CHAPITRE III
Les livres maudits

Vers l’heure des Complies, le jour même, Eymerich était assis dans la salle capitulaire du couvent de Santa Catalina, un lieu dédié à sainte Catherine d’Alexandrie, vierge et martyre, où il logeait lorsqu’il séjournait à Barcelone. Le frère Bagueny et le frère Antonio Folquet, étudiant en théologie, se tenaient debout à ses côtés. Devant lui, sur une grande table en chêne, tous les manuscrits récupérés dans la cellule de Ramón de Tárrega étaient éclairés par deux chandeliers.

L’inquisiteur examinait les textes un à un et les regroupait selon des critères qu’il n’avait pas encore communiqués à ses confrères. La pile la plus haute était formée des codicilles que l’Église cautionnait sans retenue, l’intermédiaire regroupait des œuvres échappant à toute classification, la plus basse des manuscrits à l’orthodoxie douteuse (certaines œuvres d’une gloire des lettres et des sciences catalanes comme Arnaud de Villeneuve). Une quatrième pile, consacrée aux livres rigoureusement interdits, comprenait les deux seuls traités rédigés de nombreuses années plus tôt par Ramón lui-même : le De invocatione daemonum et le Conclusiones variae, suite et complément du premier.

Le frère Bagueny compulsait la pile la plus haute.

— Magister, Ramón est un de vos admirateurs. Les livres autorisés sont quasiment tous de vous. Il y a la Vita beatae memoriae fratris Dalmatii Moner, dédiée à votre maître, l’inoubliable Dalmau. Puis le De logica, le De principis naturalibus, le Tractatus in I librum, le Phisicorum Aristotelis, le Sermonum de tempore…

Eymerich haussa les épaules.

— Des écrits de jeunesse oubliés depuis longtemps. Le plus récent, le Sermonum, a déjà dix ans.

— Oui, mais je vois également votre Tractatus contra daemonum evocatores. Vous l’avez écrit en 1359, mais il réfutait déjà point par point les thèses soutenues plus tard par Ramón de Tárrega. Selon lesquelles un chrétien a le droit d’invoquer un serviteur de Satan, à condition de le dominer.

— Ça suffit ! l’arrêta Eymerich. Ce ne sont pas les textes orthodoxes qui m’intéressent, mais ceux qui sont contraires à notre doctrine.

— Jusqu’à présent, vous n’en avez pas trouvé beaucoup, objecta le frère Folquet.

C’était un jeune homme de taille moyenne à l’allure énergique et au parler franc. Des traces de barbe noire lui encadraient le visage. Elles n’auraient pas été acceptées chez tout autre élève de l’Étude dominicaine, mais sa pilosité devait être peu contrôlable. Ils étaient tous persuadés, le prieur compris, que Folquet allait bientôt assumer la charge prestigieuse de magister theologiae.

— C’est exact, mais ils sont significatifs. Le De turba philosophorum, qui ne traite pas vraiment de philosophie, mais plutôt d’alchimie, la science occulte et démoniaque condamnée par le pape Jean XXII depuis 1317 via la bulle Spondent pariter. Un autre alchimiste, à moitié magicien : Michael Scot, avec ses Liber consecrationis et Liber perditionis animae et corporis. Puis un texte alexandrin, Korè Kosmou, ou « Pupille du monde », qui n’est même pas d’inspiration chrétienne. Un autre traité alchimique. Je me demande comment un prisonnier condamné pour hérésie pouvait garder dans sa cellule de telles horreurs.

— Vous avez constaté vous-même la liberté scandaleuse dont jouissait Ramón de Tárrega au Mont de Sion, fit remarquer Folquet avec une pointe de mépris digne d’Eymerich. Il n’en demeure pas moins qu’aucun livre authentiquement satanique, capable d’opérer le prodige auquel vous avez assisté ce matin, ne se trouve dans cette pile.

— Je ne sais pas. Les livres douteux sont écrits dans un style tellement alambiqué…

Eymerich finit de trier les manuscrits. Les derniers rejoignirent la pile des ouvrages autorisés.

