Le stress est certainement l’une des réactions les plus complexes de l’organisme. Il est donc important de l’aborder avec humilité et d’essayer, avant toute chose de le définir.
Dès 1936, le chercheur d’origine hongroise vivant au Canada Hans Selye11 a décrit la réaction de stress chez l’être vivant, comme étant « la réponse non spécifique que donne le corps à toute demande qui lui est faite ». Il parle de réaction « non spécifique » car, quelle que soit la cause de stress, il y aura toujours libération des mêmes substances : des hormones.
Pour l’Agence Européenne pour la Sécurité et la Santé au Travail, « un état de stress survient lorsqu’il y a déséquilibre entre la perception qu’une personne a des contraintes que lui impose son environnement et la perception qu’elle a de ses propres ressources pour y faire face ».
Cette définition est plus restrictive que la précédente car elle s’adresse avant tout au stress dans le cadre professionnel. Il est en effet possible de subir des sources de stress sans pour autant « percevoir » quoi que ce soit. C’est notamment le cas de nombre de sources d’origine physique, qui sont abordées dans le paragraphe suivant.
Elles peuvent être séparées en trois grandes catégories : physiques, chimiques ou psychiques.
Elles sont de différentes natures : le bruit, la vitesse, les variations de température et les modifications de pression.
Le bruit
Le bruit est une source de stress importante. Sur le site suisse Le Matin Online, un article daté du 8 décembre 2007, intitulé « Le bruit nous rend malades », a abordé l’influence néfaste du bruit sur notre organisme en raison du stress qu’il induit. L’explication du docteur Bernhard Aufdereggen, membre de la Commission fédérale pour la lutte contre le bruit, est intéressante. Pour ce médecin suisse, « il y a 10 000 ans, s’il y avait un bruit, l’homme devait pouvoir réagir rapidement pour se protéger. Le bruit provoquait une réaction d’alarme dans notre corps, un stress. Aujourd’hui, la même réaction se produit, même si elle n’est souvent plus vraiment nécessaire : le corps sécrète des hormones de stress, comme le cortisol, l’adrénaline ou la noradrénaline ; les vaisseaux sanguins se rétrécissent ; la pression augmente ; le cœur bat plus vite (…) Et bien sûr, si on est tout le temps soumis à ce type de stress, les risques d’infarctus et de maladies cardiaques augmentent. Les études de l’OMS ont d’ailleurs relevé l’incidence de l’exposition chronique à un bruit nocturne dès cinquante décibels (niveau sonore d’une conversation durant la journée) sur les problèmes cardiovasculaires ».
Le docteur Jean-Marie Cohen est responsable du projet « Bruit et santé » pour le cabinet d’études Open Rome. Comme le précise L’Express Environnement12, ce médecin « fait figure de pionnier en la matière. Pendant huit jours, il a mesuré l’exposition au bruit de trente Franciliens. Heure par heure, un petit dosimètre placé sur les participants a traqué chaque décibel : le résultat est inquiétant ». Jean-Marie Cohen a tenu des propos13 lui aussi très clairs sur l’influence du bruit sur le stress. Son étude vient « confirmer que le bruit, à dose importante, a des effets sur la santé, particulièrement sur le stress. L’élément le plus probant, c’est la conséquence du bruit sur l’hypertension artérielle ».
La vitesse
Plus la vitesse est importante, plus l’organisme subit un niveau de stress important. À ce sujet, une piste intéressante, qui tient compte de l’influence de la vitesse sur le stress, a été menée au Canada : en 2008. Il s’agissait d’une opération de limitation de la vitesse dans la commune de Lac-Beauport, intitulée « Lac-Beauport Zone zéro stress : Réduisons la vitesse ». Cette campagne s’est focalisée sur la sécurité et la qualité de vie. Pour encourager les automobilistes à adopter des comportements sécuritaires, la mairie a lancé une série de mesures préventives : installation de bacs de verdure et de panneaux d’affichage aux couleurs de la campagne en bordure de route, pose de tapis ralentisseurs, abaissement des limites de vitesse dans les secteurs à risques, etc.
