De nos jours, plusieurs professionnels ou adeptes de la médecine nutritionnelle, notamment ceux qui suivent les traces du docteur Jean Seignalet, décrivent la médecine nutritionnelle comme la « troisième médecine ». Certes, cette affirmation est juste dans le contexte actuel, mais dans l’histoire de la médecine occidentale, il s’agit surtout de la toute première médecine pratiquée depuis Hippocrate. La médecine occidentale antique ne se réduit pas aux purgations et aux saignées, suivant la caricature habituelle, puisque les médecines grecque, latine, médiévale et classique se sont d’abord distinguées par de multiples prescriptions d’ordre nutritionnel. La priorité donnée à la médication chimique et à la chirurgie remonte à quelques siècles seulement.
Plusieurs médecins, biologistes ou diététiciens modernes ont réalisé des expériences concluantes en matière de nutrition. Ces découvertes justifient que la médecine considère à nouveau la fonction nutritive comme une voie privilégiée pour la prévention et le traitement des maladies. On peut ainsi parler d’une renaissance de la médecine nutritionnelle, autant chez les théoriciens savants que chez les consommateurs préoccupés de leur santé. De nombreuses découvertes d’ordre alimentaire ont permis de franchir un seuil dans la reconnaissance du rôle primordial et insoupçonné des nutriments. Nous évoquons ci-dessous les principales d’entre elles.
Denham Harman et la découverte des antioxydants
C’est en 1954 que le Dr Denham Harman, chimiste, biologiste et médecin, proposa sa théorie des radicaux libres (free radical theory) pour expliquer le vieillissement. Cette théorie constitue aujourd’hui l’horizon qui englobe toutes nos actions et nos prescriptions de santé. Avant ce médecin chercheur, personne n’avait eu l’idée d’expliquer le vieillissement par des agents chimiques extérieurs qui s’attaquent à l’organisme et peuvent entraîner la mort des cellules.
C’est la raison pour laquelle la théorie du docteur Harman a une importance décisive dans l’histoire récente de la médecine. À tel point que l’on compare sa théorie des radicaux libres à la découverte du télescope par Galilée et aux théories de Newton ou d’Einstein. La théorie de Harman jette non seulement un nouvel éclairage sur la santé en général et la durée de la vie en particulier, mais elle permet de franchir une étape décisive vers la résolution de multiples problèmes de santé.
La loi de base de la théorie de Harman est la suivante : les déficiences immunitaires liées au vieillissement sont causées par les radicaux libres et peuvent être renversées par le travail des antioxydants 121. Ainsi, la fonction nutritive devient le moyen de lutter contre l’affaiblissement progressif de notre système immunitaire à mesure que nous avançons en âge. Il s’agit de neutraliser l’action des agents chimiques pollueurs provenant de l’extérieur aussi bien que de l’intérieur du métabolisme. Harman établit un lien entre ces agents qui provoquent la « fatigue » et le vieillissement prématuré de l’organisme et les apports vitaminiques qui permettent de combattre leur action nocive. Il réalise alors une expérience consistant à injecter des doses d’antioxydants diététiques à base de vitamines A, C et E à des souris. La médication fonctionne à merveille et ralentit considérablement le processus de vieillissement : en présence de radicaux libres qui fatiguent, contaminent et usent l’organisme, les vitamines ont une action qui en fait de véritables agents thérapeutiques.
De même que Bircher-Benner fut le premier à proposer des prescriptions diététiques prenant en compte les vitamines connues à son époque, Herman trouva le moyen de neutraliser ou au moins de ralentir la dégénérescence des fonctions vitales de l’organisme. La nutrition et son prolongement technologique, la supplémentation, acquirent subitement et irréversiblement un renom et une actualité nouvelle dans le milieu de la recherche pharmaceutique.
Grâce à ce médecin américain du Nebraska, la voie tracée auparavant par Bircher-Benner était désormais confirmée comme garante d’une nette amélioration de la santé des individus pouvant mener à la longévité. De nos jours, personne ne remet en cause la théorie des radicaux libres et des antioxydants ; les producteurs de denrées alimentaires eux-mêmes l’utilisent abondamment pour vendre toute une gamme de produits : céréales, confitures, jus, etc. Mais il est utile de rappeler que le lien causal que nous établissons spontanément entre fatigue, maladie, vieillissement et vitamines antioxydantes était insoupçonné avant 1954. Depuis lors, la supplémentation vitaminique a acquis un spectre thérapeutique élargi qui va de la diminution de la fatigue quotidienne à la durée à long terme de l’organisme.
La théorie d’Harman repose donc sur un socle expérimental qui, à ce jour, n’a jamais été falsifié. La lutte que se livrent les molécules qui évoluent « trop librement » dans notre organisme et les agents qui travaillent à neutraliser cette anarchie est devenue un lieu commun de nos conversations sur la santé. La nouvelle arme thérapeutique occasionne relativement peu de frais et est moins risquée que la pharmacopée et la médecine traditionnelles. La renaissance scientifique et la faveur actuelle dont jouit la médecine nutritionnelle trouvent leur fondement scientifique dans la théorie issue de la recherche du gérontologue américain. Il ne faut donc pas s’étonner que son nom ait été proposé pour le prix Nobel de médecine.
Linus Pauling et la nutrition optimale
En cette même année 1954 où Denham Harman concevait sa théorie des antioxydants, le chimiste américain Linus Carl Pauling recevait le prix Nobel de chimie pour ses travaux sur la « liaison chimique », qui désigne la capacité qu’ont les atomes des différentes substances d’échanger entre eux des électrons ou de la force électrostatique. Cette capacité physique décrite par Pauling fut des plus fructueuse dans l’explication de la matière physique, mais aussi de la matière vivante et notamment les protéines. Dans l’histoire moderne de la médecine nutritionnelle, la nouvelle chimie de Pauling fut aussi importante que l’alchimie de Louis Kervran.
Linus Pauling est connu surtout pour ses recherches sur la vitamine C. À cinquante-trois ans, le chimiste natif de l’Oregon découvrit les bienfaits exceptionnels de la vitamine C et propulsa à l’avant-scène ce nutriment au potentiel inouï. En 1969, il fonda un institut consacré exclusivement à l’étude de la fameuse vitamine. Son livre, Vitamin C and the Common Cold, publié en 1970, devint un classique incontournable. Dans la pratique, sa « nutrithérapie » ou « médecine ortho-moléculaire », consistant à prescrire des mégadoses de vitamine C pour traiter des maladies et traumatismes divers, marqua un tournant dans la pharmacopée occidentale. Jamais ses détracteurs ne purent avancer un seul résultat infirmant sa théorie thérapeutique. La vitamine C acquit ainsi une grande notoriété, qui complétait sa formidable polyvalence dans la chimie expérimentale.
