Prédictions
pour l'année 1708
dans lesquelles le mois et le jour du mois sont indiqués, les personnes nommées et les grands événements de l'année prochaine relatés en détail, tels qu'ils doivent advenir ; écrites pour empêcher le peuple d'Angleterre d'être dorénavant la dupe des faiseurs d'almanachs vulgaires,
par Isaac Bickerstaff, esq.
J'ai réfléchi aux grossiers abus de l'astrologie dans ce royaume, et en discutant la chose à part moi, j'ai dû jeter la faute, non sur l'art lui-même, mais sur les vils imposteurs qui s'en donnent pour les interprètes. Je sais que plusieurs personnes fort instruites ont soutenu que ce n'était que tromperie ; qu'il est absurde et ridicule de s'imaginer que les astres puissent avoir aucune espèce d'influence sur les actions, pensées ou inclinations humaines ; et quiconque n'a pas dirigé ses études de ce côté est excusable de le croire, lorsqu'il voit de quelle misérable manière ce noble art est pratiqué par un petit nombre de bas et ignares trafiquants entre nous et les astres ; lesquels importent annuellement toute une cargaison d'absurdités, de mensonges, de folies et d'impertinences, qu'ils offrent au monde comme venant tout droit des planètes, quoiqu'elles ne descendent pas de plus haut que leur propre cerveau.
Mon intention est de publier dans peu de temps une grande apologie raisonnée de cet art ; c'est pourquoi je ne dirai rien à sa justification quant à présent, si ce n'est qu'il a été défendu de tout temps par une foule d'hommes éclairés, et entre autres par Socrate en personne, que je considère comme incontestablement le plus sage des mortels non inspirés ; et si à cela nous ajoutons que ceux qui ont condamné cet art, quoique instruits d'ailleurs, ou n'avaient pas étudié la matière, ou du moins n'avaient pas réussi dans cette étude, leur témoignage ne sera pas d'un grand poids contre lui, puisqu'ils sont passibles du reproche ordinaire de condamner ce qu'ils n'ont pas compris.
Je ne suis nullement offensé non plus, et je ne crois pas que ce soit une injure pour cet art, quand je vois les gens qui en font métier, les étudiants en astrologie, les philomathes et le reste de cette clique, traités par les gens sensés avec le dédain et le mépris le plus profond ; mais je suis bien plutôt étonné, quand je remarque des gentlemen de province, assez riches pour servir la nation au Parlement, étudiant l'almanach de Partridge pour y trouver les événements de l'année, au-dedans et au-dehors, et n'osant pas proposer une partie de chasse sans que Gadbury1 ou lui aient déterminé le temps qu'il ferait.
Je suis prêt à reconnaître que l'un ou l'autre de ces deux hommes, ou tout autre membre de cette confrérie, est non seulement astrologue, mais sorcier, qui plus est, si je ne produis pas une centaine de preuves tirées de leurs almanachs, capables de convaincre tout homme raisonnable qu'ils ne comprennent même pas la grammaire et la syntaxe la plus simple ; qu'ils ne sont pas en état de lire n'importe quel mot qui ne soit pas tout à fait banal, ni même dans leurs préfaces d'écrire rien qui ait le sens commun, ou qui soit en anglais intelligible. Quant à leurs observations et prédictions, elles sont de nature à convenir également bien à toutes les époques et à tous les pays du monde. « Ce mois-ci certain grand personnage sera menacé de mort ou de maladie. » Cela, les gazettes le leur diront ; car nous y voyons à la fin de l'année qu'il ne se passe pas de mois où il ne meure quelque personne de marque, et ce serait jouer de malheur s'il en était autrement, lorsqu'il y a au moins deux mille personnes de marque dans ce royaume, dont plusieurs âgées, et lorsque le faiseur d'almanach a la liberté de choisir la saison la plus malsaine pour y fixer sa prédiction. Et celle-ci : « Ce mois verra la promotion d'un éminent ecclésiastique. » Mais ces ecclésiastiques-là, il peut y en avoir des centaines, dont la moitié a un pied dans la tombe. Et encore : « Telle planète dans tel signe annonce de grandes machinations et conspirations, qui peuvent à un moment donné être mises en lumière » ; après quoi, si nous apprenons que quelque chose se soit réalisé, l'astrologue en a l'honneur ; dans le cas contraire, ses prédictions n'en restent pas moins bonnes. Et enfin : « Dieu préserve le roi Guillaume de tous ses ennemis déclarés ou secrets ! Amen ! » Et alors si le roi venait à mourir, l'astrologue l'aurait clairement prophétisé ; dans l'autre cas, ce n'est que la pieuse éjaculation d'un loyal sujet ; le malheur voulut pourtant que dans quelques-uns de leurs almanachs on pria pour la vie du pauvre roi Guillaume plusieurs mois après sa mort, parce qu'il lui arriva de mourir vers le commencement de l'année.