Les variations de température
Le froid est une source de stress importante et d’autant plus ennuyeuse qu’il modifie sur de nombreux points le fonctionnement de l’organisme de manière identique au stress. Le froid entraîne un resserrement des vaisseaux de nos membres pour diminuer les pertes de température. Cela a des conséquences sur notre système cardiovasculaire et sur l’irrigation de nos membres.
Il est donc légitime de conseiller aux personnes âgées, aux personnes ayant des problèmes cardiaques ou de l’artérite, de ne pas trop s’exposer au froid, dans la mesure du possible.
Le froid entraîne aussi une réaction de stress qui va encore aggraver ce risque, car elle amplifie le resserrement des vaisseaux.
En outre, le froid, à travers la réaction de stress qu’il induit, va diminuer nos défenses naturelles et favoriser les infections en tout genre. Voilà une autre bonne raison d’inviter les personnes âgées à ne pas sortir en période de grand froid, leurs défenses naturelles étant en général moins solides ; une source de stress brutale peut favoriser le développement d’infections graves, notamment au niveau pulmonaire.
Lors de l’exposition au froid, il est important de bien se couvrir, de limiter le plus possible la durée de celle-ci et de consommer des boissons chaudes.
Lorsque l’exposition au froid dure, il faut proscrire les boissons alcoolisées qui, après une sensation de mieux-être, viendraient mettre la vie en danger en favorisant les pertes de chaleur de l’organisme.
La chaleur est aussi une source de stress importante. Elle peut avoir des conséquences majeures sur des salariés particulièrement exposés et sur les personnes âgées. C’est en raison de l’influence de la chaleur sur certaines professions que le gouvernement canadien14 a tiré la sonnette d’alarme. La chaleur est une source de stress importante, qui, en s’associant à d’autres facteurs comme la déshydratation, inhérente à une perte de liquide importante et insuffisamment compensée, peut avoir des conséquences majeures.
Les modifications de pression
Lorsque l’on prend l’avion, l’altitude résiduelle dans la cabine est d’environ 2 000 mètres, si bien que la pression atmosphérique est inférieure à celle au sol. En outre, la diminution de la pression atmosphérique s’accompagne d’une baisse de la pression partielle en oxygène et donc du taux d’oxygène dans le sang. Ces deux sources de stress liées à la baisse de pression, si elles sont bien réelles, ne sont en général pas perçues comme telles.
Plus rares, ces causes ont le mérite d’offrir la possibilité de rendre hommage à Hans Selye lorsqu’il a montré que des substances toxiques différentes administrées à des animaux entraînaient toujours les mêmes lésions, au niveau du cartilage, des vaisseaux et du tissu immunitaire. C’est à la suite de cette constatation qu’il a parlé de réaction « non spécifique », comme nous l’avons vu plus haut.
Chez les abeilles, une étude15 menée par des chercheurs de l’Université Royal Holloway de Londres est évocatrice. Ces chercheurs ont analysé l’influence de doses non létales de substances chimiques toxiques pour les abeilles. Pour que les colonies d’abeilles se développent normalement, il faut que chaque abeille participe pleinement à sa mission. Si des abeilles sont victimes d’un stress, provoqué par exemple par une dose non létale de substance chimique toxique, elles ne mèneront plus leur mission de manière satisfaisante et altéreront de ce fait le bon développement de la colonie. Les scientifiques ont remarqué que des doses non létales de substances chimiques toxiques généraient du stress chez l’abeille.
Qu’elles soient conscientes ou inconscientes, ce sont les plus fréquentes… Je vais ici n’en citer que quelques-unes, à titre d’exemples, car elles sont très nombreuses. Il s’agit avant tout de montrer leur diversité et leur étendue.
— Il y a bien sûr la perception d’un danger imminent. Sur l’autoroute, lorsqu’un conducteur est confronté à un danger, il présente une réaction de stress qui, dans ce cas-là, va l’aider à survivre, notamment en contractant ses muscles et en protégeant ainsi son thorax et son abdomen.
— Il y a aussi les tensions entre les personnes, que ce soit au niveau professionnel ou familial. Parmi les soucis familiaux, les résultats des collégiens ou des lycéens sont des sources de stress qui s’avèrent parfois efficaces. C’est le cas quand un enfant rentre du collège avec deux notes :
— Le travail peut aussi, dans de nombreux cas, être source de stress. La notion de danger est très présente dans de nombreux métiers. On comprend donc aisément comment la perception d’un danger permanent va générer du stress.