L’enfant prodigue, ici une simple molécule bienfaitrice, fait toujours des envieux. Plusieurs lobbies pharmaceutiques travaillèrent à relativiser l’efficacité de la vitamine C, notamment en ce qui a trait à la prévention et au soulagement du rhume commun. Les résultats positifs ne se sont pas moins accumulés avec les années. Le plus spectaculaire et le plus connu provient de l’Université de Californie : « 300 mg/j en supplémentation a permis de constater un allongement statistique moyen de six ans chez les personnes étudiées 122. »
L’un des dignes successeurs de Pauling, le Dr Robert F. Cathcart, établit que le plafond de tolérance de l’organisme à la vitamine C s’élève en cas de maladie grave et place ainsi l’organisme en état de recevoir sans danger des doses encore plus généreuses de la précieuse vitamine. L’apparition de diarrhée étant le signe bien connu de la saturation de l’organisme, le Dr Cathcart a longuement démontré et expérimenté une loi de variation de la tolérance intestinale : « Le Dr Cathcart a développé la notion de tolérance intestinale à la vitamine C, laquelle augmente, selon lui, dans des proportions considérables au cours de certaines maladies, traduisant les besoins accrus en vitamine C de l’organisme 123. » Ainsi serait découverte une voie d’accès nutritionnelle insoupçonnée qui permettrait au célèbre nutriment optimiseur et stabilisateur d’accomplir des guérisons encore plus spectaculaires.
Le chimiste Pauling est aussi connu pour ses considérations et ses intuitions dans le domaine de la médecine nutritionnelle. L’une de ses intuitions proprement géniales devint le fondement de tout un axe de recherche et permit d’espérer l’amélioration de la qualité de vie des êtres humains. Or cette intuition est en quelque sorte une réponse à la quête de Louis Kervran, qui cherchait à mettre au point une science décrivant les forces antigravitationnelles à l’œuvre dans les processus biologiques. En effet, Pauling jetait les bases d’une science des forces antigravitationnelles qui pourraient s’opposer au vieillissement et à la dégénérescence des tissus vivants. On pouvait enfin entrevoir une médecine qui, à défaut d’un rajeunissement des organes, permettrait de lutter contre leur dégénérescence et les nombreuses maladies qui les affectent. La fonction nutritive devenait le cheval de Troie du combat contre la gravitation caractéristique du vieillissement. Pauling résuma ainsi la nouvelle science qui apportait la solution à la problématique formulée par Kervran : la nutrition optimale est la médecine du futur !
Cet énoncé, sans cesse repris par les scientifiques et les adeptes d’une certaine diététique, a galvanisé la critique de l’alimentation moderne. Après avoir compris, avec Harman, qu’en absorbant certaines nourritures, on peut lutter contre la fatigue et l’usure des organes, Pauling a permis de rappeler ce que nous avions oublié, à savoir que la nourriture est la première médecine. Avec lui, les aliments redevenaient des médicaments car ils contenaient des substances, notamment les vitamines, ayant le pouvoir de soulager et de guérir mais aussi de prévenir certaines maladies. La nutrition devenait une médecine préventive, voire une technologie de longévité.
Cette assomption de la fonction nutritive suscita rapidement un intérêt scientifique et populaire. Les recherches de Pauling furent prolongées et développées par l’institut qui porte son nom et qui est rattaché à l’Université de l’Oregon 124. Par ailleurs, les adeptes de la nutrition optimale sont devenus fort nombreux. Cette médecine populaire n’est évidemment pas sans risques, mais son efficacité est telle qu’elle domine de plus en plus notre diététique et notre pharmacopée.
La surabondance d’aliments en Occident a engendré la boulimie et son contraire avec l’anorexie. La relation établie par Pauling entre nutrition et longévité a fait dériver certains adeptes vers l’orthorexie, qui est la manie de réduire la fonction nutritive à un rôle médicinal : le plaisir de manger est écarté au profit de la santé et de la durée de la vie. Les orthorexiques suivent souvent une diététique sans aucun attrait et leur pathologie est aux antipodes de celles adoptées par les personnes boulimiques, qui ne vivent que pour manger, alors que les autres ne mangent que pour vivre le plus longtemps possible.
Certes, la recherche théorique et pratique de Pauling n’est pas réductible aux dérives de ses adeptes fanatiques. Le physicien et chimiste américain a indiqué, comme Harman et Kervran avant lui, une voie alternative à la médecine traditionnelle occidentale, souvent réduite à la chirurgie et à la pharmacie palliative. La vision de Pauling a provoqué un renversement de la vision médicale, la meilleure médecine étant dorénavant préventive plutôt que curative. C’est ainsi qu’il est possible d’inverser le cours du temps et d’enrayer la progression de la dégénérescence. La nutrition optimale évoquée par Pauling permettait de corriger en partie la fatigue chronique et la maladie qui nous guettent. On pouvait donc espérer qu’un jour, la nutrition optimale appuyée par les nouvelles technologies agricoles et diététiques permettrait d’allonger notablement notre vie. Tel est le paradigme, sans cesse repris, du prix Nobel de chimie : « La nutrition optimale sera fort probablement l’une des assises scientifiques de notre médecine future ! » Un compatriote biochimiste de Pauling est peut-être entrain de réaliser cette prophétie.
Myron Wentz et la nutrition cellulaire : « Miracles invisibles »
Il est toujours délicat d’aborder une figure contemporaine dans une étude consacrée à l’histoire d’une discipline ou d’une pratique. La renommée des anciens auteurs cautionne automatiquement l’importance de leur contribution à l’histoire du domaine étudié. Ajouter un chercheur contemporain à la galerie historique est un geste risqué, car l’avenir peut toujours falsifier le choix présent. Cependant, les réalisations pratiques qui suivent les idées nouvelles ont leur poids de persuasion. Or, de même qu’il est impossible de nier le caractère unique du Bircher-Muesli dans la médecine nutritionnelle moderne, on ne saurait ignorer l’œuvre du microbiologiste et immunologiste contemporain Myron Wentz.
On ne fait pas toujours la nuance nécessaire entre la nutrition optimale et ce qu’on nomme la supplémentation. Il faut également distinguer la supplémentation nutritionnelle de la nutrition cellulaire. Cette dernière décrit une technologie très récente, qui représente un progrès de la médecine dans ses efforts pour prolonger la durée de la vie et assurer sa qualité. Avant de rencontrer Myron Wentz, énumérons quelques pionniers majeurs.
