très efficacement à la conservation de la nature sauvage en Afrique. Un protocole prévoyait la réunion périodique de telles réunions, dont la première, tenue à Londres en 1938, enregistra les progrès réalisés depuis 1933. La guerre empecha l’organisation d’autres conférences jusqu’en 1953 où une nouvelle réunion eut lieu à Bukavu, Congo, sous les auspices de la Commission de coopération technique en Afrique.

Les efforts de coopération interafricaine se sont poursuivis et ont notamment abouti à la signature d’une Charte africaine pour la protection et la conservation de la nature à Dar es Salaam en février 1963. Ceci est à considérer comme l’amorce d’une nouvelle convention liant les États africains indépendants, conclusion logique à l’acte le plus marquant de la conférence d’Arusha, en 1961, à savoir la déclaration de sir J. K. Nyerere, Premier ministre de Tanzanie. Celui-ci proclamait dans ce que l’on appelle maintenant le « manifeste d’Arusha » : « La préservation de notre vie sauvage est un grave sujet qui concerne tous les Africains. Les créatures sauvages, dans le milieu qu’elles habitent, ne sont pas seulement importantes en tant que source d’intérêt et d’inspiration ; elles font aussi partie intégrante de nos ressources naturelles, de notre bonheur futur et de notre bien-être.

« En acceptant la responsabilité de la vie sauvage, nous déclarons solennellement que nous ferons tout ce qui sera en notre pouvoir pour que les petits-enfants de nos enfants puissent jouir de ce riche et précieux héritage. »

En fait, les efforts ont abouti à l’heure actuelle. Après de longues négociations au cours desquelles diverses organisations internationales, la Food and Agriculture Organization (FAO) et l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) entre autres, jouèrent un rôle essentiel, les États africains ont mis au point un projet de nouvelle convention africaine, basée sur des conceptions écologiques très modernes. Celle-ci fut discutée par le Conseil des ministres à l’Organisation de l’unité africaine à Addis Abeba en février 1968. Elle a été signée par les chefs d’État des pays membres réunis à Alger en septembre 1968. Ce texte constitue sur le plan international la preuve éclatante de la prise de conscience des dirigeants des nouveaux États à l’échelle d’un continent tout entier.

Dans le cadre des ententes faites sur un plan géographique, on citera également le traité Antarctique signé en 1959 à Washington entre toutes les nations ayant des intérêts dans cette partie du monde. Certaines des clauses de cet accord international concernent les mesures relatives à la protection de la faune et de la flore, d’une particulière fragilité vu la haute spécialisation des espèces ayant réussi à coloniser ces zones inhospitalières. Les recommandations adoptées lors des diverses réunions des puissances contractantes ont précisé ces mesures en se basant sur des connaissances écologiques détaillées.

Depuis longtemps cependant se faisait sentir la nécessité de disposer d’une organisation internationale plus générale, qui seule pourrait grouper les efforts de chacun et leur donner une portée mondiale.

Si les tentatives de Paul Sarazin n’avaient malheureusement pas été couronnées de succès, ses compatriotes de la Ligue suisse pour la protection de la nature furent cependant à l’origine du mouvement qui allait aboutir à la constitution d’un organisme international. Ce groupement suscita en effet la réunion de deux conférences en Suisse, l’une à Bâle en 1946, et l’autre à Brunnen en 1947, qui menèrent à la fondation d’une union internationale, ratifiée l’année suivante à Fontainebleau, à l’endroit même où les premières réserves naturelles avaient vu le jour en Europe. Cet organisme prit quelques années plus tard le nom d’UICN). Ses tâches sont nombreuses, l’Union ayant la charge de réunir une documentation complète sur la protection de la nature et les indispensables connaissances scientifiques de base, de faire le point de questions techniques d’actualité et d’étudier les mesures susceptibles de porter remède aux maux causés par l’impact de l’homme dans la nature.

L’UICN est actuellement établie en Suisse, à Morges, sur les bords du lac Léman, devenu ainsi la plaque tournante de la conservation de la nature dans le monde.