L’aléa est la source de stress typique des personnes qui sont confrontées à des éléments extérieurs, et notamment à la météo. C’est le cas de l’agriculteur qui récoltera les fruits de son travail si les conditions météorologiques sont favorables. C’est aussi celui du pêcheur qui pourra aller en mer si la tempête n’est pas trop violente…
L’enjeu sous-jacent à toute action est certainement la cause de stress la plus répandue à l’heure actuelle. Elle est liée au fait que cette action que l’on va entreprendre ou la décision que l’on va prendre va avoir des conséquences importantes. Et on n’a bien sûr jamais le choix entre blanc et noir, il s’agit de choix nuancés.
La charge de travail est d’autant plus redoutable si l’activité est peu intéressante et dépourvue de sens.
Les contraintes de temps illustrent bien le stress des temps actuels. Plus on réduit le temps nécessaire à la réalisation d’une mission, plus on augmente le niveau de stress. En outre, lorsque l’on diminue le temps imparti, on altère parfois le sens de l’action menée, ce qui multiplie les inconvénients.
Le changement est très souvent mal vécu. Cette notion doit être abordée avec prudence, car un changement peut être perçu comme infime par une personne et être vécu comme considérable par une autre. Le pessimisme important de notre pays fait du changement une source de stress majeure ; on est persuadé, souvent à tort, que demain sera forcément pire qu’aujourd’hui…
Le manque de liberté d’action est aussi générateur de stress. Souvenons-nous des propos du philosophe français Paul Ricœur dans son ouvrage Soi-même comme un autre (Seuil, 1990) : « L’amputation du pouvoir d’agir, c’est de la souffrance. » C’est le principe même du modèle de Karasek, un questionnaire de mesure du stress16 au travail conçu par le sociologue et psychologue américain Robert Karasek en 1979, qui veut que la charge de travail est d’autant mieux supportée qu’elle est accompagnée d’une certaine liberté d’action. L’autonomie vient en outre renforcer la notion de confiance qui est protectrice.
La nécessité d’un niveau de concentration important de manière prolongée est très épuisante en raison du niveau de stress qu’elle induit. Il est donc essentiel de ne pas être interrompu dans ses missions de manière trop fréquente afin de ne pas avoir besoin de se concentrer de nouveau trop souvent.
L’insuffisance de considération, voire le mépris, sont des sources de stress très vives. Il est important d’être vigilant car, parfois, une attitude peut être perçue comme méprisante alors que telle n’était pas l’intention de départ.
Les carences en sentiment de justice sont elles aussi de violentes sources de stress en raison du sentiment de frustration qu’elles induisent.
Les conflits d’éthique, qui émergent lorsqu’il y a discordance entre les valeurs prônées et les valeurs réelles, sont également vécus comme des frustrations et génèrent donc du stress.
Une source de stress atypique, à la limite de la vie professionnelle, est le départ à la retraite. Il est plus que jamais nécessaire de préparer la vie qui vient après la retraite pour éviter de gros ennuis de santé au mauvais moment.
— Les maladies, qu’elles concernent soi-même ou ses proches, sont des sources de stress évidentes. Il convient là de remarquer que, parfois, le stress induit par la maladie va aggraver l’évolution de celle-ci. Les résultats d’une étude17 menée par des chercheurs de l’Université de l’Iowa, du Centre de Recherche sur le Cancer de Houston, de la West Virginia University et de l’UCLA (Los Angeles) montrent que des hormones du stress, et notamment l’adrénaline et la noradrénaline, peuvent contribuer à la progression tumorale chez les patientes atteintes du cancer de l’ovaire. Il est donc indispensable de gérer le stress par tous les moyens possibles dans ces cas-là.
— L’environnement de travail s’avère parfois à l’origine de nombreux stress. C’est le cas notamment des embouteillages, des trains, métros et bus bondés. Un article paru sur le site Zevillage, le 21 février 2011, rend compte d’une enquête Regus, réalisée par l’Institut Marketing UK auprès de 10 000 personnes dans soixante-dix-huit pays, qui analyse les sept grands maux des trajets domicile-travail. Selon cette enquête, le premier des maux correspond aux embouteillages automobiles ou aux trains et bus bondés, pour plus de 72 % des personnes interrogées.
