CHAPITRE XX
Et soudain, l’illumination

L’un des enfants sans bras ni jambes, un peu plus grand que les autres, hurla quelque chose d’une voix aiguë mais faible, presque incompréhensible. Eymerich crut cependant saisir une phrase complète :

— Non, mon roi et père, non ! Je vous servirai… Nous vous servirons !

La supplication était déchirante, d’une insupportable douleur enfantine. L’inquisiteur se remémora ses rêves peuplés de foules qui s’inclinaient devant lui en l’appelant Rex tremendae maiestatis. Il refoula ce souvenir. Il empoigna l’épée à deux mains et l’enfonça dans le dos de l’enfant. « Ce n’est pas un enfant », se dit-il en évitant le jet de sang.

L’arme était très lourde. Eymerich était à bout de forces. Et à chaque meurtre, l’arme se faisait plus lourde. Il avait des vertiges, sa soutane était maculée de sang, il accomplit cependant sa tâche jusqu’au bout. Il trancha quasiment la tête de la dernière larve qui sortait de la ferme. Ultime agonie, ultime hurlement sauvage.

L’inquisiteur revint sur ses pas en titubant. Il lança l’épée à Guglielmo de Romagne. Elle se planta juste devant les pieds du condottiere.

— Tenez, voilà votre épée, lui dit-il en toussant. Un frère a été plus courageux que vous. Vos lances sont des pantins. Honte à vous.

Manfredi Chiaromonte sortit du bosquet de lauriers-roses, tache noire dans l’obscurité.

— Les soldats reviennent par petits groupes.

Il avait l’air ravi, comme s’il avait vaincu on ne sait quelle bataille.

— Je vais donner l’ordre de brûler cette ferme.

— Non ! dit Eymerich d’un ton sans appel. Je veux explorer l’intérieur du bâtiment pour découvrir d’où venaient ces enfants difformes.

— Vous ne trouverez rien. Les pièces sont déjà en train de s’embraser. Vous ne découvrirez aucun être humain encore en vie.

— J’en suis persuadé. J’espère juste trouver une vache morte depuis longtemps et éventrée. Quelqu’un veut bien me fournir de la lumière ?

Un des serviteurs de Valguarnera s’avança. Il tenait une torche.

— À vos ordres, père Nicolas.

Quand Eymerich vit qu’il portait sur sa tunique l’emblème circulaire prescrit aux juifs, il hésita un instant. Il dit enfin :

— C’est toujours mieux que rien. Suis-moi de près et ne laisse pas la lumière s’éteindre.

Ils enjambèrent les dépouilles disséminées devant l’entrée en pataugeant dans des flaques de sang. Ils franchirent le seuil de la Miknas, un nom hérité de l’ancienne capitale des Berbères. L’architecture était de style arabe, mais il n’y avait plus que des ruines et l’ensemble avait perdu toute identité. Le plafond était effondré en plusieurs endroits et laissait voir la lune.

Les premières pièces étaient vides. Ils trouvèrent ce qui brûlait au bout d’un couloir au carrelage maculé de sang.

Eymerich évita les flaques et entraîna le serviteur juif le long d’un étroit passage latéral.

— Je ne sais pas où nous allons déboucher, mais nous devons en voir le plus possible avant que le bâtiment ne s’embrase et ne s’écroule. Tu t’appelles comment ?

— Nissim Ficira, père.

— Eh bien, Nissim, ne lâche jamais la torche, même si nous tombons sur un spectacle effrayant. Dis-toi qu’il s’agit de sortilège, d’illusions diaboliques. Rien de ce que nous allons découvrir, si nous découvrons quelque chose, ne peut réellement te menacer. Tu t’en sens capable ?

— Oui, magister, dit le serviteur d’une voix tremblante.

— Ne m’appelle surtout pas magister ! le sermonna Eymerich, épuisé et furieux. Je n’ai aucun enseignement à transmettre à ceux de ta race. Contente-toi juste de m’éclairer.

— Je vous obéirai.

