Les Groupements artistiques des années 1920

 

D’innombrables groupements, depuis l’Association réaliste des artistes de la Russie révolutionnaire jusqu’aux groupements non-objectifs tels que la Société des jeunes artistes ou la Société des peintres de chevalet, firent leur apparition dans l’art soviétique des années vingt. La plupart furent éphémères, d’autres subsistèrent jusqu’en 1932, date à laquelle toutes les sociétés artistiques furent fermées. Parmi les groupements les plus importants de ces années il faut citer : l’Association des artistes de la Russie révolutionnaire (Akhrr), la société 4 Arts, la Société des peintres de chevalet (OST), Oktiabr, le groupe Treize. Des ouvrages leur sont consacrés, des monographies ont été écrites sur les artistes entrant dans ces groupements. Mais d’autres sociétés dont l’activité n’a pas, jusqu’ici, été étudiée, existaient également.

L’union des artistes et des poètes Art — Vie se créa à Moscou en l’année 1921. L’union fit paraître deux numéros de la revue Makovets qui donna son nom au groupement. Organisèrent la société et prirent part à ses expositions Vassili Tchekryguine, Nikolaï Tchernychov, Vera Pestel, Sergueï Romanovitch, Sergueï Guerassimov, Levjeguine (Chekhtel), Alexandre Chevtchenko et d’autres. La revue publia des articles de Tchekryguine, Pavel Florenski, Romanovitch, des vers de Velimir Khlebnikov et de Boris Pasternak. Le Makovets apparut au moment où la vague d’« ismes » les plus divers déferlait sur l’art russe, lorsque l’existence même de la peinture de chevalet se trouvait mise en doute. Il était dit dans le manifeste du Makovets : « Nous ne sommes en lutte contre personne, nous ne sommes pas les créateurs d’un nouvel « isme ». L’heure est venue de la création radieuse, où l’on a besoin de valeurs immuables, où l’art renaît dans son mouvement infini et n’exige que la simple sagesse des inspirés. »[62] Le réalisme du Makovets — là résident son mérite et son importance — n’était pas une réaction instantanée, conjoncturelle, aux événements du jour. Ses peintres aspiraient à saisir le sens profond de la vie. Ils se tournèrent, pour la première fois dans ces années, vers la tradition artistique nationale : les fresques et les icônes russes. Florenski notait : « Il appartient au Makovets d’être le collectionneur de la culture russe. »[63] Les membres du groupe comprenaient la création comme un « acte spirituel ». Et ce n’est pas un hasard s’ils choisirent pour leur revue le nom de Makovets — ainsi s’appelait la colline sur laquelle Serge de Radonèje fonda le monastère de la Sainte-Trinité.

L’artiste le plus remarquable du Makovets était, sans aucun doute, Vassili Tchekryguine, représenté par son tableau le Destin et plusieurs œuvres graphiques, profondes et émouvantes, d’une parfaite maîtrise. Dans les dernières années de sa vie et de sa création, Tchekryguine fut entièrement sous l’emprise de la philosophie de Nikolaï Fedorov. L’idée principale de l’enseignement moral et philosophique de Fedorov était que les fils reçoivent tout gratuitement de leurs pères, même la vie : « Rien ne nous appartient, rien n’est produit par nous, tout est un don ou plutôt une dette : la vie n’est nullement à nous, elle est dissociable, aliénable, mortelle; nous avons reçu la vie de nos pères qui ont la même dette envers leurs parents, etc., la naissance est le leg de la dette, non son paiement. »[64]