Dans la catégorie de l’environnement du travail, on pourrait aborder la gestion des enfants en bas âge avec le trajet du domicile à la crèche avant celui menant de la crèche au travail. Je serais tenté de penser que cela concerne surtout les mamans mais c’est certainement une activité de plus en plus partagée… Prenons l’exemple d’une mère qui le matin a trente minutes de transport en commun pour aller à la crèche déposer son enfant. Elle repart de la crèche et doit se dépêcher pour arriver à l’heure à son travail. Le soir, ce sera le schéma inverse, pas question de sortir en retard pour éviter une arrivée trop tardive à la crèche. Toute la journée, elle va penser à l’impérative nécessité d’arriver à l’heure. Et, là encore, nous sommes dans le cas où le bambin va bien. Car quand il a 38 °C de température, cela génère d’autres soucis et autant de causes de stress.
Une étude canadienne a d’ailleurs montré que les femmes étaient soumises à un nombre de sources de stress supérieur à celui des hommes. On comprend assez aisément pourquoi.
— Enfin, citons les sources de stress liées à nos angoisses profondes à savoir la peur de la maladie, de la dépendance, etc.
Les origines inconscientes
S’il n’était pas prémédiqué, un patient sous anesthésie générale pourrait tout à fait développer un ulcère de stress pendant l’intervention, preuve s’il en est que la conscience n’est pas utile pour développer une réaction de stress. Une femme âgée m’a dit un jour : « Le soir, je ne regarde plus les publicités à la télévision, car lorsqu’ils parlent du contrat obsèques, je n’en dors plus de la nuit… »
Il s’agit de comprendre pourquoi une réaction indispensable à la survie peut devenir si problématique.
Dans les temps anciens, lorsqu’un être humain était confronté à un animal sauvage, la réaction de stress n’avait que des avantages. Ainsi, sous l’influence des hormones libérées, notre ancêtre dilatait ses bronches, permettant donc à l’oxygène d’être mieux diffusé dans son sang. La pression artérielle augmentait et le cerveau était alors mieux irrigué par un sang plus riche en oxygène. Du sucre était présent en plus grande quantité afin de fournir l’énergie nécessaire au combat. En outre, si l’animal blessait le chasseur, celui-ci modifiait sa coagulation et resserrait ses vaisseaux pour diminuer le risque d’hémorragie. Enfin, si l’animal était féroce, des endorphines – morphines naturelles – étaient sécrétées pour diminuer la douleur et permettre ainsi à l’individu de continuer à combattre dans des conditions optimales.
Si cette réaction nous pose aujourd’hui autant de problèmes, cela vient de quatre raisons, dont les deux premières sont les principales.
Une augmentation considérable des sources de stress
Marie-Claude Lamarche, psychologue canadienne spécialisée en santé psychologique au travail, est très claire sur ce point : « Les humains sont programmés pour vivre entre cinq et sept réactions physiologiques de stress par semaine ; le Nord-Américain moyen en vit toutefois cinquante par jour18. »
Un ami chef d’entreprise m’a un jour confié sa surprise quant à ce nombre de sources. Pensant que le nombre de cinquante était exagéré, il a entrepris de compter les sources le lundi suivant, entre 7 heures et 20 heures. Il m’a téléphoné le soir même, m’annonçant qu’il en avait subi… quatre-vingt-deux. Je lui ai alors conseillé d’arrêter de les compter, mais il en restait quand même encore quatre-vingt-un. D’autres moyens de protection devaient donc être mis en œuvre…
Baisse des « facteurs de protection »
Nous devons l’expression « facteurs de protection » au docteur Jean-Jacques Breton, pédopsychiatre à la clinique des troubles de l’humeur de l’hôpital Rivière des Prairies, à Montréal. Ainsi, il précise que « si on favorise ces facteurs de protection, les gens peuvent améliorer leur capacité à faire face aux événements stressants. On peut les outiller19 ». Parmi les facteurs de protection avancés par le docteur Breton, on retrouve la présence d’objectifs dans la vie, la spiritualité dans le sens d’une vie intérieure, le sens, les liens sociaux, les valeurs, etc.