Mais pour ne plus parler de leurs impertinentes prédictions, qu'avons-nous à faire de leurs avertissements au sujet de « pilules et potions pour la maladie vénérienne ? » ou de leurs querelles de Whig et de Tory, en vers et en prose, qui intéressent peu les astres ?
Ayant longtemps observé et déploré ces abus, et une centaine d'autres dont l'énumération serait fastidieuse, j'ai résolu de prendre une nouvelle voie, à la satisfaction générale, je n'en doute pas, du royaume. Je ne puis présenter cette année qu'un échantillon de ce que je compte faire à l'avenir, ayant employé la plus grande partie de mon temps à ajuster et corriger les calculs que j'ai faits depuis plusieurs années, parce que je ne voulais rien offrir au monde dont je ne fusse aussi pleinement convaincu que je le suis d'être vivant. Depuis deux ans, je ne me suis pas trompé sur plus d'un ou deux points, et cela de très peu d'importance. J'ai prédit exactement l'échec de Toulon2 dans tous ses détails, et la perte de l'amiral Shovel3. Seulement, je me suis mépris sur le jour, étant en avance de trente-six heures sur la date réelle ; mais en revoyant mes thèmes, j'ai promptement trouvé la cause de cette erreur. J'ai prédit également la bataille d'Almanza4 aux jour et heure précis, avec la perte des deux côtés et les conséquences qu'elle eut. Le tout fut montré par moi à quelques-uns de mes amis plusieurs mois avant l'événement ; c'est-à-dire que je leur donnai des papiers cachetés, destinés à être ouverts à une certaine époque, passé laquelle ils étaient libres de les lire ; et ils y trouvèrent mes prédictions exactes sur tous les points, sauf une ou deux circonstances tout à fait minimes.
Quant aux quelques prédictions que je vais offrir au monde, je me suis abstenu de les publier, jusqu'au jour où je lus plusieurs almanachs pour l'année dans laquelle nous venons d'entrer. Je les ai tous trouvés tenant leur langage ordinaire, et je prie le lecteur de comparer leur style au mien ; et ici je ne crains pas de dire au monde que j'engage tout le crédit de mon art sur la vérité de ces prédictions ; et je permets à Partridge et au reste de sa bande de me conspuer comme un fripon et un imposteur, si je me méprends sur aucune particularité de quelque conséquence. Je crois que tout homme qui lira ce papier m'accordera au moins autant d'honnêteté et d'intelligence qu'en a le commun des faiseurs d'almanachs. Je ne me tiens pas dans l'ombre ; je ne suis pas tout à fait inconnu dans le monde ; j'ai signé mon nom tout au long pour qu'il soit en butte à l'opprobre des hommes, s'ils découvrent que je les ai trompés.
Il est un seul point sur lequel je dois demander qu'on m'excuse, c'est la réserve avec laquelle je parle des affaires de l'intérieur ; non seulement il serait imprudent à moi de divulguer les secrets de l'État, mais ce serait m'exposer à des dangers personnels ; quant aux choses moins graves, et qui n'ont pas la même importance publique, je serai très explicite, et la justesse de mes conjectures ressortira aussi bien de celles-ci que des autres. Pour ce qui est des événements les plus remarquables de France, de Flandre, d'Italie et d'Espagne, je ne me ferai aucun scrupule de les prédire dans les termes les plus clairs : quelques-uns sont de conséquence, et j'espère me tromper rarement sur le jour où ils arriveront : c'est pourquoi je crois bon d'informer le lecteur que j'emploierai tout le temps le vieux style observé en Angleterre, que je l'invite à comparer avec celui des gazettes, à l'époque où elles relateront les faits que je mentionne.
