Les objets volants apparus près de la spirale changèrent soudain de couleur. Il y eut d’abord une intense lueur, comme si une étoile plus grande que la normale s’était allumée. Puis un énorme éclair de lumière verte. Étrangement, il n’éclaira pas le ciel de manière uniforme mais s’insinua sous forme de filaments entre les nuages nocturnes. Les disques se posèrent. Du haut des remparts quelqu’un cria :
— Ils sont à notre portée ! Bombardez-les de pierres et de flèches !
La baliste fut déclenchée la première, suivie par la catapulte. Certains projectiles touchèrent leur cible mais la traversèrent sans l’endommager, comme si elle n’était faite que de lumière. Les disques devaient cependant avoir une certaine masse car ils s’enfoncèrent dans le sol en tournant sur eux-mêmes. La plaine se constella de trous. Peu de temps après, des êtres impressionnants surgirent des cavités.
Il s’agissait de géants nus et poilus, de sexe mâle, à la peau brune et aux cheveux ébouriffés. Ils agitaient leurs bras et hurlaient à tue-tête. Ils soulevaient des rochers et les lançaient en direction du château, ils abattaient des arbres. Ils avançaient d’un pas lourd en faisant des trous dans le sol. Leurs yeux étaient rouges, démoniaques. Mais vu la distance ce n’était peut-être qu’une impression.
Du haut des remparts jaillit un autre cri.
— Les Lestrygons ! Les Lestrygons !
De nouveaux jets de flèches et de pierres fusèrent vers les assaillants. Les projectiles se dématérialisèrent avant de les toucher, disparaissant dans le vide. La horde monstrueuse continua d’avancer, entre grincements de dents et barrissements insensés. Elle semblait décidée à escalader le pic rocheux.
Eleonora enlaça Eymerich et se tint serrée contre lui. L’inquisiteur, préoccupé, mais loin de succomber à la panique, ne la repoussa pas.
— Vous avez peur, ma dame ?
— Qui n’y succomberait pas ?
Une réponse quelque peu malicieuse. Sa voix était cependant tremblante.
— Rassurez-vous. Ces fantoches ne peuvent faire de mal à personne. Ils sont juste là pour faire peur, pas pour tuer. Leur spectacle ne va pas durer longtemps.
Les Lestrygons s’avançaient vers le mur sud de la forteresse. Les archers terrorisés avaient du mal à viser. Ils leurs décochèrent une pluie de flèches qui n’eut aucun effet. Pour éviter une fin atroce, certains soldats se jetèrent dans le vide et se fracassèrent sur les rochers.
— Maintenant ça suffit, dit Eymerich.
Il se libéra de l’étreinte d’Eleonora d’Arborea et s’approcha du garde-fou, indifférent aux pierres que la catapulte faisait voler au-dessus de sa tête. Il se pencha. Certains géants hirsutes escaladaient déjà la falaise, agrippés aux rochers. D’autres lançaient d’énormes blocs de schiste qu’aucun humain n’aurait pu soulever.
L’inquisiteur tendit les bras, se laissant pénétrer par les lumières jaunâtres aux reflets verts qui tombaient du ciel et se reflétaient dans la vallée. Il scanda en latin, de toute la force de ses cordes vocales :
— Draco maledicte et omnis legio diabolica, adjuramus te per Deum vivum, per Deum verum, per Deum sanctum, per Deum, qui sic dilexit mundum, ut Filium suum unigenitum daret, ut omnis, qui credit in eum, non pereat, sed habeat vitam aeternam : cessa decipere humanas creaturas, eisque aeternae perditionis venenum propinare : desine Ecclesiae nocere et ejus libertati laqueos injicere. Vade, Satana, inventor et magister omnis fallaciae, hostis humanae salutis. Da locum Christo, in quo nihil invenisti de operibus tuis ; da locum Ecclesiae unae, sanctae, catholicae, et Apostolicae, quam Christus ipse acquisivit sanguine suo. Humiliare sub potenti manu Dei ; contremisce et effuge, invocato a nobis sancto et terribili nomine Jesu, quem inferi tremunt, cui Virtutes caelorum et Potestates et Dominationes subjectae sunt ; quem Cherubim et Seraphim indefessis vocibus laudant, dicentes : Sanctus, Sanctus, Sanctus Dominus Deus Sabaoth !(14)
Dès les premiers mots, les monstres se tournèrent vers lui. Il se retrouva épié par des yeux avides, saillants, zébrés de veines prêtes à exploser en une pluie de sang. Leurs bras démesurés s’agitèrent, des mains crochues envoyèrent des pierres dans sa direction. Un hurlement ininterrompu et furieux couvrit les autres bruits. Tout Mussomeli vibrait, la spirale dans le ciel tournait frénétiquement.