Il y a un peu plus d’un siècle, en 1904, le biochimiste américain d’origine polonaise Casimir Funk proposait le terme « vitamine » pour qualifier certaines bases aminées nécessaires à la vie de l’organisme 125. Et « C’est un biochimiste hongrois, Albert Szent-Györgyi, qui réussit, en 1932, à isoler à partir de jus de citron une substance cristalline proche du glucose, qu’il appela acide ascorbique en référence à son effet contre le scorbut, c’était la vitamine C 126. » La vitamine E, découverte en 1921, fut synthétisée en 1938 127. En fait, c’est la supplémentation populaire en huile de foie de morue qui permit d’établir les bienfaits de la vitamine A, découverte en 1913 et synthétisée en 1930 128.
Puis, tout au long du XXe siècle, différents chercheurs parvinrent à identifier les nombreuses substances « vitales » pour notre organisme. Le principe du docteur Bircher-Benner, qui combinait les aliments en fonction de leur teneur vitaminique, était déjà pratiqué et appliqué par beaucoup de médecins, de biologistes et d’apothicaires. On trouva enfin une justification théorique à la vieille médecine nutritionnelle hippocratique. Les vitamines et autres substances composant nos organes, et d’abord chacune de nos cellules, justifiaient désormais les prescriptions de suppléments nutritionnels pour soulager, guérir, voire prévenir, les maladies et, pourquoi pas, tous les troubles de l’organisme !
Dans les années cinquante apparaît une théorie médicale nouvelle chez les adeptes de la supplémentation nutritionnelle. Plutôt que de cibler les organes vitaux, le cœur, le foie ou les intestins, certains scientifiques se donnent un nouvel objectif : la cellule ! Dans la mesure où nos cellules sont toutes constituées des mêmes substances, une quarantaine en tout, un supplément naturel qui contiendrait la majorité de ces nutriments essentiels pourrait soutenir la saine évolution de l’organisme et, vraisemblablement, contribuer à sa longévité. La théorie de la nutrition cellulaire, contemporaine de celle de Denham Harman sur les antioxydants, acquit grâce à cette dernière et à partir de ce moment-là une preuve empirique du rôle jusqu’alors méconnu de la nutrition dans la guérison des maladies et le maintien de la santé.
On qualifie habituellement le docteur H. E. Kirschner, médecin américain, de pionnier de la nouvelle philosophie nutritionnelle pour la période suivant la Deuxième Guerre mondiale. Bircher-Benner mettait l’accent sur les vitamines connues à son époque dans ses prescriptions, et c’est la raison pour laquelle il insistait sur la nécessité de manger cru, les vitamines et plusieurs autres nutriments de la cellule étant détruits lors de la cuisson. Kirschner insista lui aussi et encore davantage sur la crudessence, et travailla à améliorer la santé des cellules. Son livre Live Food Juices devint rapidement une référence dans le domaine.
À la même période, toujours aux États-Unis, un athlète chercheur proposa tout un système de mise en forme pour améliorer la condition physique. Jack Lalanne conçut plusieurs appareils pour réaliser et maintenir cette mise en forme. C’est l’apparition du Fitness et de l’Aérobie 129. Les appareils de base de Lalanne meublent encore aujourd’hui tous nos gymnases. Il inventa aussi un extracteur à jus basé sur un nouveau principe technologique : fruits et légumes crus n’étaient plus compressés par une force centrifuge mais propulsés, sans filtre, dans le récipient, ce qui permit de doubler la vertu des liquides recueillis. Avec son épouse, il fit la promotion d’une alimentation basée sur la consommation de jus crus. Animé d’une vitalité exceptionnelle qui le rendit célèbre dans son pays, il vécut jusqu’à l’âge vénérable de 96 ans 130) ; preuve humaine vivante de l’incontournable cure de Breuss !
Avec Myron Wentz, microbiologiste et immunologiste américain, la nutrition cellulaire va progresser de manière plus spectaculaire encore. Au départ, ce savant doutait fortement de l’efficacité réelle des divers suppléments vitaminiques proposés au grand public. Il eut l’idée simple – mais onéreuse – d’augmenter considérablement la qualité des suppléments en suivant les normes pharmaceutiques de fabrication et de mise en marché131.
Cette précaution, qui semble à première vue évidente, n’avait jamais été appliquée à grande échelle avant lui. On peut comparer sa décision à celle du chirurgien américain William S. Halsted, qui décida un jour de 1896 d’imposer le nettoyage régulier des mains à toute son équipe chirurgicale. Cette consigne représentait une application salvatrice du principe d’asepsie exposé par Pasteur à la même époque. De son côté, en fabriquant des suppléments nutritionnels sur le modèle de la pharmacie contemporaine, le microbiologiste Myron Wentz trouva une solution simple au problème de l’innocuité des suppléments antérieurs. Ses connaissances, ses combinaisons nutritionnelles et sa mise en marché unique ont contribué à sa notoriété. Avec justesse, on le surnomme le « Bill Gates des vitamines » ! Des athlètes de toutes disciplines, de grands convalescents ainsi que des adeptes de la supplémentation nutritionnelle témoignent tous de l’efficacité de cette médecine qui permet de prévenir les maladies, de ralentir leur développement, voire d’obtenir la guérison.
Le microbiologiste Myron Wentz a écrit plusieurs articles spécialisés ; mais son ouvrage le plus accessible est son essai consacré aux cellules et intitulé Invisibles Miracles132. Il s’agit d’un texte de vulgarisation à saveur biographique. Mais l’essentiel du message est livré et donne des assises nouvelles à la médecine nutritionnelle. Certes, depuis Hippocrate, une prescription alimentaire peut toujours être recommandée pour le soulagement ou le confort de certains organes (foie, intestins) ou systèmes (respiratoire, cardiaque). Mais Myron Wentz change de cible balistique pour combattre la maladie : il cherche à pouvoir donner à toutes les cellules du corps une nutrition qui leur est précisément destinée : « J’ai consacré une grande partie de ma carrière de chercheur en microbiologie à l’étude de ce qui assure la santé optimale au niveau des cellules »133.
Le microbiologiste décrit alors l’ensemble des différents éléments de la cellule : protéines, vitamines, minéraux, oligo-éléments (ex. manganèse), graisses, glucides... sans oublier l’eau134. Cette eau si essentielle et si souvent oubliée constitue 70 % du poids d’un être humain. Mais elle a aussi une fonction vitale plus profonde et encore davantage oubliée : « L’eau est un solvant quasi universel (…). L’eau est un élément qui joue un rôle essentiel dans à peu près toutes les fonctions que le corps exécute »135.