Outre ses tâches liées à la protection, l’Union a aussi la fonction de faciliter la coopération entre les gouvernements et les organisations internationales et nationales ; de promouvoir des programmes en vue de la préservation des espèces en danger ; de collecter et d’analyser toute information sur le statut des êtres vivants et des habitats menacés par l’homme ; et de diffuser par tous les moyens et à tous les niveaux, y compris celui du grand public, une politique de conservation de la nature. Ses commissions d’écologie, d’éducation, des parcs nationaux, de législation et de sauvegarde sont toutes en pleine expansion. La dernière a un rôle primordial, car elle est chargée des enquêtes sur le statut des espèces en voie de raréfaction et des interventions en vue de leur préservation.

Nous disposons donc à l’heure actuelle d’une organisation internationale bien outillée pour coordonner les efforts de chacun. Il convient de ne pas excepter les institutions spécialisées des Nations unies. L’Unesco, qui fut à l’origine de la création de l’UICN, a pris un très grand nombre d’initiatives pour assurer une protection efficace des ressources naturelles à travers le monde. Sa volonté délibérée de contribuer puissamment à cette œuvre de sauvegarde s’est d’ailleurs matérialisée dans une « Recommandation concernant la sauvegarde de la beauté et du caractère des paysages et des sites », adoptée par sa 12e conférence générale le 11 décembre 1962. Dans ce texte, véritable charte mondiale de la conservation de la nature, figurent les principaux points qu’ont à cœur les naturalistes, notamment la protection des habitats, le classement des sites et la constitution de réserves et de parcs nationaux. Plus récemment, l’Unesco a préparé une convention internationale sur la conservation du patrimoine mondial culturel et naturel. Grâce à elle on peut espérer que seront mieux préservés des sites et des habitats de valeur universelle.

La FAO, dont les buts sont le développement des ressources alimentaires de la terre, ne pouvait se désintéresser des questions de conservation. En fait elle a pris une part considérable dans les programmes de gestion du patrimoine naturel. On signalera les études d’aménagement et de protection de la grande faune sauvage auxquelles se sont livrés ses experts, ne pouvant mentionner les innombrables recherches dans le domaine de la pédologie, de la détermination de la vocation des terres et de l’utilisation rationnelle des ressources agricoles.

Certaines hautes instances politiques se sont elles aussi penchées sur ces questions. On ne peut passer sous silence les nombreuses initiatives du Conseil de l’Europe, dont plusieurs des commissions ont comme objectifs la conservation, la lutte contre les pollutions et l’exploitation rationnelle des ressources d’un continent densément peuplé. Les efforts de cette haute institution internationale se sont matérialisés par la Déclaration sur l’aménagement de l’environnement naturel en Europe adoptée lors d’une conférence réunie à Strasbourg en février 1970.

Et l’on aurait mauvaise grâce à ne pas mentionner la conférence des Nations unies sur l’environnement tenue à Stockholm en 1972. Ses résultats déçurent certains. Il n’en demeure pas moins vrai que cet événement a déjà des répercussions profondes dans les actions touchant à l’environnement et qu’il témoigne d’une prise de conscience au plus haut niveau politique à l’échelle mondiale. Cette conférence aboutit à la création du programme des Nations unies pour l’environnement, dont on peut attendre beaucoup d’actions concrètes.

Des initiatives internationales privées sont à signaler. Avant tout le Fonds mondial pour la nature, ou World Wildlife Fund, fondé en 1961 en Suisse. Cette fondation comporte maintenant des branches dans de nombreux pays. Son président, S. A. R. le prince Bernhard des Pays-Bas, et les nombreuses hautes personnalités qui l’animent ont su en faire une des œuvres les plus actives dans le domaine de la conservation de la nature dans le monde moderne. En suscitant l’enthousiasme du public et en réunissant des fonds considérables, le WWF (Fonds mondial pour la nature) a à son actif des réalisations dont la liste occuperait un volume (voir notamment par Peter Scott, The Launching of a New Ark, Londres, Collins, 1965 ; l’ampleur des résultats signalés dans ce premier rapport s’est accrue depuis dans de larges proportions : voir The Ark under Way, Second Report of the WWF, 1965-1967, et Yearbook, 1968, 1969, 1970-1971, 1971-1972, 1972-1973, 1973-1974 et 1974-1975).