Il ne leur fallut pas longtemps pour découvrir la première scène d’horreur : un amoncellement de monstres. Ils gisaient dans la première pièce au bout du couloir latéral. Une dizaine de cadavres entassés les uns sur les autres. Des adultes au faciès de porc ou de singe, des enfants semblables à des vers obèses, et au sommet de la pile de corps, une sorte de géant sans visage qui écrasait le reste. Ils étaient entourés d’un tapis de sang caillé et de taches jaunâtres d’humeurs organiques.

— Et voilà ! hurla Eymerich, presque euphorique. Dans la prochaine pièce nous allons découvrir la vache éventrée avec laquelle Ramón s’est accouplé, utilisant son sperme pour engendrer des créatures difformes et pensantes !

— Je ne sais pas si nous y arriverons, magister… excusez-moi : monsieur, bredouilla Nissim. Regardez… tout autour de nous. Bientôt, nous ne pourrons plus repartir.

Des langues de feu jaillissaient des deux seules issues de la pièce où planait une fumée noire, suffocante. La chaleur s’intensifiait.

Eymerich oublia les cadavres de monstres et l’hypothétique vache. Il indiqua une étroite fenêtre où se découpait la nuit.

— C’est la seule issue. Dépêche-toi !

Il s’élança vers l’ouverture, suivi par le juif. Ils dégringolèrent sur l’herbe. Eymerich fut le premier à se relever. Il avait mal partout, surtout à un pied. Il se débarrassa des feuilles qui s’étaient collées à ses habits et tendit la main à Nissim.

— Lève-toi. Tu n’as rien du tout.

Manfredi, Eleonora d’Arborea et tous les autres étaient perdus dans la contemplation de la maison incendiée. La vision d’Eymerich les sortit de leur ahurissement.

L’inquisiteur s’adressa au feudataire avec une pointe d’ironie.

— Amiral, je croyais qu’avec votre passé militaire vous aviez assisté à des spectacles bien plus tragiques que celui-ci. Vous ressemblez à un enfant qui assiste à un numéro de saltimbanques.

— C’est ce qui s’est passé avant qui m’a bouleversé, répondit Manfredi mal à l’aise. Qui nous a tous perturbés, d’ailleurs.

— L’un de vous moins que les autres ?

Eymerich chercha Guglielmo de Romagne du regard. Il se tenait à l’écart, adossé à un chêne.

— Capitaine, lequel de vos hommes a-t-il décidé de détruire la Miknas en y mettant le feu ?

Le condottiere fit un geste de contrariété.

— Quand ils sont entrés, un incendie s’était déjà propagé dans les pièces centrales. C’est ce qu’ils m’ont dit.

— N’essayez pas de vous moquer de moi. Dans la ferme, il n’y avait personne qui soit susceptible d’allumer la moindre flammèche. Ni les enfants démembrés, ni les autres monstres, tous aussi morts les uns que les autres.

Guglielmo écarta les bras.

— Que voulez-vous que je vous dise ? Mes soldats m’ont peut-être menti. Vous avez bien vu comme ils étaient terrorisés. Ils pensaient à tout autre chose qu’à incendier ce bâtiment.

— Alors il se trouve encore là-dedans, réfléchit Eymerich à voix haute.

Manfredi intervint dans la conversation.

— Je ne sais pas à qui vous pensez, père, mais il n’a plus la possibilité de fuir.

Les fenêtres vomissaient des flammes. Le toit explosa. La chaleur était si forte que tout le monde dut reculer. Il y eut alors une série de claquements, de crépitements, d’écroulements en rafale. La maison construite par les Arabes s’effondra. Une aile resta debout, mais elle était également en flammes.

— On en a assez vu, dit Chiaromonte. Il nous faut trouver un autre endroit où passer la nuit.

Il fit un geste en direction des habitants du village qui étaient descendus, effrayés, pour voir ce qui se passait.

— Vous, venez là !