Eymerich n’avait absolument pas peur. Il énonça ainsi la dernière partie de la formule, les bras croisés sur la poitrine, comme s’il ne voulait pas gaspiller son énergie. Le vacarme des hurlements ne le couvrait pas : chacune de ses paroles s’infiltrait entre les bruits et retentissait dans des oreilles pointues, sensibles à un message de guerre. Au moment du Sanctus, il leva la main droite et traça le signe de la croix.
Les Lestrygons reculèrent en claudiquant, réduits au silence par une terreur capable de paralyser leurs larynx. Ils plongèrent là d’où ils étaient venus. Un instant plus tard, effectuant de brusques zigzags qui ne correspondaient à aucune trajectoire précise, les disques lumineux se retrouvèrent de nouveau en train de danser follement à côté de la spirale. Puis ils disparurent avec les géants qu’ils avaient vomis et la volute tourbillonnante qui les avait conduits en ce lieu. Il ne resta même plus trace des cavités : le terrain, l’herbe et les plantes retrouvèrent leur aspect d’origine. Le silence revint. Le soleil continua de briller.
Eymerich ressentit une douleur lancinante à la tête comme il n’en avait encore jamais éprouvé. Les gens qui se trouvaient autour de lui se bouchèrent les oreilles, probablement vrombissantes comme les siennes. Cela ne dura qu’un très court instant. Le spasme s’évanouit comme il était venu, sans laisser de traces.
Le silence qui suivit fut bref. Au sommet de la forteresse tout le monde applaudissait, soldats, lances et barons, d’abord timidement puis de plus en plus vigoureusement. Eymerich savait que cette ovation lui était adressée, mais il n’en fut pas flatté : il était même agacé de capter à nouveau l’attention et il trouvait inconvenant d’applaudir au lieu de prier.
Il grimpa la tête basse. Quand il passa à côté d’Eleonora, elle murmura :
— Bravo ! Bravo !
Il jugea inutile de répondre.
Sur les marches de l’entrée principale, Giovanni Chiaromonte faillit l’embrasser. Eymerich fit semblant de s’essuyer le front du dos de la main pour se soustraire à l’enthousiasme du feudataire. Celui-ci s’adressa à son frère.
— Manfredi, en nous emmenant le père Nicolas, tu as sauvé Mussomeli et peut-être même toute la seigneurie ! Tu ne pouvais pas me faire un plus beau cadeau !
Ceux qui avaient fui la bataille en se calfeutrant dans le château refaisaient surface. Ils affichaient tous une expression de soulagement qui confinait à la joie.
Eymerich eut peur de se retrouver au milieu de corps en sueur et de sourires niais. Pour éviter tout risque, il dit à Giovanni :
— Rector, j’ai faim. Est-il possible de manger quelque chose ?
— Mais bien sûr, père ! Suivez-moi. Je vais vous faire servir immédiatement un repas !
L’intérieur de la forteresse allait de pair avec son aspect extérieur. Des murs grisâtres avec pour seule décoration quelques trophées de guerre. La température était plus fraîche qu’à l’extérieur et l’humidité bien plus importante. Il n’y avait pas de cheminées, peut-être inutiles dans cette région.