L’inquisiteur se leva, les yeux un peu fatigués. Il commençait à ressentir le poids de ses cinquante et un ans, un âge que le peuple avait du mal à atteindre.

— Mes frères, j’emmène dans ma cellule la Turba philosophorum, les ouvrages de Michael Scot, que je ne connais pas, et le Korè Kosmou. Peut-être y trouverai-je quelque chose d’utile.

Il jeta un coup d’œil à la table.

— Je prends également la Vita beatae memoriae. Je ne me souviens presque plus de cet opuscule. Dalmau Moner n’aurait jamais imaginé qu’il allait être, il y a dix ans, victime de sorcellerie à Montiel. Lire le compte rendu d’une existence aussi pure sera pour moi un réconfort en vue du dur combat contre le mal qui nous attend.

Eymerich saisit le manuscrit par la couture. Le petit livre s’ouvrit. Les yeux de l’inquisiteur tombèrent sur une page. Il resta interloqué.

— Mais je n’ai jamais écrit ça !

— Pourquoi ? Que dit-il ? demanda Bagueny.

— Écoutez ! « Si volueris convertere, forma hominis ad formam symij aut porcij aut allarum ex formis bestiarum accipe piscem qui dicitur neffus – et est piscis longi capitis tortuosi oris lati corporis – scinde ergo ventrem eius et extrahe pinguedinem et intestina omnia ipsius deinde tolie id et pone cum eo equale ponderis eius de sanguine hominis…(1) »

— On dirait que cela a un rapport avec notre problème, commenta Folquet. Mais c’est juste une page, ou votre manuscrit a-t-il été entièrement remplacé ?

Eymerich feuilleta l’ensemble du livre avec fébrilité. Puis il murmura :

— Il ne reste plus que la première page, pour tromper les ignorants. Vérifions les autres manuscrits.

Il défit les piles, examinant les textes page par page.

Tandis que les bougies commençaient à s’éteindre, il dit :

— Non, seule mon apologie de Dalmau Moner a été remplacée par un manuel de nécromancie. Le perfide Ramón a sûrement voulu me blesser en insultant par un blasphème la personne qui m’est la plus chère.

— Vous qui les connaissez presque tous, savez-vous de quel texte il s’agit, magister ? demanda le frère Bagueny.

— Ce que je viens de lire me rappelle quelque chose. Mais ma mémoire n’est plus aussi brillante que par le passé.

Eymerich récupéra les fascicules qui l’intéressaient.

— J’examinerai tout cela dans ma cellule et pourrai certainement vous en dire plus sur cette manipulation répugnante demain matin. Quelle heure est-il ?

Le frère Folquet regarda par la fenêtre trilobée qui donnait sur l’abside de la cathédrale de Barcelone. Il faisait trop sombre.

— Impossible à dire, magister. Nous ne devons plus être loin de Matines. Nous allons bientôt nous réunir pour chanter le Salve Regina.

— Faites-le également pour moi. Une longue nuit de travail m’attend.

Eymerich saisit la bougie la moins consumée.

— Frère Bagueny, votre cellule est à côté de la mienne. Réveillez-moi vers l’heure Prime.

— À vos ordres, père. Pardonnez-moi d’avance si vous m’entendez ronfler.

— Vous le faites tout le temps et j’y suis habitué.

La cellule qu’occupait Eymerich était un tout petit espace entièrement crépi de blanc. C’était une requête de l’inquisiteur, qui pensait pouvoir ainsi repérer d’éventuels intrus de la famille des insectes. La fenêtre, plutôt grande, était fermée par un battant en bois. Le sol était constitué de dalles carrées. Le mobilier se résumait à une paillasse sans couverture, une table et deux chaises. Il y avait également un seau dans un coin pour les déjections. La seule décoration était un grand crucifix d’inspiration wisigothique.

Eymerich utilisa sa bougie pour allumer une torche et jeta les manuscrits sur la table. Il s’assit et feuilleta le plus ambigu, celui qui se cachait sous un titre dont il était l’auteur. Il comprit dès les premières pages de quoi il s’agissait et ne put s’empêcher de grimacer. Oui, il avait déjà eu ce texte entre les mains.