Eymerich se lança à la recherche de son cheval. Il avait le souffle court et des vertiges. Il sentait qu’il avait un peu trop forcé sur ses réserves. Il ne fut pas très heureux de se retrouver face à Eleonora.

La jeune femme n’affichait pas son air impertinent habituel. Elle était plutôt compatissante, comme lors du repas à Vicari.

— Ça n’a pas dû être facile pour vous de tuer autant d’innocents.

Eymerich fut aussitôt sur la défensive.

— De quels innocents parlez-vous ? Des enfants difformes ? Il ne s’agissait pas d’êtres humains, mais d’émanations du démon. En les supprimant, je ne faisais que mon devoir.

— Vous en êtes convaincu ? Ils ne pouvaient pas se défendre. Combien d’individus sans défense avez-vous tués dans votre vie ?

— Beaucoup, et j’en suis fier.

Eymerich fronça les sourcils.

— Écoutez-moi bien, ma dame. Donner la mort et faire souffrir fait partie de mon travail. Je ne le fais pas avec plaisir. J’ai une guerre à mener et j’agis en conséquence. Il ne se passe pas un seul jour sans qu’apparaissent de nouvelles hérésies, ou que le démon essaie d’abattre par ses stupides stratagèmes l’édifice de l’Église et la rationalité du monde que Dieu a créé. Les instruments de la discorde sont souvent des créatures qui ne sont pas responsables, elles ne sont que des marionnettes à la limite de l’idiotie, exécutants de pouvoirs inconnus. Moi, je dois m’occuper d’autre chose : garder sur pied une architecture complexe. Et si pour cela je dois éliminer un étai incliné, je le fais avec regret, mais sans aucune hésitation.

— Avec regret ? Vos actes et vos paroles n’en laissent rien paraître.

— Et qu’en savez-vous ? Vous êtes capable de lire dans mes pensées ?

Eymerich était agacé par l’insistance d’Eleonora. Elle parlait sans trop réfléchir. Ce qui l’énervait encore plus.

— Lorsque cela s’est avéré nécessaire, Dieu s’est servi des anges pour tuer, détruire et punir cruellement le genre humain. Le Testament fourmille d’exemples. Vous ne vous interrogez cependant pas sur ce qui se passe dans la conscience d’un ange à chaque fois qu’il doit dispenser de la douleur pour servir le Bien.

— Vous êtes un homme. Les anges sont de l’air.

— Moi aussi, je suis de l’air.

Cette dernière phrase, lâchée spontanément, avait éveillé des souvenirs qu’Eymerich aurait préféré oublier. Ich Eym Er. Il salua Eleonora et alla chercher son cheval qui paissait un peu plus loin. Il monta en selle – il ne ressentait plus aucune fatigue – et suivit Manfredi, Guglielmo et quelques lances qui trottaient vers une colline où se dressaient des fermes. Il se dit qu’à partir de maintenant il éviterait le plus possible d’adresser la parole à Eleonora. Les femmes étaient la malédiction de sa vie. Thomas d’Aquin en avait bien perçu la puissance destructrice sur la concrète matérialité masculine. Heureusement qu’il n’y avait aucune obligation à les fréquenter. Il se félicita d’avoir eu une mère froide et hostile qui avait facilité son renoncement.

Il fut hébergé par une famille de paysans particulièrement prévenants, gênés d’avoir chez eux un religieux de rang aussi élevé. Les femmes, une vieille, une d’âge moyen et deux jeunes, n’osaient même pas le regarder. Elles étaient vêtues à la manière arabe et on ne voyait d’elles que les yeux et la racine du nez. Le chef de famille essayait au contraire de lui parler. C’était un homme trapu, musclé, aux moustaches et à la barbe grisonnantes. Eymerich ne comprit pas un mot de ce qu’il disait.

— Patri, di manciari un vi putemu offriri nenti di ricercatu, speramu chi v’accuntintati.(12)

L’inquisiteur apprécia la soupe d’épeautre et le pain aux céréales, le vin blanc fort et âpre. Des aliments qui convenaient bien à ses habitudes. Quand il fut l’heure de dormir, il comprit que le vilain voulait lui laisser les grabats pour aller s’installer avec les femmes dans la grange.

