« Oh, nuit, je prenais déjà de la cocaïne
Et le sang circule plus vite ;
Le cheveu grisonne, les années fuient ;
Je dois, je dois une fois encore
Fleurir en surabondance
Avant de passer132. »
Gottfried BENN.
Les deux tympans percés d’Hitler nécessitent que l’on fasse appel au Dr Erwin Giesing, un spécialiste oto-rhino qui se trouve alors dans un train sanitaire stationné non loin de la Wolfsschanze. Il comprend très vite comment se porte la tête de l’État. Alors qu’on lui avait décrit Hitler comme une sorte de « surhomme mythique, puissant133 », Giesing se retrouve en face d’un vieil homme courbé, en robe de chambre à rayures bleu marine, des chaussons enfilés sur ses pieds nus. Il précise son impression : « Son visage était pâle, un peu bouffi, ses yeux injectés de sang étaient profondément cernés. Son regard n’exerçait aucunement la fascination dont la presse a si souvent parlé. J’ai surtout remarqué les rides creusées des deux côtés du nez et qui descendaient jusqu’à l’extérieur des commissures des lèvres, elles-mêmes sèches et légèrement gercées. Ses cheveux tiraient franchement sur le gris et n’étaient pas soigneusement peignés. La raie n’allait pas complètement jusque derrière la tête. Son visage était bien rasé, mais sa peau un peu flétrie, ce que je mis sur le compte de la fatigue. Il parlait trop fort pour que cela soit naturel, sa voix était braillarde et commença ensuite à s’érailler. Un homme vieilli, presque décati, épuisé et qui doit faire avec le peu de forces qui lui restaient134. »
Le spécialiste diagnostique un état neurologique normal chez son patient : pas d’hallucination, pas d’incontinence, une bonne capacité de concentration, une mémoire qui fonctionne correctement ainsi que la perception de l’espace et du temps. « Émotionnellement instable cependant – soit amour, soit haine. Un flux continuel de pensées mais des propos toujours sensés. […] L’état psychique du Führer est très complexe. »
En examinant les tympans, Giesing constate pour l’oreille droite une déchirure prononcée en forme de serpe et une blessure moindre dans l’oreille gauche. Quand il applique une solution acide sur ces tissus pourtant sensibles, il s’étonne de l’impassibilité extraordinaire de son patient. Hitler, fanfaron, lui déclare même ne déjà plus ressentir aucune douleur. Après tout, dit-il, la souffrance sert aussi à rendre l’homme plus fort. Giesing ne peut se douter que cette insensibilité est vraisemblablement due au fait que Morell a peu auparavant ravitaillé le Führer en médicaments : les deux médecins ne se concertent absolument pas. De même que Giesing n’a aucune idée de ce que son collègue donne à Hitler, de même Morell ne sait pas du tout ce que lui prescrit le nouveau venu : « Aucune information de la part de l’oto-rhino Dr Giesing135 », note Morell avec aigreur. De fait, les deux hommes se sont détestés au premier regard. Morell reçoit Giesing venu se présenter par un « Qui êtes-vous ? Qui vous a appelé ? Pourquoi ne vous êtes-vous pas signalé plus tôt auprès de moi ? » Et Giesing de rétorquer fort à propos : « En tant qu’officier, je ne suis tenu de me présenter qu’à mon supérieur militaire, et non pas à vous, un civil136. » Depuis, le médecin de céans refuse ne serait-ce que de voir le spécialiste oto-rhino qu’on a appelé en renfort.
Giesing est quant à lui peu amène lorsqu’il décrit d’une plume légèrement acerbe cette entrée en scène typique du gros médecin : « Morell entre dans la pièce, haletant. On voit qu’il est à bout de souffle. Il ne serre la main qu’à Hitler et lui demande tout excité s’il n’y a rien eu de particulier durant la nuit. Hitler répond que non, il est même parvenu à digérer sans problème la laitue d’hier soir. Linge l’aide alors à retirer sa robe de chambre, il se rassied dans son fauteuil et remonte sa manche gauche. Morell fait les injections à Hitler. Il retire l’aiguille et essuie l’endroit où il a piqué avec un mouchoir. Il quitte ensuite la pièce pour le cabinet de travail avec la seringue utilisée dans la main droite et, dans la gauche, quelques ampoules vides, deux petites et une grande. Il se rend dans les toilettes de l’ordonnance juste à côté avec les ampoules et la seringue qu’il rince lui-même ; puis il se débarrasse des ampoules en les jetant dans les toilettes. Il se lave les mains, revient dans le cabinet de travail et, sur ce, prend congé de toute l’assemblée. »
Mais Giesing n’est pas non plus arrivé les mains vides auprès du Führer. Il est venu avec son remède favori pour anesthésier les douleurs causées par une lésion des tympans dans le nez, le pharynx et les oreilles. Et ce remède se nomme cocaïne – le « poison juif dégénéré » proscrit par les nazis. Son choix n’est pas aussi étrange qu’il n’y paraît au premier abord : on ne dispose pas de beaucoup d’autres alternatives à l’époque pour procéder à une anesthésie locale137 et toutes les pharmacies disposent d’un stock de cocaïne à des fins médicales. À en croire Giesing, qui reste toutefois la seule source d’information sur ce sujet, il administre plus d’une cinquantaine de fois la blanche substance au maître du Reich – plus précisément entre le 22 juillet et le 7 octobre 1944, soit une période de soixante-quinze jours pour des prises nasales et buccales qui pénètrent directement les muqueuses pour une efficacité optimale. Il s’agit là d’un produit pur, de toute première qualité : la fameuse cocaïne de chez Merck, une solution à 10 %, hautement psychoactive et livrée par l’express de Berlin dans une bouteille scellée qu’un pharmacien SS de l’office central de la sécurité du Reich est chargé de remplir conformément aux prescriptions. Une fois arrivée dans la Tanière du loup, la bouteille est confiée à Heinz Linge, le majordome, qui la garde personnellement sous clé.
Cette consommation patente de drogue n’est encore une fois quasiment pas prise en compte dans les biographies d’Hitler138. Pourtant, son fort pouvoir euphorisant y aurait tout à fait sa place afin de mieux comprendre la délicate période qui suit l’attentat. On procède de la manière suivante : le matin, Karl Brandt, le chirurgien personnel du Führer, accompagne son confrère Giesing jusqu’à une tente située derrière le bunker des invités où l’oto-rhino doit se plier à des mesures de sécurité drastiquement renforcées depuis le 20 juillet. Le sac de Giesing est tout d’abord vidé, chaque instrument examiné, y compris la petite ampoule de sa lampe d’auscultation qui est dévissée puis revissée. Giesing doit remettre son képi et son poignard, étaler le contenu de ses poches de pantalon et de manteau sur une table, les tourner à l’extérieur, avant de pouvoir récupérer son mouchoir et ses clés tandis que ses stylos et crayons ne lui seront rendus qu’ultérieurement. Il est palpé et fouillé de haut en bas. La cocaïne échappe toutefois à ces contrôles draconiens puisqu’elle se trouve déjà à l’intérieur, dans le cabinet de travail. C’est à ce moment-là que Linge intervient. Il prend le flacon dans l’armoire à médicaments fermée à clé, puis invite enfin Giesing à entrer139.
Le Patient A est reconnaissant de voir son ordinaire varier et le fait savoir. D’après le rapport que fera plus tard Giesing, Hitler affirme qu’« il se sent la tête plus légère grâce à la cocaïne et qu’il a également les idées plus claires140 ». L’effet psychotrope est une conséquence « […] du médicament qui agit sur la muqueuse nasale tuméfiée et facilite la respiration par le nez. L’effet dure le plus souvent de quatre à six heures. Il peut se sentir ensuite comme enrhumé par la cocaïne mais cela se dissipera après un certain temps ». Hitler aurait alors demandé s’il n’était pas possible de répéter ces prises une à deux fois par jour – même après le 10 septembre 1944 quand les conduits auditifs sont rétablis. Giesing, qui y voit son intérêt, accepte mais précise avoir attiré l’attention de son patient sur le fait que la cocaïne était entièrement absorbée par la muqueuse et passait ainsi dans la circulation sanguine. Il doit donc le mettre en garde contre une possible surdose. Malgré cela, Hitler exige de poursuivre sa cure. Quelques jours plus tard, il confirme au médecin les effets bénéfiques du médicament en dépit d’une brusque et abondante suée : « C’est une bonne chose que vous soyez là, docteur. Cette cocaïne est vraiment une chose merveilleuse et je suis heureux que vous ayez tout de suite trouvé le remède qu’il me fallait. Délivrez-moi donc encore quelque temps de ces maux de tête. »
Ces migraines sont surtout causées par le fracas et les grincements qui, depuis plusieurs jours, mettent à rude épreuve les nerfs des habitants du premier périmètre de sécurité : les marteaux-piqueurs et les lourdes machines des troupes du génie creusent un nouveau bunker pour le Führer, avec toujours plus de fortifications. Le Patient A ne peut supporter tout ce bruit qu’avec la solution cocaïnée. L’analeptique lui donne enfin l’impression de ne plus être malade : « J’ai la tête à nouveau totalement libre et je me sens si bien désormais. » Un souci le taraude cependant : « J’espère seulement que vous ne faites pas de moi un cocaïnomane », dit-il à son nouveau médecin qui le rassure tout de suite : « Le véritable cocaïnomane prise de la cocaïne en poudre. »
Apaisé, le Führer se laisse donc badigeonner les narines et se rend pleinement confiant à la réunion d’état-major, persuadé de l’issue favorable de cette guerre contre les Russes. Le 16 septembre, Giesing lui administre une nouvelle dose et il lui vient une fulgurance, l’un de ses coups de génie tant redoutés : il fait savoir à son entourage que, malgré la très large infériorité matérielle et numérique des Allemands, il veut relancer l’offensive sur le front de l’Ouest. Il rédige sur-le-champ un ordre qui exige de tout soldat encore valide une « farouche volonté de vaincre141 ». Bien que tout le monde lui déconseille de se lancer dans une seconde offensive des Ardennes irrémédiablement vouée à l’échec, Hitler garde le cap : on va remporter une grande victoire !
Giesing commence dorénavant à s’inquiéter de ce penchant pour la cocaïne qui empêche toute remise en cause et attise la mégalomanie d’Hitler. Il veut faire cesser ces prises hautement explosives. Mais son patient ne le permet pas : « Non, non, docteur, continuez donc. J’ai ce matin encore la tête sens dessus dessous, le rhume sans aucun doute. Le futur et la survie de l’Allemagne m’inquiètent et me rongent un peu plus tous les jours142. » Pourtant, les scrupules médicaux de Giesing finissent par l’emporter sur son devoir d’obéissance et il refuse de continuer à fournir Hitler en drogue. Têtu, le chef de l’État décide alors de ne pas se rendre au briefing militaire de ce 26 septembre 1944. Il déclare, vexé, que la situation à l’est, où le front menace pourtant de s’écrouler, ne l’intéresse tout simplement pas. Intimidé, Giesing finit par céder et promet de la cocaïne à condition qu’Hitler se soumette à un examen médical complet. Le Patient A, qui s’y était auparavant toujours refusé, y consent cette fois et, le 1er octobre 1944, se montre même nu devant le médecin alors qu’il fait habituellement bien des manières à ce sujet. Tout cela pour obtenir le produit tant désiré : « Pendant que nous discutons, n’oublions pas le traitement ! Regardez encore une fois mon nez et mettez-y votre truc à la cocaïne143. »
Giesing s’exécute et lui administre cette fois une telle dose de drogue qu’Hitler aurait apparemment perdu connaissance. On aurait même craint l’arrêt respiratoire durant un bref instant. Si l’on en croit la description qu’en fait le médecin ORL, le prétendu ascète a bien failli succomber à une overdose.
