200. L’éternité, en effet, à l’inverse du temps (voir 23 (VI, 5), 11, 15-16), est « sans extension » (voir supra, chap. 3, 15 et 37, et infra, lignes 25 et 35, ainsi que chap. 6, 35).
201. Voir infra, chap. 13, 45, pour des expressions voisines.
202. Comme la suite le précisera (voir, infra, chap. 11, 12-13), « antérieur » et « postérieur », ainsi entendus, sont des notions relatives au temps, et qui ne peuvent apparaître qu’avec lui (voir sur le sens non temporel de l’antériorité, infra, note 241).
203. L’être de l’intelligible découle de sa propre essence ou « réalité » (ousía, ligne 20), alors que celui d’une chose sensible, au contraire, résulte aussi de ses rencontres avec d’autres choses, qui sont donc aussi causes de l’être de cette chose.
204. Plotin montre que l’identité de l’être véritable (l’intelligible) et de l’éternité peut être saisie par différents biais, sous différents angles : soit à partir de son unité interne (ce qui constituait l’angle d’approche du précédent chapitre), soit à partir de son rapport immuable à l’Un (dans ce chapitre, lignes 1-12), soit à partir de son atemporalité (lignes 12-21).
205. Comme le fait Platon, dans le Timée 27d6, où il désigne le modèle intelligible comme « l’être qui est toujours » (tò òn aeí) : voir aussi, entre autres, ibid., 28a2, 38a2 et supra, la note 198.
206. Plotin s’exprime ainsi à propos de l’intelligible par exemple dans le traité 2 (IV, 7), 9, 18.
207. Ligne 22, comme J. E. McGuire et S. K. Strange (trad. citée, note 62, qui renvoie à 27 (IV, 3), 9, 15), nous maintenons tḕs saphèneias, que H.-S. regardent comme une glose interpolée, et placent entre crochets. Pour une remarque analogue sur l’impropriété du vocabulaire temporel pour dire l’éternel, voir 31 (V, 8), 12, 24-26, et, plus généralement, sur l’incapacité du langage humain à dire adéquatement les réalités premières, voir J. Laurent, « Les limites du langage humain ».
208. C’est-à-dire, si l’on n’a pas en vue cet avertissement ou cette réserve sur la portée du mot « toujours ». Sur la traduction de epeí avec l’optatif (= « car autrement », « sinon, en effet », ligne 23), voir le dictionnaire d’A. Bailly, s. v. « epeí », B, II, 2.
209. C’est-à-dire en son sens atemporel (voir sur ce point, infra, lignes 33-36, et W. Beierwaltes, trad. citée, p. 206). Sur les deux sens (temporel et atemporel) de « toujours », voir les analyses de Proclus, Commentaire du Timée de Platon, 268, 9-239, 12.
210. L’incorruptibilité de ce qui est temporel (le monde sensible par exemple).
211. Ligne 25, tous les manuscrits donnent ékbasin (« sortie ») qui ne fait pas sens (et constituerait un hapax chez Plotin). Sans adopter la correction de H.-S. dans leurs Addenda (émbasin), nous conservons celle de R. G. Bury et de l’editio minor de H.-S., éktasin (« extension »), en faveur de laquelle plaident, dans ce chapitre (voir lignes 15-16 et ligne 35) et dans l’ensemble du traité, tous les termes qui expriment l’extension du temps et l’absence d’extension de l’éternité. É. Bréhier, qui conserve le texte des manuscrits, traduit : « en faisant descendre [l’âme] à la conception d’une chose moins simple ». Pour une défense du texte des manuscrits, voir J. E. McGuire et S. K. Strange, trad. citée, note 64, ainsi que J. Igal, note 12, p. 196 de sa traduction, et, contra, W. Beierwaltes, trad. citée, p. 207.
212. Ligne 25, comme W. Beierwaltes, nous comprenons pleíonos (« plus ») comme un génitif épexégétique (= eis to pleîon), et rapportons éti (« toujours ») à éktasin.
213. Sur la complétude propre à l’éternité, voir supra, chap. 4, 15 et la note, chap. 5, 24, ainsi que, infra, lignes 35-36.
214. Ligne 27, nous donnons à hō̂sper (« bien que ») un sens concessif.
215. Comme le remarque W. Beierwaltes, ceci est le fait des stoïciens et de certains interprètes médio-platoniciens du Timée 35a1-3 : voir SVF II, 599 (= Eusèbe, Préparation évangélique XV, 19) ; Plutarque, De la genèse de l’âme dans le Timée, 1013B ; Alcinoos, Enseignement des doctrines de Platon 169, 23-26 ; Apulée, Platon et sa doctrine I, 6. Plotin, quant à lui, dénonce bien sûr cet usage qui est aussi le fait du sens commun (voir, sur ce point, 23 (VI, 5), 2, 9-12, 43 (VI, 2), 7, 10-14, et 44 (VI, 3), 2, 1-4).
216. Sur l’expression « ce qui est toujours », voir supra, chap. 4, 43, et les notes 152 et 153.
217. L’identification du véritable philosophe est un des buts de Socrate dans la République (voir, par exemple, II, 376b1, et VI, 485e1, 490d6).
218. C’est-à-dire de se faire passer pour un philosophe sans l’être réellement. C’est ce que fait le sophiste, que Platon définit comme un imitateur du philosophe (Sophiste 267a-268c). Voir aussi, pour l’expression, Gorgias 464d-e et Aristote, Métaphysique Γ, 2, 1004b17-18. On notera, en dépit de la présente allusion, que la problématique, centrale dans les Dialogues, de la définition de la philosophie et de sa différence d’avec la sophistique disparaît presque totalement chez Plotin au point que, par exemple, le terme même de « sophiste » n’apparaît pas une seule fois dans les traités (voir, seulement, les remarques de Porphyre, Vie de Plotin 10, 1 sur les rivaux de son maître, qui « se donnaient des airs » de philosophes).
219. Ligne 33, l’article au datif suivi du participe au nominatif (tōi ôn) équivaut aux guillemets, d’où notre traduction (voir sur ce point H.-R. Schwyzer, Plotinos, 517, 1). Si cette phrase paraît redire deux fois la même chose, la seconde formulation permet en fait à Plotin de retrouver l’étymologie supposée du mot « éternité » (voir sur ce point la note suivante).
220. Sur cette expression (aeì ṓn, ligne 33), présentée comme l’étymon du mot aiṓn (l’éternité), voir supra, chap. 4, 42-43.
221. Sur la « puissance » de l’être intelligible, voir supra, chap. 3, 7-8 et chap. 5, 23.
222. Comme supra, ligne 1, cette expression (hē toiaútē phúsis, ligne 38) désigne l’éternité.
223. Plotin fait maintenant référence au passage du Timée (30c5-31b4) où Platon présente le modèle intelligible du monde sensible comme le vivant qui contient tous les vivants intelligibles (30c9 et 31a4-5), et qui est parfait (30d3) et total (31b2).
224. Il faut entendre ici « parfait » (téleion, ligne 39) au sens grec de ce qui est complet et parachevé.
225. Allusion au corps du monde, que l’on peut comprendre de deux façons : soit comme nous l’avons fait (à l’exemple d’Émile Bréhier), soit en faisant de psukhē̂i (« l’âme », ligne 40) le complément de hikanòn (« suffisant », ligne 39). Il faudrait alors traduire : « comme un corps qui est parfait parce qu’il suffit à son âme » (voir en ce sens H. Jonas, op. cit., p. 306, et W. Beierwaltes, trad. citée, p. 109). Bien que moins naturelle du point de vue syntaxique, notre interprétation s’appuie d’abord sur tous les passages où, à la suite de Platon (voir Timée 33d2, 34b7-8), Plotin caractérise le corps du monde comme le seul corps qui se suffit à lui-même, en tant qu’il n’y a pas de corps hors de lui. Parmi les âmes descendues dans un corps, seule l’âme du monde, d’autre part, est parfaite (voir Timée 41d4-8 sur la supériorité de l’âme du monde par rapport aux autres âmes), parce que, précisément, l’autosuffisance de son corps la dispense de parer aux manques et atteintes de celui-ci, en sorte qu’elle peut encore se consacrer à la contemplation des réalités supérieures sans être absorbée par le soin de son corps (voir, sur ce point, 6 (IV, 8), 2, 12-15 et 8, 17-21, et 15 (III, 4), 4, 4-7).