Eymerich refusa : c’est lui qui irait dans la grange. Il avait déjà refusé les logements convenables où logeaient Manfredi et les membres de l’expédition. Il voulait rester seul pour réfléchir aux derniers événements. Une maison avec une paillasse confortable l’aurait entraîné rapidement vers le sommeil. Un grabat plus spartiate était préférable.

Le vent s’était levé et, bien qu’il ne fît pas froid, la température s’était radoucie. La grange était balayée par les courants d’air et les rayons de lune. Eymerich ne voulut pas de bougie : la lumière naturelle était suffisante. Une fois seul, il se garda bien de s’allonger sur un tas de paille. Il n’osait même pas imaginer combien d’insectes y grouillaient. Il étendit au contraire une échelle qu’il recouvrit de quelques sacs de jute. C’était un lit inconfortable, qui lui faisait mal aux côtes. C’était ce qu’il voulait : une couche qui l’empêchait de tomber dans un sommeil profond.

Les désagréments dont il souffrait déjà se manifestèrent rapidement. Douleurs articulaires, crampes à son pied enflé, inexplicables contractions musculaires. Après l’avoir bien servi pendant des années, son corps commençait à le lâcher. Après une journée d’activité, il éprouvait une fatigue incompréhensible. Il récapitula ce qui lui était arrivé depuis le début de cette aventure, qu’il considérait comme la dernière. Quel était le point commun d’éléments aussi disparates ? Des prodiges célestes, de prétendus géants venus du cosmos, des petits monstres, des rideaux de brume capables d’engloutir des flottes entières, d’étranges mangeurs de bras et de jambes, des altérations du temps. Existait-il un facteur unificateur au-delà du Liber Vaccae et de ses sordides expérimentations ? Y avait-il une suite logique à un tel enchaînement d’horreurs ?

Il sombra sur ces interrogations, mais ne dormit que quelques heures. La porte de la grange s’ouvrit et Nissim Ficira entra.

— Père, monsieur Manfredi Chiaromonte m’a prié de venir vous réveiller. Le temps est magnifique, le ciel serein et l’aube proche. Il désire partir maintenant, pour arriver à Mussomeli le plus vite possible.

Eymerich s’assit et s’étira.

— J’arrive.

Son regard tomba sur l’insigne en tissu vert que le juif portait cousu sur sa tunique comme tous ses confrères. Et soudain il comprit. Ou plutôt il eut la confirmation de ce qu’il avait obscurément deviné.

Le choc fut tel qu’il tituba presque en enfilant ses chaussures. Et ce n’était pas de la faiblesse, mais plutôt un excès d’énergie. Il se sentait euphorique. Il avait négligé un détail essentiel : Ramón de Tárrega était d’origine juive ! Ce qui conférait à l’ensemble de la mosaïque une parfaite cohérence, du premier au dernier épisode. Se bloquer sur le Liber Vaccae avait été une erreur. Le traité était important, bien sûr, mais il fallait l’intégrer à une autre piste. Il restait encore de nombreux détails à expliquer, mais une fois identifiée la clef de voûte du mystère, tout devenait plus simple. Il était même possible de prévoir certains déplacements de son adversaire.

Quand Eymerich sortit, l’aube n’était pas encore levée, bien que les ténèbres eussent déjà commencé à se dissiper. Les coqs chantaient un peu partout. L’inquisiteur lança d’une voix enjouée au chef de famille qui venait à sa rencontre en tenant une miche chaude :

— Le coq est un animal particulier. Il devine quand le soleil est sur le point de se lever. Ce qui lui confère un caractère sacré, vous ne croyez pas ?

Le paysan n’en comprit bien sûr pas un mot. Il perçut la bonne humeur du dominicain et lui sourit en tendant son cadeau.

— Tiniti, patri, ca vi susteni p’u viaggiu.(13)

Eymerich ne souriait jamais, mais il incurva les lèvres en signe de cordialité.

