IV

Comment Gargamelle étant enceinte de Gargantua mangea profusion de tripes

Les tripes furent copieuses, comme vous l’imaginez, et elles étaient si friandes1 que chacun s’en léchait les doigts. Mais le diable, c’est qu’il n’était pas possible de les conserver longuement, car elles auraient pourri. Ce qui semblait indécent. D’où fut conclu qu’ils les bâfreraient sans rien perdre. À cette fin, ils convièrent tous les villageois de Cinais2, de Seuilly, de La Roche-Clermault, de Vaugaudry, sans oublier ceux du Coudray-Montpensier, du Gué de Vède et autres voisins, tous bons buveurs, bons compagnons et fameux joueurs de quilles.

Le bonhomme Grandgousier y prenait plaisir bien grand et commandait que tout allât par écuelles. Il disait à sa femme d’en manger le moins possible vu qu’elle approchait de son terme, et que cette tripaille n’était pas une nourriture très recommandable. […] Malgré ces remontrances, elle en mangea seize cuves, deux tonneaux et six pots.

Après manger, tous allèrent pêle-mêle à la Saulaie, et là, sur l’herbe drue, ils dansèrent au son des joyeux flageolets3 et des douces cornemuses, si gaiement que c’était passe-temps céleste de les voir ainsi rigoler.