226. Sur le verbe « courir avec » (sunthéoi, ligne 42), voir infra, chap. 9, 23 et la note.
227. Pour cette phrase difficile, nous suivons l’interprétation de W. Beierwaltes, trad. citée, ad loc.
228. Sur la définition de l’homonymie, voir 50 (III, 5), 6, 6, qui reprend Aristote, Catégories 1, 1a1-6 : « Sont dites homonymes les choses qui n’ont en commun que le nom, tandis que la définition de l’essence correspondant à ce nom est (pour chacune) différente. » Voir aussi, infra, note 409 ainsi que les notes 24, p. 253 et 103 p. 261 de L. Brisson à sa traduction du traité 42 dans cette collection.
229. « Tout ce que » traduit hóper, ligne 45.
230. Ligne 46, c’est la seule occurrence du verbe eporégesthai (« réclamer ») dans les traités plotiniens.
231. Ce passage est significatif de la méthode adoptée par Plotin dans ce traité, dont le mouvement consiste dans le passage d’un préconcept spontané à une définition philosophique. Sur le terme « notion » (énnoia, ligne 46), voir supra, chap. 5, 19 et la note.
232. Voir, à l’inverse, pour le temps et son rapport à la quantité, infra, chap. 8, 32, 46, et chap. 12, 36-49.
233. Ligne 47, nous comprenons éprepe comme un imparfait philosophique et le rendons par un présent (« il ne doit »).
234. C’est-à-dire avec le temps.
235. De manière assez abrupte, Plotin aborde maintenant un problème d’interprétation, posé par la phrase suivante du Timée 29d6-e2 : « Disons maintenant pour quelle raison celui qui a constitué le devenir, c’est-à-dire notre univers, l’a constitué. Il était bon ; or, en ce qui est bon, on ne trouve aucune jalousie à l’égard de quoi que ce soit » (trad. L. Brisson ; nous soulignons). Pour l’interprète de Platon, la difficulté présentée par ce passage réside dans le fait que, de manière à première vue impropre, ce dernier parle au passé (à l’imparfait) de ce qui est pourtant hors du temps. Pour expliquer cette apparente digression de la part de Plotin, on notera que le passage du Timée ici évoqué précède de peu les pages où Platon décrit la genèse du temps.
236. Comme H. Jonas (art. cité, note 11 p. 306), H.-S. dans leurs Addenda et W. Beierwaltes (trad. citée), nous comprenons que le « tout » ici évoqué (ligne 51) est le tout intelligible, que nomme plus explicitement la fin de la phrase (voir note suivante). Ainsi que le remarquent H.-S., en effet, si le sujet de « était » dans le passage cité du Timée est le démiurge, celui-ci implique aussi le monde intelligible, dans la mesure où l’œuvre du démiurge se règle sur celui-ci.
237. Le « tout qui est au-delà » est le monde intelligible. Sur l’emploi absolu de epékeina (« au-delà », ligne 51) comme attribut, voir les exemples donnés par W. Beierwaltes, trad. citée, p. 211.
238. Il s’agit cette fois du monde sensible.
239. Le monde sensible est en effet produit à l’imitation du monde intelligible, et il n’a pas plus de commencement temporel que ce dernier. Voir sur ce point 28 (IV, 4), 9, 11-12 ; 31 (V, 8), 12, 20-26 ; 33 (II, 9), 8, 1-3. De la sorte, Plotin répond aussi aux critiques d’Aristote, selon lequel le Timée assigne à tort un commencement au monde (voir Du ciel I, 10, 280a28-32). Pour une interprétation analogue du Timée dans le sens de la sempiternité du monde sensible, voir Alcinoos, Enseignement des doctrines de Platon, XIV, 32-37.
240. C’est-à-dire le monde intelligible, qui est antérieur en tant que cause (voir Aristote, Seconds Analytiques 98b17 et la note suivante).
241. Puisque le Timée affirme que le démiurge existait avant le monde sensible, il semble en résulter que ce dernier a dû avoir un commencement temporel. Contre cette interprétation, Plotin fait valoir que le verbe au passé exprime une antériorité ontologique (un rapport de causalité), et non une antériorité chronologique, et que le monde n’a donc pas pour autant de commencement temporel (sur ce sens non temporel de l’antériorité, voir 47 (III, 2), 1, 20-26, ainsi que Aristote, Métaphysique Δ, 11, 1019a2-4). Le passé employé par Platon exprime donc l’antériorité atemporelle (l’indépendance ontologique) de ce qui est éternel par rapport à ce qui est temporel.
242. Voir supra, ligne 24 pour une expression voisine, et 10 (V, 1), 6, 19-22 sur le sens non temporel des expressions apparemment temporelles lorsqu’elles sont employées à propos des réalités éternelles, ainsi que 50 (III, 5), 24-25, où Plotin note qu’il est dans la nature des mythes de parler temporellement des réalités éternelles. Dans le traité Du ciel, Aristote rapporte que certains penseurs, tout en parlant de la génération du monde, notaient qu’il s’agissait là d’un artifice de présentation, employé « à des fins d’enseignement » (I, 10, 280a1, trad. C. Dalimier et P. Pellegrin), et analogue à l’engendrement des figures en mathématique. Simplicius, dans son commentaire de ce passage, précise que ces penseurs sont des platoniciens, notamment Xénocrate (voir sur ce point la note ad loc. de C. Dalimier et P. Pellegrin).
243. Sur cette mise en garde, voir Timée 37e4-6.
244. Il s’agit des formes intelligibles, dont il a été question dans les chapitres précédents.
245. Selon un principe qui remonte aux présocratiques et que partage Plotin, le semblable ne peut être connu que par le semblable, la connaissance supposant une parenté entre ce qui connaît et ce qui est connu (voir aussi, sur ce point, supra, note 162).
246. Si Plotin laisse ici la question en suspens, la réponse, implicite, est que la partie supérieure de notre âme, l’intellect, est toujours en contact avec les formes intelligibles, avec l’être éternel, ce qui rend possible la connaissance de l’éternité pour l’homme qui, par la partie inférieure de son âme, est pourtant dans le temps. Voir sur ce point, supra, chap. 5, 11 et la note.
247. Comme le montre la suite (ligne 10), cette « descente » accomplie par le discours philosophique répète la descente de l’âme d’où naît en effet le temps. Après l’exposé sur l’éternité commence donc ici l’exposé sur le temps.
248. C’est-à-dire vers l’éternité et le monde intelligible.
249. C’est-à-dire jusqu’au plus bas de la réalité, autrement dit encore jusqu’au corps et à la matière.
250. L’âme humaine, en effet, n’est pas complètement descendue, dans la mesure où sa partie supérieure demeure dans l’intelligible (voir, sur ce point, supra, note 162, et 11 (V, 2), 1, 25-26).
251. Sur la relation de Plotin aux grands penseurs du passé, voir, supra, chap. 1, lignes 8-16, et la note.
252. Sur le terme « notion » (énnoia), voir supra, chap. 5, 19 et la note : le présent passage, qui distingue entre une opinion défendue par Plotin, et une notion, apparemment commune à tous les hommes et indépendante de toute école philosophique particulière, confirme encore que ce terme désigne un « préconcept » qui se constitue naturellement en l’esprit de chacun.