Je dois ajouter encore un mot. Je sais que l'opinion de plusieurs savantes personnes, qui ont une assez bonne idée de la vérité de l'astrologie, a été que les astres influencent seulement et ne violentent pas la conduite et la volonté des hommes ; c'est pourquoi, bien que je suive les règles voulues, il ne serait pas prudent à moi d'affirmer positivement que les événements se produiront exactement tels que je les prédis.
J'espère avoir mûrement pesé cette objection qui, dans certains cas, n'est pas d'une médiocre valeur. Par exemple, un homme, par l'influence d'une planète dominante, peut être disposé ou enclin au libertinage, à la colère ou à l'avarice, et cependant, à force de raison, triompher de cette mauvaise influence ; et ce fut le cas de Socrate. Mais les grands événements du monde dépendant d'ordinaire d'un grand nombre d'hommes, il n'est pas probable que ces hommes vont tous s'entendre pour traverser leur penchant à poursuivre un but sur lequel ils sont tous d'accord. D'ailleurs, l'influence des astres s'exerce sur beaucoup d'actions et d'événements qui échappent complètement au contrôle de la raison, tels que la maladie, la mort, et ce qu'on appelle communément accidents, ainsi que bien d'autres inutiles à énumérer.
Mais il est temps de procéder à mes prédictions, que j'ai commencé à calculer du moment où le soleil entre dans le Bélier. Et je considère cette époque comme le commencement de l'année naturelle. Je les poursuis jusqu'à ce qu'il entre dans la Balance, ou un peu au-delà, ce qui est la période occupée de l'année. Le reste, je ne l'ai point encore ajusté, par suite de plusieurs empêchements qu'il n'est pas nécessaire de mentionner ici. En outre, je dois rappeler de nouveau au lecteur que cela n'est qu'un échantillon de ce que j'ai dessein de traiter plus au long les années suivantes, si j'ai liberté et encouragement.
Ma première prédiction n'est qu'une bagatelle ; cependant je la donnerai, pour faire voir à quel point ces sottes bêtes qui se donnent pour astrologues ignorent ce qui les concerne personnellement ; elle a trait à Partridge, le faiseur d'almanachs. J'ai consulté d'après mes propres règles l'astre de sa nativité, et je vois qu'il mourra infailliblement le 29 mars prochain, vers onze heures du soir, d'une fièvre chaude ; je lui conseille donc d'y faire attention, et de régler à temps ses affaires.
Le mois d'avril sera remarquable par la mort de plusieurs grands personnages. Le 4, mourra le cardinal de Noailles, archevêque de Paris ; le 11, le jeune prince des Asturies, fils du duc d'Anjou ; le 14, un grand pair de ce royaume mourra à sa campagne ; le 19, un vieux savant laïque de grande réputation, et le 23, un éminent orfèvre de Lombard Street. J'en pourrais citer d'autres, au-dedans et au-dehors, si je ne considérais de tels événements comme fort peu utiles ou instructifs pour le lecteur ou pour le monde.
Quant aux affaires publiques : le 7 de ce mois il y aura une insurrection dans le Dauphiné, occasionnée par l'oppression qui pèse sur le peuple, et elle ne sera pas apaisée de quelques mois.
Le 15, il y aura une violente tempête sur la côte méridionale de la France, qui détruira plusieurs de ses vaisseaux, et quelques-uns dans les ports mêmes.
Le 19 sera fameux par la révolte de toute une province ou d'un royaume, à l'exception d'une seule ville, par suite de quoi les affaires de certain prince de l'alliance prendront une meilleure tournure.
Mai, contre les conjectures ordinaires, ne sera pas un mois très rempli en Europe, mais très important par la mort du dauphin, qui aura lieu le 7, après une courte maladie et de grandes douleurs de strangurie. Il meurt moins regretté de la cour que du royaume.
Le 3, un maréchal de France se cassera la jambe d'une chute de cheval. Je n'ai pas pu découvrir s'il en mourra ou non.
Le 11, commencera un siège très important, sur lequel toute l'Europe aura les yeux. Je ne puis préciser davantage ; car, en relatant des affaires qui concernent de si près les alliés, et par conséquent ce royaume, je suis tenu à des réserves, pour plusieurs raisons qui sautent aux yeux du lecteur.