Myron Wentz se retourne tout logiquement ensuite vers la nutrition et ses carences dans notre monde occidental industriel. Il affirme : « Une nutrition inadéquate peut également avoir pour résultat de ralentir ou d’interrompre la reproduction de la cellule, en laboratoire comme dans le corps humain » ; ou il attribue un pouvoir extraordinaire « de régénération et de remplacement dont la fréquence est souvent de deux jours seulement »136. Sa critique est claire et situe le cœur du problème : « une alimentation composée essentiellement de repas minutes à forte teneur de gras et de sucre, associés à une diminution de consommation de fruits et de légumes, est en train de créer un nouveau groupe d’individus dans les pays industrialisés appelé « génération des bébés-obèses ». Obèse et pourtant mal nourrie ! »137.
Wentz va donc orienter sa recherche vers l’art de synthétiser la meilleure formule nutritionnelle possible pour le bien-être et la bonne reproduction des cellules. Wentz, comme tous les scientifiques du domaine, reconnaît bien la théorie des antioxydants de Denham Harman et en arrive à la conclusion suivante : « Ce n’est qu’à l’aide d’un niveau optimal d’antioxydants que nos cellules et notre corps seront capables de se défendre, dans le monde toxique actuel. Ainsi, les suppléments s’avèrent nécessaires »138.
Le microbiologiste met alors sa théorie à l’épreuve et instaure plusieurs combinaisons vitaminiques et antioxydantes destinées aux convalescents comme aux athlètes. Il joint à cette innovation scientifique un réseau de distribution qui s’étend désormais dans plusieurs pays. Une équipe scientifique travaille à l’amélioration constante des produits, à la lumière des découvertes récentes.
Myron Wentz n’est pas le seul expert en la matière qui conclut à la nécessité de la supplémentation. Le consensus est quasi universel ; les suppléments sont recommandés depuis déjà plusieurs décennies. De multiples ouvrages de médecine nutritionnelle justifient la supplémentation par divers arguments. Sans entrer dans le détail argumentaire, relevons l’argument visant à préférer les suppléments à la consommation des aliments moins appétissants qui combleraient nos carences alimentaires. À la fin du siècle dernier, Patricia Hausman et Judith Benn Hurley publiaient The Healing Foods ; The Ultimate Authority on the Curative Power of Nutrition.139 Leur argument bien réaliste avertit de la difficulté à se discipliner pour manger des aliments que nous n’aimons pas140. Cet argument est souvent repris pour justifier la consommation de suppléments.
Richard Béliveau, sa nutrathérapie et sa nutraceutique contre le cancer
Au congrès de l’ACFAS de 2004, le biochimiste Richard Béliveau fonde la nutrathérapie. Cette discipline, comme son nom l’indique, a pour objet de soigner et de guérir en améliorant sensiblement la combinaison des nutriments composant notre alimentation. Le but premier du biochimiste Béliveau est de prévenir la maladie du cancer. Avec un collègue, il publie un ouvrage qui deviendra rapidement un bestseller : Les Aliments contre le cancer141.
Certes, il existe depuis toujours la nutrithérapie, c’est la pharmacie même d’Hippocrate ! La nutrithérapie ou la médecine intervenante dans la nutrition fut pratiquée par tous les apothicaires, jusqu’à ce que l’alchimiste Paracelse, au XVIe siècle, propose de substituer, dans la médication, les minéraux aux plantes. Sa proposition ne fit pas l’unanimité à long terme et une vaste tradition de médecins européens continua de soigner par nutrithérapie, c’est-à-dire par les aliments, plutôt que par chimie ou chirurgie. La nutrithérapie valait pour toutes les maladies ; pour sa part, la nutrathéraphie du docteur Béliveau vise d’abord le cancer.
La poursuite de ses recherches l’amena à développer une sorte de pharmacie de nutriments recommandés dans la prévention du cancer. Pour faire un pendant à la « pharmaceutique » des grandes compagnies de médication chimique, le biochimiste québécois créa ce qu’il appela une « nutraceutique ». Cette nutraceutique comprend une gamme d’aliments calibrés, aptes à la prévention de différents cancers142; la recette se veut, évidemment, une alternative à la pharmaceutique pratiquée par les différentes instances médicales qui luttent contre la terrible maladie. Le but de la recherche est clairement défini par le docteur Béliveau : « il s’agit de considérer l’alimentation comme une chimiothérapie quotidienne pour lutter contre les microtumeurs »143. Béliveau et son équipe rêvent de trouver le « nutrinome » c’est-à-dire de pouvoir déterminer le « profil anti-cancer de chaque fruit et légume »144. En attendant, l’équipe du biologiste Béliveau a mis au point une « Assiette type pour une journée nutraceutique » :
« ½ tasse de choux de Bruxelles, ½ tasse de brocoli, ½ tasse d’oignon, ½ tasse d’épinards, ½ tasse de soja, ½ tasse de bleuets, ½ tasse de jus d’agrumes, ½ tasse de raisins, 1 cuillère à soupe de tomate, 1 cuillère à café de curcuma ; 1 cuillère à soupe de graine de lin, ½ cuillère à thé de poivre noir, 3 tasses de thé vert, 20 gr. de chocolat noir, 2 gousses d’ail, 1 verre de vin rouge »145.
Il faut comprendre qu’il s’agit bien ici d’une « assiette théorique » et paradigmatique de la combinaison alimentaire de base. On n’oserait imaginer un repas composé de ces seuls aliments, fussent-ils des alicaments146 certifiés anti-cancérigènes. La nutraceutique de Richard Béliveau est plutôt une exploration scientifique sans précédent des multiples vertus insoupçonnées des aliments combinés entre eux. Exemple parmi d’autres, Béliveau énonce que « l’ajout de poivre décuplait l’action de la curcumine »147. Ce chercheur contribue ainsi à l’actuelle révolution scientifique des vertus thérapeutiques des nutriments pouvant aider à guérir. Les propriétés antiseptiques ou antibiotiques de plusieurs végétaux ne sont-elles pas connues depuis toujours ou encore reconnues par notre biochimie actuelle ?
Préjugés contre l’alcool et le vin ; la plaidoirie du docteur Béliveau
Le biochimiste québécois, à l’instar de plusieurs chroniqueurs spécialistes de la santé, ajoute donc un volet de vulgarisation à ses écrits scientifiques. Son site internet regroupe une grande partie de ses diverses chroniques parues dans les journaux. Ses nombreuses recommandations contribuent à combattre aussi beaucoup de préjugés, notamment ceux contre l’alcool. En décembre 2010, il avait écrit une chronique contre ce préjugé, intitulée « L’alcool est moins engraissant qu’on pense »148. Dans une chronique de 2011, il présente le vin rouge sous un jour agréable et essentiellement positif ; il explique aussi le secret de la peau du raisin et du précieux resvératrol anti-inflammatoire et anticancéreux qu’elle contient149.