L’alcool mis à part, Hitler répond très bien et très vite à quasiment toutes les drogues. Il n’est pas dépendant d’une substance en particulier mais simplement des produits qui lui ouvrent les portes des paradis artificiels en général. Celui qui est devenu en un temps record un fervent consommateur de cocaïne durant l’été 1944 réussit à se passer du stupéfiant à la mi-octobre – pour se tourner vers d’autres psychotropes. Comme certains cocaïnomanes aiment à le faire, Hitler réécrit cette période difficile de son existence en affectant une pose héroïque : « Les semaines qui suivirent le 20 juillet furent les pires de ma vie. Ce fut une bataille héroïque comme personne, comme aucun Allemand ne pourrait se l’imaginer. Malgré une grande fatigue, des vertiges qui pouvaient durer des heures et un état de santé calamiteux, je suis resté debout et, à tous ces maux, j’ai opposé une énergie de fer. J’ai souvent couru le risque de m’effondrer mais j’ai toujours conservé la main sur la situation grâce à ma force de volonté144. »
Pour se rapprocher de la vérité, il faudrait plutôt remplacer les termes « énergie de fer » et « force de volonté » par « cocaïne » et « eucodal ». Nicolaus von Below, adjudant dans la Luftwaffe, se trompe également de registre quand il se livre à une description du Führer dans les semaines qui ont suivi l’attentat : « Seuls sa force de volonté et son sens exacerbé du devoir le maintenaient debout145. » La forte cocaïne et les doses exacerbées d’eucodal en réalité. Celle-ci est effectivement administrée en grande quantité. La posologie a été doublée par rapport à l’année dernière : 0,02 gramme, soit jusqu’à quatre fois plus que la dose moyenne utilisée à des fins médicales146.
Cocaïne et eucodal – un mélange de Führer : le cocktail qui coule dans les veines d’Hitler se transforme au fil des semaines en ce qu’on appellerait aujourd’hui un speedball. L’effet sédatif de l’opioïde contrebalance l’excitation provoquée par la cocaïne. C’est une attaque pharmacologique sur deux fronts dont les effets sont souvent décrits comme une énorme euphorie et une volupté parcourant les moindres cellules tandis que les deux molécules chimiquement opposées se livrent bataille pour asseoir leur emprise sur l’organisme. Le combat s’accompagne d’une sollicitation cardiovasculaire excessive et d’insomnies pendant que le foie lutte désespérément contre un tel déferlement de poisons.
Au cours de ce qui est le dernier automne de la guerre et de la vie d’Hitler, le dictateur est largement pourvu en paradis artificiels. Quand, en pleine réunion d’état-major, il arpente son petit Olympe de pharmacie tout en restant assis, les talons bien enfoncés, les genoux pliés, faisant claquer sa langue et laissant pendre ses bras, il croit avoir les idées claires comme de l’eau de roche et, planant dans sa folie des grandeurs, veut plier le monde à sa volonté – tandis que les généraux, bien dégrisés par la situation militaire, n’arrivent déjà plus à percer les brumes chimiques qui enveloppent leur chef. Les médicaments le maintiennent dans un délire permanent, ils érigent un mur imprenable, une défense sans faille que rien ni personne ne peut plus franchir. Toute hésitation est balayée par cette vague de confiance artificielle147. Le monde qui l’entoure peut bien être réduit en cendres, ses actes peuvent bien coûter la vie à des millions de personnes. Hitler se sent plus que conforté dans ses agissements lorsque cette forte came bruisse dans ses veines et instaure une euphorie de synthèse.
Hitler a lu le Faust de Goethe dans sa jeunesse. À l’automne 1944, le Patient A scelle un pacte démoniaque avec le fruit des travaux de Sertürner, le jeune pharmacien qui a découvert la morphine à l’époque du classicisme weimarien, devenant de fait le grand-père de l’eucodal et de tous les opioïdes. Le stupéfiant ne soigne pas seulement les fortes crampes d’estomac d’Hitler, comme on argue officiellement pour lui trouver une justification médicale ; il édulcore aussi le moment présent. On ne peut certes pas cliniquement prouver une dépendance du sujet mais le calendrier presque indéchiffrable de Morell laisse entrevoir à quelle fréquence cette drogue dure a été consommée durant le mois de septembre 1944. Il n’est, en outre, pas du tout exclu que l’eucodal soit noté « x » ou « injection comme d’habitude », voire qu’il ne soit pas du tout consigné. C’est même plutôt probable, au contraire. Celui qui goûte une fois à l’eucodal et peut encore s’en procurer ne s’arrête que rarement de lui-même.
Du 23 au 29 septembre 1944, en moins d’une semaine donc, le Patient A reçoit quatre fois de l’eucodal, avec un jour d’intervalle entre chaque injection. Ce rythme, typique d’un toxicomane, contredit l’hypothèse d’un usage strictement médical du sédatif. L’eucodal est notamment combiné à de l’eupavérine, un spasmolytique qui est le pendant synthétique de la papavérine, un élément végétal actif extrait du pavot. Ce médicament, qui a un effet sédatif sur les muscles, est inoffensif en comparaison car il n’entraîne pas d’addiction. Néanmoins, cette combinaison contribue, délibérément ou non, à leurrer Hitler qui va longtemps confondre les deux produits, réclamant de l’eupavérine alors qu’il voudrait en réalité de l’eucodal. Selon les propres termes de Morell : « Le Führer en était très heureux ; il m’a serré la main avec gratitude en me disant : “Quelle chance que nous ayons de l’eupavérine148.” »
Comment se sent le dictateur après 0,02 gramme de cette puissante substance en intraveineuse ? Quand, quelques instants plus tard, la muqueuse buccale en perçoit les premiers effets – qu’il l’a « en bouche » comme disent les junkies ? On ne peut que se l’imaginer. Peut-être se sent-il comme Siegfried ayant vaincu le dragon, récupéré son trésor et se blottissant dans les bras de Kriemhild ? Tout lui semble se recouvrir d’or et se diluer dans la béatitude. Brusquement, l’énergie l’envahit, en quelques secondes, venue de toutes parts : une force qui l’apaise et le charme. Hitler est rarement plus sincère que lorsqu’il dit à Morell : « Mon cher docteur, je me réjouis tellement de vos visites matinales149. » Car, le matin, il a tout de suite droit à une piqûre lui procurant ce sentiment exacerbé qui correspond si bien à ses propres rêves de grandeur – et que la réalité se refuse désormais à lui fournir.
Ill. 20 Le Patient A à T. Morell : « Mon bon docteur, je me réjouis tellement de vos visites matinales. » Source : Laif.
« Vous vous êtes tous mis d’accord pour faire de moi un homme malade150. »
Adolf HITLER.
À l’automne 1944, le pouvoir du médecin personnel du Führer atteint son apogée. Depuis l’attentat, Hitler a plus que jamais besoin de Morell dont l’influence croît à chaque injection. Personne n’est plus proche du dictateur dans la Wolfsschanze. Il est l’interlocuteur privilégié d’Hitler qui lui fait plus confiance qu’à tout autre. Lors des grandes réunions avec le haut commandement, un SS armé est posté derrière chaque chaise pour empêcher un nouvel attentat. Qui veut parler à Hitler doit d’abord donner sa serviette. Seule la sacoche de Morell échappe à la règle.
Beaucoup jalousent la position privilégiée de celui qui se désigne lui-même comme l’« unique médecin personnel » du Führer. La défiance grandit. L’opiniâtre Morell refuse encore et toujours de révéler à qui que ce soit ses méthodes thérapeutiques. Jusqu’à la fin, il restera fidèle à la discrétion avec laquelle il était entré à ce service. Mais dans l’atmosphère étouffante du camp de bunkers, cet empire des ombres où la paranoïa suinte des murs en béton, un tel silence n’est pas sans danger. Même les autres médecins en charge d’Hitler, Karl Brandt et Hans Karl von Hasselbach, avec lesquels il aurait pu se concerter sur le traitement administré, sont systématiquement laissés dans l’ignorance. L’outsider s’est mué en diva. Il ne transmet aucune information ; il préfère se draper dans l’aura du mystère et de l’exceptionnel. Même Martin Bormann, le secrétaire quasi omnipotent d’Hitler, se heurte au refus obstiné du gros docteur quand il le somme de privilégier un autre traitement, moins chimique, pour le Führer.
Or on cherche déjà des coupables à la défaite qui se profile à l’horizon. Une coalition se forme contre Morell, sous la bannière d’un Himmler qui cherche, depuis quelque temps, des informations de nature à prouver l’addiction à la morphine du docteur, dans l’espoir de le faire ainsi chanter. Des rumeurs courent : ne pourrait-il pas s’agir d’un espion à la solde de l’ennemi, chargé d’empoisonner insidieusement le Führer ? Le ministre des Affaires étrangères von Ribbentrop avait déjà ouvert les hostilités en 1943 en invitant Morell à déjeuner dans son château de Fuschl près de Salzbourg. Après une conversation des plus badines sur des sujets comme le mariage à durée déterminée (proposition : vingt ans), un dédommagement de l’État pour les enfants illégitimes ou pour le temps perdu dans les files d’attente pour acheter de quoi manger, le ministre arrogant, blasé et désagréable comme à son habitude prie le docteur de « monter à l’étage pour discuter de quelque chose ». Prenant alors un visage de marbre, il promène son regard dans la pièce puis tire une bordée de questions contre ce grand guérisseur : est-il vraiment bon de faire toutes ces piqûres au Führer ? Contiennent-elles autre chose que du glucose ? Est-ce que cela ne ferait pas trop dans l’ensemble ? Le médecin rétorque laconiquement qu’il n’injecte que « ce qui est nécessaire », mais son accusateur exige que « s’opère un renversement général de l’état du Führer afin qu’il soit plus résistant ». Morell laisse passer l’orage et repart du château, pas vraiment impressionné : « Comme les profanes sont souvent naïfs et futiles dans leurs jugements médicaux », conclut-il dans ses notes151.
Le médecin ne s’en sort toutefois pas aussi facilement en automne 1944. La première attaque bien organisée vient de Bormann qui tente de mettre le traitement d’Hitler sous coupe réglée – ou du moins contrôlée. Le médecin reçoit d’abord une lettre : « Affaire d’État confidentielle ! » Y sont exposées en huit points les « mesures pour la sécurité du Führer concernant la délivrance de médicaments » : est ordonné un contrôle d’échantillons des produits qui sera mené par la SS en laboratoire mais, surtout, Morell est sommé d’indiquer par avance « de quel médicament il estime avoir besoin tous les mois, en quelles quantités et à quelles fins ».
Cette manœuvre restera toutefois sans véritables effets. Bormann, habituellement tout-puissant, se retrouve cette fois les poings liés. En effet, d’une part, son attaque confère un statut officiel au traitement médical d’Hitler mais, d’autre part, le secrétaire veut restreindre autant que possible toute communication écrite sur le sujet. Il s’agit après tout de préserver l’aura d’un Führer fondamentalement sain, en digne chef de la race des seigneurs. Ainsi, comme stipulé dans le point no 1, les médicaments doivent être payés en liquide afin de dissimuler ces mouvements de fonds à la postérité. Par ailleurs, ajoute Bormann, les « paquets mensuels » doivent être stockés dans un coffre-fort et « être reconnaissables autant que faire se peut par un numéro de série inscrit sur les ampoules (par ex. pour le premier envoi 1/44) pendant que l’emballage extérieur doit comporter un étiquetage qui reste à définir et qui sera signé par le pharmacien général des armées152 ».
Morell réagit de manière aussi simple que bluffante à cette tentative bureaucratique d’y voir plus clair dans ses activités : il ignore les consignes des puissants services de sécurité et continue d’agir comme si de rien n’était. Même au beau milieu de la tempête, il s’imagine être invincible. Il mise sur le fait que le Patient A ne le laissera jamais tomber.
À la fin du mois de septembre 1944, Giesing l’otologiste remarque à la pâle lumière du bunker que le visage du Führer a pris une teinte étrange. Il soupçonne une jaunisse. Le même jour, cependant, il remarque sur la table du dîner, posée à côté de l’assiette d’Hitler avec « la compote de pommes sucrée et le raisin blanc153 », une « boîte de “pilules anti-gaz du Dr Koesters” ». Cela ne manque pas d’intriguer Giesing, d’autant plus quand il découvre que ce médicament alors peu connu se compose entre autres d’alcaloïdes, et notamment d’atropine – issue de la belladone et autres plantes solanacées – mais surtout de strychnine. Utilisée dans la mort-au- rat, cette molécule est extrêmement toxique à partir d’une certaine dose, paralysant les neurones de la moelle épinière. Un doute monstrueux commence à étreindre Giesing. Les effets secondaires provoqués par une surdose de ces pilules semblent correspondre aux symptômes constatés chez Hitler. Effectivement, l’atropine stimule le système nerveux central avant de le paralyser. S’ensuit un état d’excitation où le sujet est soumis à un afflux d’idées, il se montre volubile, a des hallucinations visuelles et sonores ainsi que des épisodes délirants pouvant dégénérer en crises de rage ou de violence. La strychnine, en revanche, peut causer une sensibilité accrue à la lumière, voire une photophobie, ainsi que des somnolences154. Pour Giesing, l’affaire semble claire : « Hitler fait constamment preuve d’une euphorie que rien ne permet d’expliquer. Sa bonne humeur quand il prend d’importantes décisions suite à un revers politique ou militaire pourrait s’expliquer en grande partie par ce médicament155. »
L’ORL croit avoir découvert dans les pilules anti-gaz la cause de la mégalomanie et de la déchéance physique d’Hitler. Il se résout alors à expérimenter lui-même le produit et, durant quelques jours, il avale les petites gélules. Rapidement, les mêmes symptômes semblent se manifester. Il décide donc de passer à l’offensive. Son objectif est de neutraliser Morell en l’accusant d’avoir cherché à empoisonner le Führer, puis de prendre la place du médecin personnel. Alors que, dehors, les troupes alliées enfoncent de toutes parts les frontières du Reich, le délire pharmaceutique qui se joue dans le huis clos de l’étouffante Wolfsschanze va culminer en une guerre des médecins.