253. Sur la parenté entre la méthode ici définie et la méthode « dialectique » d’Aristote, voir, supra, note 13.
254. Comme le remarquent J. E. McGuire et S. K. Strange (trad. citée, note 73), le syntagme hḕ légoménḕ kinḗsis (« ce qu’on appelle le mouvement ») vient sans doute de ce que, sous le terme de « mouvement », on ne vise ordinairement que le mouvement corporel, alors qu’il y a pour Plotin un autre mouvement, intelligible ou psychique, qui, lui, n’est pas temporel (voir sur ce point, infra, chap. 8, lignes 4-5). De fait (voir sur ce point H. Jonas, art. cité, p. 307 et W. Beierwaltes, trad. citée, p. 216), le mouvement dont il est question dans l’examen doxographique des définitions du temps est toujours et seulement le mouvement de choses sensibles. C’est en introduisant sa propre conception que Plotin sera conduit aussi à redéfinir le mouvement, en un sens qui excède le sens restreint du seul mouvement sensible.
255. Littéralement « quelque chose du mouvement ». Sur cette classification des définitions du temps, voir Aristote, Physique IV, 10, 218a30-b20.
256. Voir Aristote, Physique IV, 12, 220b6-8.
257. Voir, sur cette définition, Aristote, Physique IV, 14, 223b21-23.
258. Cette définition sera examinée au chap. 8, 23-69.
259. Cette définition sera examinée dans l’ensemble du chap. 9.
260. Plotin examine maintenant la première des trois définitions du temps qu’il vient de distinguer, à savoir celle qui l’identifie au mouvement. Cette définition est attribuée par Aétius (SVF II, 514) à « la plupart des stoïciens », mais, comme le note É. Bréhier (La Théorie des incorporels dans l’ancien stoïcisme, p. 56-57), ce témoignage est isolé et peu fiable. Sur la critique de cette définition, cf. Aristote, Physique IV, 10, 218b9-20.
261. Comme l’est le mouvement de la sphère du ciel, explicitement évoqué infra, lignes 8-9.
262. C’est-à-dire le temps, puisque le mouvement en question est dans le temps.
263. Lignes 4-5, nous conservons la ponctuation de l’editio minor de H.-S. sans adopter la modification de leurs Addenda.
264. Cf., pour le présent argument, Aristote, Physique IV, 12, 221b8-23.
265. Plotin examine maintenant la deuxième version de la première définition du temps (voir, supra, chap. 7, lignes 23-24) : le temps comme mouvement de la sphère du ciel. Même si Plotin se garde bien de le faire remarquer, cette définition ne semble pas très éloignée de celle que l’on pourrait prêter à Platon, à partir de ce qui est dit du temps dans le Timée. De fait, Simplicius (Commentaire de la Physique d’Aristote 700, 17-19) nous rapporte que Platon, selon l’interprétation d’Eudème, de Théophraste et d’Alexandre d’Aphrodise, définissait ainsi le temps comme « le mouvement et la rotation du tout ». Or il est difficile de penser que Plotin, qui utilisait au moins ce dernier commentateur (voir Vie de Plotin 14, 13), n’ait pas eu connaissance de ces interprétations et de l’attribution à Platon de cette définition, qu’il écarte ici de manière assez expéditive, en faisant valoir implicitement une autre interprétation des passages concernés du Timée.
266. Le mouvement du monde, en effet, ne s’arrête jamais et ne connaît pas de pauses (voir sur ce point Aristote, Du ciel II, 1, 284a3-10).
267. Lignes 9-11, nous adoptons la correction de J. Igal (« Sobre Plotini Opera, III de P. Henry y H.R. Schwyzer », p. 180) retenue par H.-S. dans leurs Addenda de l’editio minor.
268. Cf., pour cette objection, Augustin, Confessions XI, XXIII, où il est montré, à partir d’arguments analogues, que le temps ne peut être identifié au « mouvement des corps célestes ».
269. C’est-à-dire celle des étoiles fixes.
270. On ne sait quels sont les penseurs qui, pour justifier l’identification du temps au mouvement de l’univers, invoquaient ainsi la vitesse insurpassable de ce dernier.
271. À savoir, un jour.
272. Ligne 17, on remarquera que le terme diástēma (« intervalle ») est ici employé en un sens spatial, alors qu’il aura un sens temporel dans la théorie stoïcienne analysée à partir de la ligne 23 de ce chapitre.
273. Son parcours est le plus long, puisqu’il se confond avec les limites de l’univers. Les planètes, à l’inverse, plus proches de la Terre, sont situées sur des sphères d’un diamètre plus petit et accomplissent leur rotation en un temps plus long.
274. C’est-à-dire les planètes et, a fortiori, tous les corps sublunaires.
275. Sous-entendu : des étoiles fixes.
276. Plotin examine maintenant la deuxième grande définition du temps distinguée supra, chap. 7, lignes 24-25 (le temps est ce qui est mû). Voir, sur celle-ci, Aristote, Physique IV, 10, 218b1 et 5-9, et Simplicius, Commentaire de la Physique d’Aristote 700, 19-20 (= SVF II, 516 = Dufour 531), qui rapporte cette définition à certains stoïciens dont l’identité n’est pas précisée, et qui ajoute qu’elle était à tort attribuée aux pythagoriciens par certains auditeurs d’Archytas, qui comprenaient de manière inexacte la définition de ce dernier (les traductions françaises et anglaises – J. O. Urmson, On Aristotle’s Physics 4. 1-5, 10-14, p. 108 – disponibles comportent des erreurs sur ce passage).
277. Plotin examine maintenant la troisième définition, présentée supra, chap. 7, lignes 20 et 25. La formule « quelque chose du mouvement » figure littéralement chez Aristote (Physique IV, 11, 219a3 et a9-10), mais, comme le montre la suite du présent chapitre, elle englobe en fait ici les différentes définitions plus précises, qui ne sont pas exclusivement aristotéliciennes, pour lesquelles le temps est essentiellement relatif au mouvement. La définition proprement aristotélicienne, en fait, n’est abordée qu’au chapitre 9.
278. Plotin passe maintenant à l’examen d’une première version de la troisième définition, laquelle identifie le temps à l’intervalle (diástēma) du mouvement. C’est la définition stoïcienne du temps, et plus précisément celle de Zénon. Sur celle-ci, voir SVF I, 93 ; II, 510 (= LS 51A = Dufour 526) ; LS 51E (qui attribue aussi cette définition à Posidonius), et V. Goldschmidt, Le Système stoïcien et l’idée de temps, en particulier p. 30-37. Voir aussi Simplicius, Commentaire de la Physique d’Aristote 786, 12-13. Nous adoptons pour ce terme (diástēma) la traduction la plus traditionnelle, où le terme « intervalle » est à comprendre de manière un peu large et, conformément à l’étymologie du mot grec, comme la quantité qui s’étend (diístēmi) entre (diá) deux termes ou deux extrémités ; J. Brunschwig et P. Pellegrin (voir leur traduction de Long-Sedley, Les Philosophies hellénistiques, vol. II, note 2, p. 315) le rendent par « dimension », mais supra, ligne 17, par exemple, où diástēma désigne la distance parcourue par un mouvement, une telle traduction ne convient manifestement pas. Sur le terme diástēma entendu dans un sens spatial, voir, dans cette collection, les notes 390 et 391 de L. Brisson à sa traduction du traité 27, ainsi que 49 (V, 3), 9, 14.
279. De fait, comme la suite le précise, tous les mouvements locaux, par exemple, ne s’accomplissent pas dans un temps égal.