Pour illustrer l’efficacité de ces facteurs de protection, prenons deux exemples : le sens et les liens sociaux.
— Le sens est un facteur de protection très puissant. Dans une structure qui fait travailler des médecins urgentistes aux États-Unis, un nombre important de médecins faisait des burn-out. Il leur a alors été demandé de travailler une demi-journée par semaine sur leur « zone de passion »20. Ces médecins ont fait avancer les connaissances, ont pris conscience de leur utilité, ont perçu plus de sens dans l’exercice de leur métier et le nombre de cas d’épuisement a régressé.
— Il en est de même pour le lien social. Des études21 ont montré qu’une absence de soutien augmenterait respectivement de 31 % et de 43 % le niveau de stress et d’anxiété chez les hommes et les femmes. De plus, selon une autre étude, les femmes qui avaient beaucoup de stress et un faible niveau de soutien social durant leur grossesse avaient plus de chances de connaître un travail prématuré ou une éclampsie22.
Il est intéressant de constater qu’il en va de même chez l’animal. Des chercheurs américains des Universités de Chicago et Yale ont établi dans une étude23 que l’isolement social et le stress vécus par des rats rendaient le cancer du sein à la fois plus probable et agressif.
Ces facteurs de protection jouent donc un rôle essentiel, or, dans « nos grands états modernes24 », ils ont une fâcheuse tendance à régresser…
Une activité physique trop faible
Chez nombre de personnes, l’activité physique est devenue trop aléatoire. Or elle permet en quelque sorte de « consommer » les hormones libérées en excès en cas de stress.
Une alimentation pas toujours adaptée
Lors des périodes à haut niveau de stress, l’organisme retient du sel en raison de la sécrétion de plusieurs hormones (cortisol, aldostérone, etc.) et libère du sucre sous l’effet du cortisol et de l’adrénaline. Or, dans ces mêmes périodes, paradoxalement, l’appétence pour les produits sucrés et salés est importante. Ainsi, avons-nous tendance à consommer des aliments riches en sel et en sucre, alors qu’ils existent déjà en excès dans l’organisme.
Quelle que soit la cause, la réaction de stress se traduit par une libération d’hormones, qui, lorsqu’elles sont présentes en petites quantités non seulement ne sont pas toxiques, mais sont au contraire utiles. C’est le cas du trac, une source de stress aigu qui nous aide à nous concentrer lorsque nous sommes confrontés à un public. En passant, souvenez-vous de l’intérêt d’avoir le trac ! L’un des élèves de Sacha Guitry lui aurait dit : « Maître, c’est formidable, je n’ai pas le trac ! » À quoi le grand homme de théâtre aurait répondu : « C’est normal, cela vient avec le talent. » Si vous avez le trac, cela signifie donc que vous avez du talent.
En revanche, lorsque ces hormones sont sécrétées de manière importante et fréquente, elles s’accumulent et peuvent produire des effets toxiques. Parmi ces hormones, on peut citer l’adrénaline, la noradrénaline, le cortisol et l’aldostérone, etc.
L’adrénaline augmente la force de contraction du muscle cardiaque, accélère la fréquence de contraction du cœur, et resserre les vaisseaux. Elle dilate les bronches afin de permettre à l’oxygène de mieux passer dans le sang. Elle contribue à augmenter le taux de sucre dans le sang.
La noradrénaline agit essentiellement en resserrant les vaisseaux.
Le cortisol est une hormone puissamment anti-inflammatoire et antiallergique. Elle va retenir du sel et de l’eau dans l’organisme et faire fuir le potassium. Elle contribue également à augmenter le taux de sucre.
L’aldostérone, hormone impliquée dans la régulation de la pression artérielle, va notamment retenir du sel et de l’eau dans l’organisme et faire fuir le potassium.
On sait par exemple que le stress favorise les réactions allergiques ou encore qu’il augmente la libération d’adrénaline et de cortisol.
Quand un patient vient aux urgences avec une réaction allergique sévère, une urticaire géante par exemple, on utilise en première intention des corticoïdes (cortisol de synthèse) et, si cela ne suffit pas, de l’adrénaline.