Pour mener à bien ses intrigues, Giesing choisit de s’allier avec le chirurgien d’Hitler, depuis longtemps hostile à Morell : Karl Brandt réside à Berlin mais il prend sans hésiter le premier avion en direction de la Prusse-Orientale à l’appel de Giesing. Il convoque immédiatement l’accusé. Le médecin craignait sans doute qu’on lui saute à la gorge à cause de l’eucodal. Il apprend avec soulagement que ses adversaires tentent de le faire trébucher avec des pilules anti-gaz disponibles sans ordonnance. En outre, Morell peut arguer qu’il ne les a jamais prescrites : Hitler se les procure lui-même par l’intermédiaire de son majordome. Mais Brandt, chirurgien peu versé en biochimie, s’entête, argue des effets de la strychnine, refuse de se calmer et menace : « Pensez-vous que quelqu’un va vous croire si vous prétendez n’avoir donné aucune instruction dans ce sens ? Vous vous imaginez peut-être que Himmler va vous faire un traitement de faveur ? Les exécutions sont tellement nombreuses en ce moment que l’affaire sera vite expédiée156. » À peine une semaine plus tard, Brandt réitère : « J’ai désormais en main les preuves qu’il s’agit d’un empoisonnement pur et simple à la strychnine. Je peux maintenant vous le dire en face : je n’ai séjourné ici ces cinq derniers jours qu’à cause de la maladie du Führer157. »
Mais de quelle maladie s’agit-il exactement ? Un ictère – autrement dit une jaunisse ? Ou une hépatite, typique des junkies et qui s’expliquerait par des injections mal stérilisées ? En tout cas, Morell ne désinfecte les seringues qu’avec de l’alcool158 et il est évident qu’Hitler n’a pas bonne mine. Son foie a été mis à rude épreuve par toutes sortes de poisons ces derniers mois. Il secrète désormais un pigment bilieux nommé bilirubine : un signal d’alerte qui donne aux yeux et à la peau cette couleur jaunâtre. L’accusation qui est faite au médecin d’avoir empoisonné son patient prend un tour plus dangereux quand, dans la nuit du 5 octobre, Brandt en fait part à Hitler tandis que Morell, durement éprouvé par le stress, souffre d’une hémorragie cérébrale. Ce réquisitoire inquiète le dictateur au plus haut point : trahison ? poison ? S’est-il donc fourvoyé durant toutes ces années ? Ce fidèle parmi les fidèles, cet ami parmi les amis, ce Morell qu’il avait choisi lui-même aurait-il donc fini par le tromper ? Mais comment laisser tomber son médecin qui l’a encore gratifié, il y a peu, d’une piqûre d’eucodal ? Cela ne reviendrait-il pas à abdiquer ? Cela ne le laisserait-il pas sans défense – c’est-à-dire sans drogue – face à l’appareil du pouvoir nazi ? Le dictateur le pressent : cette affaire touche à sa substance même, dans tous les sens du terme. L’attaque peut se retourner contre lui car tout son pouvoir repose sur sa personnalité charismatique. Or les drogues l’aident à faire jaillir artificiellement ce rayonnement autrefois naturel et dont tant de choses dépendent.
En effet, une guerre de succession s’est déclarée depuis que l’état du Führer se dégrade à vue d’œil. La lutte d’influence entre les médecins s’est muée en combat des adjoints qui veulent conquérir la tête de l’État. La situation s’envenime : Himmler déclare à Brandt qu’il peut tout à fait s’imaginer que Morell ait cherché à tuer Hitler. Le Reichsführer SS convoque le médecin dans son bureau et lui lance froidement qu’il envoie tellement de monde à l’échafaud qu’il n’en est plus à une personne près. Au même moment à Berlin, dans les bureaux de la Sécurité du Reich, Kaltenbrunner, le chef de la Gestapo, interroge le Dr Weber, qui remplace Morell dans son cabinet du Kurfürstendamm. Weber tente de disculper son patron et déclare qu’un complot lui semble absolument impossible : Morell est bien trop peureux pour cela.
Enfin, on procède à des analyses chimiques sur les pilules incriminées. Résultat : leur teneur en atropine et en strychnine est bien trop faible pour causer un empoisonnement, même dans le cas d’une consommation massive comme on le suppose chez Hitler. Pour Morell, c’est une victoire sur toute la ligne. « J’aimerais désormais que cette histoire de pilules anti-gaz tombe enfin dans l’oubli », clôt Hitler. « Vous pouvez dire ce que vous voudrez à propos de Morell. Il est et il reste mon unique médecin personnel. J’ai pleinement confiance en lui159. » Giesing se fait vertement tancer et Hitler le congédie en lui disant que si tous les Allemands ont le droit de choisir librement leur médecin, cela devrait aussi valoir pour le premier d’entre eux. Par ailleurs, ajoute-il, chacun sait que la confiance que le patient place en son thérapeute et son traitement influe sur sa guérison. Qu’on se le dise, il reste fidèle à son médecin attitré. Il balaye toutes les objections quant à l’usage pour le moins leste que Morell fait des seringues : « Je sais que cette méthode d’un nouveau genre n’a pas encore acquis une reconnaissance internationale, je sais aussi que Morell, sur certaines choses, en est toujours au stade de l’expérimentation et qu’il n’est pas encore parvenu à un résultat définitif. Mais il en a été de même pour toutes les découvertes médicales. Je ne doute pas que Morell fasse son chemin et, si nécessaire, je lui fournirai immédiatement l’aide financière dont il a besoin pour travailler160. »
Himmler, véritable girouette dès qu’il s’agit de la volonté du Führer, va tout de suite se placer dans le sens du vent. « Eh oui, Messieurs, dit-il à Hasselbach et Giesing, vous n’êtes pas des diplomates. Vous savez bien que le Führer voue une confiance absolue à Morell et cela non plus, il ne faut pas l’ébranler. » Devant les protestations d’Hasselbach, affirmant que n’importe quel tribunal civil ou médical pourrait inculper Morell pour blessure par négligence si ce n’est plus, Himmler se fait plus cassant : « Professeur, vous oubliez que, en tant que ministre de l’Intérieur, je représente également la plus haute instance de l’administration médicale. Et je ne souhaite pas qu’une procédure soit engagée contre Morell. » De même, lorsque Giesing fait remarquer qu’Hitler est le seul chef d’État au monde à recevoir entre cent vingt et cent cinquante comprimés par semaine ainsi que huit à dix injections médicamenteuses, Himmler balaye ses objections d’un revers de main.
Un chapitre est clos – au détriment de Giesing qui, en dédommagement pour son travail, reçoit un chèque de dix mille Reichsmarks signé par Bormann ; au détriment également d’Hasselbach et de l’influent Karl Brandt mais aussi, avec lui, d’Albert Speer, un de ses proches qui avait pu nourrir quelque espoir concernant la succession d’Hitler. Les trois médecins doivent quitter le quartier général. Morell reste seul à bord. Le 8 octobre 1944, il apprend une agréable nouvelle : « Führer a fait part que Brandt n’assurerait désormais plus que ses obligation à Berlin161. » À l’instar de n’importe quel junkie qui glorifie son dealer, le Patient A soutient contre vents et marées son fournisseur. « Ces imbéciles n’ont pas du tout réfléchi au mal qu’ils m’auraient fait ! Je me serais tout d’un coup retrouvé sans médecin. Ces gens doivent pourtant bien savoir que, depuis huit ans que vous êtes à mon service, vous m’avez sauvé la vie à plusieurs reprises. Et comment j’allais auparavant ! Tous les médecins qu’on faisait venir ont échoué. Je ne suis pas un ingrat, mon cher Docteur. Si nous parvenons à réchapper tous les deux à la guerre, vous verrez comment je vous récompenserai162 ! »
Ce que Morell rétorque alors avec aplomb peut aussi s’entendre comme une tentative de se justifier devant la postérité. En effet, le médecin déclare sans ambages : « Mon Führer, si depuis tout ce temps vous aviez été suivi par un médecin ordinaire, il vous aurait soustrait si longtemps à votre travail que le Reich se serait effondré. » À en croire la description qu’en fait Morell, Hitler lui adresse un long regard reconnaissant et lui serre la main : « Mon cher Docteur, je suis heureux et chanceux de vous avoir. »
La guerre des médecins est désormais une affaire classée. Le Patient A a posé son veto contre une éviction inopportune. Le prix qui lui faudra payer sera encore et toujours la ruine de sa santé. Pour calmer ses nerfs, le chef de l’État reçoit ce jour-là : « eucodal, eupavérine, glucose intrav. et Homoseran intramusc.163. »
« Dans l’ensemble, la vie dans le quartier général est désormais telle qu’on ne peut pas en écrire grand-chose car tout relève plus ou moins des affaires internes. Je suis heureux de pouvoir t’informer que le Führer se porte au mieux. Il ne se soucie jour et nuit que de savoir comment il peut améliorer le sort de l’Allemagne et présider à sa destinée. Je suis toujours à l’est, au plus près du front164. »
De même que les ampoules de la pharmacie Engel mélangent et renferment de puissantes substances qui se répandront finalement dans les veines d’Hitler, de même l’existence du dictateur, qui a si longtemps paru repliée sur elle-même, va progressivement se dissoudre dans le nirvana. Une évolution qu’il s’agit de considérer attentivement si l’on veut comprendre comment le Führer autrefois charismatique est devenu une épave humaine et comment ce double processus trouve une résonance dans les événements historiques.
Les lignes de front qui reculent de tous les côtés, l’étau qui se resserre, les crampes d’estomac qui s’intensifient : si, dans le dernier trimestre de 1944, Hitler réussit encore à tenir le coup, c’est seulement grâce aux puissants stupéfiants qu’il consomme. Il se barricade chimiquement. Après tout, un Führer sobre n’a pas non plus sa place dans le système de folie totalitaire qu’il a lui-même bâti. Il se fait un devoir de réaliser au cours de sa propre vie tous les objectifs, même lointains, du national-socialisme. Hitler ne croit pas que son successeur sera capable d’ériger un empire germanique mondial. Il lui faut donc se dépêcher de tout accomplir. Voilà pourquoi il a besoin du dopage morellien : pour toujours continuer à avancer, la tête dans le guidon, sans jamais prendre de recul ou se remettre en cause. Dans son trip de Führer mégalomane, Hitler ne veut en aucun cas s’autoriser à lever le pied ne serait-ce qu’un instant. Il ne doit pas reprendre ses esprits : sinon il serait immédiatement forcé de reconnaître l’inanité, la folie de toute son entreprise. Il ne peut se permettre de douter de l’issue de son combat contre la terre entière ou même de ne plus avoir envie de cette guerre qu’il a déclenchée et perdue depuis longtemps. L’aiguille s’enfonce inexorablement dans sa peau, une légère pression, un peu de sang, puis elle injecte le produit dans les veines et tout repart à nouveau.
Entre les injections d’hormones et de stéroïdes, puis la cocaïne et surtout l’eucodal dans la seconde moitié de 1944 au plus tard, Hitler n’a quasiment pas connu un seul jour de sobriété depuis l’automne 1941. Les drogues sont comme un carburant et l’ersatz d’un dévouement défaillant : désormais, seuls les stupéfiants confortent encore Hitler dans sa folie. D’un quartier général à l’autre, de bunker en bunker, de plus en plus désinhibé, il agit dans un brouillard permanent – sans limite, sans foyer, toujours tendu vers la prochaine opération militaire désespérée, vers le prochain fix qui, au mépris de tous les effets secondaires, effacera les conséquences qui le talonnent. C’est un athlète dopé qui ne peut plus s’arrêter, qui fonce sans se retourner – jusqu’à l’effondrement inévitable.