Le 15, arrivera la nouvelle d'un événement si surprenant que je ne sais rien de plus inattendu.
Le 19, trois nobles dames de ce royaume, contre toute attente, se trouveront enceintes, à la grande joie de leurs maris.
Le 23, un fameux bouffon du théâtre mourra d'une mort ridicule, en rapport avec sa condition.
Juin. Ce mois se distinguera à l'intérieur par l'entière dispersion de ces aveugles et ridicules fanatiques, communément appelés les Prophètes5, laquelle sera due principalement à ce qu'ils auront vu venir l'époque où nombre de leurs prophéties auraient dû s'accomplir, et seront désabusés par des événements contraires. Il est vraiment étonnant qu'aucun fourbe soit assez niais pour prédire à si courte échéance, alors que fort peu de mois doivent de toute nécessité découvrir l'imposture à tout l'univers ; moins prudent sous ce rapport que les faiseurs d'almanachs, qui ont le bon esprit de se borner à des généralités, de parler d'une façon ambiguë, et de laisser au lecteur le soin de l'interprétation.
Le 1er de ce mois, un général français sera tué par un boulet perdu.
Le 6, un incendie éclatera dans les faubourgs de Paris, qui détruira plus de mille maisons, et semble être l'avant-coureur de ce qui arrivera, à la surprise de toute l'Europe, vers la fin du mois suivant.
Le 10, une grande bataille sera livrée, qui commencera à quatre heures de l'après-midi, et durera jusqu'à neuf heures, avec grand acharnement, mais sans résultat bien décisif. Je ne nommerai point le lieu, pour les raisons déjà dites ; mais les commandants de chaque aile gauche seront tués. Je vois les feux de joie et j'entends le bruit des canons en l'honneur de la victoire.
Le 14, il courra un faux bruit de la mort du roi de France.
Le 20, le cardinal Portocarero mourra de dysenterie, avec grand soupçon d'empoisonnement ; mais le bruit de son intention de se révolter contre le roi Charles se trouvera faux.
Juillet. Le 6 de ce mois, certain général recouvrera, par une action glorieuse, la réputation que lui avaient fait perdre d'anciens malheurs.
Le 12, un grand capitaine mourra prisonnier aux mains de ses ennemis.
Le 14, une abominable découverte sera faite d'un jésuite français donnant du poison à un grand général étranger ; et lorsqu'il sera mis à la torture, il fera de merveilleuses révélations.
Bref, on verrait qu'il se passera beaucoup de choses dans ce mois, si j'étais libre d'entrer dans le détail.
Au-dedans arrivera, le 15, la mort d'un fameux sénateur à sa campagne, usé par l'âge et les maladies.
Mais ce qui rendra ce mois à tout jamais mémorable, c'est la mort du roi de France, Louis XIV, après une semaine de maladie, à Marly, et qui aura lieu le 29, sur les six heures du soir. Elle paraît avoir pour cause la goutte dans l'estomac, suivie de dysenterie. Et, trois jours après, M. Chamillart suivra son maître, mourant d'apoplexie foudroyante.
Dans ce mois également un ambassadeur mourra à Londres ; mais je ne puis assigner le jour.
Août. Les affaires de France sembleront pendant quelque temps n'être changées en rien sous l'administration du duc de Bourgogne ; mais le génie qui animait toute la machine étant parti, il en résultera des retours et révolutions considérables dans l'année suivante. Le nouveau roi fait encore peu de changements soit dans l'armée soit dans le ministère, mais les libelles contre son grand-père, qui circulent jusque dans sa cour, lui causent du tourment.
Je vois un exprès en toute hâte, la joie et l'étonnement dans les yeux, arriver au point du jour, le 26 de ce mois, ayant fait en trois jours un prodigieux voyage sur terre et sur mer. Le soir, j'entends les cloches et le canon, et je vois briller mille feux de joie.
Un jeune amiral de noble naissance se fait, ce même mois, un honneur immortel par un grand exploit.
Les affaires de Pologne seront entièrement réglées dans ce mois : Auguste renonce à ses prétentions, qu'il avait reprises depuis quelque temps ; Stanislas est mis pacifiquement en possession du trône, et le roi de Suède se déclare pour l'empereur.