Bien plus terrible que le Picatrix, obscène, écœurant. Faussement présenté comme un commentaire du De legibus de Platon, c’était une traduction de l’arabe qui suggérait des pratiques horribles destinées pour l’essentiel à faire naître des monstres ou à rendre monstrueux les êtres vivants. Pour réussir l’expérience, il fallait réunir du sang, du sperme, l’intérieur d’animaux maintenus vivants après éviscération, des élevages de vers. Les scènes horribles se succédaient au fil des pages avec des détails de plus en plus repoussants. Un livre qui aurait pu être écrit par le diable en personne, ou par l’un de ses adeptes les plus zélés.

Eymerich se concentra sur cette lecture terrifiante et, une fois celle-ci terminée, il recommença, en s’arrêtant sur chaque phrase. Finalement le sommeil eut raison de lui. Il posa le manuscrit, éteignit la torche avec un cône de métal et se coucha après avoir simplement ôté ses chaussures. Il redoutait les cauchemars, mais s’endormit aussitôt et ne fit aucun rêve digne d’être interprété.

Il fut réveillé par le frère Bagueny qui, après avoir frappé plusieurs fois à la porte, pénétra dans la cellule et ouvrit le volet. Le soleil envahit la minuscule pièce. Le petit dominicain essaya de se justifier.

— Pardonnez-moi, magister. L’heure Prime est déjà passée. Si vous voulez dormir encore un peu, dites-le moi et je reviendrai plus tard.

— Non, non.

Eymerich se sentait en pleine forme. Il ressentait même une inexplicable gaieté.

Il s’étira, avec une sorte de satisfaction féline. Il vit le broc et la bassine que son confrère avait apportés pour lui permettre de se laver le visage. Il lui en fut reconnaissant. Il ne manquait qu’un linge pour s’essuyer et du savon. De simples broutilles.

— Vous savez, frère Pedro ? dit-il après son ablution. Je sais quel était le livre de nécromancie préféré de Ramón. On ne pouvait pas s’attendre à mieux de sa part.

— C’est un livre que je connais ? demanda Bagueny.

— Je suppose que vous en avez entendu parler. Il s’agit du Liber Aneguemis, ou Liber Vaccae, ou encore Liber institutionum activarum.

— Effectivement, c’est même vous qui m’en avez parlé, je crois. Que signifie Aneguemis ?

— C’est une translittération peu réussie du grec vers l’arabe, puis vers le latin, du Para Nomon – Les Lois – de Platon. Le livre a été, en fait, faussement attribué au fil des siècles à Galène, qui aurait commenté le traité platonique, et même à Platon en personne. Toujours la même méthode qui consiste à faire passer pour innocent un texte nécromancien.

— Et pourquoi Liber Vaccae ?

— Parce que le premier essai consiste à engrosser une vache moribonde en s’accouplant avec elle puis, en utilisant diverses mixtures, à faire sortir de son ventre écartelé un être pensant pour en faire son esclave.

Le frère Bagueny fit la grimace.

— Mais c’est dégoûtant ! Ne me parlez pas de ce genre de choses juste avant le petit déjeuner, magister !

— C’est vous qui me l’avez demandé, répondit Eymerich, vaguement amusé. En ce qui me concerne, je suis plutôt satisfait. Nous sommes loin d’avoir résolu le mystère, mais nous avons un indice.

Il fit glisser le scapulaire et la cape noire sur sa soutane blanche.

— Je suis prêt, allons-y.

On accédait au réfectoire après avoir descendu les marches jusqu’au locutorio – c’est-à-dire le lieu où les dominicains pouvaient parler entre eux, à certaines heures du jour, sans restriction – et emprunté le couloir adjacent à la salle capitulaire. Malgré l’heure matinale, il faisait déjà chaud. Le réfectoire était désert. Les Prédicateurs n’avaient droit qu’à deux repas par jour (sauf durant les périodes de jeûne, de Pâques au 14 septembre), correspondant au déjeuner et au souper. On ne tolérait d’exceptions que pour les novices, les hôtes ou, comme dans le cas d’Eymerich et du frère Bagueny, pour les dominicains itinérants, qui avaient besoin de plus d’énergie.