« Mon cher vieil ami, si je puis encore vous appeler ainsi maintenant que vous êtes devenu une célébrité mondiale, quoique je connaisse bien votre caractère. Le peuple allemand vous est très reconnaissant de votre action salvatrice. De fait, nous serions perdus si la poigne de fer venait à faiblir. Et que cette poigne soit jusqu’à présent restée de fer est votre mérite impérissable165. »
Afin de toujours mieux se prémunir contre de futurs attentats, contagions et autres attaques de l’extérieur, le Patient A emménage le 8 novembre 1944 dans un nouveau refuge en béton, fraîchement coulé à l’intérieur du périmètre de haute sécurité de la Wolfsschanze. Au lieu de l’habituel revêtement de deux mètres d’épaisseur, le bunker est entouré d’un rempart de sept mètres [!] de graviers et de béton. Ce cloître sans fenêtre ni aération directe évoque un tombeau d’Égypte antique : le contenant mesure plusieurs fois le contenu, le matériau dépasse la surface utilisable qu’il enserre. C’est ici que, dorénavant, Hitler travaille, dort, végète, dans un isolement total, engoncé dans un délire se nourrissant de sa propre substance. Lui-même ne voit que des avantages à cette nouvelle résidence qui, plantée en plein milieu de la forêt, apparaît comme un corps étranger, un monstre tombé du ciel. Il affirme avoir désormais plus de place pour se promener à l’intérieur. Morell fait le calcul : la chambre à coucher et le bureau du Führer font 23 m3 de plus que l’ancien bunker. Bien évidemment, le docteur a toujours accès à ce sarcophage géant qui reste fermé aux autres visiteurs. Quand Hitler emménage, il lui fait une piqûre d’« eucodal par intraveineuse à cause de son énorme fardeau166 ».
Morell a depuis longtemps pris conscience de l’état de son patient. Il sait que la santé d’Hitler connaît des hauts, des bas et surtout des profondeurs. Enfin, il sait que cela commence à se savoir. Dans les lettres que le médecin adresse à sa femme, divers Gauleiter et quelques vieilles connaissances à la fin de l’automne 1944, on sent poindre une tentative désespérée de présenter la réalité sous un jour bien différent. C’est par exemple le cas quand il envoie le menu du repas qui change tous les soirs. Il veut fournir la preuve aux personnes extérieures à la Wolfsschanze de « la vie simple et raisonnable167 » que mène le Führer. Alors qu’il n’avait auparavant jamais parlé à autrui de l’état de santé de son patient, il prodigue ostensiblement les bonnes nouvelles. Qu’on en juge par ces morceaux choisis : « Mon éminent patient se porte vraiment bien. […] Mon plus important patient se porte toujours très bien. […] La guérison est encore une fois complète. […] Je suis ravi que la santé de mon patient soit bonne. […] La santé de mon patient est très bonne et j’espère, pour le peuple allemand, pouvoir lui conserver toute sa fraîcheur encore longtemps. Outre le Duce, j’ai également pu soigner d’autres chefs d’État et, à vrai dire, je peux me targuer de quelques succès médicaux168. »
Ill. 21 Heil ou High ? L’abstinent devenu junkie. Source : Laif.
Or le patient A ne va pas bien du tout. En réalité, Morell ne peut donner le change bien longtemps, il ne peut mettre en scène un Hitler en bonne santé et le redresser à coups de seringues que pour une durée de plus en plus limitée. Bien souvent, c’est un Führer pâle et émacié, vêtu d’une robe de nuit blanche sous une couverture de l’armée, qui reste allongé sur un simple lit de camp dans une pièce aveugle de son nouveau domicile en béton. Au-dessus de sa tête pend une lampe ajustable ; à ses côtés, une table de nuit et une petite étagère sont remplies d’un fatras de papiers, de cartes, de livres ouverts et de dépêches urgentes. Au milieu de ce désordre trône un téléphone qui ne sonne jamais. Les murs gris exhalent encore l’écœurante odeur du béton frais. On trouve partout dans le lit des crayons de bois cassés et, quelque part, ses lunettes rondes dont il a honte et qu’il ne peut désormais plus mettre seul à cause de ses tremblements. Et pourtant Morell continue d’écrire : « Peux dire que le F. est en pleine forme. […] Je tire ma plus grande joie, ma plus grande consolation et ma plus grande satisfaction du fait que mon patient se porte au mieux, qu’il puisse supporter tous les fardeaux avec l’énergie et la fraîcheur d’antan, qu’il puisse venir à bout de toutes les crises. […] Cela vous consolera peut-être si je puis vous assurer que notre Führer est en bonne santé. »
Mais dès que les effets de l’eucodal commencent à se dissiper, les tremblements reviennent. Dans les dernières semaines de l’année 1944, ils gagnent encore en intensité. Bientôt, l’état de santé d’Hitler est au cœur de toutes les discussions. Le Führer au teint grisâtre en a bien conscience et tente de toutes ses forces de réprimer le tremblement – ce qui ne fait qu’aggraver les choses. Son salut, le bras infatigablement tendu vers le ciel, appartient déjà à l’histoire ancienne. De violents tremblements nerveux ont pris le relais à toutes les extrémités. « Main gauche, fort tremblement », écrit d’abord Morell, puis : « Tremblement accru de la main droite » ou encore : « Ce n’est plus la main gauche qui tremble mais la main et le bras droits169. » Hitler cache ses doigts dans les poches de sa veste pour dissimuler son mal. En un spasme, une main saisit parfois l’autre pour la maintenir en place. Passé un certain point, on peut moins parler d’un tremblement que d’un perpétuel mouvement d’épaules. Son entourage s’en alarme. Guderian, le général de l’arme blindée devenu entre-temps le chef d’état-major de l’armée de terre, rapporte ainsi qu’Hitler doit plaquer la main droite sur la gauche, puis passer la jambe droite sur l’autre pour que le tremblement soit moins flagrant quand il s’assied. La main d’Hitler frissonne, sursaute et agit de manière si indépendante que beaucoup croient à un mouvement volontaire. Qu’il croise les bras sur la poitrine et c’est tout le corps qui se met en branle. Morell préconise des bains et du calme. Hitler demande « si on ne peut pas […] faire quelques piqûres contre170 ». Réfléchissant aux causes possibles de ces tremblements et de la posture constamment penchée du dictateur, l’historien de la médecine Hans-Joachim Neumann pronostique une artériosclérose et une maladie de Parkinson : une paralysie agitante provoquée par une réaction immunitaire – quand l’organisme confond ses propres neurones avec des corps étrangers –, possible résultat de la consommation de ces effarantes préparations à base d’hormones animales. Conséquences : dépérissement des cellules nerveuses du mésencéphale qui produisent la dopamine et sous-alimentation des noyaux principaux du cortex cérébral, responsables des processus de commande et d’apprentissage. Dans ses notes, Morell dit également suspecter la maladie de Parkinson mais il ne fait part de ses doutes qu’en avril 1945171. Il n’est aujourd’hui plus possible de savoir si ce pronostic était avéré. Quoi qu’il en soit, il existe peut-être une explication complémentaire aux fameux tremblements d’Hitler : ces soubresauts pourraient bien être une conséquence directe de sa consommation effrénée de drogues.
En tout cas, Morell ne peut plus quitter son patient. Le médecin est certes le maître du Führer mais il est aussi son prisonnier. Personne n’a idée à quel point il souffre de cette situation, se plaint-il. Depuis des années déjà, il ne doit pas s’éloigner, voilà longtemps qu’il ne s’appartient plus et se trouve forcé de négliger tout ce qui fait le reste de son existence : sa femme bien-aimée, son cabinet du Kufürstendamm, ses usines et ses laboratoires à Olomouc et à Hambourg. Même lorsque son frère meurt, le docteur Morell n’est pas autorisé à se rendre aux funérailles tant il est devenu indispensable au Führer. Hitler prétexte toutes sortes de dangers extérieurs pour l’empêcher de partir : « Après l’annonce du décès de mon frère, le Führer s’est beaucoup inquiété de mon voyage, l’Ouest étant d’après lui particulièrement menacé. J’ai proposé de prendre l’avion (cela n’irait pas car une foule de chasseurs ennemis patrouillent dans les airs), la voiture (je ne pourrais soi-disant pas supporter un si long trajet, même si je l’assure du contraire), le train (on ne peut pas s’y fier du fait des horaires aléatoires à cause des attaques)172. »
Morell propose que le Dr Stumpfegger, médecin de la SS, le remplace durant sa brève absence. Hitler refuse, arguant qu’« il ne fait peut-être pas aussi bien les piqûres ». Ou n’est-ce pas plutôt parce que Stumpfegger n’a pas été mis dans le secret de la composition du « x » ? Quoi qu’il en soit, le médecin s’accroche à ce qui lui reste de vie privée et familiale. Il part aux obsèques de son frère et, sur le chemin du retour, passe rapidement à Berlin pour voir sa femme. Hitler le fait constamment escorter d’un garde du corps du service de sécurité du Reich (Reichssicherheitsdienst) et se montre particulièrement maussade à son retour : « 15 h 30 chez le Führer : patient désagréable, aucune question. […] Grosse rebuffade173. » Morell sort vite les outils, respire bien profondément, essuie avec un mouchoir la sueur qui perle sur son front et plante l’aiguille en platine dans l’avant-bras de son patient : « Glucose intrav. plus Vitamultin-forte, Glyconorm et Tonophosphan. » Hitler laisse reposer sa main droite sur son ceinturon, expire bruyamment, roule des épaules vers l’avant et sa bouche devient encore plus petite quand il se pince les lèvres qu’il a déjà bien fines. Son visage se détend alors et Morell, d’un geste expert, lui masse le ventre de haut en bas pour évacuer l’air. Les deux hommes sont déjà réconciliés.