On fit asseoir Eymerich, avec grande attention, au centre d’une longue table recouverte d’une nappe brodée. Giovanni prit place à sa droite, Manfredi à sa gauche.
La famille et les courtisans s’installèrent sans respecter d’ordre précis. On apporta aussitôt des tranches de pain, des carafes de vin blanc, des petits cubes de fromage couverts de confiture et des bols de dattes. Le bavardage était amplifié par les voûtes en berceau, mais il cessa brusquement lorsque Giovanni prit la parole.
— Magister, dans cette même salle je vais inviter toute la baronnie de Sicile, ennemis inclus. Il est temps d’arriver à des décisions communes et de faire des choix sur l’avenir de l’île. Grâce à vous, nous n’aurons peut-être pas besoin de nous défendre contre des armes lumineuses venues du cosmos et de leur cargaison de fantômes : les Lestrygons, premiers habitants, après les géants, de ce triangle entouré par la mer.
Tout en grignotant son pain, Eymerich essayait de détacher du pouce la couche de confiture d’orange qui recouvrait son fromage.
— Monsieur le régent, d’après ce que j’ai cru comprendre c’est la troisième fois que ces prétendus Lestrygons attaquent votre château. Avez-vous déjà subi des pertes ?
— Quelques-unes, oui. Des soldats qui se sont suicidés, mais surtout des civils.
— « Suicidés », dites-vous. Aucun d’entre eux n’a été dévoré par les géants cannibales ?
— Pas jusqu’à présent. Qui affirme le contraire est victime de la rumeur populaire. Nos catapultes ont tenu les envahisseurs à distance. La baliste que nous a apportée Manfredi va renforcer nos défenses. Lors de ces attaques, nous avons été fiers de voir les bêtes s’effondrer sous nos projectiles.
— Vous avez récupéré des cadavres, après la bataille ?
— Non, aucun.
Eymerich se rinça les doigts dans une bassine en argent remplie d’eau et de quelques gouttes de citron. Le fromage était excellent une fois débarrassé de son nappage douceâtre et le pain sentait bon.
— Vous savez ce que vous devez faire, rector, en cas de nouvelle attaque ?
Eymerich était amusé.
— Rassembler vos hommes et les emmener à déjeuner ou à dîner. Les lieux vibreront pendant un certain temps, comme lors d’un tremblement de terre, puis tout rentrera dans l’ordre.
Manfredi, qui avait fini son plat et réclamait encore du veau, protesta le premier.
— Excusez-moi, magister. J’ai reconnu le texte que vous avez psalmodié, penché sur la rambarde : une formule d’exorcisme. C’étaient des créatures de l’enfer qui grimpaient le long de la falaise, et vous avez réussi à les renvoyer là d’où elles venaient.
Eymerich acquiesça, bienveillant et curieusement cordial.
— C’est à peu près ça, amiral. La littérature chrétienne sur les démons est source de débats, mais hormis quelques textes hérétiques de Constantinople, elle s’accorde sur le fait qu’il n’existe aucun diable capable d’atteindre physiquement un humain en chair et en os. Il peut seulement le tourmenter. J’ai récité une prière au hasard, à l’adresse de l’architecte de cette mise en scène. Un intermédiaire concret est nécessaire pour matérialiser des cauchemars. J’ai essayé d’atteindre l’auteur plus que sa création fantaisiste.
Giovanni Chiaromonte se tripota le sommet du front. Il cherchait ses cheveux, pas encore blanchis mais déjà clairsemés.
— Je dois avouer que je n’ai absolument rien compris.
Eleonora d’Arborea, assise au milieu de la tablée, avait saisi l’explication d’Eymerich. Elle applaudit de ses mains fines aux gants en peau de daim. Elle ne les avait même pas enlevés pour dévorer fromage et confiture.
— Bravo, magister !
— Inutile de me féliciter, il s’agit pour moi de choses évidentes qui font partie de mon métier.
Eymerich délaissa sa nourriture et joignit les mains.