Le docteur Béliveau n’a pas le plaisir coupable et considère, à l’instar des sages sur la question, que le vin est à la fois un aliment, un médicament et un plaisir : « une bonne façon de festoyer, tout en ménageant sa santé150 ». Trop souvent en Amérique septentrionale, le vin a été écarté de la table et classé dans les plaisirs coupables. Le docteur Béliveau, comme bien d’autres, remet le vin sur la table, souligne ses vertus proprement thérapeutiques et apprécie le bien-être qu’il apporte. Santé, vertu et plaisir ne s’opposent pas.
Périodiquement le biochimiste – qui est aussi chroniqueur scientifique – revient sur la question du vin comme d’un précieux aliment et il réajuste ses conclusions aux découvertes les plus récentes. En 2015, il écrit que « des études récentes publiées dans des revues prestigieuses suggèrent que le resvératrol pourrait également retarder le vieillissement des cellules en activant certains gènes de survie »151. Encore ici, le resvératrol surprend et s’avère un optimiseur des plus prometteurs.
Est-ce qu’une nutraceutique optimale serait suffisante pour lutter contre le cancer ? Quel est l’apport des suppléments dans cet enjeu contre les maladies de dégénérescence ? Il semble que le consensus actuel soit assez universel. Myron Wentz recommande une supplémentation optimale ; Richard Béliveau, qui exprime souvent ses réticences en la matière, n’hésite pas à recommander un supplément de 1 000 UI de vitamine D, du mois d’octobre au mois d’avril152. Il ne faut pas oublier aussi la mise en garde de Hausman et Hurley ; la prescription de consommation d’aliments plus ou moins agréables au goût n’est habituellement pas suivie.
La quête du « nutrinome » par Richard Béliveau n’a pas que le cancer comme seule cible ; il propose de multiples médications nutraceutiques dans ses chroniques, comme par exemple, le curcuma pour lutter contre l’Alzheimer153. Ces recommandations sont évidemment à regrouper avec les multiples autres conseils naturopathiques concernant notre alimentation, s’ils sont concordants. Le naturopathe Jean-Marc Brunet, ne proposait-il pas « Le curcuma contre le cancer du sein » il y a quelques années déjà154 ? Bref les découvertes et prescriptions « nutrithérapeutiques » et « nutrathérapeutiques » sont désormais légions dans l’environnement de notre santé. Un choix nécessaire s’impose, à la mesure de toutes ces prescriptions, pour lutter contre la qualité sans cesse appauvrie de la nourriture industrielle que nous consommons quotidiennement.
Les recherches rapportées par Béliveau sont aussi rapportées par d’autres scientifiques ; il est facile aujourd’hui de vérifier rapidement la corroboration des différentes découvertes de la médecine nutritionnelle actuelle. Joseph Mercola est un ostéopathe américain converti à la médecine alternative. Son site est un carrefour de données ultra-récentes sur les nouveaux acquis de la fonction nutritive et sur les contentieux entre l’industrie alimentaire traditionnelle et l’actuelle révolution de l’agriculture biologique155.
La nutraceutique de Lynch et Goldman contre l’Alzheimer
Le terme nutraceutique fait référence à un ingrédient actif présent à l’état naturel dans un aliment, qui procure un effet bénéfique pour la santé. Ce récent terme s’applique à différents « alicaments » ou « médicaliments » susceptibles de soulager ou guérir, non seulement le cancer – comme ce sur quoi travaille le docteur Béliveau – mais aussi d’autres maladies chroniques.
Le docteur en chimie Ron Goldman ainsi qu’Alexander Lynch proposent, depuis peu, une nutraceutique contre l’Alzheimer. Cette nutraceutique est composée exclusivement d’aliments pouvant combattre l’évolution de la maladie. Se basant sur la découverte récente de l’action inhibitrice d’une enzyme protéinique nommée STEP156 sur les synapses du cerveau, les auteurs ont ensuite cherché un ingrédient pouvant lutter contre cette enzyme néfaste157. Ils se sont alors tournés vers les recherches sur la mémoire du psychiatre Paul Lombroso de l’université de Yale. Ce dernier, en 2014, a conclu qu’un ensemble d’ingrédients, désignés sous l’appellation TC-2153, pouvaient, du moins chez la souris, combattre l’enzyme inhibitrice et permettre une reprise des synapses constituant les actes mnémoniques des souvenirs récents ou lointains158.
La recette du psychiatre Lombroso mettait en scène un composé précis de substances chimiques complexes : les groupes trifluorométhyle et chlorhydrate amine159. Partant de là, Goldman et Lynch retrouvent assez facilement, dans la variété nutritionnelle de notre alimentation moderne, des fruits, légumes et épices offrant les mêmes composés chimiques. Le trifluorométhyle se retrouve dans les pommes, bleuets, chocolat, laitues tomates et beaucoup d’autres aliments qui forment le groupe « T »160. Quant au chlorhydrate amine, on le retrouve dans les épinards, champignons, ananas, choux fleurs, etc., qui constituent le groupe « A ». Les aliments contenant de l’alcool benzylique (certaines huiles essentielles, framboises, betteraves, carottes) forment le groupe « B ».
À cette combinaison d’aliments consommés suivant certaines proportions, les deux auteurs de cette nutraceutique ajoutent un quatrième groupe chimique susceptible de catalyser l’effet du TC-2153 alimentaire ; il s’agit du nitrate de fer, lui aussi présent dans une série d’aliments (rhubarbe, café, saumon) et formant le groupe « C ». Enfin, pour améliorer l’absorption du trifluorométhyle, les auteurs insèrent certains aliments qui contiennent de l’acide carboxylique (oranges, lait, vin, etc.). Les quatre groupes (T, A, B et C) sont assemblés selon des proportions précises : 4 parts de groupe B, 2 parts de groupe T, une part des groupes A et C pour chaque assiette. Voilà l’essentiel de la recette nutraceutique proposée contre l’Alzheimer par Goldman et Lynch.