Alors que l’Armée rouge conquiert sans cesse de nouveaux territoires en Prusse-Orientale, les veines du dictateur sont désormais tellement ravagées que même Morell parvient à peine à les piquer. L’épiderme a été trop souvent perforé, il souffre d’inflammations, est couvert de croûtes, prend une teinte brune. Morell est forcé d’interrompre le traitement : « Je renonce aux injections aujourd’hui afin que les endroits que j’ai piqués jusqu’à présent puissent guérir. Ceux du bras gauche : bien ; le droit présente encore de petits points rouges (mais sans abcès) là où il a été piqué. Le F. dit que ce n’était pas le cas auparavant174. »
Au cours de ces semaines, de véritables disputes éclatent à plusieurs reprises. Chaque nouvelle piqûre provoque une nouvelle blessure qui s’ajoute à la précédente et forme bientôt une ribambelle de croûtes toujours plus longue – la « fermeture éclair » des junkies, cette vilaine ligne qui apparaît quand une injection suit l’autre. Hitler lui-même commence à devenir nerveux. Il s’inquiète de ce que cette inflation de piqûres est en train de faire de lui : « Pour les intraveineuses, le Führer croit que je ne frotte pas assez longtemps avec de l’alcool l’endroit où je fais la piqûre (je le ferais toujours trop rapidement selon lui) et cela expliquerait pourquoi une petite pustule y apparaît ces derniers temps. » Toutefois, Morell a déjà une autre explication : « À rester assis pendant des mois dans un bunker sans lumière ni aération naturelles, sang est devenu veineux, appauvri en oxygène, comme on le voit quand on compresse le bras ; explique coagulation insuffisante et points de piqûre restent rouges. » Mais Hitler reste méfiant : « Führer l’impute malgré tout aux bactéries ; pense que les injections lui inoculeraient peut-être des bactéries dans le corps175. »
Morell se voit contraint d’interrompre la débauche de piqûres pour un moment, du moins il essaye. Car, en fin de compte, Hitler balaye tous ses états d’âme, révélant ainsi son caractère autodestructeur. Malgré les désagréments que lui cause cette pléthore d’injections, il ne cesse d’en réclamer. Le patient accueille son médecin en lui disant qu’il n’a pas besoin d’un traitement mais d’une piqûre, et tout de suite : « Ce matin 6 h 00 : je dois immédiatement me rendre auprès du patient. […] Là-bas en 20 minutes. Führer a beaucoup travaillé, avait à prendre une décision cruciale, ce qui l’a beaucoup agité. Agitation a augmenté de plus en plus jusqu’à ce que, comme toujours dans ce cas, une crampe se déclare soudainement. Ne veut pas être ausculté, ne ferait qu’empirer la douleur. Je prépare vite une inj. combinée eucodal-eupavérine, et injecte en intraveineuse, rendue très difficile par les récentes traces de piqûres, fais à nouveau remarquer que nous devrions ménager les veines pendant quelque temps. Comme j’ai dû m’interrompre une fois pendant l’injection, la décontraction advient alors que je suis encore en train d’inoculer. La douleur disparaît. Le F. est très heureux et me serre la main avec gratitude176. »
Vingt minutes entre la commande et l’injection du produit : n’importe quel junkie rêverait d’un dealer aussi efficace. De fait, Hitler sait apprécier la disponibilité de son médecin. Il se fait ainsi louangeur quand il reconnaît avoir bénéficié d’un « illico-rétablissement grâce à la rapide intervention d’hier matin ». Morell le rassure immédiatement : « Si une telle crise advient à nouveau, il peut m’appeler immédiatement, même en pleine nuit. […] C’est à moi qu’il fera plaisir si je peux l’aider177. »
Lors des dernières semaines passées dans la Wolfsschanze, le Patient A aura fréquemment recours à ce service de chambre qui livre vingt-quatre heures sur vingt-quatre, y compris les plus fortes substances. Prétextant sans vergogne n’importe quel bobo ou trouble nerveux, il sonne Morell en plein milieu de la nuit. Une fois l’injection faite, l’ordonnance d’Hitler rapporte la sacoche de Morell dans la Drohnenbaracke tandis que le médecin reste avec son patient le temps que le produit commence à agir. Et si, comme le 8 novembre 1944, Hitler ne plane pas assez haut, Morell revient à la charge : « Mercredi 0 h 30 : appelé brusquement. Le Führer est pris tout d’un coup de forts ballonnements. Il est en train de prendre, me dit-il, les plus grandes décisions de toute sa vie, ce qui occasionne des tensions nerveuses toujours plus vives. L’eucodal-eupavérine en intraveineuse ne fait d’abord disparaître que partiellement les douleurs et les spasmes. À sa demande de recevoir encore une demi-seringue, je fais rapporter mon sac et me rends compte que je ne lui avais injecté que 0,01 g et non pas 0,02. Après une nouvelle injection de 0,01 d’eucodal par intraveineuse, la douleur et les crampes cessent immédiatement. Le Führer me remercie plusieurs fois de l’avoir secouru si vite et est désormais parfaitement heureux178. »
Un junkie remarque immédiatement quand il n’a pas eu sa dose en entier ; un junkie ne pense plus qu’au prochain shoot qui pourra le rassasier. Tous les autres aspects de son existence passent à l’arrière-plan, de jour comme de nuit. Dans les mois qui suivent l’attentat, Hitler bat des records de consommation de drogues, le dictateur perd complètement les pédales – et la santé. Stauffenberg n’a certes pas réussi à le tuer mais il l’a indirectement transformé en toxicomane. Le visage du dictateur prend des tons ocre, les cernes se creusent, les tremblements s’accentuent encore, sa capacité de concentration diminue fortement. Quand les Alliés interrogeront Hans Karl von Hasselbach, qui avait peu de considération pour cette « magie179 » – ainsi qu’il nommait les traitements de Morell –, le second chirurgien personnel du Führer décrira ainsi l’évolution de son état de santé : si Hitler faisait beaucoup plus jeune qu’il ne l’était en réalité jusqu’en 1940, il a ensuite pris un rapide coup de vieux. Il fait encore son âge jusqu’en 1943, puis sa déchéance physique est devenue flagrante.
Le fait est que si l’eucodal est utilisé à partir de 1943, les injections deviennent si fréquentes entre septembre et décembre 1944 qu’elles entraînent forcément un risque de dépendance. Le plaisir injecté se paye par de très désagréables effets secondaires : troubles du sommeil, constipations, tremblements. Hitler souffre de tous ces symptômes. Dès qu’il commence à redescendre, son système digestif réagit par des « obstructions spasmodiques », il « n’évacue pas, a des vents douloureux »180. La nuit, il reste les yeux ouverts dans son lit : « Je n’arrive pas à m’endormir, […] je revois en esprit des cartes de l’état-major général et mon cerveau travaille sans arrêt. Il me faut des heures pour me débarrasser de ces images181. » Il a beau prétendre ne pas pouvoir trouver le repos à cause des bombardiers anglais qui survolent le pays. Ce sont plutôt les drogues qui le tiennent éveillé. Pour lui arracher le sommeil dont il a besoin, Morell doit lui administrer des barbituriques tels que le Luminal ou le Quadro-Nox. La spirale infernale se prolonge encore et encore.
Conséquence des fréquentes prises d’eucodal : le système digestif d’Hitler ne fonctionne quasiment plus. Le dictateur en est revenu au même point qu’en 1936 lorsque Morell avait commencé à le traiter au Mutaflor. Le Patient A est continuellement constipé. Pour faire les lavements à la camomille qu’on lui a prescrits, il « s’assied sur les toilettes. Je [Morell] dois rester à l’extérieur (il ferme même le verrou) ». Peine perdue : « Il me dit que le liquide n’est pas resté à l’intérieur, qu’il a été obligé de l’évacuer de suite (malheureusement !)… Führer doit essayer de dormir (sans médicaments !)182. » Les fonctions corporelles de base se muent en de pénibles opérations physiologiques. Morell les consigne dans son carnet aussi scrupuleusement que pourraient l’être des manœuvres sur le front dans le journal de guerre de l’état-major : « De 16 h 00 à 18 h 00, vidanges, deux petites et deux grosses. Au cours de la deuxième, après que le bouchon a sauté, évacuation liquide avec déflagrations. La troisième et la quatrième empestaient fortement, surtout la quatrième (auparavant résidu de boules corrosives, causant les gaz et formation des matières toxiques). Par la suite, très fort sentiment de bien-être et traits du visage changés. Il me fait appeler tout de suite pour me communiquer joyeusement le résultat. »
Le 21 septembre 1944, le menu du déjeuner se compose d’un velouté de riz, de tranches de céleri grillés avec de la purée de pommes de terre. Après manger, on ferme la Tanière du loup. Hitler n’aura habité que treize jours dans son superbunker flambant neuf. Les Russes sont désormais trop près, il faut évacuer. Une cage en fer, dont on oblitère les fenêtres dès qu’elle passe trop près des bombardements et de la réalité, se met alors en branle, direction la capitale du Reich. C’est le Brandenburg, le train privé du Führer, qui traverse des gares préalablement vidées de toute personne. Hitler considère désormais qu’il n’a plus aucune chance de vaincre l’Armée rouge de Staline. Il abandonne donc le front de l’Est et prépare maintenant la seconde offensive des Ardennes qu’il a mûrie en septembre sous l’emprise de la cocaïne. Peut-être parviendra-t-il à réitérer le miracle du Blitzkrieg de 1940, et à redresser la barre pour conclure en dernière instance une paix séparée ?
L’arrivée à Berlin-Grunewald se fait le lendemain à 5 h 20 du matin. Tout se déroule dans la plus grande discrétion. Le sténographe note : « Silence obligatoire ! » Pour ne rien arranger, Hitler craint de perdre sa voix à cause d’un nodule aux cordes vocales et ne parle plus qu’en chuchotant. Ses yeux ne se posent plus sur ce qui l’entoure, ils fixent un point imaginaire. Sans cesse il aspire goulûment de grandes bouffées d’oxygène grâce à un appareil portatif de l’armée que Morell lui a procuré pour le voyage. On a rarement vu Hitler d’une humeur plus lugubre et massacrante. Tout le monde en a conscience : le plan censé repousser les immenses forces britanniques et américaines est illusoire. Pourtant, le commandant suprême agit encore comme si la victoire ne faisait aucun doute. En réalité, il est tellement sujet à « des fortes agitations […] provoquant des gaz et des convulsions » que seule l’eucodal parvient encore à le soulager183. Le lendemain, il reçoit en plus 0,01 g de morphine. Deux jours après, le 24 novembre 1944, Morell note : « Je ne considère pas l’injection comme nécessaire. Mais Führer en veut une pour se fortifier plus rapidement184. » De même, trois jours plus tard, « le Führer veut des injections à cause d’un travail difficile qui l’attend185 ».
Quels sont toutefois les effets de cette consommation prolongée de cocktails stupéfiants sur l’intellect d’Hitler, sur son esprit ? Le dictateur est-il encore bien responsable de ses actes ? Le philosophe Walter Benjamin qui, dix ans plus tôt, avait surtout expérimenté le haschich décrivait ainsi les effets psychologiques de la drogue : « Peut-être ne s’illusionne-t-on pas soi-même en disant que, dans cet état, on est pris d’une antipathie pour l’atmosphère dégagée, uranienne pour ainsi dire, qui fait que la pensée du “dehors” devient presque une torture. C’est […] comme un repliement dans une trame, dans un cocon plus serrés, une toile d’araignée dans laquelle le cours du monde est accroché, éparpillé à la ronde comme des corps d’insectes vidés. On ne veut pas se séparer de cette caverne. Ici se développent aussi les rudiments d’un comportement désagréable envers les personnes présentes, l’angoisse qu’elles puissent vous déranger, vous expulser186. »
Le chimiste Hermann Römpp, auteur de plusieurs ouvrages scientifiques à succès, écrit ainsi que l’abus prolongé d’opiacés a pour effet « un délitement du caractère et de la force de volonté. […] La créativité est mise à mal sans que les acquis intellectuels antérieurs soient perdus. Même les personnes de grande valeur ne reculent pas devant la tromperie et les manigances ». En parallèle apparaissent également chez le consommateur un délire de persécution et une défiance maladive envers son entourage187.
De fait, Hitler engoncé dans son mental de bunker a trouvé dans l’eucodal la drogue apocalyptique idéale pour mener un ultime combat désespéré. Une insensibilité, au demeurant déjà présente chez lui, sa vision du monde inflexible, son penchant pour le fantastique, la transgression éhontée de toutes les règles : tout ceci fut alimenté de manière absolument calamiteuse par l’opioïde dont il use si fréquemment durant le dernier trimestre 1944. Alors qu’à l’est comme à l’ouest les Alliés pénètrent dans le Reich, le puissant sédatif balaye le moindre doute quant à la victoire finale, empêche toute compassion pour les victimes civiles et rend Hitler toujours plus insensible à lui-même tout comme au monde extérieur.
Grisé par les drogues, le Führer semble être parfaitement lui-même : voici le véritable Hitler tel qu’il était déjà auparavant. Ses idées, ses plans, l’extrême importance qu’il accorde à sa personne ainsi que le mépris de ses adversaires : tout ceci était déjà contenu dans le programmatique Mein Kampf de 1925. Son addiction aux opioïdes n’a fait que cimenter une rigidité préexistante, renforcer sa tendance à déléguer la violence plutôt qu’à l’exercer soi-même et a contribué à ce qu’il n’ait même jamais pensé à infléchir sa conduite durant la phase finale de la guerre et du génocide juif.
Les objectifs et les mobiles de ce délire idéologique n’ont pas été engendrés par les drogues ; ils avaient été déterminés bien auparavant. Hitler ne tue pas non plus dans un aveuglement toxicomaniaque ; jusqu’à la fin, il demeure responsable de ses actes. Sa consommation ne diminue en rien son libre-arbitre. Hitler a tous ses esprits, il sait exactement ce qu’il fait, il agit froidement et en toute conscience. Jusqu’à la fin, il va suivre la logique d’un système qui s’est toujours fondé sur l’ivresse et le déni de la réalité ; il agit en son sein de manière terriblement cohérente et nullement insensée. Un cas classique d’actio libera in causa diraient les juristes : quelle que soit la quantité de drogue prise pour être encore en mesure de perpétrer ses crimes, cela n’atténue en rien sa monstrueuse culpabilité.
Notes
1. Joachim FEST, Hitler, 2. vol., trad. de l’allemand par Guy Fritsch-Estrangin, Paris, Gallimard, 1973, vol. 2, p. 1939.
2. Ibid., p. 194.
3. Ibid., p. 246.
4. Cité in Der Spiegel, no 42, 15 octobre 1973.
5. Hans Bernd GISEVIUS, Adolf Hitler. Versuch einer Deutung, Munich, Rütten & Löenig, 1963, p. 523.
6. Ian KERSHAW, Hitler : 1936-1945 : Nemesis, trad. de l’anglais par Pierre-Emmanuel Dauzat, Paris, Flammarion, 2010, p. 880. Par ailleurs, Kershaw reste étonnamment indécis à un autre endroit (p. 1041) : « En tout état de cause, Morell et ses médicaments n’occupent ni une grande place ni même une petite dans le triste sort de l’Allemagne à l’automne 1944. »
7. Voir Hans-Joachim NEUMANN et Henrik EBERLE, War Hitler krank ? – Ein abschließender Befund, Bergisch Gladbach, G. Lübbe, 2009, p. 97 et 100.