Enfin, nous mentionnerons le programme biologique international, vaste mouvement mondial auquel ont collaboré des scientifiques de toutes les nations, en conjuguant leurs efforts en vue d’études sur la productivité des milieux naturels ou transformés par l’homme, leur conservation et leur exploitation optimale. Ces recherches coordonnées permettront une meilleure connaissance des mécanismes écologiques encore mystérieux ; elles sont susceptibles de déboucher sur un aménagement rationnel de la planète à un moment crucial de l’histoire de l’humanité.

La collaboration entre les nations se manifeste parfois d’une manière plus directe encore, notamment par la constitution de réserves internationales. Le meilleur exemple est celui du parc national des Pieniny, en Pologne, qui se prolonge en Tchécoslovaquie par un parc semblable. L’idée d’une telle collaboration remonte à 1924. Mais ce n’est pourtant qu’en 1957 que les gouvernements polonais et tchécoslovaque conclurent un accord définitif pour aménager de part et d’autre de leur frontière commune un grand parc et mettre ainsi en réserve le massif des Pieniny, notamment les magnifiques gorges du Dunajec creusées dans le calcaire ; à l’heure actuelle chacun des pays gère la portion située sur son territoire national en se basant sur un règlement commun et une parfaite entente, à tous les échelons, gage d’une protection efficace de la nature.

Un projet semblable pourrait lier la France et l’Italie dans les Alpes, le parc national du Grand Paradis en Italie et le parc national de Savoie s’associant pour assurer la protection d’une vaste région alpine. Des collaborations de ce genre existent d’ailleurs également dans d’autres régions du globe.

 

Si nous faisons le point, nous constatons donc que la protection de la nature a fait des progrès considérables par suite des efforts de tous ceux qui ont compris l’urgence à conserver intacte une portion importante de la surface de la terre. Après les graves dévastations du siècle dernier, les premières années du XXe siècle ont été dans l’ensemble favorables à la nature sauvage. Les résultats positifs sont innombrables.

En même temps l’intérêt pour la protection de la nature s’est considérablement éveillé dans le public, en partie grâce à une active propagande auprès des enfants, dans les écoles, et auprès des adultes par la presse, la radio, puis la télévision. Les problèmes de conservation de la nature sont maintenant connus de tous. Le nombre de touristes visitant les parcs nationaux et les autres lieux où la nature sauvage est préservée est de plus en plus élevé, en même temps que le cinéma documentaire et les livres sur la nature diffusent les connaissances de base dans le domaine des sciences naturelles.

Bien qu’à aucun moment la situation n’ait pu être qualifiée de pleinement satisfaisante, on peut dire qu’un grand progrès a été réalisé par rapport aux conditions antérieures et que la nature a été incontestablement protégée. Cela grâce au remarquable mouvement suscité à son origine par quelques pionniers animés d’une foi digne des plus grands éloges.

1.

. Il faut cependant reconnaître que cette différence est fondamentale, car elle concerne notamment la rapidité des transformations dues à l’homme, facteur de la plus haute importance, car il détermine la brutalité de l’impact humain dans la nature.

2.

. Certains préhistoriens pensent que l’homme n’est pas étranger à la disparition de quelques grands mammifères, et notamment de l’Ours des cavernes Ursus spelaeus, que ses habitudes grégaires rendaient particulièrement vulnérable.

3.

. On a la preuve que des incendies, allumés volontairement ou non, ont ravagé sur de grandes superficies les plaines du nord de l’Allemagne et de la Belgique au Paléolithique (oscillation allérodienne), comme l’atteste l’existence de couches de cendre, de débris carbonisés et même de troncs brûlés. Certains auteurs ne sont pas loin de penser que la disparition soudaine des Conifères et des Bouleaux qui marque le début du Dryas récent est due en partie aux activités de l’homme qui, grâce au feu, aurait pu dès le Paléolithique modifier dans une large mesure les équilibres naturels à travers de vastes régions (Narr, 1956).