— Merci, brave homme. Tu ne le sauras jamais, mais ton souvenir restera associé à l’un des meilleurs moments de ma vie. Dieu te bénisse ainsi que ta famille.

L’inquisiteur s’avança vers l’esplanade où se regroupait la troupe de Chiaromonte. Il ne voyait pas grand-chose mais il entendait le hennissement des chevaux et faisait surtout attention dans la pénombre à éviter les rochers les plus pointus. Plus bas, la silhouette sombre de la Miknas paraissait avoir cessé de brûler. En tout cas elle ne dégageait plus de fumée. Il ne restait plus que des ruines et des tas de débris.

Avant qu’Eymerich rejoigne ses compagnons, une lumière jaune vif jaillit de derrière les montagnes et envahit le ciel, effaçant les dernières traces d’obscurité. L’aurore tracta rapidement le soleil qui apparut en un festival de rayons dorés. La rivière scintilla, la vallée prit des couleurs.

Le spectacle émerveilla Eymerich. Pour quelqu’un d’habituellement indifférent à la nature, c’était une nouveauté. Il rencontra d’abord le père Simone dal Pozzo qui grimpait sur le chariot, aidé par une lance.

— Vous avez bien dormi, magister ? lui demanda son confrère.

— Absolument pas, mais le fait d’avoir eu un peu de tranquillité n’aura pas été inutile.

— Vous savez comment j’ai dormi ? Ils m’ont mis…

— Je ne pense pas que cela m’intéresse.

Eymerich poursuivit son chemin en continuant de grignoter sa miche de pain. Il croisa l’équipe qui faisait rouler la baliste. Guglielmo de Romagne dirigeait les opérations à pied. Quand il vit l’inquisiteur, il laissa ses hommes et ôta son casque en signe de respect.

— Je vous dois des excuses, père Nicolas. Hier soir, je me suis comporté avec vous d’une manière qui m’apparaît maintenant injustifiable. La situation était très particulière. Mon respect pour l’Église est sans faille, et je voue une dévotion particulière à saint Dominique.

Guglielmo paraissait avoir oublié la gifle qu’il avait reçue, ce qui était plutôt insolite pour un guerrier professionnel.

— Je vous crois, répondit Eymerich, qui en fait ne le croyait pas du tout. N’y pensons plus. Tenez juste vos soldats sous contrôle… Vous savez où est mon cheval ?

— Oui, dans l’étable, où nous avons regroupé les bêtes. Je vous y conduis.

La colonne se remit en marche peu après alors que le soleil, énorme, était déjà bien au-dessus des collines environnantes. Eymerich n’avait pas vu Eleonora ni parlé à Manfredi Chiaromonte. Il constata qu’au matin, ils avaient tous tendance à oublier les horreurs de la nuit, comme si le jour suffisait à effacer les fruits malsains de l’obscurité. Ce qui n’était pas le cas. Mais il ne fallait pas le faire remarquer. Manfredi ne l’approchait pas pour que l’inquisiteur ne détruise pas cette réconfortante conviction.

Le chemin qui conduisait à Mussomeli se fit plus étroit et semé d’embûches, risquant de faire basculer la baliste et le chariot. Mais il s’élargit rapidement, bordé de grands champs de blé. Dans les rangs non encore moissonnés, les épis étaient hauts et mûrs. Là où ils avaient été coupés, il y avait des tapis de grains et les tiges jaunissaient les champs. Le soleil blondissait les plantations qui blondissaient le ciel. Les collines étaient vertes, le reste doré.

Face à un énorme éperon rocheux qui dominait une vallée luxuriante, Manfredi Chiaromonte retint son cheval et se décida enfin à parler à Eymerich.

— Nous allons arriver à Manfridia, un bourg baptisé d’après mon nom, lui dit-il. Regardez le pic qui le surplombe. J’y fais construire ma plus belle réalisation. Un château plus beau que celui de Palerme.

Eymerich leva les yeux et ne put qu’en convenir.