280. Les stoïciens, semble-t-il, faisaient eux-mêmes déjà référence à la vitesse et à la lenteur dans leur définition du temps. D’après Stobée (SVF I, 93), en effet, « Zénon disait que le temps est l’intervalle du mouvement, ainsi que la mesure et le critère de la vitesse et de la lenteur », tandis que Chrysippe le définissait comme « l’intervalle du mouvement selon lequel on parle de la mesure de la vitesse et de la lenteur » (SVF II, 509 = LS 51B = Dufour 525). Stobée, toujours, précise que Posidonius, enfin, aurait aussi défini le temps comme « la mesure de la vitesse et de la lenteur » (LS 51E).
281. Le mouvement (kínēsis), en grec ancien, désigne tout changement d’état, y compris ceux qui, comme l’altération, n’impliquent aucun changement de lieu (sur les différents types de mouvement, voir Parménide 138d, et 44 (VI, 3), 22, 35-37, avec la note de L. Brisson à sa traduction de ce passage dans cette collection).
282. Les termes diástēma et diástasis (lequel est donc aussi traduit par « intervalle », ligne 26) paraissent ici synonymes.
283. Voir, sur les mouvements réguliers et irréguliers, supra chap. 7, 27.
284. Sur les contresens ou les injustices que commettrait ici Plotin à l’encontre de la définition stoïcienne, voir W. Beierwaltes, trad. citée, p. 220.
285. Plotin examine maintenant une version plus déterminée, mais stoïcienne elle aussi, de la définition précédente : le temps serait l’intervalle du mouvement du tout. Cette dernière précision met cette définition à l’abri des objections précédentes qui reposaient sur la pluralité des différents mouvements, car elle renvoie cette fois à un mouvement régulier particulier, celui de l’univers. Elle exige donc de la part de Plotin un nouvel examen. D’après Simplicius, la définition précédente serait celle de Zénon tandis que celle-ci reviendrait à Chrysippe : « Parmi les stoïciens, Zénon a dit que le temps est, de manière générale, l’intervalle de n’importe quel mouvement, tandis que Chrysippe l’a défini comme l’intervalle du mouvement du monde » (Commentaire des Catégories d’Aristote 350, 15-16 = SVF II, 510 = Dufour 526 ; voir aussi SVF II, 513 = Dufour 528). Voir, sur ce passage, V. Goldschmidt, op. cit. p. 33-34, qui soutient que cette seconde définition ne contredit pas celle de Zénon, et qui remarque que celle de Chrysippe fut reprise par Apollodore (SVF III, Apollodore 8 = LS 51D) et qu’elle est présentée par Diogène Laërce (VII, 141 = SVF II 520 = Dufour 534) comme la définition stoïcienne du temps. On peut noter enfin, que, sans doute sous l’influence du stoïcisme, Alcinoos (Enseignement des doctrines de Platon 170, 24-26) et Aétius (Placita I, 21, 2) prêtent à Platon cette même définition du temps comme « l’intervalle (diástēma) du mouvement du monde », tandis que Philon d’Alexandrie la reprend à son compte tout en l’attribuant aussi aux stoïciens et à Platon : voir L’Éternité du monde 52-53 (= Dufour 527a ; voir SVF II 509) et La Création du monde 26 (= SVF II, 511 = Dufour 527).
286. L’expression « intervalle du mouvement » peut s’entendre de deux manières, dit Plotin : soit comme l’intervalle intrinsèque au mouvement lui-même, soit comme un intervalle extérieur et simplement parallèle à ce mouvement (voir, sur cette distinction, infra, lignes 41-42, 49, et, surtout, 53-56). Plotin envisage la première de ces deux hypothèses dans les lignes 31-53. À partir de la ligne 53 (dont le ei dè initial fait écho au ei mèn de la ligne 31), et jusqu’à la ligne 63, c’est la seconde qui sera examinée.
287. Nous ajoutons « lui-même » dans la traduction pour clarifier le sens de cette conséquence. L’intervalle du mouvement, dans cette hypothèse, serait un intervalle de mouvement, autrement dit du mouvement, et l’on retomberait ainsi sur la définition, déjà écartée, qui identifie le temps au mouvement (voir sur celle-ci, supra, lignes 1-19).
288. Dans l’hypothèse ici envisagée, l’intervalle serait intrinsèque au mouvement (voir supra, ligne 31 et la note), ce qui n’est pas le cas dans l’hypothèse précédente, qui identifie l’intervalle à l’espace parcouru. La présente hypothèse est envisageable, note Plotin, parce que le mouvement est une réalité continue, et que c’est seulement d’une réalité continue qu’un intervalle peut être la quantité : il n’y aurait pas de sens, par exemple, à parler de l’intervalle propre à un tas de pommes, même si celui-ci peut occuper un certain intervalle, qui ne lui est pas alors intrinsèque (comme dans l’hypothèse qui sera envisagée à partir de la ligne 53 – voir, supra, note 286 –, et qui ne requiert pas que le mouvement soit continu). Sur le lien entre la continuité du mouvement, son recommencement continuel, et son caractère temporel, voir 42, (VI, 1), 16, 17-19.
289. L’exemple de la chaleur vient sans doute de ce qu’il s’agit d’une quantité continue et indépendante de l’espace.
290. On pourrait simplement comprendre, comme W. Beierwaltes (voir trad. citée, p. 222), suivi par F. Ferrari et M. Vegetti, que, dans cette hypothèse, c’est « encore et toujours » le mouvement qui se manifestera et non le temps, lequel est donc encore une fois « manqué ». Mais le contexte indique que l’expression « encore et encore » (pálin kaì pálin), qui revient trois fois en trois lignes (lignes 40-42), revêt ici un sens plus fort et qu’elle caractérise le mode d’être du mouvement lui-même : si l’on perçoit le mouvement « encore et encore », c’est que la continuité de celui-ci implique qu’il ne cesse de se produire encore et encore (cf., sur ce point, supra, ligne 36). C’est ce que confirme la quatrième et dernière occurrence de cette expression chez Plotin : il s’agit du chapitre 16 du traité 42 (VI, 1), qui est précisément consacré au mouvement : contestant la définition aristotélicienne du mouvement comme « acte imparfait » (voir Métaphysique K, 9, 1066a20-21) qui tend vers l’acte, Plotin y affirme que le mouvement est bien un acte (enérgeia) au sens plein (pántōs), mais qui possède en outre, comme caractère propre, le « encore et encore » (ligne 6 ; Luc Brisson traduit, dans cette collection : « se renouvelle d’instant en instant »). Cette expression est employée à d’innombrables reprises par Simplicius, chez qui elle a manifestement acquis une valeur technique, en particulier dans son commentaire des passages de la Physique aristotélicienne consacrés au temps et au mouvement : il y précise notamment (op. cit. 10, 1031, 12-16) que ce qui se répète « encore et encore » est alors multiple selon le nombre mais identique selon la forme. Un autre passage du même Simplicius, rapportant une discussion de Jamblique, suggère en outre que cette expression, tout comme la théorie plotinienne du mouvement du traité 42, est d’origine stoïcienne (Commentaire des Catégories 8, 307, 1-8 = SVF II, 498).
291. Cet intervalle serait dans ce cas, semble-t-il, le volume d’eau écoulé.
292. Il s’agit apparemment de celui de l’eau.
293. C’est-à-dire la masse d’eau. Plotin semble ici distinguer deux aspects de la quantité de l’eau qui coule (ou du mouvement) : d’une part l’intervalle de la masse (ógkos, ligne 44), quantité continue, et, d’autre part, le nombre qui définit cette quantité et qui est, lui, discret. Sur la notion de masse chez Plotin, voir L. Brisson, « Entre physique et métaphysique… ».