4.

. C’est notamment le cas des forêts tropicales hygrophiles, où le pastoralisme est récent, ayant été importé de régions plus septentrionales, quand l’homme eut modifié les habitats (la forêt, où le tapis graminéen est rare, est écologiquement défavorable aux herbivores domestiques). L’homme y a passé directement du stade de la cueillette à celui de l’économie agricole.

5.

. En dépit d’un rendement très bas, ne dépassant souvent pas 10 %, par rapport à la productivité primaire, végétale, du milieu.

6.

. C’est par exemple ce que l’on observe encore de nos jours chez les Masaï d’Afrique orientale.

Il faudrait également insister sur les liens mystiques qui existent entre les pasteurs et leur bétail, et cela depuis les temps les plus reculés. Cet aspect, à première vue purement spirituel, a en fait une énorme importance en ce qui concerne la multiplication des troupeaux dont les effectifs échappent dès lors à toute loi écologique et ne sont plus en rapport avec les besoins alimentaires des humains. L’exemple classique se trouve dans l’Inde, où, principalement dans les plaines indo-gangétiques, les Vaches sont considérées comme sacrées. Cette tradition religieuse remonte aux temps les plus reculés, quand des peuples de pasteurs depuis longtemps disparus l’érigèrent en loi. D’après le Mânava Dharma Çâstra ou Code de Manou (attribué par tradition au premier Manou et remontant en fait à une époque comprise entre le IIe siècle avant J.-C. et le IIe siècle de l’ère chrétienne), il est plus grave de tuer une Vache qu’un brahmane. L’importance de telles croyances dans le surpâturage se passe de commentaires.

7.

. On consultera avec profit la magistrale synthèse que Th. Monod (1959) a consacrée à ce thème.

8.

. Contrairement à l’opinion de certains, et en particulier celle d’Ellsworth Huntington, il ne semble pas que le climat ait changé dans la région méditerranéenne au cours de l’époque historique, en dehors de fluctuations d’amplitude minime.

9.

. « The struggle between the desert and the sown », Proc. Int. Symp. Desert Res., Jérusalem, 1952 (1953) : 378-389.

10.

. Le passage de l’économie pastorale à l’économie agricole revêtit d’ailleurs des formes très diverses et ne peut être schématisé d’une manière simpliste. Pas plus d’ailleurs que les conflits nombreux qui opposèrent dès le début les hommes s’adonnant à l’une ou à l’autre de ces deux activités (l’histoire d’Abel et de Caïn, relatée par la Genèse (4. 1-16) traduit, indépendamment de toute autre signification, la disparition du berger devant le laboureur). La nature pâtit gravement de ces dissensions, comme les événements dont est émaillée l’histoire du Proche-Orient jusqu’en des temps très récents permettent de le vérifier, en particulier pendant les invasions des nomades venus d’Asie centrale en vagues successives.

11.

. « Salomon fit dire à Hiram [roi de Tyr] : […] ordonne maintenant que l’on coupe pour moi des cèdres du Liban […]. Lorsqu’il entendit les paroles de Salomon, Hiram eut une grande joie et il dit : […] Je ferai tout ce qui te plaira au sujet des bois de cèdre et des bois de cyprès » (1 Rois 5). Ces deux souverains ne se doutaient pas qu’ils ruinaient leurs royaumes.

12.

. D’après Aubréville, la totalité de l’Afrique était initialement couverte de forêts denses, de type humide sous climat pluvieux, de type demi-sec ou sec ailleurs ; la savane boisée n’existait alors que dans les zones prédésertiques et occupait une surface très limitée.

13.

. Voir notamment C. W. Cooke, Journ. Wash. Acad. Sci., 21, no 13, 1931 : 283-7. Il semble cependant prouvé que d’autres facteurs, purement sociologiques et politiques, aient joué un rôle déterminant dans ce déclin.

14.

. On consultera notamment les ouvrages fondamentaux d’Allen (1942), de Harper (1945) et de Greenway (1958).

15.