L’économe accourut, accompagné par un serviteur qui tenait une marmite. On servit aux visiteurs de la soupe d’orge bien chaude avec deux miches. Les assiettes étaient déjà sur la table, ainsi que des cuillères et des couteaux. L’ambiance était sereine et les rayons du soleil apportaient les premières bouffées d’air tiède à travers les fenêtres qui donnaient sur le cloître.

L’économe avait pour règle de se taire ou de prononcer le moins de mots possible. Il murmura à Eymerich :

— Le prieur désire vous rencontrer après votre collation.

L’inquisiteur posa ses couverts.

— Si c’est urgent, je peux y aller tout de suite.

— Non. Mangez tranquillement.

Le repas fut cependant rapide. Tandis qu’il finissait de vider son écuelle, le frère Bagueny posa les questions qui le tarabustaient depuis des heures.

— Magister, le Liber Aneguemis nous fournit peut-être un indice, mais je ne vois pas où il nous conduit.

— Moi non plus, répondit Eymerich qui attaqua son pain après avoir englouti son orge.

— Faisons le point. Ramón de Tárrega « met fin à ses jours ». Admettons. À la place de son cadavre, nous trouvons le corps d’un individu aux traits porcins qui ensuite disparaît. Un livre de nécromancie ayant appartenu à Ramón traite justement de la façon de donner à un chrétien l’allure d’un porc. C’est ce qui me pose problème. Pouvons-nous vraiment penser qu’en suivant les indications de ce livre on pourrait obtenir de semblables prodiges ? Auquel cas nous admettrions que les arts occultes fonctionnent vraiment. Ce que l’Église réfute.

Eymerich arqua un sourcil, une attitude chez lui sarcastique.

— Quelle question naïve, mon frère. La nécromancie, en tant que recettes à suivre, est bien sûr inefficace. Il existe cependant une créature maligne, dotée des pouvoirs extraordinaires des anges déchus, capable de tromper nos sens par des manipulations grotesques. Vous pouvez deviner son nom, il me semble ?

Bagueny fit le signe de la croix.

— Satan. Ou son émanation Lucifer. Ou Belzébuth, murmura-t-il.

— Une unique entité collective vouée au mensonge et à la tentation. Il est clair que pour réussir, le diable doit offrir des résultats concrets bien qu’illusoires aux naïfs qui croient en lui. Les formules magiques et nécromantiques donnent toujours un certain résultat. Une science qui n’est qu’un condensé de mensonges est ainsi née : l’alchimie.

Bagueny, qui venait lui aussi de terminer sa soupe, laissa tomber sa cuillère dans le bol.

— Nous avons vu le monstre pendu. Nous l’avons même touché. Le démon peut-il altérer les lois de la nature établies par Dieu ?

— Non, il ne le peut pas.

Eymerich ricana.

— Peu de temps après, le corps a disparu, ce qui prouve qu’il s’agit bien d’une hallucination créée par un sorcier ou un alchimiste talentueux.

Il se leva.

— Allons-y. Le prieur nous attend.

— Une dernière question, magister. Pourquoi mettez-vous sur le même plan la magie et l’alchimie ? dit Bagueny en quittant la table. Il s’agit de deux arts différents.

— Vous croyez ? répondit Eymerich. Si vous interrogez un de ces soi-disant philosophes, il vous répondra qu’en s’activant autour de l’athanor, il ne cherche pas à transmuter du vil métal en or. Ce résultat n’intéresse que les alchimistes vulgaires, les « souffleurs ». Pour les autres, le véritable but est de « devenir Dieu », comme je vous l’ai déjà expliqué il y a plusieurs années. Afin de maîtriser, comme lui, le processus de la création. Vous connaissez une hérésie plus maligne ?