Ce n’est pas logique, allez-vous penser…
Cela s’explique cependant fort bien. Une réaction de stress intense provoque la libération de cortisol et d’adrénaline. Quelques minutes plus tard, ces hormones ayant pourtant été sécrétées en grosses quantités lors de l’accès de stress, seront à un taux insuffisant dans l’organisme, favorisant la survenue de la réaction allergique. C’est là que l’administration de ces substances devient logique.
Une exposition déséquilibrée
Les femmes sont exposées à un plus grand nombre de sources de stress que les hommes… De nombreuses études, réalisées notamment au Canada, le confirment. Parmi celles-ci, l’une explique que les principales raisons tiennent au fait que les femmes consacrent, en plus de leur travail, davantage de temps aux tâches ménagères et aux enfants.
Des effets différents
Les effets du stress sont différents chez les femmes et les hommes…
Cela commence tôt ! En effet, selon une étude menée par l’Université de Californie, publiée en 2010 par BMP Public Health, le taux de mortalité des fœtus masculins a fortement grimpé aux États-Unis en septembre 2001, suite au choc des attentats du 11 septembre, si bien que le nombre de garçons nés en décembre cette année-là est inférieur à ce qu’il aurait dû être. Selon le professeur Tim Bruckner, enseignant en santé publique et directeur de l’étude, « dans plusieurs espèces vivantes, il est prouvé que le stress réduit le taux de naissance des mâles ».
Et cela dure… Une autre étude, menée par l’équipe de Mara Mather, professeur à l’Université de Californie du Sud, aborde les différences de réaction chez les femmes et les hommes face à des situations de stress. Ainsi, il semblerait que dans ce cas, les hommes présentent une diminution de l’activité de la zone de leur cerveau à l’origine de la compréhension des sentiments d’autrui et aient plus tendance à se replier sur eux-mêmes.
Confrontées à la même situation, les femmes verraient l’activité de la même zone de leur cerveau croître et auraient donc plus tendance à exprimer leurs émotions. Selon l’étude menée par le docteur Laura Cousin Klein, professeur adjoint à la santé au Biobehavioral Penn State University, cela pourrait provenir de l’influence d’une hormone qui, en situation de stress, ne s’exprime pas de la même manière chez les hommes et les femmes : l’ocytocine (hormone de l’attachement). En effet, selon les travaux de ce médecin, en situation de stress, la femme et l’homme sécrètent tous deux de l’ocytocine.
En revanche, l’effet de l’ocytocine est amplifié chez la femme en raison de la présence des œstrogènes, alors qu’il est diminué chez l’homme par la testostérone. Or, l’ocytocine, est l’hormone de… l’empathie !
En situation de stress, les femmes tendent donc à être intellectuellement plus performantes que les hommes en raison de cette hormone.
Si l’on veut vérifier le phénomène en l’amplifiant, on va mesurer l’effet de la caféine sur des femmes et des hommes stressés. Une étude parue en décembre 2010 dans le Journal of Applied Social Psychology aborde justement l’influence de la caféine en cas de stress.
Selon cette étude, si des hommes stressés prennent de la caféine, ils deviennent moins performants, intellectuellement parlant. Alors que des femmes exposées aux mêmes conditions augmentent, elles, leurs performances intellectuelles.
Existe-t-il un bon et un mauvais stress ? Voilà certainement la question la plus souvent posée.
Lors d’un malaise, lors d’un accident, le stress peut nous sauver la vie ! Lorsque l’on doit prendre la parole en public, on éprouve un certain stress qui va nous aider à nous concentrer dès le départ. Très vite, il disparaît avec le plaisir d’intervenir…
Dans certains rares cas, le stress peut avoir des effets positifs. Si l’on a une activité physique, si le stress se produit peu et s’il est associé à de solides facteurs de protection, il peut en effet s’avérer bénéfique.
Le problème vient essentiellement du stress subi, fréquent, non accompagné d’activité physique ou de facteurs de protection. Là, le nombre de sources est tellement élevé que cela le rend globalement toxique. À l’image du sucre, un morceau est bon pour la santé. Mais si l’on en consomme cinquante par jour, le cinquante et unième sera toxique pour l’organisme.