8. T. MORELL, entrée du 8 novembre 1944, BArch-Koblenz N1348.
9. . « Gutachten über Professor Morell », Camp Sibert, 15 janvier 1946, Entry ZZ-5, in IRR-Personal Name Files, RG NO. 319, Stack Area 230, Row 86, Box 11, Archives nationales de College Park, Maryland.
10. Id.
11. Le rapport spécial no 53 s’est appuyé sur l’expertise du professeur Felix Haffner, directeur de l’Institut pharmacologique de l’université de Tübingen, le professeur Konrad Ernst, également de l’université de Tübingen ainsi que d’un certain Dr Theodor Benzinger : « On 23 April 1947, these three scientists signed a written statement to the effect that from the existing files of information nothing could be found to point to the possibility that Hitler had often received narcotics. » Par ailleurs, ont été consultés le professeur Heubner de l’Institut pharmacologique de l’université de Berlin ainsi que le professeur Linz, directeur du bureau des opiacés à l’office de la Santé du Reich. Tous deux récusent la thèse selon laquelle Hitler aurait pu se procurer des stupéfiants en grande quantité. Néanmoins, les avis divergent. Un membre du bureau des stupéfiants de la police criminelle de Berlin, dénommé Jungnickel, ainsi qu’Ernst Jost le propriétaire de la pharmacie Engel dans le quartier de Mitte et le professeur Müller-Hess, directeur de l’Institut de médecine légale et de criminalistique à l’université de Berlin, également interrogés, ont indiqué qu’il était fort possible qu’Hitler ait été pourvu en opium par son médecin personnel – sans toutefois vouloir ou pouvoir donner d’informations sur la quantité et les possibles effets que la drogue aurait eus sur le dictateur. IRR impersonal Files, RG NO. 319, Stack Area 770, Entry 134A, Box 7 : « Hitler, Poisoning Rumors », XE 198119, Archives nationales de College Park, Maryland.
12. Id. : « … in order to provide further material for the debunking of numerous Hitler myths. »
13. J. GOEBBELS, lettre à Hitler, Noël 1943, BArch-Koblenz N1118, archives Goebbels.
14. Percy Ernst SCHRAMM, « Adolf Hitler – Anatomie eines Diktators », Der Spiegel no 10, 4 mars 1964, p. 48-51, ici p. 51.
15. Cité in Ernst Günther ScHENCK, Dr. Morell. Hitlers Leibarzt und seine Medikamente, Schnellbach, Bublies, 1998, p. 110.
16. Page du calendrier médical de Morell du 18 août 1941, BArch-Koblenz N1348.
17. BArch-Koblenz N1348, Entrée du 9 août 1943 par Morell.
18. Ce sont du moins les chiffres officiels. Toutefois, il faut encore préciser que les usines Temmler livraient directement de la pervitine à la Wehrmacht sans que l’office de la Santé du Reich – à l’origine de ces statistiques – n’en eût connaissance. Ainsi pourrait s’expliquer la différence de 22,6 kilos entre les données du bureau de l’opium de l’office de Santé et les chiffres de vente des usines Temmler.
19. BArch-Freiburg RH 12–23/1884. Voir également T. HOLZER, Die Geburt der Drogenpolitik, op. cit., p. 247.
20. T. MORELL, entrée du 8 août 1941, BArch-Koblenz N1348.
21. Id. À propos de la composition du Glyconorm, voir dans les archives de Morell sa lettre du 2 décembre 1944.
22. On désigne par opiacés les alcaloïdes naturels, issus du pavot. Les opioïdes en sont les dérivés synthétiques.
23. Id.
24. Morell a même eu recours aux sangsues, remède de grand-mère qui doit agir comme un anticoagulant et une petite saignée. Hitler les sortit lui-même d’un verre et Morell lui posa derrière l’oreille, à la main car elles ne finissaient pas de glisser de ses pincettes. « Celle de devant aspirait rapidement le sang, celle de derrière très lentement », note-t-il consciencieusement. « Celle de devant a été la première à tomber, se décollant par le bas avant de pendiller. L’autre a tenu une demi-heure de plus, avant de se décoller elle aussi par en bas. J’ai dû l’arracher en haut. Saignement pendant encore deux heures. Führer ne va pas dîner à cause des deux tricostérils. » T. MORELL, entrée du 11 août 1941, BArch-Koblenz N1348.
25. Il en va tout autrement à Moscou par exemple où Staline a à sa disposition toute une clinique composée des meilleurs médecins – qui n’ont pas droit à l’erreur.
26. Philipp KELLER, Die Behandlung der Haut- und Geschlechtskrankheiten in der Sprechstunde, Heidelberg, Springer, 1952.
27. T. MORELL, entrée du 27 août 1941, BArch-Koblenz N1348.
28. Ottmar KATZ, Théo Morell : médecin de Hitler, trad. de l’allemand par Wanda Vulliez, Éditions France-Empire, Paris, 1983.
29. Percy E. SCHRAMM (dir.), Kriegstagebuch des Oberkommandos der Wehrmacht 1940-1941, vol. 2., t. 2, Arbeitskreis für Wehrforschung, Stuttgart, 1982, p. 673.
30. Ibid., entrée du 21 octobre 1941, p. 716.
31. Dr. Otto GUTHER, « Erfahrungen mit Pervitin », 27 janvier 1942, BArch-Freiburg RH 12–23/1882.
32. Cela vaut également pour la marine comme le montre l’histoire de la fuite du croiseur lourd Prinz Eugen hors du port de Brest où il était exposé aux attaques répétées de l’aviation britannique. Afin d’éviter qu’il ne soit coulé – avec toute la perte de prestige que cela impliquerait –, Hitler ordonne qu’il batte en retraite avec deux autres cuirassés, le Gneisenau et le Scharnhorst. Cependant, les bateaux doivent traverser la Manche pendant deux jours avant d’atteindre le sol allemand. Or, depuis des siècles, aucune flotte ennemie n’a jamais réussi à longer, du moins sans subir de lourdes pertes, les côtes anglaises qui s’étendent sur plus de trois cents milles. À plusieurs reprises, le commandant en chef de la marine conteste même l’opération à cause de l’« impossibilité de la mener à bien ». Et pourtant : la nuit du 11 février 1942, le port de Brest est plongé dans le brouillard ; l’équipage du sous-marin britannique chargé de surveiller les troupes allemandes est parti se coucher. Plus personne ne s’attend à une tentative de fuite en cette heure tardive. Et les bateaux larguent les amarres. S’ensuit alors une traversée de quarante-huit heures en état d’alerte permanent, durant lequel personne n’a le droit de dormir. Chaque homme est à son poste sans interruption, que ce soit dans les tourelles, aux machines, aux postes de commandement ou à la manœuvre. « Considérant que […] toute baisse de concentration ou d’efficacité aurait pu porter préjudice à la réussite de l’opération, on décida de distribuer au préalable du Schokakola (une boîte par personne) et de la pervitine en comprimés », peut-on lire dans le journal de bord du médecin du Prinz Eugen à la date du 12 février : « On a distribué trois comprimés par membre d’équipage pour chaque unité de combat. » Vers midi, le convoi passe au large de Douvres. Les Anglais ont entre-temps remarqué ce qui était en train de se passer sous leurs yeux. Sur la côte, l’artillerie fait feu de tous ses canons tandis que décollent plus de deux cent quarante bombardiers qui toutefois seront tenus en échec par 280 avions de chasse allemands. À bord, c’est le branle-bas de combat. Tous les hommes sont sur le pied de guerre, aux pièces d’artillerie et aux canons antiaériens. C’est une bataille navale sous amphétamines : « Le puissant effet stimulant de la pervitine a chassé le sommeil et la fatigue qui commençaient à poindre », rapporte le médecin principal Witte. Le soir du 13 février, les navires atteignent Wilhelmshaven. En Angleterre, cette traversée de la Manche est vécue comme l’une des plus grandes humiliations de l’histoire maritime de Grande-Bretagne. Cette opération est victorieuse mais aussi instructive pour les Allemands. La conclusion du rapport sanitaire tient « pour nécessaire de pourvoir en pervitine les bateaux déployés. Pour un équipage de 1 500 hommes, il faut embarquer environ 10 000 comprimés » BArch-Freiburg RM 92–5221/Bl. 58-60, journal de guerre du cuirassé Prinz Eugen 1er janvier 1942-31 janvier 1943, vol. 2, « Geheime Kommandosache – Ärztlicher Erfahrungsbericht über den Durchbruch des Kreuzers Prinz Eugen durch den Kanal in die Deutsche Bucht am 11.2.1942 bis 13.2.1942 ».
33. En règle générale, on considère que l’accoutumance à la méthamphétamine survient à partir de trois doses de dix milligrammes (soit trois à quatre comprimés de pervitine à chaque fois) tous les deux à trois jours d’affilée. Bien entendu, chaque individu a son propre seuil d’accoutumance. Certains ont besoin d’augmenter les doses à partir de deux prises afin de commencer à ressentir des effets, d’autres peuvent se tenir à une dose fixe pendant plusieurs jours sans que ne soit observée une baisse notable des effets. Quoi qu’il en soit, la méthamphétamine efface les limites naturelles des capacités physiques (les signaux d’avertissement qu’envoie le corps) par la stimulation artificielle produite dans les cellules nerveuses du cerveau. Les barrières de la fatigue physique comme psychique ne sont plus perçues mais toujours repoussées alors qu’un repos est depuis longtemps nécessaire. Cet effet typique de la drogue pourrait ainsi, dans l’ensemble, se refléter dans le déroulé des événements en Russie.
34. . « Bekämpfung des Missbrauchs von Betäubungs mitteln », Heeresverordnungsblatt 1942, vol. B, no 424, p. 276. BArch-Freiburg Rh 12–23/1384. Voir également T. HOLZER, Die Geburt der Drogenpolitik, op. cit., p. 289 sqq.
35. Franz HALDER, Kriegstagebuch. Tägliche Aufzeichnungen des Chefs des Generalstabes des Heeres 1939-1942, vol. 3, Stuttgart, W. Kohlhammer, 1964, p. 311.
36. Hans Bernd GISEVIUS, Adolf Hitler. Versuch einer Deutung, Munich, Rütten & Loening, 1963, p. 471, cité in J. FEST, Hitler, op. cit., vol. 2, p. 327.
37. Ernst Günther SCHENCK, Patient Hitler : eine medizinische Biographie, Bechtermüntz Verlag, Augsbourg, 2000, p. 389.
38. Lettre du 1er mars 1943 d’Alfred Nissle, l’inventeur du Mutaflor, à Theo Morell, IfZArch, MA 617, rouleau 3.
39. A. SPEER, Au cœur du Troisième Reich, op. cit.
40. . « Il est interdit d’avoir un quelconque contact avec la population civile ainsi que de séjourner dans les maisons de la population locale. » Partout, on craint la vermine qui pourrait transmettre des maladies. On met en garde contre les mouches (Dysenterie !), contre les punaises, les puces (Typhus !) et contre les rats ukrainiens qui pourraient être porteurs de la peste. IfZArch, MA 617, rouleau 1, mesures de sécurité du 20 février 1943 pour le Werwolf, quartier général du Führer.
41. A. SPEER, Au cœur du Troisième Reich, op. cit., p. 345 sq.
42. Cité in J. FEST, Hitler, vol. 2., op. cit., p. 343.
43. 3. A. SPEER, Au cœur du Troisième Reich, op. cit., p. 494 et 505.
44. P. E. SCHRAMM (dir.), Kriegstagebuch des Oberkommandos der Wehrmacht, op. cit., entrée du 21 décembre 1942.
45. T. MORELL, entrée du 18 août 1942, BArch-Koblenz N1348.
46. S. HAFFNER, Considérations sur Hitler, op. cit., p. 216.
47. J. FEST, Hitler, vol. 2, op. cit., p. 360.
48. A. SPEER, Au cœur du Troisième Reich, op. cit., p. 472, 484 et 652.
49. Staline se comporte, quant à lui, de manière bien différente. Après la défaite de Kharkov en mai 1941 dont il porte la responsabilité, il se tient plus ou moins à l’écart des questions militaires et laisse carte blanche ou presque à son haut commandement, la Stavka.