. Pour les oiseaux, on peut estimer qu’une dizaine de formes (espèces et sous-espèces) se sont éteintes avant 1700 ; une vingtaine au XVIIIe siècle ; autant de 1800 à 1850 ; une cinquantaine de 1851 à 1900 et autant depuis 1901. On remarquera l’accélération du phénomène, une forme avienne en moyenne disparaissant chaque année depuis un siècle.

16.

. La destruction de la sylve méditerranéenne a également entraîné la raréfaction avancée de plusieurs essences, parmi lesquelles des Conifères comme Abies nebrodensis en Sicile et Abies pinsapo dans le sud de l’Espagne (provinces de Malaga et de Cadix).

17.

. L’extension des anciennes forêts se retrouve dans la toponymie à travers toute l’Europe ; les suffixes que l’on retrouve dans les noms de localités souvent éloignées de tout massif boisé à l’heure actuelle : -ham et -cote en anglais ; -wald et -holz en allemand ; -drewa en langue slave, rappellent les forêts où elles furent fondées. Tandis que les éléments -sart en anglais et en français ; -rode, -schwend et -han en allemand ; et -trebynja en slave désignent les défrichements qui y furent opérés. La toponymie française a également conservé beaucoup de souvenirs des anciennes forêts tels que les vocables de « bois… », de « bosc » ou ceux rappelant une essence d’arbre (voir notamment G. Plaisance, Bull. Philol. Hist. Com. Trav. Hist. Sci. Min. Educ. Nat., Paris, 1959 (1960) : 39-55 ; et Rev. Géogr. Est, 1962 : 221-232).

18.

. Le pâturage est également responsable du déboisement, en raison de l’habitude de mener le bétail en forêt pendant la saison chaude. Le bœuf, le mouton et le porc dévastaient ainsi progressivement les associations fermées en se spécialisant chacun dans une strate végétale.

19.

. On ne peut s’empêcher de se souvenir de la pensée de Chateaubriand : « Les forêts précèdent les peuples, les déserts les suivent. »

20.

. Du temps de Charlemagne, les 2/5 de la France étaient cultivés à la suite d’un défrichement intense.

21.

. Quelques chasseurs ont commis de véritables massacres, tel le prince Auguste de Saxe-Cobourg qui tua dans sa vie 3 412 chamois, la plupart en haute Styrie. Le fameux chasseur suisse G. M. Colani en abattit 2 700 tout en exerçant une véritable tyrannie cynégétique en Engadine.

22.

. Pas moins de 1 300 Loups ont été tués en 1883 dans tout le territoire, surtout par appâts empoisonnés.

23.

. Il est fait allusion au Grand Pingouin dans le paragraphe relatif à l’Amérique du Nord.

24.

. C’est à cette époque que s’illustra le célèbre W. F. Cody, dit « Buffalo Bill », engagé pour ravitailler les ouvriers d’un chantier de construction de voie ferrée ; en 18 mois, il tua 4 280 Bisons.

25.

. Comme l’a montré Greenway (1958), le nombre d’espèces disparues ou en voie d’extinction est proportionnel à la déforestation. À Hispaniola, où subsistent encore 2,3 ha de forêt par habitant, aucun oiseau n’est éteint ; en revanche dans les Petites Antilles, qui ne comptent plus que ½ ha de forêt par habitant, de 2 à 4 espèces aviennes ont disparu dans chacune d’entre elles.

26.

. Rappelons par ailleurs le statut précaire du Pétrel cahow Pterodroma cahow qui ne niche qu’aux Bermudes. Considéré comme éteint (chasse par l’homme, introduction de Rats et de Porcs), il fut redécouvert après la dernière guerre. Ses populations ne dépassent cependant pas une centaine d’individus et sont menacées.

27.

. On chassait les Saïgas en rabattant leurs troupeaux dans de vastes enclos s’ouvrant par un « entonnoir » atteignant 5 km d’ouverture. L’intérieur de ce corral était hérissé de pointes sur lesquelles s’empalaient les malheureux animaux affolés par les chasseurs à cheval qui achevaient les survivants. Jusqu’à 12 000 Saïgas étaient journellement tuées par cette méthode cruelle.

