400. Lignes 38-39, « ce qui n’était pas auparavant » peut désigner simplement la nouveauté ou bien, plus précisément, le temps, dont il a été dit plus haut qu’il n’existait pas encore avant la chute de l’âme (voir, supra, lignes 4-5). L’emploi de l’adverbe prósō (rendu par « le fait qu’elle avance »), infra, ligne 42 semble faire écho au verbe « avancer » ici employé (« sumproḗīei » ; ligne 38) et plaide donc plutôt pour la première interprétation.
401. Lignes 38-41, nous, comprenons, comme H. Jonas (art. cité, p. 310), que Plotin ne parle ici que de la vie de l’âme qui s’est temporalisée, les différentes « vies » ici évoquées désignant différents états de la vie de l’âme qui, étant différents, sont nécessairement successifs. W. Beierwaltes (trad. citée, p. 264-265), suivi par F. Ferrari (trad. citée, note 26, p. 162-163), comprend, à l’inverse, que Plotin oppose au contraire la vie de l’intelligible, « antérieure » (ligne 40) en un sens ontologique, à la vie, postérieure et temporelle, de l’âme du monde, mais l’ensemble de l’argumentation de ce chapitre va dans le sens de la première interprétation.
402. Deux vies différentes ne peuvent être simultanées, et occupent donc nécessairement des moments différents du temps : l’altérité qui affecte la vie de l’âme du fait de sa descente implique donc la temporalité. Plotin se souvient sans doute ici du Parménide de Platon (155e), où, après avoir montré que l’Un est un et multiple, Parménide en déduit qu’il est nécessairement soumis au changement : « Par conséquent, c’est à un moment qu’il a part à l’être et à un autre moment qu’il n’y a point part ; c’est là, en effet, pour lui l’unique moyen de participer et de ne point participer à la même chose » (trad. L. Brisson ; voir aussi 162b-c).
403. Lignes 41-43, nous donnons au verbe ékhein un sens logique (« impliquer »), mais on pourrait aussi le comprendre en un sens locatif (« occuper »).
404. Ligne 44, la périphrase « état » traduit ici le mot bíos, qui désigne le contenu, variable, d’une vie, tandis que « vie » traduit le terme voisin zōḗ, qui désigne plutôt la vie comme mode d’être, par opposition à ce qui est privé de vie (voir, sur ce point, les références données par W. Beierwaltes, trad. citée, p. 268).
405. Plotin dégage ainsi une définition du temps, à comparer à la définition de l’éternité, introduite par une formule analogue, supra, chap. 5, 25-28, et rappelée dans les lignes qui suivent.
406. Ligne 46, la traduction explicite le texte grec à partir de la formulation voisine du chap. 3, 16.
407. L’éternité, à l’inverse du temps (voir, sur ce point, infra, lignes 54-55), est illimitée en acte : voir, sur ce caractère, supra, chap. 5, 26 et la note.
408. Pour l’allusion au Timée, voir, supra, ligne 20 et la note.
409. En grec ancien, sont dites « homonymes » deux choses qui portent le même nom, mais qui n’admettent pas la même définition : ainsi la clef et la clavicule, qui sont désignées par le même mot (kleís) : voir sur ce point la définition qui ouvre les Catégories d’Aristote, citée supra, note 228. Mais en outre, pour Plotin, à la différence d’Aristote, l’homonymie implique aussi un rapport hiérarchique, car la vie de l’âme descendue et la vie de l’intelligible ne sont pas « vies » au même degré, dans la mesure où la première est une vie dégradée qui n’est qu’une image affaiblie de la seconde : voir aussi sur ce point, dans le traité 46 (I, 4), l’ensemble du chap. 3, où Plotin montre que la vie véritable est la vie de l’intelligible dont toutes les autres vies sont des images imparfaites. Porphyre développera ce point dans sa Sentence 12, citée par L. Brisson, dans la note 400, p. 268-269 de sa traduction du traité 28 (IV, 4) dans cette collection.