En bref, les auteurs du Memory Healer Program offrent de substituer aux substances chimiques composant le TC-2153 des fruits, légumes et épices porteurs des mêmes éléments que ceux de la recette pharmaceutique. Le résultat est-il probant ? Certains chroniqueurs flairent l’arnaque mais d’autres considèrent que l’entreprise nutraceutique de Lynch et Goldman est sécuritaire et bénéfique, dans la mesure où les aliments naturels prescrits dans leur système correspondent à un équilibre alimentaire souhaitable pour plusieurs catégories de population et non pas seulement pour les personnes âgées161. Lynch et Goldman ne semblent toutefois pas faire de différence dans leur recherche entre ce qu’on définit comme la démence anosognosique et les pertes de mémoire partielles dites « normales »162.
L’horizon des nutraceutiques
Avec des nutraceutiques proposées contre le cancer ou l’Alzheimer, nous comprenons qu’on assiste à un net renversement dans notre médecine contemporaine. Les médecins des temps anciens soignaient avec des plantes et des aromates. Depuis l’avènement de la chimie moderne, l’agriculture comme la médication des pharmaciens délaissèrent l’organique pour le synthétique. Les pilules remplacèrent les anciens électuaires et les bouillons de viandes ou de légumes.
Mais avec la révolution des multiples vitamines et antioxydants du siècle dernier, la nutrition a repris sa place dans l’activité thérapeutique : c’est ainsi que pointent à l’horizon des nutraceutiques alternatives aux différentes pharmaceutiques. Avec ces nouvelles connaissances, on retrouve les vertus chimiques et thérapeutiques des médicaments… jusque dans les aliments ! Il suffit, dès lors, de trouver les combinaisons nutritionnelles gagnantes et de les appliquer avec persévérance, et pourquoi pas, tout au long de notre alimentation quotidienne. C’est ce que les récentes nutraceutiques essaient de créer : une pharmacie dont les éléments sont entièrement composés d’aliments finement regroupés et précisément proportionnés selon notre science nutritionnelle sans cesse en expansion.
Hippocrate souhaitait que notre aliment soit notre médicament. Aujourd’hui, avec les nutraceutiques, nous sommes en droit de chercher systématiquement dans notre alimentation des prescriptions équivalentes à celles de la chimie de synthèse. Un juste retour des choses : l’aliment redevient remède ! Il s’agit de bien comprendre que ce n’est pas qu’un simple retour : dans les nutraceutiques naissantes, les composants des aliments se substituent aux fins ingrédients des recettes chimiques des laboratoires. Ce n’est plus seulement une nutrathérapie contre une prescription chimique ; les aliments recombinés de la nutraceutique « remplacent » les recettes de laboratoire, avec exactement les mêmes ingrédients influents.
La pharmacie moderne avait remplacé les légumes par les pilules ; la nutraceutique cherche à faire désormais les mêmes pilules à partir de légumes. C’est une nouvelle aire annoncée de la médecine nutritionnelle.
On remarque aussi la présence du vin dans les deux nutraceutiques proposées. Le vin fut considéré comme un aliment dans toutes les civilisations et non pas seulement comme un instrument d’ivresse. En Occident moderne, certains mouvements religieux dominants et certaines politiques comme la prohibition aux États-Unis firent ombrage aux jus de fruits fermentés. Mais la découverte des bios flavonoïdes dans les vins rouges et du resvératrol présent dans certains cépages rétablirent récemment la réputation et la vertu chimique du vin.
Le vin est redevenu nutritif et combatif pour notre système immunitaire. Sa présence et son rôle sont soulignés dans la description du régime alimentaire méditerranéen tel que reconnu par l’Unesco, à titre de patrimoine immatériel de l’humanité. Le vin a désormais réintégré notre table pour le meilleur. Les docteurs Béliveau et Goldman incluent, respectivement, le vin dans leur nutraceutique ; ils illustrent ainsi le rôle primordial de celui-ci dans les fondements mêmes de notre métabolisme nutritionnel.
La cellule expliquée ou le « miracle invisible » résolu
La découverte progressive des nutriments nécessaires à la vie, jointe à l’opulence et à la diversité des aliments disponibles pour la majeure partie des populations occidentales a suscité l’idée récente d’une nutrition optimale. Cette nouvelle finalité de notre fonction alimentaire tient le milieu entre la préoccupation des affamés qui recherchent la nutrition minimale et le syndrome de plus en plus répandu de l’obésité, qui se manifeste surtout par une surcharge pondérale.
Par ailleurs, nous savons aujourd’hui qu’il est pratiquement impossible de combler les besoins de notre organisme sur le plan de la nutrition cellulaire par les ressources de notre alimentation quotidienne. Le calcul arithmétique, désormais facile à faire, a été effectué par un grand nombre de nutritionnistes et de médecins qui aboutissent tous au même constat. Le problème de la quantité de matières organiques à ingurgiter chaque jour pour obtenir les quarante nutriments essentiels est insoluble si on ne recourt pas aux suppléments.
S’ajoute à cela un troisième argument en faveur de la supplémentation : les carences nutritionnelles à combler sont davantage accentuées par la dégradation systématique des produits végétaux ou animaux industriels que l’on peut se procurer sur le marché. En dépit de l’essor du marché des denrées dites « biologiques », la situation n’ira pas en s’améliorant pour l’ensemble de notre approvisionnement alimentaire.
Quoi qu’il en soit, la supplémentation nutritionnelle par extraits de plantes et métaux divers existe depuis l’Antiquité dans la médecine orientale aussi bien qu’occidentale. La supplémentation n’est pas une idée moderne mais plutôt immémoriale. Les suppléments obtenus pas extraction ou synthèse biochimique ne font que prolonger la longue liste de la pharmacopée de toutes les civilisations qui nous ont précédés.
Enfin, il n’y a aucun principe, théorique ou pratique, aucune raison éthique, esthétique ou économique qui permette d’établir un consensus scientifique, même faible, opposé à la pratique de la supplémentation. Au contraire, la prescription de multivitamines et autres optimisateurs suppléant aux carences nombreuses dans la chimie du corps vieillissant soutiennent d’innombrables personnes, saines ou malades, qui veulent retrouver leur force ou leur énergie. La médecine nutritionnelle semble traverser positivement les nombreuses expérimentations dont elle fait l’objet dans de multiples expériences scientifiques. Quant à la théorie de la nutrition cellulaire, elle est actuellement en pleine période de validation. Les ouvrages consacrés à ce nouveau type de diététique sont encore peu nombreux. Mais on s’y réfère de plus en plus comme proche horizon des recherches actuelles; l’essai du naturopathe Mario Dulude en est un exemple tout récent 163.