28.

. Grâce aux mesures prises depuis, l’espèce est maintenant florissante. Voir p. 418.

29.

. Chez Dinornis maximus, le plus grand de tous les Moas, le fémur pouvait atteindre 47 cm, le tibia 99 cm et le métatarse 51 cm.

30.

. Sans compter le Kagou Rhinochetos jubatus, endémique de Nouvelle-Calédonie, devenu très rare et menacé par les prédateurs introduits (surtout Chiens errants) et par une chasse sans aucune justification.

31.

. Suivant une étude très récemment parue (Warner, Condor 70, 1968 : 101-120), il semble que les Drépanididés aient été aussi victimes de maladies aviaires transmises par des Moustiques introduits (Culex pipiens). D’une manière symptomatique, ces oiseaux ne se sont maintenus que dans les zones élevées, au-dessus de 600 m, non peuplées par les Moustiques acclimatés. Des essais ont montré que des individus prélevés en altitude et maintenus en région basse ont péri en peu de temps, victimes des maladies. Cet exemple que l’on peut comparer à celui de l’Anophèle de Gambie au Brésil (voir p. 327) montre combien l’introduction d’un vecteur et de germes pathogènes peut être dangereuse du fait que les animaux autochtones n’ont aucune résistance immunologique.

32.

. Notons que certains Drépanididés ont donné lieu à d’heureuses surprises, car plusieurs espèces considérées comme éteintes ont été redécouvertes dans les temps récents. Pas moins de 4 espèces (Palmeria dolei, Pseudonestor xanthophrys, qui n’avaient pas été rencontrées depuis 1890, Psittirostra psittacea, Ps. bailleui) ont été retrouvées entre 1940 et 1950 et d’autres survivent sans doute (Richards et Baldwin, Condor, 55, 1953 : 221-2). Par ailleurs tous les oiseaux sylvicoles connus de l’île de Kauai ont été retrouvés dans des lambeaux forestiers (Richardson et Bowles, ibid., 63, 1961 : 179-180). Ces auteurs insistent sur l’absolue nécessité de conserver ces forêts autochtones, derniers refuges d’oiseaux qui disparaîtraient si leurs habitats relictuels étaient modifiés.

33.

. À propos de l’Albatros de Steller, nous ne pouvons pas manquer d’évoquer la question de la plumasserie sous son aspect général. Cette industrie se développa surtout vers la fin du siècle dernier, époque où des dizaines de milliers de peaux d’oiseaux naturalisés affluèrent sur le marché européen, principalement à Paris et à Londres. Ce matériel provenait principalement de Malaisie (« Malacca »), du Japon (les Japonais « écumèrent » tout l’océan Pacifique), du Sénégal et enfin d’Amérique du Sud (Bogota, Trinidad, Bahia). On reste stupéfait d’avoir vu chez les plumassiers les centaines de milliers de peaux d’oiseaux les plus divers s’entasser dans des boîtes en attendant d’être parées ou transformées pour orner ( ?) les chapeaux féminins. D’innombrables Colibris voisinaient avec des Merles métalliques, des Foliotocols, des Oiseaux de paradis et des Perroquets, mais aussi avec des oiseaux au plumage si humble qu’ils ne paraissent pas susceptibles de tenter un modéliste.

Ce commerce, qui ne semble pas avoir eu une grande influence sur les populations aviennes d’Amérique du Sud, fut en revanche désastreux pour les oiseaux océaniens et pour les Aigrettes : ces échassiers furent en effet chassés pour leurs parures nuptiales de forme et de texture variables selon les espèces. Massacrées dans leurs colonies de reproduction, au moment où leur plumage s’orne de longs filaments très caractéristiques, les corps de ces Aigrettes étaient abandonnés sur place après que les chasseurs eurent simplement arraché les plumes désirées. Ce fut d’ailleurs le spectacle lamentable des colonies du sud-est des États-Unis qui provoqua dans ce pays une saine réaction dont la fondation de la Société Audubon fut l’étape marquante (deux gardes de cette société furent tués par les plumassiers quand les réserves furent établies).