410. C’est-à-dire de celle qui se consacre au monde sensible, souvent désigné par Plotin comme « ce monde-ci » (voir par exemple, supra, chap. 1, 3). Cette « puissance » a déjà été évoquée, supra, ligne 21.
411. Celle qui a voulu quitter l’intelligible (voir, sur ce point, supra, lignes 20-21).
412. P. Aubenque (« Plotin philosophe de la temporalité », p. 83) comprend que henòs, ligne 53, désigne l’Un, le premier principe, et il s’appuie sur ce passage pour soutenir que le temps, selon Plotin, s’apparente d’une certaine manière davantage à l’Un que ne le fait l’Intellect. Mais la référence à l’absence d’extension (adiastátou), à la même ligne, montre sans conteste que cette unité n’est pas l’Un, mais l’unité de l’Intellect, puisque cette absence d’extension est présentée dans tout le traité comme un trait distinctif de l’éternité par opposition au temps.
413. Sur la continuité du mouvement psychique, voir infra, chap. 12, 3.
414. Sur l’adjectif athróos (« d’un bloc » ; lignes 55 et 57), voir supra, ligne 22 et la note.
415. Nous maintenons esómenon, ligne 56, supprimé par H.-S. dans leurs Addenda.
416. C’est là l’erreur commune de tous les prédécesseurs de Plotin, qui ont défini à tort le temps à partir du mouvement des choses sensibles, et dont les théories ont été examinées et rejetées dans les chapitres 8 à 10 : voir, sur ce point, R. Chiaradonna, « Il tempo misura del movimento ? Plotino e Aristotele (Enn. III, 7 [45]) ».
417. Ligne 61, « accompagner » (parakoloúthēma), s’oppose par le préfixe au verbe epakoloutheîn (« appartenir à », chap. 3, 5) : le premier terme, qui apparaissait déjà dans la définition épicurienne du temps, désigne une relation extrinsèque, à l’inverse du second qui marque une inhérence intrinsèque.
418. Voir, sur ce terme (enorṓmenon ; ligne 61-62), supra, chap. 3, 6 et la note.
419. Autrement dit : il y a une analogie stricte entre le temps et l’âme, d’une part, l’éternité et l’être, d’autre part, qui réside dans l’inhérence immédiate des premiers termes aux seconds. Sur le rapport entre l’éternité et l’être, voir en particulier, supra, chap. 3, 6, et chap. 4, 1-5, où Plotin associe de même des expressions très proches du présent passage.
420. Ligne 1, comme supra (chap. 11, 15), on peut hésiter sur l’interprétation à donner du terme phúsis, qui peut s’entendre en un sens large et indéterminé, ou comme désignant plus précisément la puissance végétative de l’âme du monde (ainsi J.-F. Pradeau, « L’âme élastique », en particulier p. 146). La syntaxe de la phrase plaide, nous semble-t-il, en faveur du premier sens. On a là, quoi qu’il en soit, une seconde définition du temps, après celle du chap. 11, 43-45.
421. Sur le terme mē̂kos, voir supra, chap. 11, 19.
422. Le cours de la vie de l’âme progresse « sans bruit » (apsophētí, ligne 3), parce qu’il ne rencontre pas de difficultés, le silence, comme chez Platon (voir Timée 37b5, mais aussi Théétète 144b5-6), connotant pour Plotin l’absence de peine, de heurts et d’efforts dans l’exercice d’une activité, en particulier intellectuelle. Sur le silence de la nature, voir 27 (IV, 3), 4, 27 ; 30 (III, 8), chap. 4 et 5 et la note 43 de J.-F. Pradeau à sa traduction de ce traité dans cette collection, ainsi que 31 (V, 8), 7, 24.