Les objectifs de la nutrition cellulaire permettent de mesurer la magnitude de cette découverte – pour autant qu’elle ne soit pas falsifiée un jour. Cette médecine nutritionnelle spécialisée, qui n’a qu’une vingtaine d’années d’application, mérite déjà de figurer avec les théories antérieures des Bircher-Benner, Kousmine, Kirschner, Harman, et Pauling 164. C’est uniquement par sa résistance à la falsification que la théorie de la nutrition cellulaire s’imposera ainsi qu’il en est pour toutes les théories scientifiques ou les médecines expérimentales, nutritionnelles ou autres.
La renaissance de la médecine nutritionnelle ne se limite pas à quelques grands noms. Plusieurs médecins ou savants s’illustrent aujourd’hui par leurs travaux sur l’alimentation dans sa dimension curative ou préventive. L’éventail des recherches et de l’imagination est sans limites, pour le meilleur et pour le pire. Mais des démarches thérapeutiques amènent souvent des résultats probants.
Myron Wentz a développé la supplémentation jusqu’à la nutrition de type cellulaire. Dans un autre axe, soulignons le travail du médecin américain Brian Clement, directeur de l’Institut de santé Hippocrate en Floride. Si on a à l’esprit tous les aspects du travail de Bircher-Benner, on peut considérer Clement comme l’un de ses disciples. En effet, le « régime de longévité » du docteur Clement, entièrement végétalien, met à l’avant-scène un des principes de Bircher, à savoir la priorité accordée aux aliments crus.
Cette « crudessence », ainsi qu’on la nomme de nos jours, est aussi importante que la supplémentation vitaminique perfectionnée par Wentz 165. Le Dr Clement a exposé les principes de l’alimentation naturelle, crue et biologique, dans plusieurs ouvrages. Elle consiste à éviter plusieurs types d’aliments dont les viandes et poissons, les produits laitiers, l’alcool et le café, tous les sucres et la plupart des fruits (sauf les fruits tropicaux, gorgés d’énergie solaire) et à les remplacer par des légumes crus (surtout les légumes verts et les légumes racine), des pousses germées ainsi que des légumineuses et des céréales, préférablement germées 166. Cette alimentation savante qui met l’accent sur les jus verts, est qualifiée par certains d’« orthorexique » 167. Pourtant, elle a fait ses preuves depuis plusieurs décennies auprès des milliers de visiteurs ayant séjourné à l’Institut Hippocrate.
Dans la mesure où la valeur d’un régime alimentaire est tôt ou tard vérifiée par la transformation du corps, de son métabolisme et de son tonus, le risque médical est le même depuis toujours pour celui qui adopte une nutrition à finalité thérapeutique. Mais l’abstinence de presque tous les plaisirs de la bouche, notamment dans la règle de Clement, est-elle le prix à payer pour une longévité accrue ? La rectification de la nutrition pour le malade a de tout temps constitué une intervention médicale prioritaire. On peut ensuite imaginer une nutrition aussi sévère pour l’individu en santé et c’est l’essentiel de la promesse faite par Linus Pauling ; avec une nutrition optimale, plusieurs maladies peuvent être déjouées, ce qui permet de prolonger la vie de l’individu. Il semble que dans le régime de longévité du Dr Clement, une zone de plaisir soit tout de même protégée : le médecin américain donne une liste des aliments aphrodisiaques et il prône une sexualité active, même à un âge très avancé, dans son programme de santé. Il faut tout de même noter que le plaisir évacué de la fonction nutritive est difficilement compatible avec la promotion du plaisir sexuel prôné par Clement. Quel critère de choix rejette le premier et encourage le second, même en dehors de toute fonction reproductive ? Le second n’est-il pas tout aussi néfaste que le premier lorsqu’il est pratiqué à l’extrême ? Se priverait-on du premier pour pouvoir s’adonner plus longtemps au second ? Dans ce questionnement, l’anthropologie de Clement ne donne pas une réponse satisfaisante pour justifier à elle seule une recherche de la longévité.
Appropriation du « miracle »
L’essentiel de la renaissance nutritionnelle médicale repose d’une part sur l’observation faite par le Suisse Bircher-Benner : consommer des aliments crus, car la cuisson détruit les vitamines et autres nutriments bénéfiques à l’organisme 168. D’autre part, la supplémentation, perfectionnée grâce à la microbiologie, permet désormais de prévenir non seulement le scorbut, mais aussi les maladies dégénératives qui s’attaquent aux cellules, au système cardio-vasculaire, au système digestif ainsi qu’au système cognitif, etc. La théorie des antioxydants de Harman confirme et valide la nouvelle passerelle médicale qui privilégie l’aliment cru et germé et qui permet de prévenir les maladies de dégénérescence. C’est en ce sens précis qu’on peut parler scientifiquement des « miracles de l’alimentation » selon l’expression de Bircher-Benner, heureuse métaphore reprise par Wentz et qui résume la résolution scientifique d’une énigme vécue par l’humanité des siècles passés.
La découverte des vitamines par notre science moderne est indéniable, incontournable et nous pouvons désormais nous l’approprier grâce à la technologie de la supplémentation. Il s’agit d’une véritable révolution dans ce domaine vital qu’est la santé ; plusieurs ouvrages exposent théoriquement et empiriquement l’ampleur de cette révolution. Parmi ces ouvrages, la synthèse du journaliste scientifique Thierry Souccar, La révolution des vitamines, publiée en 1995, repose sur des milliers d’études et expose des centaines de traitements naturels169.
121 « Age-related immune deficiency is caused by free radicals and can be reversed by antioxidants » ; sur le site http://www.chiro.org/nutrition/FULL/Defeating_Free_Radicals.shtml
125 http://education.yahoo.com/reference/encyclopedia/entry/Funk-Cas ;_ylt=An0rWnVvLLSC6KCFubkN1HxTt8wF. (site visité en décembre 2006).
128 http://www.passeportsante.net/fr/Solutions/PlantesSupplements/Fiche.aspx?doc=vitamine_a_betacarotene_ps
129 C’est le Dr Kenneth Cooper qui inventa le mot « aerobic » en 1968 ; mais on attribue la grande popularité de la nouvelle gymnastique à l’athlète Jack Lalanne (1914-2011).
