![]() |
5 |
“La folie, c’est se comporter de la même manière et s’attendre à un résultat différent.”
Albert Einstein
J’ai décidé de consacrer ce dernier chapitre à la progression personnelle. Si rien ne remplace l’apprentissage par l’expérience, certaines actions permettent cependant d’amplifier et d’accélérer les connaissances acquises. C’est mettre le corps et l’esprit dans les meilleures prédispositions pour grandir plus rapidement. Éviterez-vous pour autant les erreurs ? Non, et j’ajouterai : « Heureusement ! » Si l’erreur est parfois coûteuse, elle permet de se dépasser par la suite. Les échecs ont toujours moins d’amertume quand ils sont porteurs de sens. Et la saveur que vous leur donnerez ne dépendra que de vous. Soit, par phénomène de dissonance cognitive, vous blâmerez les circonstances pour sortir la tête haute. Soit vous verrez en votre erreur une opportunité, pour tâcher de ne pas la reproduire. Ce n’est qu’en la décortiquant pour en extraire les causes que vous progresserez. Et là, vous ferez preuve d’humilité.
Tous les conseils figurant ci-dessous sont les méthodes et actions auxquelles j’ai eu recours pour progresser. D’ailleurs, j’en utilise encore certaines aujourd’hui, même après vingt ans de pratique. C’est avant tout un état d’esprit, comme une hygiène de vie. Si ces « recettes » diffèrent les unes des autres, elles nécessitent néanmoins toutes deux valeurs fondamentales : la curiosité et la résilience.
Si le regard que vous portez sur le genre humain n’est pas animé de curiosité bienveillante, alors vous passerez très certainement à côté de bon nombre de choses. Être curieux ne signifie pas simplement observer attentivement. Cela va bien au-delà. Être curieux implique d’adopter une attitude résolument tournée vers l’autre, qui passe aussi bien par le regard porté que par l’intérêt réel. Les personnes égocentriques sont de très mauvais détecteurs de mensonges, par exemple. Elles se forcent à observer attentivement quand on leur demande de le faire. Mais leur nature les empêchant de s’investir véritablement dans leur démarche, leur attention se détourne rapidement quand des efforts sont à fournir. La curiosité s’accompagne d’empathie, car il est souvent nécessaire de comprendre l’autre pour ne pas le juger. Le jugement brouille forcément la lecture, qu’on l’accepte ou pas.
La résilience, quant à elle, est la faculté de surmonter les épreuves. La lecture comportementale imposant une pratique de longue haleine et régulière, celui qui flanche en début de parcours est condamné à échouer. Il faut donc du courage et de la persévérance pour se relever après chaque déconvenue. C’est un travail sur soi, parfois frustrant, mais tellement gratifiant.
Une des principales difficultés, dans le cadre de la détection du mensonge, est de porter un regard attentif sur des indices de tromperie potentiels tout en conduisant l’entretien, la négociation ou l’interrogatoire. À cela s’ajoute le facteur émotionnel si l’interview est particulièrement complexe et intense. Vous tentez, tant bien que mal, de maîtriser vos émotions qui vous submergent, au détriment de l’attention nécessaire qu’il faudrait porter au sujet interrogé. En négociation, vous sollicitez constamment vos facultés cognitives pour ne pas perdre votre objectif de vue, tout en passant en revue dans votre tête la stratégie fixée par votre patron avant le rendez-vous, et vous oubliez de vous concentrer sur votre interlocuteur qui vous menace depuis dix minutes maintenant. Bref, conduire deux actions simultanément n’est pas chose facile.
Il m’a fallu près de cinq ans pour être capable de mener ces deux actions de front et plus de dix ans pour que cela devienne un automatisme. Pendant toute la période d’apprentissage, je sollicitais au maximum la présence d’un binôme. L’un conduisait la négociation, l’interrogatoire ou l’entretien, et l’autre observait en prenant des notes. Les rôles changeaient selon les besoins, le profil et le contexte. Avec le temps, la présence du binôme s’est estompée, les actions sont devenues des réflexes et l’œil s’est calibré naturellement. Faites cet exercice, vous progresserez sereinement et convenablement.
Voici un bon exercice à faire lorsque vous êtes assis confortablement devant votre télévision : couper le son ! Choisissez un film ou une série que vous ne connaissez pas, et concentrez-vous sur les expressions faciales et le comportement des acteurs. Le but est de comprendre entièrement l’histoire et les intrigues, simplement en observant les images dénuées de son. C’est un des meilleurs exercices pour progresser sur l’aspect non verbal. De plus, avec le temps, vous lirez beaucoup plus facilement sur les lèvres, ce qui est une qualité inestimable dans bien des situations. Également, dans une moindre mesure, les séries B vous paraîtront plus intéressantes sans le son qu’avec le son.