423. Nous donnons au dḕ de la ligne 4 un sens explicatif.
424. Sur cette puissance de l’âme, qui a quitté l’intelligible, voir supra, chap. 11, 21. Afin de montrer, a contrario, que le temps résulte de la descente de cette puissance, Plotin envisage maintenant l’hypothèse d’une remontée de l’âme dans l’intelligible : il en résulterait la disparition du temps (envisagée par Platon aussi dans le Timée 38b7).
425. Sur ce terme, voir, supra, chap. 3, 13 et la note. On trouve dans le Timée la même expression « vie incessante » en 36e4-5 : le temps et le monde sensible ne s’arrêteront pas, puisque l’âme, qui en est le principe immortel, n’interrompt jamais son activité de gouvernement du monde.
426. Ce que l’âme descendue engendre et produit, c’est, bien sûr, le monde sensible (voir, sur ce point, supra, chap. 11, 27 et 30).
427. C’est-à-dire celle qui est descendue et dont la descente a produit le temps (sur son identification, voir, supra, chap. 11, 15 et la note).
428. Sur le terme « tranquillité » voir supra, chap. 11, 6 et la note.
429. Sous entendu : si l’âme demeurait dans l’intelligible alors il n’y aurait plus de temps. La « distension » du temps (la distinction passé-présent-futur) est la conséquence du fait que l’âme s’écarte de l’intelligible.
430. Sur l’expression « demeurer dans l’unité », voir supra, chap. 6, 6 et la note. Mais ici comme supra, chap. 2, 35, tò hén désigne seulement l’unité et non le premier principe, l’Un.
431. Ligne 13, nous conservons la correction de B. S. Page (méllon au lieu de mâllon), abandonnée par H.-S. dans leurs Corrigenda, où ils choisissent, après R. Beutler, de supprimer la fin de la phrase (ḕ mâlon). En gardant le texte des manuscrits il faudrait traduire : « [Qu’y aurait-il de postérieur,] ou qui dure plus longtemps ? » (cf. Ficin : aut longius).
432. « Ce dans quoi l’âme se trouve » désigne l’intelligible. « Se projeter » traduit le verbe epibállein (sous-entendu heautón ; lignes 14 et 15), qui doit être compris ici en son sens littéral et dynamique, puisqu’il présuppose, comme l’indique la suite, un écart (aphēstékoi, ligne 15), que cette projection « enjambe » : l’idée est en effet que la temporalité suppose une projection de l’âme vers ce qui n’est pas encore (vers l’avenir), et donc une différence entre un objet de pensée présent et un objet futur : comme Plotin l’a montré, l’extension temporelle présuppose l’altérité. Pour que l’âme non descendue puisse se projeter vers l’intelligible il faudrait qu’elle s’en écarte, ce qui par hypothèse est exclu. Tant qu’elle demeure dans l’intelligible elle ne peut donc connaître d’extension temporelle. Voir aussi 5 (V, 9), 7, 9, où Plotin montre que l’Intellect ne se « projette » pas (ouk epibállōn) vers les Formes, dans la mesure où il faudrait pour cela que les formes ne lui appartiennent pas.
433. Il s’agit bien sûr de la sphère du monde. Plotin note maintenant que dans l’hypothèse où l’âme ne serait pas descendue, il n’y aurait pas non plus de monde sensible, puisque son existence est dérivée et dépend de cette descente. Aux tenants des définitions « cosmologiques » du temps examinées supra (voir en particulier chap. 8, 9-22 ; 30-fin ; chap. 10, 13-16), Plotin concède ici que sans le temps il n’y aurait pas de monde sensible, mais c’est pour préciser, immédiatement après (lignes 17-25), que le temps pourrait très bien exister sans le monde sensible. Il y a donc bien une corrélation entre le temps et le monde sensible, mais elle est inverse de celle des conceptions cosmologiques : le monde suppose le temps et non l’inverse.