Je ne puis omettre un accident particulier ici à l'intérieur : à savoir les suites fâcheuses qu'aura, vers la fin de ce mois, à la foire de la Saint-Barthélemy, la chute d'une baraque.
Septembre. Ce mois commence par une très surprenante gelée, qui durera près de douze jours.
Le pape, après avoir longtemps langui le mois d'avant, l'enflure de ses jambes s'étant ouverte et la gangrène s'y étant mise, mourra le 11 courant, et au bout de trois semaines, après une lutte violente, sera remplacé par un cardinal du parti impérial, mais toscan, qui est âgé maintenant d'environ soixante et un ans.
L'armée française se tient à présent tout à fait sur la défensive, puissamment fortifiée dans ses retranchements, et le jeune roi envoie des ouvertures de paix par le duc de Mantoue ; mais comme c'est une affaire d'État qui nous concerne ici chez nous, je n'en parlerai pas plus au long.
Je n'ajouterai plus qu'une prédiction, et celle-là dans des termes mystérieux que j'emprunte à Virgile :
Alter erit tum Tiphys, et altera, quæ vehat, Argo,
Delectos heroas6.
Le 25 de ce mois, l'accomplissement de cette prédiction sera manifeste pour tout le monde.
Je n'ai pas été plus loin dans mes calculs pour la présente année. Je ne prétends pas que soient là tous les grands événements qui surviendront dans cette période ; mais que tous ceux que j'ai indiqués arriveront infailliblement. On insistera peut-être sur ce que je n'ai pas parlé plus en détail des affaires de l'intérieur, ou du succès de nos armées au-dehors, ce qu'il m'eût été permis et possible de faire très amplement ; mais ceux qui sont au pouvoir ont sagement découragé les gens de s'immiscer dans les intérêts publics, et j'étais résolu à ne donner aucun sujet d'offense. Tout ce que je me hasarderai à dire, c'est que ce sera une glorieuse campagne pour les alliés, où les forces anglaises, tant sur mer que sur terre, auront leur pleine part d'honneur ; que Sa Majesté la reine Anne continuera d'être en santé et prospérité, et qu'il n'arrivera de fâcheux accident à aucune personne du principal ministère.
Quant aux événements particuliers dont j'ai fait mention, le lecteur pourra juger, par leur accomplissement, si je vais de pair avec les astrologues du commun, que, dans mon opinion, on a trop longtemps laissés abuser le monde avec leur pitoyable vieil argot et leur barbouillage astronomique pour amuser le vulgaire ; mais un honnête médecin ne doit pas être méprisé parce qu'il existe des charlatans. Je me flatte d'avoir quelque réputation que je ne voudrais pas perdre pour un badinage ou une fantaisie, et je crois que quiconque lira ce papier ne le regardera pas comme du même genre et de la même trempe que les griffonnages vulgaires que l'on crie chaque jour dans les rues. Ma fortune me dispense d'écrire pour quelques sous, dont je ne fais point cas et dont je n'ai pas besoin : que les hommes sensés ne se hâtent donc pas trop de condamner cet essai, écrit à bonne intention, afin de cultiver et d'améliorer un art ancien, depuis longtemps en disgrâce pour être tombé en des mains méprisables et inhabiles. Il faudra peu de temps pour constater si j'ai trompé les autres, ou me suis trompé moi-même, et je ne crois pas déraisonnable de demander qu'on veuille bien jusque-là suspendre son jugement. J'ai été de l'avis de ceux qui méprisent les pronostics tirés des astres, jusqu'à ce que, dans l'année 1686, un homme de qualité m'ait montré dans son album, que le plus savant astronome, le capitaine Halley, lui avait assuré qu'il ne croirait jamais à l'influence des astres s'il n'y avait pas une grande révolution en Angleterre dans l'année 1686. Depuis lors, j'ai commencé à penser différemment, et après dix-huit ans d'étude et d'application soutenue, je crois n'avoir pas sujet de regretter ma peine. Je ne retiendrai pas plus longtemps le lecteur, si ce n'est pour lui faire savoir que le compte que j'ai l'intention de lui rendre des événements de l'année prochaine roulera sur les principales affaires qui auront lieu en Europe ; et si je n'ai pas la liberté de l'offrir à mon propre pays, j'en appellerai au monde savant, en le publiant en latin, et en le faisant imprimer en Hollande.