294. Sous-entendu : dans cette hypothèse.
295. Sur ce terme (énnoia, ligne 46) voir supra, chap. 5, 19 et la note. Sur la différence entre le nombre ou la multiplicité et la masse, grandeur une et continue, voir supra ligne 44 et la note.
296. C’est-à-dire l’intervalle du mouvement, qui est dans le temps et n’est donc pas le temps.
297. Elle n’est donc pas le temps lui-même : voir, sur ce point, 21 (IV, 1), 5, 19 : « Le temps n’est pas quantité. »
298. Le raisonnement est le suivant : si le temps est la quantité du mouvement, alors ne serait pas dans le temps ce qui n’est pas dans le mouvement. Or le temps est partout (autrement dit : toutes choses, ici-bas, sont dans le temps), y compris dans les choses immobiles, donc le temps n’est pas identique à la quantité du mouvement. Sur le fait que le temps est partout, voir Aristote, Physique IV, 10, 218b13 et 14, 223a14-21, et SVF II, 509 (=LS 51B).
299. Cette hypothèse a été écartée au début de ce chapitre, lignes 1-19.
300. On se situe en effet ici dans l’hypothèse où l’intervalle du mouvement désigne un intervalle de mouvement. À partir de la ligne 53, Plotin envisage à l’inverse l’hypothèse où l’intervalle serait un intervalle extérieur au mouvement (sur ces deux hypothèses, voir supra, ligne 31, et la note). Entendue selon la première de ces deux versions, la théorie stoïcienne conduit, en tout cas, selon Plotin, à une contradiction : défini comme l’intervalle du mouvement, le temps devrait être dans le mouvement ; mais le mouvement, dans la mesure où il n’est pas immédiat, se produit dans le temps, et le temps doit donc de ce point de vue être extérieur au mouvement. Le temps serait par conséquent à la fois dans le mouvement et hors du mouvement, ce qui est impossible.
301. Lignes 50-51, « immédiat » traduit athróos, qui veut dire « rassemblé », « d’un bloc », « concentré » et, dans ce contexte, « instantané ». Sur ce terme voir supra, note 63 et, sur l’atemporalité qu’il implique ici, voir traité 42 (VI, 1), 16, 33-35 (qui cite Aristote, Physique I, 3, 186a15-16) et 18, 1-4 : ce qui est immédiat est hors du temps (littéralement « dans le non-temps » : en akhrónōi, chap. 16, 16). Voir aussi Simplicius, Commentaire des Catégories 303, 13. Plotin vise-t-il ici le seul mouvement du tout ? On peut le penser puisqu’il y a des mouvements non temporels dans l’intelligible. Comme souvent chez Plotin allá (ligne 49) ne s’oppose pas à la proposition négative qui précède, mais à l’affirmative (l’intervalle est extérieur au mouvement) qui est niée : il introduit donc ici une explication : l’intervalle n’est pas extérieur au mouvement parce que le mouvement lui-même n’est pas immédiat, et qu’il a donc en lui-même cet intervalle. Ligne 50, nous conservons donc l’interprétation de l’editio minor (« kinèsis subjectum »), modifiée par H.-S. dans leurs Addenda.
302. W. Beierwaltes, et H.-S. dans leurs Addenda, suppriment cette phrase qu’ils regardent comme une glose. Dans l’editio maior, où ils la conservaient, H.-S. l’interprétaient ainsi : « Si le mouvement immédiat se change en (eis) mouvement non immédiat, c’est dans le temps que ce changement se produit », mais cette remarque n’est pas très pertinente dans le contexte, outre qu’elle contredirait les analyses du Parménide de Platon (156c-e), selon lequel, si un mouvement se transforme (metabállei) en repos ou en un autre mouvement, ce changement ne peut avoir lieu, précisément, « dans aucun temps », mais seulement dans l’instant (tò exaíphnēs) qui est hors du temps. Mais eis (ligne 50) peut introduire une comparaison, ce qui, nous semble-t-il, est ici le cas (voir sur ce point les références données par W. Beierwaltes, trad. citée, p. 225, ainsi que A. Bailly, s.v. « eis », B, III, 5).
303. Sur la différence entre le mouvement temporel et le mouvement immédiat non temporel, voir 42 (VI, 1), 16, 31-36.
304. Ligne 52, nous glosons légèrement le participe diestō̂sa (« étendu »), pour en rendre la parenté avec le nom diástēma (« intervalle »).
305. C’est-à-dire l’intervalle interne au mouvement, par opposition à l’espace parcouru évoqué supra, ligne 35.
306. Dans cette interprétation de la définition stoïcienne, l’intervalle du mouvement serait extérieur au mouvement (ce qui le distingue de l’intervalle de la précédente interprétation), mais, en outre, il « avancerait » (« courrait ») lui aussi, comme le mouvement, ce qui le distingue cette fois du lieu parcouru, lequel n’avance pas. Sur le terme sumparathéousa (« courir avec »), voir infra, chap. 9, 23, et la note.
307. « Ni plus ni moins » traduit kaì tautòn (ligne 59).
308. Ligne 61, nous conservons le texte des manuscrits (kaleî ho) corrigé par H.-S. (kaleîs).
309. Cette phrase explique pourquoi il faut placer le temps hors de l’intervalle propre du mouvement.
310. Pour un argument voisin, voir en effet, infra, note 312.
311. Sur ce point, voir supra, ligne 31 et la note : Plotin avance un nouvel et dernier argument contre la première version de la définition stoïcienne.
312. Cet argument, qui repose sur le fait que le repos lui aussi peut avoir une certaine durée, se trouve déjà annoncé supra, lignes 7-8, et même plus haut, chap. 2, 27-29.
313. Plotin se place ici dans l’hypothèse où l’intervalle évoqué par les stoïciens serait propre et « interne » (essentiellement lié) au mouvement (voir supra, ligne 63). Après avoir montré que cet intervalle ne peut être le temps, comme ils le disent, il suggère in fine qu’on ne peut identifier, plus généralement, aucun intervalle qui réponde à cette condition. Le lieu, en particulier, n’y répond pas : il est lui aussi « extérieur » au mouvement (puisqu’une chose peut demeurer en repos dans son lieu propre par exemple ; sur le lieu, voir supra, lignes 33-35). Ainsi se clôt la critique de la définition stoïcienne. Pour d’autres exemples de critiques de la définition stoïcienne du temps à l’époque hellénistique, voir les références données par W. Beierwaltes, trad. citée, p. 227.
314. Cette définition, qui est celle d’Aristote, a été annoncée supra, chap. 7, 26. Voir, sur celle-ci, Aristote, Physique IV, 11, 219b1-2 (« Voilà donc ce qu’est le temps : le nombre du mouvement selon l’antérieur et le postérieur »), ainsi que 220b32-221a1 (« Car le temps est la mesure du mouvement et de l’être-en-mouvement »). Plotin observe qu’un nombre se rapporte à une collection d’entités discrètes, et que s’agissant de quelque chose de continu, comme l’est le mouvement, il vaut donc mieux parler de « mesure » que de « nombre » : il semble suivre ici les remarques de Straton de Lampsaque, cité par Simplicius dans son commentaire de la Physique d’Aristote, 789, 2, 9. Cela n’empêche que – la suite de ce chapitre le montre – le temps, en fait, ne peut être défini, aux yeux de Plotin, comme la mesure du mouvement (voir aussi infra, chap. 12, 37). Sur tout le chapitre 9, voir R. Chiaradonna, « Il tempo misura del movimento ? Plotino e Aristotele (Enn. III, 7 [45]) ».
315. Le mouvement, comme l’admet Aristote lui-même (voir Physique IV, 11, 220a25-26), est continu, mais cela n’empêche pas le Stagirite de parler indifféremment de « nombre » ou de « mesure » (voir, sur ce point, les citations de la Physique dans la note précédente). Voir aussi, sur le caractère continu du mouvement, supra, chap. 8, 35.