50. Lettre du 29 août 1942 de la pharmacie Engel à Theo Morell, National Archives Microfilm Publication T253/45.
51. T. MORELL, entrée du 9 décembre 1942, BArch-Koblenz N1348.
52. Ibid., entrée du 17 décembre 1942.
53. Cité in W. PIEPER, Nazis on Speed, op. cit., p. 174.
54. On peut lire dans le contrat de vente du 29 novembre 1943 : « Les biens du Juif Adolf Heikorn et de sa femme Wilma Heikorn née Goldschmied ainsi que de leurs enfants Friedrich et Hedwig Heikorn sont mis à la disposition de la Geheime Staatspolizei [Gestapo]. L’acheteur déclare formellement qu’il n’est pas juif et que, de sa partie, aucun Juif, aucune entreprise juive ou aucune compagnie juive n’a pris part à cette opération juridique de quelque manière que ce soit. » IfZArch, MA 617, rouleau 1.
55. Compte rendu d’entretien avec T. Morell, National Archives Microfilm Publication T253/45. Id. pour les deux citations suivantes.
56. T. MORELL, lettre du 20 août 1942 BArch R42/5281–5182, et lettre du 25 janvier 1943, BA R38/0156– 0157.
57. IfZArch, MA 617, Rolle 1, bordereau du 14 février 1943. Il a également l’intention de « fabriquer une préparation à base d’eau et de moelle épinière (concentré de substance nerveuse) », voir ibid., entretien du 22 septembre 1943 avec le Dr Mulli.
58. Lettre du 22 octobre 1942 de T. Morell à sa femme, National Archives Microfilm Publication T253/45.
59. Avis du 29 août 1942 du commissaire du Reich Koch, National Archives Microfilm Publication T253/35.
60. Lettre du 22 septembre 1942 de T. Morell à E. Koch, IfZArch, MA 617, rouleau 2.
61. Voir aussi sa lettre du 1er avril 1944 au Dr Möckel : « Tes fructueux travaux de recherche ainsi que ta prédilection pour les drogues m’intéressent. » À cet égard, voir également les lettres des 14 et 17 décembre 1943 de Morell à Koch, National Archives Microfilm Publication T253/35.
62. Voir Karl SCHLÖGEL, « Schaut auf diese Stadt ! », Die Zeit, no 45, 30 octobre 2014, p. 19.
63. Cité in E. SCHENCK, Dr. Morell, op. cit., p. 267.
64. Lettre du 16 octobre 1942 de T. Morell à E. Koch, National Archives Microfilm Publication T253/35.
65. Lettre d’Erich Koch du 31 octobre 1943. L’ordre concerne les abattoirs de Vinnytsia, Kiev, Proskurov, Berdytchiv, Jytomyr, Doubno, Darnitsa, Koziatyn, Kirovohrad, Bila Tserkva, Mykolaïv, Melitopol, Zaporijia, Dnipropetrovsk, Poltava, Krementchouk, Ouman et Korosten (National Archives Microfilm Publication T253/42).
66. Cité in E. SCHENCK, Dr. Morell, op. cit., p. 253.
67. Philipp VANDENBERG, Die heimlichen Herrscher : Die Mächtigen und ihre Ärzte, Bastei-Verlag Lübe, Bergisch-Gladbach, 2000, p. 256.
68. Lettre du 12 décembre 1943 de T. Morell au haut fonctionnaire Schuhmacher à Lemberg, National Archives Microfilm Publication T253/35.
69. On peut ainsi lire dans un arrêt de l’Adjudantur du Führer : « Celui qui, délibérément ou par négligence, utilise du carburant à des fins qui ne servent pas la guerre sera traité comme saboteur par le conseil de guerre », National Archives Microfilm Publication T253/36.
70. Notes à propos d’un entretien avec le Dr Mulli, le 9 octobre 1943 à 22 heures 35, IfZArch, MA 617, rouleau 3.
71. Lettre du 5 février 1945 des Ets Hamma à T. Morell, ibid. De même pour la citation suivante.
72. Voir par exemple la lettre du 11 février 1944 de Morell à Wilhelm Ohnesorge, ministre des Postes : « […] je me suis permis de faire la proposition que le Führer vous invite à faire un exposé », National Archives Microfilm Publication T253/41.
73. Lettre du 10 août 1943 de K. Mulli à T. Morell, IfZArch, MA 617, rouleau 3.
74. Lettre du 28 octobre 1942 de T. Morell à E. Koch, National Archives Microfilm Publication T253/35.
75. Brouillon d’une lettre de Morell, « Obj. : fabrication de nouveaux produits sanitaires, 30 mars 1944 », National Archives Microfilm Publication T253/38. On peut également y lire : « J’avais ainsi […] développé, à partir de foies de bœufs ukrainiens auxquels j’avais ajouté des substances actives spéciales, un extrait de foie à injecter que le corps pouvait très bien supporter en première préparation et qui, après un an d’essais sur moi-même et parmi les cliniciens de mes amis et connaissances, a révélé des propriétés extraordinaires. […] J’ai été forcé de fabriquer moi-même ces médicaments car les produits équivalents ne sont plus disponibles sur le marché. Je ne peux pas traiter correctement mes patients – dont il est inutile de préciser à quel point il est important qu’ils restent en bonne santé – si je ne dispose pas de ces médicaments et si je ne les prépare pas moi-même. […] Dans l’intérêt de la santé du peuple et tout particulièrement de mes patients, les tracasseries bureaucratiques doivent être surmontées d’une autre manière. »
76. Journal intime de Goebbels, entrée du 20 mars 1942, cité in Peter GATHMANN et Martina PAUL, Narziss Goebbels : eine psychohistorische Biografie, Vienne/Cologne Weimar, Böhlau, 2009, p. 95. Au demeurant, Goebbels a lui-même si volontiers recours aux piqûres que Weber, l’assistant de Morell, remarque : « M. le ministre a tellement de bourgeons dus aux piqûres qu’il est presque impossible de lui faire des injections désormais. » Dans la même lettre, il relate entre autres qu’après une injection des extraits de foie concoctés par Morell, Goebell a souffert de graves maux de tête pendant trois jours. Lettre du 16 juin 1943 de R. Weber à T. Morell, National Archives Microfilm Publication T253/34.
77. . « Ordre du Führer d’analyser un échantillon de slivovitz à la recherche d’alcool méthylène et autres substances néfastes » daté du 11 janvier 1944. Le rapport écrit du laboratoire du camp tombe le jour même : « Odeur et goût : slivovitz. […] Sur la base de cette analyse, pas d’objection sanitaire à la consommation. » BArch-Koblenz N1348.
78. Cité in Ernst Günther SCHENCK, Patient Hitler – eine medizinische Biographie, Weltbild Verlag, Augsbourg, 2000, p. 389 sq.
79. T. MORELL, entrée du 18 juillet, 1943, BArch-Koblenz N1348.
80. T. MORELL, entrée du 6 décembre 1943, BArch-Koblenz N1348.
81. Dans son journal intime, Klaus Mann écrit : « Ai à nouveau pu acheter des comprimés d’eucodal grâce à la jolie bêtise de la pharmacienne », cité in W. PIEPER, Nazis on Speed, op. cit., p. 57.
82. Cité in Rong YANG, « Ich kann einfach das Leben nicht mehr ertragen » – Studien zu den Tagebüchern von Klaus Mann (1931-1949), Tectum-Verlag, Marbourg, 1996, p. 107.
83. T. MORELL, entrée du 18 juillet 1943, BArch-Koblenz N1348. Id. pour les deux citations suivantes.
84. Ibid., « Special entry of July 18, 1943 ».
85. L’opioïde oxycodone, la substance active de l’eucodal, a été commercialisé aux États-Unis sous le nom d’« oxygesic » et d’« oxycontin » et, avec 3,5 milliards de dollars de chiffre d’affaires en 2010, se place au cinquième rang des médicaments les plus vendus sur le marché américain. En Allemagne, l’oxycodone est connu sous le nom d’« Oxygesic » et reste l’opioïde le plus souvent prescrit en prise orale. Actuellement, cent quarante-sept produits thérapeutiques contenant de l’oxycodone sont autorisés sur le marché allemand, la plupart avec une formule dite retardée (absorption décalée de la substance active par l’organisme). Ils sont notamment utilisés pour le traitement des douleurs chroniques. La préparation baptisée eucodal qu’Hitler reçoit pour la première fois à l’été 1943 n’est plus disponible dans le commerce depuis 1990.
86. William BURROUGHS, Le Festin nu, trad. de l’américain par Eric Kahane, Paris, Gallimard, 1964, p. 77.
87. A. SPEER, Au cœur du Troisième Reich, op. cit., p. 150.
88. Cité in O. KATZ, Prof. Dr. Theo Morell, op. cit., p. 280.
89. Lettre du 26 août 1943 de T. Morell à Sievert, National Archives Microfilm Publication T253/45.
90. Lettre du 30 avril 1942 d’E. Jost à T. Morell, T253/39 : « Dans la mesure où j’ai besoin d’ordonnances médicales pour les inscrire dans le cahier des produits stupéfiants et pour justifier ma dépense de cocaïne, je vous prie respectueusement de me faire parvenir au plus vite cinq prescriptions établies conformément aux recommandations de la loi sur les stupéfiants. »
91. À cette époque, on peut lire sur des cartes postales de propagande : « Le Führer ne sait que combattre, travailler et se soucier [de son peuple]. Nous voulons le soulager de la part que nous pouvons prendre. »
92. Elias Canetti, Masse et puissance, trad. de Robert Rovini, Gallimard, coll. « Tel », Paris, 1986, p. 314-315.
93. J. GOEBBELS, Journal, 1943-1945, trad. de l’allemand par Dominique Viollet, Gaël Cheptou et Eric Paunowitsch, Paris, Le grand livre du mois, 2005, p. 246 sq.
94. Lettre du 31 mai 1943 de E. Koch à T. Morell, National Archives Microfilm Publication T253/37.
95. T. MORELL, entrée du 7 octobre 1943, BArch-Koblenz N1348.
96. T. MORELL, entrée du 21 novembre 1943, ibid.
97. T. MORELL, entrée du 27 janvier 1944, ibid.
98. Lettre du 10 décembre 1943 du secrétaire d’État M. Köglmaier à T. Morell, National Archives Microfilm Publication T253/35.
99. Voir à cet égard la « Note sur le signalement des maladies des dirigeants » du 23 décembre 1942 qui stipule : « Je ne relève pas seulement les médecins, praticiens et dentistes de leur secret médical vis-à-vis de mon commissaire général, le Pr Dr Karl Brandt, je les somme également de l’informer sans délai, afin qu’il m’en fasse part, de toute maladie grave ou invalidante qui touche un dirigeant ou un haut responsable de l’État, du Parti, de l’armée, de l’économie, etc. ». Voir A. SPEER, Au cœur du Troisième Reich, op. cit., p. 463.
100. Voir par exemple la lettre du 17 février 1943 que Mme von Kries, de l’Adjudantur de la Wehrmacht auprès du Führer, envoie à Morell : « […] Nous sommes un peu surmenées et nous vous serions donc reconnaissantes de nous donner un médicament pour nous aider. Heil Hitler ! » (IfZArch, MA 617, rouleau 2).
101. Lettre du 1er décembre 1944 de Morell, National Archives Microfilm Publication T253/37.
102. La lettre datée du 14 avril 1944 qu’un ancien patient envoie à Morell est exemplaire à cet égard : « Nous parlons très souvent de toi et de vous, et ces souvenirs nous dopent toujours de joie », National Archives Microfilm Publication T253/38.
103. BArch-Freiburg RH 12–23/1321, copie, Ph IV Berlin, 20 décembre 1943. Voir aussi Tilmann HOLZER, Die Geburt der Drogenpolitik, op. cit., p. 254 sqq.
104. BArch-Freiburg RH 12–23/1321, feuillet 125 a, signé par Schmidt-Brücken et Wortmann, pharmaciens-chefs.
105. . « Un kilo de chlorhydrate de cocaïne doit être immédiatement remis dans son emballage d’origine au bureau ZF des services de renseignements », lettre confidentielle du 22 mai 1944 de Wortmann à la pharmacie centrale des armées, section 1, BArch-Freiburg RH 12–23/1322.
106. Témoignage oral de Herta Schneider, cité in John TOLAND, Hitler, II. Novembre 1938-30 avril 1945, trad. de l’américain par Lola Tranec-Dubled et Renée-Jeanne Barada., Paris, Perrin, 2012, p. 381.