— Si quelqu’un veut frapper l’imagination, il fouillera dans le passé de ses victimes. En évoquant par exemple le fantôme de parents décédés. Et il en va de même pour provoquer une hallucination collective. Il cherchera alors, dans l’histoire, les légendes et les fables. Dans le passé mythique de la Sicile il y avait des géants et des Lestrygons ? Eh bien ils reviennent identiques à la description qu’en fit Homère. Pour satisfaire les attentes.
Simone dal Pozzo secoua la tête.
— Permettez-moi de ne pas être d’accord. Dans l’histoire de la Sicile il n’y a ni spirales ni disques lumineux.
Un consensus général se dessina autour de la table. Le discours d’Eymerich qui qualifiait l’assistance de stupide victime de mirages ne passait pas.
— Ils ne sont là que pour provoquer les visions. Ne me demandez pas comment cela fonctionne, car je ne le sais pas encore.
Manfredi était à deux doigts d’exprimer sa colère. Il laissa tomber bruyamment son couteau sur la table.
— Père Eymerich, vous vous moquez de nous. Sur la route de Mussomeli nous avons trouvé des corps démembrés. La nuit dernière vous avez combattu des nouveau-nés géants qui ressemblaient à des vers. Ils projetaient du sang et couinaient comme des rats. Uniquement des hallucinations ? Des fantômes ?
— Non, certainement pas, répondit calmement l’inquisiteur. Je parlais uniquement des Lestrygons que nous venons de voir.
— Et le reste ?
— Les autres apparitions sont d’une autre nature. Je ne sais pas encore laquelle, mais je le découvrirai.
Giovanni Chiaromonte était lui aussi en colère. Respectueux des règles de l’hospitalité, il ne laissa pas transparaître son irritation, mais le ton de sa voix était plus dur qu’à l’ordinaire.
— Magister, je vous ai patiemment écouté. Vous minimisez nos victoires : nous nous sommes battus contre des lumières, des fantômes et je ne sais quelles illusions. Admettons que ce soit le cas. Il devrait exister selon vous un intermédiaire humain pour canaliser de pareils cauchemars. Où se cacherait-il ?
— Probablement à nos côtés, depuis notre départ de Palerme. Il s’appelle Ramón de Tárrega. Et se camoufle peut-être sous une autre identité.
Giovanni afficha une moue effarée.
— Il pourrait être assis à cette table ?
— Je ne sais pas régent. Je sais seulement qu’il ne peut pas être loin. Il est mort, mais il est capable de prendre n’importe quelle apparence.
— Et comment fait-il ?
— Je ne sais pas. Pas encore.
À cet instant précis tous les participants au déjeuner arrêtèrent de manger et se regardèrent subrepticement les uns les autres. Un climat de suspicion désagréable et insoutenable avait gagné la salle. Eymerich était maintenant dévisagé avec une certaine animosité, comme s’il était responsable de cette situation. Ce qui était un peu le cas.
Manfredi se leva, aidé par un serviteur. Il invita l’inquisiteur à l’imiter.
— Venez, père. Je vais vous montrer votre chambre.
— Il est tôt pour aller dormir.
— Mais pas pour déposer vos affaires avant de faire une petite promenade.
Manfredi escorta Eymerich le long d’un couloir jusqu’à une petite chambre qui en surplombait une autre, accessible par un petit escalier en bois au ras de la voûte. L’inquisiteur dut se courber et après toutes ces heures passées à cheval, il eut mal au dos. Il déboucha dans une pièce ensoleillée, éclairée par une fenêtre trilobée qui donnait sur le précipice. La plus grande partie était occupée par un lit à baldaquin à la couverture violette. Il n’y avait pas de meubles, juste une étagère fixée par une armature métallique sur laquelle étaient posés un chandelier et le nécessaire pour l’hygiène personnelle : un seau pour les besoins intimes, une cruche d’eau et un miroir. Même à Avignon on ne trouvait pas un tel luxe. Des cabinets malodorants expédiaient les matières organiques par des canalisations d’un étage à l’autre, jusqu’à la fosse principale. Le palais des Papes était célèbre pour sa puanteur.