434. Ligne 3, nous suivons le texte de l’editio minor, sans adopter la correction de H.-S. dans leurs Addenda. Nous comprenons comme H. Jonas (art. cité, p. 317) et W. Beierwaltes (trad. citée, ad loc.) : dans l’hypothèse où l’âme serait remontée dans l’intelligible, il n’y aurait pas de temps, ni non plus de monde sensible, car celui-ci a une existence dérivée qui dépend de la descente de l’âme, à la différence du monde intelligible et de l’éternité, qui existent au sens premier.
435. Alexandre d’Aphrodise évoque un argument semblable, peut-être formulé par Galien, dans son traité Sur le temps § 5 (voir sur ce point, R. Chiaradonna, « Il tempo misura del movimento ? Plotino e Aristotele (Enn. III, 7 [45]) », p. 237). Afin de montrer que le temps n’est pas « le mouvement des corps célestes », Augustin envisage une hypothèse analogue, en s’inspirant notamment du Livre de Josué X, 12-14 (Confessions XI, XXIII).
436. C’est-à-dire son retour dans l’intelligible.
437. Cette hypothèse est écartée, infra, chap. 13, 68.
438. Allusion au Timée, où Platon emploie les deux prépositions que Plotin donne ici comme équivalentes : « Le temps est né avec (met’) le ciel, afin que nés ensemble (háma)… » (38b6 ; voir également 37d7 et e2). Aristote examine aussi ce passage du Timée, dans la Physique VIII, 1, 251b17-19.
439. Sur cet acte (enérgeia, ligne 24), voir supra, lignes 3, 7-9 et 18.
440. Allusion au Timée 39d1. Dans ce passage, Platon semble affirmer que les mouvements des astres sont des temps, et non pas qu’ils sont dans le temps, comme vient de le soutenir Plotin. C’est cette prétendue contradiction avec le texte platonicien que Plotin s’efforce de lever ici.
441. Comme le rappelle en effet la suite (ligne 30), la révolution des astres, perceptible dans le ciel, nous fait voir, littéralement, le temps, qui est en lui-même invisible.
442. Allusion au Timée 38c6-7, où Platon affirme plus précisément que les astres sont nés « afin de déterminer les nombres du temps » (nous soulignons). Comme le montre aussi la suite de ce passage, la détermination en question est donc quantitative.
443. Citation quasi littérale du Timée 39b2-3.
444. « Définir » (horísai ; ligne 29) a ici le même sens quantitatif que « déterminer », supra, ligne 27-28 (voir sur ce point la note ad loc.).
445. Ligne 30, nous comprenons que par’autoîs renvoie aux « vivants à qui il convenait de participer au nombre » de Timée 39b7, c’est-à-dire aux hommes.
446. Ligne 31, nous donnons au participe eidósin une valeur temporelle : les hommes, au début, ne savent pas encore compter.
447. Le jour est autre que la nuit et ils sont donc deux : d’où le passage de l’altérité à la dualité.
448. Sur le spectacle des mouvements astraux comme origine de la conception des nombres, voir Timée 47a5-8 et [Pseudo-Platon], Epinomis 978b7-e7 ; sur le lien entre l’altérité et la dualité, voir Parménide 143a3-d6.
449. Ligne 33, nous suppléons « du temps » qui n’est pas explicite dans le texte grec.
450. Sur ce terme, voir supra, chap. 8, 23, et la note.
451. L’idée est que la révolution « diurne » du soleil se fait en un temps déterminé et constant (hóson, lignes 33 et 34), et qu’à n’importe laquelle de ces révolutions correspond donc toujours la même durée, ce qui permet d’utiliser l’espace observable parcouru par cet astre comme une mesure du temps, qui, lui, n’est pas directement visible (sur cette difficulté que présente la saisie directe du temps, voir, supra, lignes 30-31).
452. C’est-à-dire le mouvement du ciel. Sur l’uniformité de ce mouvement, voir Aristote, Du ciel II, 4,287a23-24, ainsi que Physique VIII, 9, 265b11-16, où Aristote explique, à partir de ses propres principes, pourquoi seul le mouvement circulaire peut être uniforme.
