LA PAIX DE NIMÈGUE


De 1678 à 1679, une série de traités mettent fin à la guerre de Hollande. Ils sont signés entre la France, les Provinces-Unies, l’Espagne et l’Empire. Il est notamment prévu que l’Espagne cède à la France la Franche-Comté, ainsi que nombre de places. La paix de Nimègue consacre la prééminence française en Europe occidentale et marque l’apogée du règne de Louis XIV.

Les trois pièces suivantes se rapportent à cette paix. Selon Pierre Clarac, le portrait du roi serait le fameux pastel de Nanteuil ; le ballet dont La Fontaine a écrit la VIe entrée fut représenté au château des Cours en 1678, pour célébrer la paix ; quant à l’Ode, La Fontaine la composa vraisemblablement après la signature du quatrième traité de paix en février 1679 et la publia isolément en plaquette au mois de juin de la même année.

SUR UN PORTRAIT DU ROI

À l’air de ce héros, vainqueur de tant d’États,

On croit du monde entier considérer le maître ;

Mais s’il fut assez grand pour mériter de l’être,

Il le fut encor plus de ne le vouloir pas.

À M. RAYMOND DES COURS

POUR DES BERGERS ET DES BERGÈRES DANS UNE FÊTE DONNÉE AU CHÂTEAU DES COURS,
PRÈS DE
 TROYES

M. des Cours était alors, par une circonstance extraordinaire,
chez M. son frère.

ODE POUR LA PAIX

« Fleuve, qui la revois, va-t’en dire à Neptune

Que tout est calme parmi nous.

Mars a quitté ces lieux ; d’autres Démons plus doux

S’en vont courir les mers et tenter la fortune.

On ne verra nos matelots

Combattre, à l’avenir, que les vents et les flots.

Louis nous rend la Paix : son bras et sa conduite

Aux yeux de l’Univers ont assez éclaté,

Et l’Envie à la fin pleure d’être réduite

À connaître aussi sa bonté ! »

« Ô Nymphe, il faut vous accorder

Ce que votre troupe souhaite :

C’est à moi d’obéir, à vous de commander.

Sachez donc que Bellone, impuissante et muette,

Souffre que ses enfants tâchent de la bannir ;

Celle dont les faveurs ont ennobli la France,

Se laisse ôter toute espérance

D’y pouvoir jamais revenir.

« Louis consent qu’elle nous quitte ;

Elle lui dit en vain que bientôt ses exploits

À l’un et l’autre Rhin auraient joint sous ses lois

Les deux ceintures d’Amphitrite :

Il eût pu tenter ces projets,

Mais le repos de ses sujets,

Celui de ses voisins, les soupirs de l’Europe,

Ont à la fin changé l’objet de ses désirs ;

Et la savante Calliope

Ne nous chantera plus que jeux et que plaisirs. »

Acante en eût dit davantage,

Mais on cessa de l’écouter.

Les Nymphes, au transport se laissant emporter,

Du doux nom de la Paix remplirent leur rivage.

Toutes plaçaient déjà Louis entre les dieux ;

Elles voyaient que de ces lieux

À la fin Bellone exilée

D’alarmes pour toujours nous avait garantis.

Telle éclata la joie, aux noces de Pélée,

Chez les suivantes de Thétis.

« Et, vous, divinités à qui je dois les vers

Qui de jeux et d’amour ont rempli l’Univers,

Si j’ai toujours suivi votre troupe immortelle,

Faites qu’étant épris d’une nouvelle ardeur,

Je chante de Louis, non toute la grandeur,

Votre voix y suffirait-elle ?

Vous-mêmes pourriez-vous d’un si rapide cours,

De victoire en victoire, à ce Mars de nos jours

Accommoder vos sons ? Non, déesses, ma lyre

N’a point ce but et je n’aspire

Qu’à chanter une Paix digne de plus d’autels

Que les combats des Immortels. »