131 Je remercie Michel Marquis de m’avoir subventionné un séjour à l’hôpital Sanoviv de Myron Wentz. Cet hôpital, situé au Mexique, combine les traitements les plus antiques (ventouses) et les plus contemporains (rayonnement par appareil bio-photonique). À l’hôpital Sanoviv, la nutrition constitue une clause du contrat de séjour. La nourriture de tous les repas est crue à un très haut pourcentage (90 %). Sans thé, ni café, ni viande, ni sucre, ni alcool, le régime nutritionnel de l’institut médical Sanoviv offre cependant un menu fort varié et, chose surprenante, « à volonté » («all you can eat»). Le soulagement et la possible guérison de plusieurs maladies par la prépondérance d’une nourriture scientifiquement définie, comme chez Bircher-Benner à sa «Station d’altitude» de Davos, est typique de cet hôpital où les médecins partagent fraternellement tous leurs repas avec leurs patients. Sel, poivre et beurre disparus de la table font place à l’huile d’olive vierge, l’ail frais et le paprika. Chaque patient dispose d’une gourde d’eau pure qu’il approvisionne aux nombreux points d’eau de l’édifice à vocation médicale. La situation balnéaire (l’institut est situé au bord de la mer), le régime alimentaire et l’atmosphère ludique (desserts et musiciens deux soirs semaines) proposent un environnement thérapeutique particulier qu’il faut souligner dans l’histoire des stations et sites récents voués à la santé.
132 Myron Wentz, Invisible Miracles : The Revolution in Cellular Nutrition, Rosarito Beach, Baja California, Medicis, 2009. Des miracles invisibles ; une révolution dans la nutrition cellulaire, (2002), Éditions Le Dauphin Blanc, s.l., 2009. On remarque l’utilisation de la même expression métaphorique que Bircher-Benner : « miracles »
133 Idem., p.12.
134 Idem, p.81 et suivantes. Pour une description précise de chacun des éléments composant une cellule, voir le tableau du biologiste Lyle MacWilliam ; Annexe 3 ci-dessous.
135 Idem., P.88.
136 Idem., p.55.
137 Idem., p.73.
138 Idem., p.94.
139 Patricia Hausman and Judith Benn Hurley, The Healing Foods; The Ultimate Authority on the Curative Power of Nutrition, Emmaus Pennsylvania, Rodale Press, 1989.
140 Idem., “Supplements are as much a part of the flexible approach to nutrition as is food.(…) If your diet doesn’t contain much of an important nutrient, it’s better to take a supplement (…) than attempting to eat food you don’t like, because in our experience, this approach usually fails before long”.
141 R. Béliveau et D. Gingras, Les Aliments contre le cancer, Montréal, Éditions du Trécarré, 2005. Aussi, les mêmes auteurs, Cuisiner avec les aliments contre le cancer, Paris, Laffont, 2008.
142 Cf. « Au Québec, la nutraceutique sort de l’éprouvette », dans Sciences et Avenir, avril, 2008, p.65-68.
143 Idem, p.65.
144 Idem. p.68.
145 Ibidem. La recette nutraceutique composée d’aliments performants est recommandée quotidiennement par Béliveau et son équipe. Il n’y a aucune mention d’une agriculture biologique plutôt qu’industrielle dans la recette de l’assiette!
146 « Alicament » est une expression récente utilisée par de nombreux hygiénistes et nutritionnistes. Le mot signifie la vertu médicinale d’un aliment donné.
147 Ibidem
148 Site Richard Béliveau, « L’alcool est moins engraissant qu’on pense », 13 déc.
149 Site Richard Béliveau, 19 décembre 2011 : « Encore de bonnes nouvelles sur le vin rouge ».
150 Idem
151 Idem. 23 mars 2015 : « Le resvératrol, une fontaine DE JOUVENCE ».
152 Richard Béliveau, « La vitamine D c’est bon pour le cœur ! », dans Journal de Montréal, 12 janvier 2009, p.37. Prescription confirmée dans une autre chronique : « l’Importance de la vitamine D », Journal de Montréal, 6 octobre 2014, p.62.
153 « Du curcuma contre la maladie d’Alzheimer », Journal de Montréal, 8 juillet 2013, p.37
154 Jean-Marc Brunet, « Le curcuma et le cancer du sein », Journal de Montréal, 22 novembre 2005, p.91.
155 http://www.mercola.com/
156 Acronyme de STEP: “striatal-enriched protein tyrosine phosphatase”.
157 Alexander Lynch (et Dr. Ron Golman) The Memory Healer, Alexander Lynch, 2016.
158 Sur les recherches du médecin Lombroso à Yale, cf. http://medicine.yale.edu/lab/lombroso/.
159 Certains composants se distinguent eux-mêmes en sous-classes : les amines regroupent les aliments hypochloriques, alcalins et azotés. Voir l’annexe 4 ci-dessous..
160 Voir le tableau complet des différents aliments regroupés en proportions précises à l’annexe 4.
161 Voir le compte rendu sur le site https://memoryhealerprogramreviews.wordpress.com/ (5 juin 2015).
162 Memory Healer Program, op.cit. p. 7 : “In particular, people with AD (Alzheimer Disease) often have difficulty remembering recent conversations, names and events”. Sur l’anosognosie démentielle et sa caractéristique essentielle de perte de conscience, le consensus scientifique semble pourtant plutôt unanime.
163 Mario Dulude, De l’alimentation à la nutrition cellulaire, Montréal, Québécor, 2012, p.151 et suivantes.
164 Dans les faits, la firme Usana, fondée par Myron Wentz collabore avec l’Institut Linus Pauling, rattaché à l’Université de l’Oregon.
165 Le Dr Wentz considère lui aussi que l’alimentation des personnes en santé comme des malades devrait réserver une place prépondérante aux aliments crus. C’est pourquoi les patients et les résidents de l’hôpital de Sanoviv qu’il a fondé au Mexique, doivent accepter de s’engager à consommer un haut pourcentage d’aliments crus, notamment sous forme de pousses germées.
166 Brian Clement, Qu’est-ce que la longévité ; bénéficier d’une vie longue et sans limites (trad. Josette Lanteigne), Montréal, Éditions Broquet, 2012.
167 L’orthorexie ou orthodoxie dans la gestion de l’appétit est la troisième maladie nutritionnelle moderne, après la boulimie menant à l’obésité et à l’anorexie.
168 Voir notamment l’ouvrage de Jacqueline Lagacé, Cuisiner pour vaincre la douleur et l’inflammation chronique, Montréal, Éditions Fides, 2011. L’ouvrage est précisément consacré aux différents moyens techniques pour éviter les méfaits de la cuisson sur les vertus des aliments crus. Certes, l’ouvrage ne couvre pas toutes les potentialités de la cuisson à la vapeur, ce que les anciens alchimistes appelaient le «feu humide». L’antique bain-marie est sommairement évoqué mais pas les nouveaux cuiseurs-vapeurs multi-étages à haute performance qui améliorent sensiblement la qualité de la cuisson par la vapeur et sa préservation exceptionnelle des protéines.
169 Thierry Souccar, La révolution des vitamines, Paris, Éditions First, 1995.