107. T. MORELL, entrée du 9 janvier 1944, BArch-Koblenz N1348.
108. Id.
109. T. MORELL, entrée du 29 janvier 1944, ibid.
110. Lettre du 16 mai 1940 de T. Morell à sa femme, ibid.
111. Erich von Manstein fut condamné pour crimes de guerre par un tribunal militaire britannique en 1949. Après sa libération en 1953, il est le seul ancien maréchal de la Wehrmacht à conseiller officieusement, et ce jusqu’en 1960, la Bundeswehr nouvellement constituée. En 1955, il publie ses Mémoires où il donne une version enjolivée des faits, tente de justifier sa conduite durant la guerre en Russie et de reporter, quand cela est possible, la responsabilité sur Hitler.
112. Quand ils viennent l’arrêter, les Américains trouvent un général de soixante-trois ans à la retraite qui tremble de tous ses membres. Les tiroirs de son logement sont remplis d’opium et de seringues. Voir « Marshal von Kleist, who broke Maginot line in 1940, Seized », The Evening Star Washington, D.C., 4 mai 1945, p. 1.
113. Compte rendu du 29 mai 1946 par Hans Karl von Hasselbach, p. 3, IRR-Personal Name Files, op. cit., Box 8, National Archives de College Park, Maryland.
114. T. MORELL, entrée du 14 mars 1944, BArch-Koblenz N1348.
115. Voir « Life history of Professor Dr. med. Theo Morell », IRR-Personal Name Files, op. cit., Box 8, p. 6, National Archives de College Park, Maryland.
116. Lettre du 5 novembre 1943 du baron Stephan von Thyssen-Bornemisz, National Archives Microfilm Publication T253/45.
117. Ce qu’il administre à tous ses patients n’est que partiellement connu (les notes concernant les traitements de Mussolini ont été conservées, par exemple). Le reste a été perdu dans le chaos de la fin de la guerre.
118. Lettre du 12 mai 1944 de T. Morell à Luise Funk, IfZArch, MA 617, rouleau 2. La présence de son assistant tiendrait peut-être à une autre raison. Comme Weber le déclarera plus tard dans un procès-verbal, Morell voulait le « placer » chez Hitler, « pour ne plus apparaître comme indispensable au moment voulu et pouvoir échapper à l’entourage immédiat de Hitler. J’aurais alors dû le remplacer ». La stratégie de retraite de Morell ne reste toutefois qu’à l’état de pensée. Jusqu’à son renvoi, il n’essayera jamais de quitter les premiers cercles du pouvoir.
119. T. MORELL, entrées du 20 et 21 avril 1944, BArch-Koblenz N1348.
120. Suite aux avancées de l’Armée rouge, Morell ne reçoit plus de foies en provenance d’Ukraine. Il se met alors à collecter « l’ensemble des foies contenant des vers et parasites hépatiques » qui viennent de Bohême ou de Moravie. Ceux-ci sont infestés de toutes sortes de vers parasites (Trematoda), soit de grandes douves (fasciola hepatica), soit de petites douves du foie (Dicrocoelium dendriticum). Toutefois, cela ne dérange pas le médecin : voir la lettre du 28 octobre 1944 des Ets Hamma à Morell (T253/34) ainsi que la lettre de Morell au ministre de l’Intérieur (T253/42) : « […] après la perte de l’Ukraine une nouvelle base de matières premières est nécessaire. Pour les raisons que l’on connaît, il est évident que la quantité requise de foies parfaitement sains et compatibles n’est pas disponible dans l’Altreich [i.e. l’Allemagne et l’Autriche après 1938 – NdT]. Toutefois, en utilisant certaines précautions sanitaires, ce qu’on appelle les foies parasités ou touchés par les vers conviennent tout à fait à la fabrication d’extraits de foie. Cela garantirait ainsi la transformation d’un résidu jusqu’ici considéré comme inutile en un précieux médicament. »
121. Lettre du 12 mai 1944 de Morell au ministre de l’Économie Walther Funk BArch-Koblenz N1348.
122. O. KATZ, Prof. Dr. Theo Morell, op. cit., p. 245.
123. Ibid., p. 161.
124. J. GOEBBELS, Journal. 1943-1945, traduit de l’allemand par Dominique Viollet, Gaël Cheptou et Éric Paunowitsch, Taillandier, Paris, 2009.
125. T. MORELL, entrée du 10 juin 1944, BArch-Koblenz N1348.
126. Ibid., entrée du 14 juillet 1944.
127. Ibid., entrée du 20 juillet 1944.
128. Erwin GIESING, « Bericht über meine Behandlung bei Hitler », Wiesbaden, 12 juin 1945, Headquarters United States Forces European Theater Military Intelligence Service Center : OI – Consolidated Interrogation Report (CIR), National Archives de College Park, Maryland, p. 10.
129. Cité in Werner MASER et Heinz HÖHNE « Adolf Hitler : Aufriß über meine Person », Der Spiegel, no 24, 28 mai 1973, p. 103 sqq.
130. Id.
131. Paul SCHMIDT, Sur la scène internationale : ma figuration auprès de Hitler, 1933-1945, trad. de l’allemand par René Jouan, Paris, Perrin, 2014, p. 421.
132. Gottfried BENN, « Oh, nuit », Gottfried Benn choix de poèmes, trad. de Jean-Charles Lombard, Seghers, Paris, 1965, p. 11.
133. E. GIESING, « Bericht über meine Behandlung bei Hitler », loc. cit. De même pour la citation suivante.
134. Giesing consignait le traitement qu’il donnait à Hitler dans un carnet de poche jaune et usait d’un code secret. Il écrivait en latin en combinant des symboles qu’il avait lui-même inventés. Voir John TOLAND, Hitler, CII. Novembre 1938 – 30 avril 1945, trad. l’américain par Lola Tranec-Dubled et Renée-Jeanne Barada., Paris, Perrin, 2012, p. 497.
135. T. MORELL, entrée du 5 août 1944, BArch-Koblenz N1348.
136. E. GIESING, « Bericht über meine Behandlung bei Hitler », loc. cit. De même pour la citation suivante.
137. Excepté la psicaïne fabriquée par Merck mais qui peut causer des troubles du rythme cardiaque chez les patients fragiles.
138. Ian KERSHAW (Hitler, op. cit., p. 1041) déclare : « Que Hitler ait été […] drogué par les opiacés que [Morell] lui administrait pour soulager ses spasmes intestinaux, ou dépendant à la cocaïne qui entrait à concurrence de 1 % dans les gouttes ophtalmiques que lui prescrivait le Dr Giesing pour ses conjonctivites est sans grande importance. » Toutefois, il s’agit dans les faits non pas d’un collyre à 1 % mais de prises nasales et buccales d’un produit à 10 %, ce qui provoque des effets sensiblement différents. Joachim Fest quant à lui occulte complètement la consommation de cocaïne tandis qu’un autre spécialiste d’Hitler, Werner Maser, auquel Fest se réfère pourtant volontiers à d’autres endroits, en détaille l’usage sans pour autant en tirer de conclusions.
139. E. G. SCHENCK, Patient Hitler, op. cit., p. 507.
140. E. GIESING, « Bericht über meine Behandlung bei Hitler », loc. cit. De même pour les cinq citations suivantes.
141. J. TOLAND, Hitler, op. cit., p. 501.
142. E. GIESING, « Bericht über meine Behandlung bei Hitler », loc. cit.
143. Werner MASER, Prénom, Adolf, nom, Hitler, trad. par Pierre Kamnitzer, Paris, Plon, 1973, p. 339.
144. T. MORELL, entrée du 3 octobre 1944, BArch-Koblenz N1348.
145. Nicolas VON BELOW, Als Hitlers Adjutant 1937-1945, Hase und Koehler Verl., Mainz, 1980, p. 384.
146. T. MORELL, entrée des 23 et 24 septembre 1944, BArch-Koblenz N1348. Voir l’entrée du 17 octobre 1943. La dose thérapeutique est normalement comprise entre 0,005 et 0,01 gramme. Hitler en réclame jusqu’à quatre fois plus, ce qui excède largement son emploi médical et provoque de puissants effets psychoactifs.
147. A. SPEER, Au cœur du Troisième Reich, op. cit., p. 510 sq.
148. T. MORELL, entrée du 30 octobre 1944, BArch-Koblenz N1348.
149. T. MORELL, entrée du 4 octobre 1944, ibid.
150. Cité d’après le rapport de GIESING, in « Hitler, Adolf – A composite Picture », Entry ZZ-6, p. 15. In IRR-Personal Name Files, RG NO. 319, Stack Area 230, Box 8, National Archives de College Park, Maryland.
151. T. Morell, toutes les citations proviennent du compte rendu du déjeuner chez Ribbentrop que Morell rédige le 6 juin 1943 dans le Regina-Palast-Hotel de Munich, BArch-Koblenz N1348.
152. Toutes les citations proviennent de la lettre du 26 juin 1944 de M. Bormann à T. Morell, BArch-Koblenz N1348.
153. Carte manuscrite du menu du 3 octobre 1944, BArch-Koblenz N1348.
154. Voir Edvard POULSSON et Göran LILJESTRAND, Lehrbuch der Pharmakologie für Ärzte und Studierende, Hirzel, Leipzig, 1944.
155. E. GIESING, « Bericht über meine Behandlung bei Hitler », loc. cit.
156. Ottmar KATZ, Prof. Dr. Theo Morell, op. cit., p. 295.
157. E. GIESING, « Bericht über meine Behandlung bei Hitler », loc. cit.
158. La méthode employée par Morell était quoi qu’il en soit insuffisante. Au sujet de la désinfection des seringues, voir « Alkohol und Instrumentensterilisation », Deutsche Medizinische Wochenschrift, vol. 67, 1941. On peut y lire : « L’alcool ne devrait plus être utilisé pour la stérilisation des seringues. »
159. Conversation du 3 novembre 1944 de Giesing avec Hitler, cité in E. GIESING, « Bericht über meine Behandlung bei Hitler », loc. cit.
160. Ibid. De même pour les deux citations suivantes attribuées à Himmler.
161. T. MORELL, entrée du 8 octobre 1944, BArch-Koblenz N1348, ainsi que la lettre du 10 octobre 1944 de Bormann au chef de la presse du Reich.
162. Ibid., entrée du 8 novembre 1944. Id. pour les deux citations suivantes.
163. T. MORELL, entrée du 7 novembre 1944, BArch-Koblenz N1348.
164. Lettre du 23 octobre 1944 de T. Morell à Bernhard Wenz, National Archives Microfilm Publication T253/36.
165. IfZArch, MA 617, rouleau 1.
166. T. MORELL, entrée du 9 novembre 1944, BArch-Koblenz N1348.
167. Lettre du 1er mars 1943 du Pr Nißle à Morell, IfZArch, MA 617, rouleau 3.
168. IfZArch, MA 617, rouleau 1. De même pour les extraits suivants.
169. T. MORELL, entrée du 8 décembre 1944, BArch-Koblenz N1348.
170. Id. entrée du 3 novembre 1944, ibid.
171. Id. entrée du 15 avril 1945, ibid.
172. Id. entrée du 11 novembre 1944, ibid. De même pour la citation suivante.
173. Id. entrée du 16 novembre 1944, ibid. De même pour la citation suivante.
174. Id. entrée du 20 octobre 1944, ibid.
175. Id. entrée du 1er novembre 1944, ibid.
176. Id. entrée du 30 octobre 1944, ibid.
177. Id. entrée du 31 octobre 1944, ibid.
178. Id. entrée du 8 novembre 1944, ibid.
179. E. GIESING, « Bericht über meine Behandlung bei Hitler », loc. cit.
180. T. MORELL, entrées des 18 juillet 1943 et du 29 septembre 1944, BArch-Koblenz N1348.
181. Voir J. TOLAND, Hitler, op. cit., p. 489.
182. T. MORELL, entrée du 30 septembre 1944, BArch-Koblenz N1348. De même pour la citation suivante.
183. Id. entrée du 21 novembre 1944, ibid.
184. Id. entrée du 24 novembre 1944, ibid.
185. Id. entrée du 27 novembre 1944, ibid.
186. Walter BENJAMIN, Sur le haschich et autres écrits sur la drogue, trad. de l’allemand par Jean-François Poirier, Paris, Christian Bourgois éditeur, 2011, p. 14.
187. Hermann RÖMPP, Chemische Zaubertränke, Stuttgart, Franckh, 1939.