316. Voir sur ce point, supra, chap. 8, 24.
317. Ligne 4, nous adoptons la correction de A. Kirchhoff : légoi au lieu de elégeto.
318. Ainsi que le fait Aristote (Physique IV, 14, 223a29-223b1), qui soutient que le temps est le nombre de tout mouvement continu (ce qui inclut génération, corruption, altération, etc.). Lignes 3-4, W. Beierwaltes construit aporētéon avec eí (« il faut se demander si… »), mais le complément de aporētéon est plutôt tò pásēs (ligne 3).
319. À savoir, celui qui est uniforme et celui qui ne l’est pas.
320. L’exemple vient sans doute d’Aristote (voir Physique IV, 11, 220a23-24 ; 12, 220b10-12 ; 14, 223b4-6 et 224a2-15). Voir aussi Sextus Empiricus, Esquisses pyrrhoniennes III, 20, 156-157, qui restitue l’argumentation des « successeurs de Pythagore » (sans doute des platoniciens), destinée à montrer que le nombre a une existence distincte des choses nombrées (par exemple des bœufs et des chevaux).
321. Voir Platon, Lois V, 746e : les Athéniens utilisaient de fait deux systèmes volumétriques, l’un pour les liquides, l’autre pour les solides (présentés, par exemple, dans le dictionnaire d’A. Bailly, p. 2198). Plotin, cependant, ne conteste pas ici qu’une même dizaine puisse nombrer des chevaux ou des bœufs ou une même mesure servir pour des liquides et des solides : l’enjeu de ce passage est de montrer que, s’il en va ainsi pour le temps, alors celui-ci devra avoir, outre sa fonction de mesure du mouvement, une essence propre indépendante et antérieure à cette fonction, essence que n’exprime pas la définition aristotélicienne, laquelle n’est donc pas une véritable définition.
322. Sur cette expression, voir, supra, chap. 7, 20 et 25, ainsi que chap. 8, 23.
323. Voir, pour une critique analogue, Plutarque, Questions platoniciennes 8, 4, et la note 13 de H. Jonas, article cité, p. 308.
324. Nous attribuons au participe un sens concessif. Que le temps soit mesure-de ne saurait définir son essence, car ce serait faire de lui un « relatif », au sens où l’entend Aristote (voir sur ce point Catégories 7, 6a3637).
325. Une alternative se présente ici, selon que le temps est un nombre discret (lignes 15-17) ou une mesure continue (lignes 17-45). Plotin montre que la seconde hypothèse reconduit en fait à la première (voir infra, ligne 45).
326. Le « nombre monadique » (de monás : « l’unité ») est le nombre abstrait, composé d’unités discrètes et objet de l’arithmétique, par opposition aux quantités concrètes dénombrées, qui peuvent être continues. Sur cette distinction, voir Platon, Philèbe 56d-e, et surtout Aristote, Éthique à Nicomaque V, 6, 1131a30 ; Métaphysique I, 1, 1052b20-1053a30 ; M, 6, 1080b19-33 ; 7, 1082b5-7, et N, 5, 1092b19-20. Chez Plotin, voir 34 (VI, 6), 9, 35, et 44 (VI, 3), 13, 5-7.
327. Ligne 19, nous conservons la leçon de l’editio minor, sans adopter la correction de A. Kirchhoff, retenue par H.-S. dans leurs Addenda. La comparaison avec la coudée (mesure de longueur équivalente à un peu moins d’un demi-mètre) vient d’Aristote, Physique IV, 12, 221a3.
328. Car la ligne, à la différence du nombre monadique, composé d’unités discrètes (voir supra, note 326), est une grandeur continue.
329. W. Beierwaltes (op. cit., p. 232) comprend que Plotin exclut ici (comme infra, ligne 34) tous les mouvements non uniformes pour ne retenir que le mouvement du ciel, ce qui situerait cette remarque dans le prolongement des lignes 3-4. En fait, la question de l’uniformité ne sera reprise qu’aux lignes 31-35. La problématique du présent passage est différente : il s’agit simplement de montrer que, dans l’hypothèse présente, on serait conduit à poser un temps différent pour chaque mouvement différent, ce qui est absurde.
330. On peut hésiter sur l’identification des sujets dans cette phrase. Voir, à l’appui de notre interprétation, sur la continuité du mouvement, supra, chap. 8, 35 ; et sur la ligne qui court le long du mouvement, supra, ligne 19.
331. Plotin suit ici les précisions d’Aristote, Physique IV, 11, 219b5-8 (voir aussi chap. 12, 220b8-9) : « Puisque le nombre se prend en deux sens (en effet, nous appelons nombre ce qui est nombré et ce qui est nombrable, ainsi que ce par quoi nous nombrons), le temps est ce qui est nombré et non ce par quoi nous nombrons » (trad. P. Pellegrin).
332. Plotin expose ici trois hypothèses qui seront successivement examinées, et écartées, jusqu’à la fin du chapitre : (1) le temps est le mouvement mesuré (lignes 35-50) ; (2) le temps est la grandeur qui mesure le mouvement (lignes 51-78) ; (3) le temps est le sujet – l’âme – qui mesure le mouvement (lignes 78-84).
333. Voir supra, lignes 2-5.
334. Allusion au mouvement circulaire de l’univers sensible.
335. C’est la première des trois hypothèses présentées supra, lignes 28-31. Dans le traité 44 (VI, 3), 22, 43-44, Plotin lui-même affirme, de manière apparemment contradictoire, que le temps est « mouvement mesuré ». Sur la manière dont on doit concilier ces deux passages voir R. Chiaradonna (« Il tempo misura del movimento ? Plotino e Aristotele (Enn. III, 7 [45]) », note 78, p. 247-248.
336. La seconde hypothèse (le temps, grandeur continue) est ainsi reconduite à la première (le temps nombre monadique), étant donné que la grandeur continue a besoin d’un nombre qui la mesure, pour lui assigner sa quantité.
337. Lignes 43-44, c’est la seule occurrence du verbe paromarteîn (accompagner) dans les traités plotiniens.
338. Sur la notion de nombre monadique, voir supra, ligne 17 et la note.
339. Voir, supra, ligne 24, où Plotin envisageait, à l’inverse, que le temps ne soit pas extérieur au mouvement qu’il mesure.
340. C’est la définition complète que donne Aristote du temps : « c’est cela le temps, le nombre du mouvement selon l’avant et l’après » (Physique IV, 11, 219b1-2). En spécifiant ainsi la nature du nombre que serait le temps, Plotin tente de « creuser » l’hypothèse du temps-nombre du mouvement, tout en faisant pièce à son objection des lignes 16-17. Mais, comme le montre la suite, l’on est ainsi conduit à un écueil inverse : non plus une définition trop large mais une définition qui inclut ce qui est à définir (voir infra, lignes 66-68 et la note).
341. Passage difficile : pour la référence au point (sēmeîon, ligne 58), W. Beierwaltes renvoie à Aristote, Physique IV, 11, 219b17-20, mais la référence est incertaine, car le terme employé par Aristote dans ce passage pour désigner le point est différent (stigmḗ), et revêt dans le contexte un sens exclusivement spatial. Plus éclairant est un passage du traité Du ciel I, 12, 283a11-19, où Aristote emploie cette fois le même terme, et où le point désigne un point du temps, un instant. C’est en ce sens qu’il faut sans doute ici comprendre l’expression : ce qui permet de déterminer « l’avant » et « l’après » c’est le point du temps qui constitue leur limite commune (voir aussi, à ce sujet, Physique IV, 13, 222a13-17).