La cinquante et unième source de stress peut donc à la fois nous aider à survivre en cas d’accident et s’avérer en même temps toxique pour notre organisme. Ce qui est certain, c’est que le stress ne sera pas la clé à mobiliser si l’on veut obtenir une performance… durable.
Nous avons vu que les femmes résistaient mieux que les hommes face au stress. Mais, indépendamment du sexe, existe-t-il d’autres facteurs qui expliqueraient une sensibilité différente d’un individu à l’autre ?
Les travaux menés par le docteur Deane Aikins, psychiatre de l’Université de Yale, et présentés lors de la conférence annuelle de l’American Association for the Advancement of Science (AAAS), réunie à Chicago en février 2009, prouveraient que certaines personnes résistent mieux au stress que d’autres, au point de pouvoir continuer à agir efficacement en cas de niveau de stress important.
Ces travaux montreraient un niveau de cortisol plus bas chez les personnes résistant naturellement au stress, lorsque celles-ci sont soumises à des sources de stress intenses.
Parallèlement à cette absence d’augmentation du cortisol, on constaterait, chez les patients « résistants » au stress, un taux plus élevé de neuropeptides Y, une substance permettant de réduire les effets du stress.
Une étude à rapprocher de celle menée par l’équipe du docteur David Goldman, parue dans la revue Nature en avril 2008, qui montrait que des « variations héréditaires de la quantité d’une molécule réduisant l’anxiété aident à expliquer pourquoi certaines personnes peuvent tolérer le stress mieux que d’autres ». La molécule libérée en cas de stress et qui réduit l’anxiété s’appelle… neuropeptide Y.
La réponse est donc simple : plus le taux de neuropeptides Y dont on dispose est élevé, plus on résiste au stress.
Certaines personnes ont un taux de neuropeptides Y tel que cela se ressent au niveau de leur comportement. Je me souviens d’un échange avec Jean-Loup Chrétien, le spationaute. Il m’expliquait son premier lancement dans l’espace : « À un moment, il y a des vibrations terribles et un bruit important. Là, je me suis dit, les ingénieurs à l’origine de ces lanceurs sont tellement pointus que l’on ne peut pas avoir d’ennuis… »
Si le fait d’avoir un taux de neuropeptides Y élevé est un atout pour résister au stress, il peut dans certains cas s’avérer une source de difficultés. Lorsque l’on jouit d’une bonne résistance, on n’imagine pas forcément qu’un proche, un collègue, ou un collaborateur ne résiste pas aussi bien que nous ; on ne comprend pas que l’on puisse générer du stress chez lui, alors que ce n’est pas le cas chez nous.
Les conséquences du stress se font aussi bien sentir sur la santé que sur le sport, la scolarité, l’entreprise ou l’économie.
On peut retenir que le stress favorise le développement de certaines maladies et aggrave l’évolution d’autres. À titre d’exemple, citons l’influence du stress sur les maladies cardiovasculaires (hypertension artérielle, infarctus du myocarde, angine de poitrine, accident vasculaire cérébral, etc.), sur les pathologies impliquant le système immunitaire (augmentation du risque d’allergies, diminution des défenses naturelles et donc majoration des épisodes infectieux, maladies auto-immunes, etc.), sur les affections rhumatismales (arthrose, troubles musculo-squelettiques, etc.), sur les troubles digestifs (ulcères gastriques, gastrites, reflux gastro-œsophagien, altération de la flore intestinale, colopathies fonctionnelles, etc.), et sur les désordres moraux (dépressions, suicides, burn-out, etc.), sur le taux de cholestérol, etc. Très régulièrement, des chercheurs découvrent de nouveaux liens entre stress et maladie.
Le stress peut faire échouer un collégien ou un lycéen brillant, intellectuellement parlant, mais victime d’une source de stress importante. Le stress est d’autant plus intense que l’on peine à relativiser, ce qui est souvent le cas chez un jeune.
Une étude25 menée par une équipe de chercheurs de l’Université de Dalian (Chine) et de l’Oregon (États-Unis), montre l’influence entre le niveau de stress et la performance intellectuelle. Il s’avère que lorsqu’on diminue le niveau du stress des étudiants – par la méditation dans le cas de l’étude – on « améliore le rendement émotif et cognitif » de ceux-ci. On a aussi montré que, dans cette même situation, chez ces étudiants, « la prédisposition à la fatigue et à la colère, ainsi qu’à l’inquiétude et à la dépression » diminuait.