Manfredi sourit.
— À table, vous avez parlé du pouvoir de suggestion des légendes. Vous savez comment les habitants de Mussomeli appellent cette chambre ? La chambre des trois femmes. Et vous savez pourquoi ?
— Non, répondit Eymerich qui examinait déjà les couvertures à la recherche d’éventuels parasites. Je vous écoute.
— J’aurais fait emmurer ici ma femme et mes deux filles. Ou carrément trois hypothétiques filles. Avec assez de nourriture pour préserver leur chasteté pendant la guerre entre Catalans et Latins. Mais la guerre s’est éternisée et, à mon retour, je les aurais retrouvées mortes, la nourriture étant épuisée.
Manfredi rit longuement en se tenant le ventre.
— Voilà d’où vient l’appellation « chambre des trois femmes ». Elle est soi-disant encore habitée par leurs fantômes ! J’espère que cela ne vous inquiète pas.
— Absolument pas, répondit Eymerich.
Ses mains fouillaient toujours la paillasse.
— Je vous considère comme innocent, étant donné que le château est encore en construction. Depuis un an, me semble-t-il.
— C’est exact, répondit Manfredi amusé, mais les Siciliens ont l’imagination fertile. Bon, je vais vous laisser terminer votre inspection. Nous nous verrons plus tard.
Eymerich était agréablement surpris par la propreté de la chambre. Il ne trouva qu’une petite araignée, recroquevillée sur sa toile. Il la fit tomber d’un souffle et l’écrasa sous sa chaussure. Il jeta sa besace sur le lit, mais il n’avait pas du tout l’intention de se coucher, d’autant moins que ses douleurs osseuses commençaient à disparaître. Il ne savait pas quoi faire jusqu’à l’heure de Sexte. Il regarda par la fenêtre.
Le soleil dorait l’étendue verte de la plaine. Tout n’était que tranquillité et silence. Des charrettes de la taille d’un point, peu nombreuses, parcouraient les rues sinueuses qui conduisaient au village. L’inquisiteur se demanda si les paysans avaient remarqué l’assaut du piton par les Lestrygons. Il en doutait : il y aurait eu une certaine effervescence et les cloches de San Giorgio auraient sonné. Alors qu’il régnait un calme presque excessif. Certains avaient peut-être vu les disques dans le ciel, ou la grande spirale tournoyante, mais ils ne s’en étaient pas inquiétés. Spectacle fréquent ou bien taches jaunes sur jaune ? Il aurait fallu qu’il puisse discuter avec des paysans parlant une langue compréhensible.
Il n’y avait aucun intérêt à admirer un paysage agréable mais sans surprise. Il décida donc de grimper le sentier coudé qui conduisait à une chapelle tout en haut du château.
Lorsqu’il se retourna pour sortir, il sursauta. Trois femmes se tenaient immobiles au bord du lit. Les silhouettes n’étaient pas très nettes, mais elles étaient incontestablement féminines. Deux d’entre elles étaient vêtues de bleu, la troisième, au centre, était nue. On ne voyait pas grand-chose de son visage. Ses cheveux, d’une couleur indéfinissable, étaient noués sur sa tête. Ses traits étaient à peine esquissés, translucides. Les yeux paraissaient démesurés, trop grands pour un être humain normal. Les contours estompés des corps se confondaient avec le fond de la pièce.
Son cœur battait à tout rompre. Il trouva juste la force de s’exclamer sur un ton de défi :
— Maintenant, ça suffit, Ramón ! Montre-toi, affronte-moi en homme !
On entendit un gémissement qui ne venait pas des femmes, mais de plusieurs directions à la fois. Il se transforma en une sorte de ricanement ponctué de souffrance. Les trois silhouettes levèrent les bras, puis un instant plus tard s’évanouirent. La chambre à coucher était redevenue normale.
Eymerich respira à fond et franchit la porte, se ruant le long de l’escalier, vers le couloir. Il se récita en haletant le début d’une prière qu’il avait apprise dans son enfance.