— Non, en effet. Ces pouvoirs n’appartiennent qu’au Créateur.

— C’est ainsi. Se transformer soi-même au-delà de la condition humaine pour engendrer des créatures pensantes hors des lois de la nature et manipuler le domaine de l’esprit : ce qu’ils appellent « pierre philosophale », « quintessence » ou de mille autres noms fantaisistes. Vu sous cet angle, je ne vois aucune différence entre l’œuvre des alchimistes et celle des nécromanciens, entre le Liber Aneguemis et la chimie fictive de Nicolas Flamel. Elles visent le même résultat : acquérir des pouvoirs qui rivalisent avec ceux de Dieu. Concevoir pareil projet est cependant un péché.

Cette explication savante cloua le bec à Bagueny qui suivit le magister hors du réfectoire.

Ils trouvèrent le prieur de Santa Catalina dans son étude, à l’étage supérieur. Le père Francesc Borrell, assis derrière un bureau, dictait des réflexions théologiques à un novice, assis sur un tabouret, un cahier sur les genoux. La pièce était inondée de lumière et il y faisait très chaud. Une fenêtre donnait sur le cloître, et les voix de la place n’étaient que murmures lointains.

Le prieur vint à la rencontre d’Eymerich en lui adressant un sourire cordial. Ils étaient amis depuis plusieurs années, malgré la réprobation de l’évêque de Barcelone, Berenguer de Aríl, et d’une partie, tout juste minoritaire, de l’ordre dominicain.

— Bienvenue, magister ! s’exclama le père Borrell.

Connaissant Eymerich, il évita le rituel de l’embrassade.

— Le Seigneur soit avec vous ! Vous n’êtes pas venu à Barcelone depuis longtemps, mais comme vous avez pu le constater, votre cellule est toujours disponible. Et bienvenue à vous aussi, frère Pedro ! Dès que vous aurez obtenu le titre de maître de théologie, avec votre ami Folquet, l’Étude de Barcelone sera honorée de vous accueillir parmi ses enseignants.

Bagueny inclina la tête en signe de révérence.

— Ce qui sera le plus difficile, père, ce sera alors de ceindre de lauriers mes oreilles d’âne.

Borrell éclata de rire.

— Prenez place.

Il indiqua deux chaises sur les côtés du bureau.

— Tu peux y aller, dit-il au scribe.

Dès que le jeune homme fut sorti, il s’affala dans le fauteuil de velours vert qui dominait la table de travail.

Le prieur était corpulent sans être gras. Il arborait une barbe bien taillée, privilège accordé uniquement aux dominicains de haut rang ou si anciens qu’ils étaient exemptés de rasage. Il avait des traits délicats et de grands yeux noirs et chaleureux. Il inspirait de la sympathie.

Il joignit les mains et se pencha en avant.

— Je suis déjà au courant de tout, père Eymerich. Ce qui s’est passé au Mont de Sion défie la raison. J’ai peut-être commis une faute en ne surveillant pas suffisamment ce monastère. Que pourrais-je faire pour faciliter votre enquête ?

Eymerich était surpris.

— C’est vous qui m’avez convoqué. Je pensais que vous alliez me proposer des informations. Et pas seulement de l’aide.

— J’ai effectivement une information à vous communiquer mais je vous la donnerai après. Elle devrait vous surprendre.

Le père Borrell se laissa aller contre le dossier du fauteuil.

— Cette enquête s’annonce complexe. Vous avez des exigences ?

— Aucune, répondit Eymerich. Prieur, dites-moi pourquoi vous m’avez fait venir.

— Très bien. Vous savez que le roi est ici, à Barcelone ?

Eymerich fit la grimace.

— Je ne le savais pas et ça ne me regarde pas. Je préfère ignorer l’existence même de Pierre le Cérémonieux.

Borrell sourit.

— Lui n’ignore pas que vous êtes ici. Il a envoyé un de ses émissaires à l’aube. Le roi Pierre voudrait vous rencontrer. Il vous donnera audience demain matin à Tierce. Je vous conseille d’être ponctuel.