Le commerce de la « plume » déclina progressivement après la Première Guerre mondiale et disparut à la Seconde. Les dépouilles actuellement utilisées dans la mode proviennent de stocks anciens ou d’oiseaux domestiques. Il est particulièrement heureux qu’il en soit ainsi, car cette industrie fut très néfaste et sa poursuite aurait entraîné de graves répercussions sur l’avifaune mondiale. Il faut cependant souligner que cette masse d’oiseaux naturalisés où puisèrent de nombreux ornithologues permit à nos connaissances de faire des progrès inégalés dans l’étude d’autres groupes zoologiques.

Un certain trafic de plumasserie subsiste encore à l’heure actuelle, notamment en ce qui concerne les Paradisiers, exportés clandestinement des Moluques vers l’Indonésie où ils sont achetés à très haut prix par des amateurs. Plusieurs espèces sont de ce fait gravement menacées (P. Pfeffer, Bull. I.C.B.P., 9, 1963 : 90-95).

34.

. De 1888 à 1909 une prime d’une livre fut versée par animal abattu.

35.

. « Il est malheureux qu’un animal aussi intelligent que l’éléphant soit tué pour permettre à des créatures pas beaucoup plus intelligentes que lui de jouer au billard avec des boules faites avec ses dents » (R. Meinertzhagen, Kenya Diary).

36.

. Une tendance semblable se manifeste en Ouganda où en 1926 le poids des défenses était de 55 livres, contre 40 livres en 1958 (Brooks et Buss, Mammalia, 26, 1962 : 10-34).

37.

. En particulier des Rats, des Souris et des Singes Macaca cynomolgus.

38.

. Les os des Albatros servaient à faire des tuyaux de pipe pour les marins !

39.

. La Baleine grise Eschrichtius gibbosus a failli elle aussi disparaître dans cette même région du globe au cours des premières décennies de ce siècle. Bénéficiant d’une protection totale, ses effectifs se sont accrus d’une manière satisfaisante (environ 6 000 individus et peut-être bien plus, à l’heure actuelle).

40.

. Notons qu’elles sont maintenant entièrement protégées par les conventions baleinières qui en interdisent la capture.

41.

. Un navire russe aurait aperçu en 1962, au large de la côte sibérienne, au nord du Kamtchatka, quelques animaux marins de grande taille qui pourraient être des Rhytines. Cette redécouverte n’a pas été confirmée.

42.

. Il est certain que l’introduction de maladies transmises par les animaux étrangers aux formes autochtones, a également joué un rôle dans l’extinction de ces dernières. Des cas similaires sont connus chez les humains.

43.

. On ne peut pas entièrement passer sous silence l’action pernicieuse des collectionneurs que la passion pousse à s’emparer de tous les échantillons d’une espèce rare, souvent étroitement localisée, aux populations numériquement peu importantes. On a signalé des lépidoptéristes ayant capturé en une seule saison 12 000 Zygènes appartenant à une forme rare. Dans les Alpes françaises, les Papillons Papilio alexanor, Parnassius apollo et mnemosyne, divers Thaïs, Satyrides, Nymphalides et le fameux Attacide Graellsia isabellae, joyau des Lépidoptères français propre au Queyras, sont collectés sans frein, non seulement pour être vendus à bon prix à des collectionneurs, mais aussi en vue d’exploitations plus vénales : enrobés dans du plastique, ils servent à la confection de cendriers, de presse-papier et de porte-clefs. Des Carabes très localisés donnent lieu à des chasses si intensives que leurs populations diminuent à chaque saison. Les Insectes propres aux grottes (troglobies) sont également pourchassés en raison de leur grande valeur marchande.