342. Puisque l’avant et l’après, comme le précise la suite, sont déjà des notions temporelles.
343. Voir, sur cette expression, supra, chap. 7, 3.
344. Sur les différents sens de « avant » et « après », voir Aristote, Physique IV, 11, 219a14-19, Métaphysique Δ, 11, et Catégories, chap. 12.
345. C’est-à-dire l’avant.
346. Sur le rapport entre le maintenant, l’avant et l’après, voir Aristote, Physique VIII, 1, 251b20-22.
347. Plotin a rappelé que « avant » et « après » ont, soit un sens spatial, soit un sens temporel. Implicitement, il écarte le premier de ces sens, qui ne saurait convenir pour le temps. Il reste, par conséquent, qu’Aristote définit le temps à l’aide de notions (« avant » et « après ») qui impliquent elles-mêmes le temps. La définition d’Aristote est donc circulaire, puisque la notion à définir est implicitement comprise dans la définition même.
348. Après avoir écarté la définition d’Aristote, Plotin précise que les mêmes objections vaudraient contre une version plus déterminée de cette définition, laquelle définirait le temps comme « le nombre du mouvement du monde selon l’avant et l’après ».
349. Ligne 70, nous conservons la correction de l’editio minor, abandonnée par H.-S. dans leurs Addenda.
350. Sur l’infinité du temps, voir Aristote, Physique III, 8, 208a20 ; IV, 13, 222a29-30, 222b7 ; VIII, 10, 267b25.
351. Sur la contradiction inhérente à la notion de nombre infini, voir 34 (VI, 6), 17, 1-3.
352. Par exemple, celui que met le ciel pour accomplir sa rotation (voir, sur le rapport du temps et de la révolution du ciel, infra, chap. 13).
353. Plotin se réfère sans doute ici à Aristote, Physique IV, 11, 218b21-219a2 et surtout 14, 223a21-29, qui semble affirmer cela (voir sur ce point A. J. Festugière, « Le temps et l’âme selon Aristote »).
354. Comme le remarque R. Chiaradonna (« Il tempo misura del movimento ? Plotino e Aristotele (Enn. III, 7 [45]) », note 61, p. 241), cette hypothèse peut apparaître, en un certain sens, comme la thèse même défendue par Plotin dans la suite (voir par exemple, infra, chap. 11, 43-45). On peut cependant signaler, entre autres, deux différences majeures quant au rapport de l’âme et du temps entre Plotin et Aristote : d’abord, l’âme qui est cause du temps pour Plotin est avant tout l’âme du monde et pas seulement les âmes individuelles ; en outre, si elle produit le temps ce n’est pas en tant qu’elle mesure le mouvement, mais comme une conséquence de l’événement qu’est sa descente dans un corps (voir sur ce point W. Beierwaltes, trad. citée, p. 238). Lignes 76-80, nous ne suivons pas la ponctuation de H.-S.
355. Plotin écarte ainsi la troisième hypothèse présentée supra, lignes 30-31.
356. En grec ancien : parakoloúthēma.
357. Plotin aborde maintenant la définition épicurienne du temps, annoncée supra, chap. 7, 26 ; sur celle-ci, voir Épicure, Lettre à Hérodote, 72-73 (=LS 7B), le papyrus d’Herculanum 1413 (éd. et trad. italienne dans R. Cantarella et G. Arrighetti, « Il libro Sul tempo (P. Herc. 1413) dell’opera di Epicuro Sulla natura », Cronache Ercolanesi, 2 (1972), p. 5-46), Lucrèce I, 445-482 (= LS 7A), et Sextus Empiricus, Adv. math. X (= Contre les physiciens II), 219-226 (= LS 7C), qui expose l’interprétation par Démétrios Lacon de la théorie épicurienne du temps.
358. Sous-entendu : au mouvement. Ces trois notions impliquent la temporalité, ce qui veut dire qu’en précisant la définition on est conduit à en mettre à jour le caractère circulaire (voir sur ce point la note suivante).
359. « L’accompagnement » ne peut pas rentrer dans la définition du temps, dans la mesure où cette notion enveloppe en elle-même un rapport temporel (au mouvement) et que la définition contiendrait donc ce qui est à définir.
360. Comme le montre ce qui précède, « dans le temps » se rapporte à « accompagne » et non à « mouvement ».
361. Autrement dit, nous recherchons son essence et non de simples propriétés accidentelles.
362. Cette remarque répond à l’annonce du chap. 7, 26-27. La définition du temps comme mesure du mouvement de l’univers semble attribuable à Alexandre d’Aphrodise : voir son traité Sur le temps § 10 (trad. anglaise dans R. W. Sharples, « Alexander of Aphrodisias, On Time », Phronesis, 27 (1982), p. 58-81).
363. Celles des objections adressées à la définition aristotélicienne qui étaient liées au caractère éventuellement irrégulier du mouvement (voir sur ce point, supra, chap. 9, 5) ne sont pas pertinentes s’agissant du mouvement de l’univers, puisqu’il a la particularité d’être un mouvement uniforme.
364. Une fois achevé l’examen critique des thèses antérieures, Plotin aborde maintenant son exposé positif sur l’origine et la nature du temps, selon la méthode annoncée supra, chap. 7, 7-10.
365. Sur ce terme (atremḗs, ligne 3), voir, supra, chap. 5, 21, et la note.
366. Sur cette expression, voir, supra, chap. 3, 19, et 37, et la note.
367. Cette formulation synthétise les dernières définitions de l’éternité, exposées, supra, chap. 5, 25-27 et chap. 6, 10-11.
368. Sur ce terme (aklinḗs, ligne 4), voir, supra, chap. 5, 10 et 13, et la note.
369. Sur les rapports entre l’éternité et l’Un, voir, supra, chap. 6, 2-4, et la note, pour la référence au Timée.
370. C’est-à-dire aux réalités intelligibles et en particulier à l’Âme, qui va ensuite se « temporaliser » (voir sur ce point, infra, ligne 30).
371. Le terme hēsukhía (« tranquillité » ; ligne 6 ; voir aussi, infra, lignes 14 et 23) s’oppose au désir d’action et à l’affairement (ligne 15), qui va causer la descente de l’âme du monde : voir aussi, sur la tranquillité de l’Intellect, 5 (V, 9), 8, 8 ; 9 (VI, 9), 5, 14-15 et 9, 18 ; 47 (III, 2), 2, 16 et 49 (V, 3), 7, 14.
372. Allusion à l’Iliade d’Homère (XVI, 113 ; Platon imite ce passage dans la République VIII 545d8-e1), ou à la Théogonie, au début de laquelle Hésiode demande aux Muses de lui raconter comment naquirent les différentes divinités (voir v. 108-115). Pour une invocation aux Muses dans le préambule d’un discours, voir aussi Phèdre 237a.
373. Dans la mythologie grecque, les Muses sont en effet les filles de Mémoire, laquelle suppose le temps.
374. Ce qui suit constitue donc, si l’on peut dire, une prosopopée au style indirect. Pour d’autres exemples de prosopopées, au style direct, elles, voir, dans cette collection, 30 (III, 8), 4, et la note 29 de J.-F. Pradeau, p. 56-57.
375. Il y a ici dans le texte un jeu de mots sur le terme « avant » (próteron, ligne 12), dont la seconde occurrence renvoie à la première, au début de la phrase : « avant » la naissance du temps, en fait, il n’y a pas encore d’ « avant » ni d’ « après », ces deux termes désignant des distinctions temporelles. Commence ici le récit ou le mythe de l’origine du temps qui présente, sous forme narrative et donc temporelle, un événement atemporel : comme le note F. Ferrari dans la préface de sa traduction (p. 37-38), ce mythe sur le temps constitue un mythe paradigmatique puisque c’est le propre de tout mythe, selon Plotin, que de présenter sous forme temporelle ce qui n’est pas temporel.