Une des difficultés majeures dans la détection du mensonge est de parvenir à obtenir la vérité finale. Dans bien des cas, nos présomptions, même les plus fondées, gardent un caractère hypothétique, tant que la vérité n’a pas été révélée au grand jour. Du coup, comment vérifier notre analyse ? La réponse est que, malheureusement, vous ne pouvez pas. Seule la vérité nue permet de confirmer ou d’infirmer une analyse. Deux options s’offrent alors à vous. Soit accepter ce constat avec fatalisme, soit tenter d’obtenir la vérité coûte que coûte. Il existe de nombreuses méthodes légales qui n’auront de limite que le fruit de votre imagination. En négociation par exemple, afin de vérifier mes hypothèses dans le cadre de l’analyse de crédibilité d’ultimatums, je faisais en sorte de me rapprocher d’une manière ou d’une autre d’une personne proche de celui qui avait formulé les menaces pour obtenir ces informations cruciales. Et dans 80 % des cas, cela fonctionnait. Il fallait simplement beaucoup d’ingéniosité, de patience et de persévérance.
Avec le retour d’expérience, vos hypothèses sont confrontées à l’épée de vérité. Vous progressez donc en capitalisant sur vos erreurs, que vous savez corriger, et vos succès, sur lesquels vous pouvez vous appuyer.
À noter
Sans retour d’expérience, vos analyses restent le fruit de votre propre perception. Votre cuir s’épaissit tout de même, mais il est constitué d’informations fausses et vraies, sans possibilité de distinguo. Vous développerez alors des réflexes analytiques qui pourront s’avérer pertinents par moments, ou totalement inappropriés dans d’autres cas.
Si vous êtes jeune maman ou jeune papa, au lieu de balader votre progéniture en faisant trois choses à la fois, concentrez-vous sur son visage. Un bébé n’a pas encore été touché par le vernis social. Ses expressions d’émotion sont donc spontanées, sans processus de retenue particulier. Regardez alors son action musculaire quand il traduit la joie, la colère, la surprise, la peur ou la tristesse. Portez une attention particulière aux sourcils, aux paupières, au front et aux commissures des lèvres. Comme les bébés expriment intensément leurs émotions, elles se traduisent tout aussi fortement sur leur visage. C’est un formidable moyen de se familiariser avec l’activation musculaire des expressions faciales d’émotions.
Il faut l’admettre, les superproductions Disney® et Pixar® sont particulièrement réalistes. Et chaque année, c’est un pas supplémentaire vers la perfection. Les mouvements du corps, les gestes, les expressions faciales, l’activation buccale à chaque mot prononcé, tout tend à se rapprocher parfaitement de l’homme que nous connaissons. Au-delà du fait qu’ils sont particulièrement doués, les dessinateurs ont appris et compris le fonctionnement complet de l’être humain. Pourquoi regarder des Disney® ou des Pixar® ? Simplement parce que les expressions faciales sont souvent très prononcées et que les visages bénéficient de gros plans. Cela contribue à l’humour des films. La peur, par exemple, est généralement traduite par un plan soudain de la bouche au front, faisant apparaître une bouche ouverte et rétractée, des sourcils relevés, des rides sur le front, la paupière inférieure tendue et la paupière supérieure relevée. Un cri strident accompagne ce visage d’effroi et tous les enfants se mettent à rire. Cela fait partie de la magie de ces films. Pour qu’ils soient encore plus magiques pour vous, regardez les expressions faciales !
La lecture comportementale est tellement dense et riche qu’il est impossible de tout apprendre d’une seule traite, d’autant plus que nous sommes encore loin d’avoir découvert toutes les facettes du fonctionnement de l’être humain. À titre comparatif, ce serait tenter de retenir avec votre seul corps les milliers de tonnes d’eau s’échappant d’un barrage, dont les contreforts viendraient de céder.
Pour éviter de perdre pied, il est préférable, dans un premier temps, de se focaliser sur un groupe d’éléments, que l’on nommera clusters. Par exemple, les bras et la pupille. Ensuite, vous ajoutez un cluster supplémentaire, puis encore un autre, et ainsi de suite. L’apprentissage progressif permet d’établir des paliers et de laisser suffisamment de temps à l’œil et au cerveau pour intégrer des automatismes.
Si vous souhaitez progresser dans l’apprentissage des micro-expressions, je ne peux que vous recommander les outils développés par Paul Ekman. Directement accessibles sur son site (www.paulekman.com), ils sont tous complémentaires et de difficulté variable. De plus, dans la plupart des cas, vous bénéficierez de la voix de Paul Ekman qui vous livrera son regard d’expert.
Avec de la pratique, vous serez capable de détecter et de reconnaître toutes les micro-expressions des exercices avec une justesse supérieure à 95 %.
C’est le passage obligé pour se familiariser avec les micro-expressions. Vous travaillez sur des profils issus de six ethnies différentes.
Après METT 3.0, vous pouvez passer sur SETT 3.0. Dans cet exercice, les micro-expressions sont subtiles, donc plus difficiles à capter. De plus, l’action musculaire concerne simplement une partie du visage.
Quand vous vous serez familiarisé avec les micro-expressions de face, essayez METT Profile pour apprendre à les reconnaître sur des sujets de profil.
Ce dernier exercice est le plus difficile et n’est à conseiller qu’à ceux particulièrement à l’aise sur le sujet. Les micro-expressions sont très rapides et l’intensité est plus faible.