Il en va de même des plantes rares, littéralement mises au pillage par des collecteurs mercantis pour satisfaire les demandes d’horticulteurs ou de collectionneurs d’herbiers. De nombreuses stations de superficie très limitée ont été ainsi détruites (les sociétés d’échanges, qui exigent des « centuries », soit 100 exemplaires de la même espèce, ont largement diffusé le goût de la destruction parmi leurs adhérents). La flore méditerranéenne, riche en endémiques et déjà si menacée par les lotissements, l’urbanisation et la transformation des habitats naturels, est particulièrement menacée. Il en est de même de la flore alpine, que se disputent récolteurs de bulbes et de rhizomes, collectionneurs d’herbiers et touristes du dimanche. Dans les Alpes françaises, Chardons bleus (Eryngium alpinum), Lis martagon (Lilium martagon), Edelweiss (Leontopodium alpinum), Sabots de Vénus (Cypripedium calceolus), Orchidées et Gentianes font notamment les frais de ces opérations destructrices (P. Vayssière, C. R. Acad. Agri. France, 52, 1966 : 528-535). Les Orchidées ont été collectées en grand nombre dans toutes les régions chaudes du globe, particulièrement au Brésil ; cela a raréfié beaucoup d’espèces, fait d’autant plus grave que leur habitat se trouvait détruit par la déforestation (par exemple Laelia purpurata, du Brésil oriental).

Ce véritable vandalisme auquel se livrent des « naturalistes » sans scrupules, en tout cas emportés par leur passion, s’il ne doit pas être dramatisé, n’en a pas moins de graves répercussions, entraînant la disparition d’endémiques à distribution très limitée.

Ces collectes abusives ont d’ailleurs provoqué dans certains cas des mesures législatives. Beaucoup de plantes alpines sont protégées en Suisse. Certains Insectes le sont en Suède (entre autres le Grand Capricorne Cerambyx cerdo) et en Allemagne (entre autres le papillon Apollon Parnassius apollo, fig. 27) (A. Villiers, in litt.).

44.

. Il convient en particulier de rappeler ici l’œuvre de George P. Marsh, dont l’ouvrage Man and Nature ; or Physical Geography as Modified by Human Action, publié en 1864 à Londres, constitue encore aujourd’hui un classique quant à l’influence de l’homme sur le monde et sur l’harmonie qui doit exister entre lui et son habitat naturel. La pensée de Marsh, un véritable pionnier à son époque, est sans contredit en avance d’un siècle et s’applique parfaitement dans ses grandes lignes à la situation actuelle prévue par cet auteur génial avec une clairvoyance digne de tous les éloges. Tous les concepts qui doivent présider à la conservation de la nature dans le monde moderne sont exposés dans cet ouvrage fondamental.

45.

. Une codification de cette nomenclature a enfin été mise au point, permettant d’uniformiser l’emploi de termes dont l’acception varie malgré tout encore selon les auteurs. Nous avons quelque peu interprété les définitions pour les besoins de cet ouvrage.

46.

. La Liste des Nations unies des parcs nationaux et réserves analogues comprend 1 111 aires protégées dans 99 pays, totalisant 1 607 000 km2, soit 1,1 % des terres émergées. Un tiers d’entre elles ont été établies depuis 1950.

47.

. D’autres parcs très importants sont aménagés en Argentine, sur une surface totale de 2 649 912 ha ; l’un d’entre eux complète le parc brésilien de l’Iguazu.

48.

. À l’exception des Marismas du Guadalquivir, en Espagne, où un parc national et une station biologique ont été aménagés en 1963 (Coto Donana).

49.

. Rappelons que le jour de la Saint-Laurent (10 août) de 1548, les habitants du canton de Glaris déclarèrent « district franc » le massif du Kärpf, près de Schwanden. Cette zone a conservé son statut de réserve depuis plus de 400 ans, record de conservation digne d’éloges.

50.

. Le maintien en captivité a également permis de sauver plusieurs espèces de grands mammifères en Afrique du Sud, en particulier le Zèbre de montagne Equus zebra, dont ne survivent que moins de 200 individus ; et le Bontebok Damaliscus dorcas (environ 1 000 individus en 1969). Des réintroductions ont lieu dans diverses réserves.

51.

. Il existe 11 réserves naturelles intégrales d’une superficie globale de 500 000 ha, 18 réserves spéciales, et 2 parcs nationaux (Montagne d’Ambre et Isalo).

52.

. En 1966, il n’en restait que 25 dans cette réserve, peut-être une quinzaine à l’extérieur.