Quel genre de poésie La Fontaine n’a-t-il point imité ? Voici, après la polémique en bouts-rimés avec Furetière (voir supra), un autre échantillon de poésie mondaine auquel s’est parfois laissé aller le fabuliste. Il s’agissait de composer une pièce à la louange du Dauphin, sur la prise de Philisbourg (Philippsbourg), dont les rimes devaient rester identiques et former le nom de PHILISBOURG à chaque quatrain.
Rappelons que Louis XIV avait commencé la guerre dite de la Ligue d’Augsbourg en septembre 1688 en lançant ses troupes sur le Palatinat. En octobre, l’armée conduite par le Dauphin assiège Philippsbourg qui capitule au bout de trois semaines.
Va chez le turc et le sophi,
Muse, et dis, de Tyr à Calis2,
Que, malgré la ligue d’Augsbourg,
Monseigneur a pris PHILISBOURG.
Tu pourras jurer : « Par ma fi3,
C’est le digne héritier des Lis.
Comment, diable ! il prend comme un bourg
L’inexpugnable PHILISBOURG ! »
Seize jours au siège ont suffi ;
D’autres guerriers y sont vieillis.
Ce premier labeur, ou labour4,
Donne à la France PHILISBOURG.
Le Dieu du Rhin en a dit : « Fi !
Je sens les corps ensevelis,
Et non le bois de calambour5,
Le long des murs de PHILISBOURG. »
Staremberg6, d’orgueil tout bouffi,
Nous donnait trois mois accomplis
Avant qu’ouïr sur leur tambour
La chamade7 dans PHILISBOURG.
Il s’est trompé dans son défi :
Nos quartiers vont être établis
Sur mainte ville et maint faubourg
Par la prise de PHILISBOURG.
Ma foi, l’Empire est déconfi,
Si bientôt ne sont démolis,
Par la paix, les murs de Fribourg,
Et l’imprenable PHILISBOURG.