376. Sur l’opposition entre les choses temporelles et les êtres intelligibles, qui n’ont, eux, aucun désir tourné vers l’avenir, voir supra, chap. 4, 29-34.
377. Comme H.-S., nous comprenons que autō̂i (ligne 13) et ekeínōi (ligne 14) renvoient à l’éternité.
378. Sur le terme « tranquillité » (hēsukhía ; ligne 14), voir supra, ligne 6 et la note.
379. Ligne 15, on peut hésiter entre deux interprétations du terme phúsis : on peut le comprendre dans un sens indéterminé comme désignant une réalité, une partie ou une puissance (voir infra, ligne 21 et chap. 12, 5) de l’âme principielle, en l’occurrence. Mais on pourrait aussi le comprendre de manière plus définie comme renvoyant à la Nature au sens restreint, c’est-à-dire à la partie végétative de l’âme du monde. Nous adoptons la première interprétation pour deux raisons de forme et une raison de fond : la syntaxe de la phrase, d’abord, et l’absence de participe passé (on attendrait, dans la deuxième interprétation, un oúsēs (« étant ») au début de la ligne 15) reliant « nature » à « affairée », indiquent que l’adjectif est épithète et non attribut, et qu’il définit le terme – qui est donc indéterminé – de « nature » ; la seconde raison réside dans les occurrences précédentes du mot phúsis dans ce traité, où il a, jusqu’à ce chapitre, un sens indéterminé dont le référent dépend du contexte : voir notamment supra, chap. 5, 5, et chap. 6, 1, où le mot renvoie, d’après le contexte, à l’éternité. Sur le fond, enfin, la Nature au sens restreint ne peut donner naissance au temps puisqu’elle est précisément corrélative du monde sensible et du temps qui surgit avec lui. En fait, comme le montrent, infra, les lignes 26-27, c’est en chutant et en produisant le monde sensible que cette partie affairée de l’âme principielle devient et advient comme âme du monde et comme Nature, tout en donnant naissance au temps.
380. Sur l’affairement de l’âme (poluprágmonos, ligne 15), comme cause de sa descente, voir traité 6 (IV, 8), 4, 15.
381. Sur le désir d’autonomie comme cause de la descente de l’âme dans un corps, voir aussi 6 (IV, 8), 4, 10-12 ; 10 (V, 1), 1, 5 ; 13 (III, 9), 3, 10 et 28 (IV, 4), 3, 1-2.
382. Ligne 17, pour la traduction de ekinḗthē (« se mit en mouvement »), on peut rappeler que l’aoriste passif du verbe kineîn a un sens moyen. Le traité 15 (III, 4), 1 oppose de même les réalités qui restent immobiles et l’âme qui se meut en engendrant ainsi les réalités inférieures. Ce mouvement vers le bas s’oppose, dans le vocabulaire de Plotin, au fait de « demeurer immobile » (ménein ; voir par exemple, supra, chap. 3, 16 et chap. 6, 9).
383. Ce chemin est celui qui va de l’éternité vers le temps, par opposition à celui qui mène vers les choses d’en haut (voir, sur ce point, supra, chap. 7, 9-10). Ligne 19, pour la traduction de poiēsámenoi, voir le dictionnaire de A. Bailly, s.v. poieîn, Moy., II, 3 (cf. aussi 50 (III, 5), 1, 51).
384. La première personne du pluriel (« nous », ligne 20) ne renvoie pas aux âmes humaines qui produiraient le temps, mais à nous qui menons cette recherche, comme supra, ligne 5 : l’idée est que, en évoquant la descente de l’âme, nous avons, sur le plan du discours, reconstitué la naissance du temps. J. E. McGuire et S. K. Strange, ainsi que H. Jonas (trad. citées, ad loc.), comprennent à l’inverse qu’il s’agit ici des âmes individuelles qui produisent le temps, ce qui paraît contredit par 28 (IV, 4), 15, 12-13.
385. C’est la définition du Timée 37d5, déjà évoquée supra, chap. 1, 19 et reprise infra, lignes 46-47. Plotin, à ce stade, montre seulement en quoi le temps diffère de l’éternité, non en quoi il cherche à l’imiter (sur ce dernier point, voir déjà, supra, les remarques anticipatrices du chap. 4, 24-33 et infra, chap. 11, 56-59). Sur les différences entre la conception plotinienne du temps, et la conception platonicienne, malgré la reprise de cette formule, voir notamment J.-Y. Blandin, « Du temps comme ordre et nombre au temps comme chute ».
386. Cette puissance est celle qui va devenir l’âme du monde (sur le terme « puissance », voir aussi infra, ligne 49 et chap. 12, 5).
387. Sur la tranquillité de l’Intellect, voir, à l’inverse, supra, lignes 6 et 14.
388. J. Igal (trad. citée, ad loc.) comprend que cette autre chose est la matière. Mais l’idée est plutôt qu’à la contemplation atemporelle du même (l’intelligible), l’âme préfère alors l’altérité et le changement.
389. Ligne 22, « d’un bloc », comme infra, lignes 55 et 57, traduit athróos (voir, sur ce terme, supra, chap. 3, 4 et la note).
390. Ligne 26, c’est la seule occurrence du verbe dapanân (« prodiguer ») dans les traités plotiniens.
391. Sur le déploiement spatial d’une raison formelle (lógos) intelligible dans l’être vivant dont elle est le principe constitutif, voir 47 (III, 2), 2, 18-23, ainsi que l’étude de L. Brisson, « Lógos et lógoi chez Plotin. Leur nature et leur rôle ».
392. Nouvelle allusion à la définition platonicienne du temps comme image de l’éternité (cf. supra, notes 142 et 385) : mais Plotin affirme cette fois, plus précisément, que le mouvement des choses sensibles imite le mouvement atemporel des intelligibles.
393. Ligne 30, c’est la seule occurrence du verbe khronoûn (« temporaliser ») dans les traités plotiniens.
394. C’est-à-dire tous les mouvements sensibles et en particulier ceux des astres. Cette opération est précisée dans le Timée 36d-e.
395. Comme Platon le signalait dans le Timée (34b3-4 et 36d8-e5), ce n’est pas l’âme du monde, en effet, qui est dans le corps du monde, mais l’inverse : voir, sur ce point, 32 (V, 5), 9, 30 ; 27 (IV, 3), 9, 36-44, l’ensemble du chap. 20 de ce traité, et 22, 7-17, ainsi que la note 411 de L. Brisson à sa traduction du traité 27 dans cette collection.
396. La temporalité du monde sensible est donc une conséquence dérivée de la temporalisation de l’âme : Plotin reviendra sur ce point infra, chap. 13, 30-66, contre ceux qui définissent le temps à partir du mouvement du monde.
397. Dans le traité 3 (III, 1), 1, 13-14, Plotin distingue de même les réalités intelligibles atemporelles, et celles qui, comme l’âme, tout en étant impérissables, ne produisent pas toujours les mêmes actes (voir aussi sur ce point, infra, ligne 52).
398. La « pensée » ici évoquée (diánoia, ligne 38) est par excellence l’acte (enérgeia) de l’âme qui s’est temporalisée, puisque la diánoia désigne la pensée discursive, par opposition à l’intellection atemporelle : voir, sur ce point, 13 (III, 9), 1, 35-37 et 49 (V, 3), 17, 23-24. Sur la diánoia, voir aussi, dans cette collection, la Notice introductive de L. Brisson à sa traduction des Traités 27-29, p. 43 et p. 55-56.
399. Ligne 38, c’est la seule occurrence du verbe sumproiénai (« avancer, apparaître en même temps ») dans les traités plotiniens.