PREMIÈRES ŒUVRES


Nous le savons, pratiquement aucune œuvre de jeunesse de La Fontaine ne nous est parvenue, au point même que rien ne permet d’affirmer avec certitude que le jeune La Fontaine écrivait. De cette époque il n’a été retrouvé que quelques chansons gaillardes, semblables à celles écrites par son camarade Maucroix. Si elles ne prétendent pas à une grande valeur littéraire, elles annoncent déjà la veine satirique de la Ballade des Augustins (voir ici) qui se confirmera et s’épanouira dans les Contes.

De deux ans plus âgé que Jean de La Fontaine, François Maucroix est son ami de toujours, son « miroir involontaire » dira Sainte-Beuve. De tempérament semblable, épicuriens l’un comme l’autre, ils se méfient mêmement du mariage. À Tallemant des Réaux qui le pousse à l’union matrimoniale, Maucroix répond :

Ami, je vois beaucoup de bien

Dans le parti qu’on me propose

Mais toutefois ne pressons rien

Il faut y penser mûrement.

Sages gens en qui je me fie

M’ont dit que c’est fait prudemment

Que d’y songer toute sa vie.

La Fontaine n’en aurait pas dit moins. Tous les deux affectent encore le même désintérêt pour la gloire militaire, puisqu’il est bien entendu que c’est le plaisir et l’amour qui font tout le prix de la vie. À propos d’un homme qui reporta la date de son mariage pour s’en aller à la guerre – où il mourut, Maucroix écrit :

Qu’il lui coûtera cher d’éterniser sa gloire !

Pour moi j’aimerais mieux un peu plus de plaisir

Et laisser de mon nom un peu moins de mémoire.

Avocat, Maucroix décide en 1647 d’abandonner le barreau pour devenir chanoine à Reims. La Fontaine célèbre à sa manière l’ascension de son ami. Composée sur le rythme du chant pascal O filii et filiae, il lui compose la chanson suivante :

CHANSON DE LA FONTAINE POUR M. MAUCROIX

Tandis qu’il était avocat,

Il n’a pas fait gain d’un ducat ;

Mais vive le canonicat !

Alleluia !

 

Il lui rapporte force écus

Qu’il veut offrir au dieu Bacchus,

Ou bien en faire des cocus !

Alleluia !

C’est encore, pour La Fontaine, l’âge des « chansons à boire ».

Quelques années plus tard, en 1652, les troupes du duc de Lorraine, Charles IV, ravagent la Champagne. Parmi ces armées, quelque trois mille Allemands passent à Bussière, mal défendu par le maréchal de Gramont. Celui-ci, fortement décrié, sera souvent épinglé dans des vaudevilles appelés « Lampons ». La Fontaine le brocarde à son tour :

LE CURÉ DE BUSSIÈRE…

Le curé de Bussière

Disait aux Allemands :

« Prenez ma chambrière,

Rendez-moi ma jument.

Tenez, la voilà : f…ez-la tous, je vous en prie.

Ma pauvre jument, ramenez-la dans l’écurie. »

Le roi des Lampons

Sus, courage, compagnons !

Le roi des Lampons

A de fort bons éperons.