Selon un classement réalisé par l’OCDE (Organisation de Coopération et de Développement Économiques) sur la qualité de vie en classe, il ressort que sur vingt-cinq pays, la France arrive en vingt-troisième position.
Des résultats en harmonie avec le sondage réalisé par l’AFEV (Association de la Fondation Étudiante pour la Ville), qui montre que 35,9 % des élèves ont peur avant d’aller en cours. À titre de comparaison, ils étaient 28 % en 2009.
L’activité physique intense liée à la pratique d’un sport de haut niveau entraîne des dérèglements hormonaux, à savoir une augmentation du cortisol et une baisse des hormones sexuelles. Or le stress entraîne des dérèglements hormonaux identiques. On comprend aisément pourquoi un sportif de haut niveau sera d’autant plus performant qu’il sera… serein. Le célèbre champion jamaïcain Usain Bolt a ainsi déclaré : « J’essaie de vivre ma vie d’une manière détendue et sans stress26. »
Sur le plan de la performance, on a longtemps pensé qu’un peu de stress était nécessaire. Cette perception se traduisait sur une courbe d’allure gaussienne. Le début de la courbe se situait dans une zone de bien-être, où le salarié ne subissait pas de stress. Il était donc censé ne pas être performant. La courbe retombe dans un secteur où le niveau de stress est excessif. Là, on reconnaît que l’excès est néfaste pour la performance. Le milieu de la courbe ou le faîte de la cloche reflète la corrélation entre un certain niveau de stress et un bon niveau de performance.
Il était donc aisé d’en déduire que le management par le stress pouvait s’avérer probant. Il convient de remarquer que cette courbe s’appuie sur une étude27 réalisée en 1908 sur des… souris. Or les récents travaux du professeur Éric Gosselin28 sont, sur ce point, très riches d’enseignement.
La méta-analyse réalisée par son équipe porte sur cinquante-deux études indépendantes. Ces travaux démontrent que la courbe d’allure gaussienne citée précédemment, reflétant un niveau de performance qui augmente en corrélation avec le « juste » niveau de stress, n’est significative que dans… 10 % des cas !
Dans 15 % des situations observées, le stress n’a pas d’incidence significative.
En revanche, dans 75 % des cas, les chercheurs observent que, dès que le stress augmente, la performance diminue !
Le stress est néfaste à l’efficience intellectuelle, contrairement à la sérénité, qui l’améliore, comme le confirme l’étude sino-américaine citée précédemment.
Il y a quelques années, le niveau moyen de stress de la population, notamment française, était beaucoup plus bas et les facteurs de protection plus élevés, il pouvait donc être tentant d’aller chercher de la performance en augmentant le niveau de stress.
Actuellement, le niveau moyen de stress est nettement plus élevé et les facteurs de protection se sont effondrés. Pour aller chercher des résultats, il est donc essentiel de diminuer le plus possible le niveau de stress et de renforcer les facteurs de protection.
Rien que sur le plan financier, le stress revient cher à l’entreprise. Selon une étude menée par le docteur Claudia Put29, le coût du stress au travail pour les entreprises flamandes s’élève à… 13 milliards d’euros par an !
Cette analyse est intéressante, d’une part, car Claudia Put aborde l’influence néfaste de la crise sur le niveau de stress, et d’autre part, car elle prend en compte la part du présentéisme dans le coût du stress au travail. Selon ce médecin, l’importance du présentéisme est supérieure à celle de l’absentéisme et de loin. « Le présentéisme atteint 61 % des coûts totaux relatifs à la santé dans une entreprise, suivi par les frais médicaux (28 %) et l’absentéisme (10 %) ». Ainsi, la « perte de productivité due au stress au travail au sein d’une entreprise qui compte par exemple 500 travailleurs s’élève à 2 millions d’euros par an ».
Le stress coûte très cher à l’économie d’un pays. Ainsi, en France, le coût du stress professionnel est estimé par le BIT à 51 milliards d’euros par an !