453. Cette précision vise, bien sûr, la définition aristotélicienne, déjà rejetée supra, chap. 9.
454. Ligne 38, nous suivons la ponctuation de H.-S. dans leurs Corrigenda. Sur les prosopopées chez Plotin, voir supra, chap. 11, 11 et la note.
455. Ligne 39, nous nous écartons du texte de H.-S. et des manuscrits, en proposant la correction oúkoun (« ne certes… pas ») au lieu de oukoûn (« donc »). En gardant le texte des manuscrits, il faudrait traduire : « Le temps existe donc afin de mesurer et il n’est pas mesure. » Mais l’expression eînai hína a chez Plotin un sens fort (voir J. H. Sleeman et G. Pollet, Lexicon plotinianum, s.v. « hína »), et il ne pourrait opposer ainsi ce qu’est le temps et ce en vue de quoi il est.
456. Autrement dit selon son essence, par opposition à ce qui n’est pour lui qu’un accident.
457. Comme Plotin l’a montré supra, chap. 9, 11-15, le fait d’être mesure du mouvement ne constitue pas l’essence du temps, mais seulement un accident de celui-ci.
458. C’est-à-dire celui du ciel.
459. Ligne 46, kaì est explétif.
460. Sur le fait que l’on ne peut saisir directement le temps, voir, supra, lignes 30-31.
461. Sur l’idée que le temps n’est pas engendré par le mouvement du ciel, voir, supra, lignes 22-23.
462. Lignes 52-54, nous suivons l’interprétation de J. Igal dans sa traduction. Comme Plotin le rappellera infra, chap. 13, 14-15, le terme « mesure » (métron) est ambigu, et peut désigner soit ce qui mesure soit ce qui est mesuré.
463. En un sens, donc, le temps mesure le mouvement (voir sur ce point, supra, lignes 37-43) et, en un autre sens, il est mesuré par le mouvement (lignes 43-54). Il n’est donc essentiellement ni mesurant ni mesuré.
464. C’est-à-dire définir le temps comme la mesure du mouvement, au sens, qui vient d’être précisé, de ce qui est mesuré par le mouvement : voir, sur ce point, supra, lignes 46-47 et 49-51.
466. C’est-à-dire sans définir l’essence même de la grandeur (voir supra, ligne 42, pour une expression voisine).
467. Ligne 1, comme infra, ligne 20, et supra, chap. 12, 47, 50, et 52, « manifester » traduit le verbe dēloûn. L’idée est que le mouvement du monde ne produit pas le temps, mais nous permet de le connaître et de le mesurer.
468. Ligne 1, nous adoptons la correction de A. Kirchhoff, reprise par H.-S. dans leurs Addenda (autḗ au lieu de haútē).
469. À savoir quelque chose de sensible, puisque le temps est dans l’âme.
470. Comme les critiques précédentes l’ont abondamment montré, le fait d’être ce dans quoi s’accomplit le mouvement des choses sensibles n’est pour le temps qu’un accident. Indépendamment de cette propriété accidentelle, et antérieurement, le temps doit posséder une essence propre (voir, infra, ligne 20), qui n’est pas relative au mouvement des choses sensibles (l’idée sera précisée, infra, lignes 11-12).
471. Il s’agit des astres, en mouvement uniforme, ou de la terre, qui demeure immobile.
472. Lignes 7-8, la traduction ne restitue pas l’éventuel jeu sur les mots du texte grec, qui dit, littéralement : « c’est le mouvement qui meut vers la connaissance ».
473. Sur le mot metábasis (ligne 7), voir, infra, ligne 40.
474. Ligne 8, kaì (« et ») a un sens causal.
475. Il s’agit d’Aristote et de péripatéticiens comme Alexandre d’Aphrodise (sur leurs définitions du temps, voir, supra, l’ensemble du chap. 9 et pour le second la note 362), victimes d’une même erreur : le lien réel, mais accidentel, entre le temps et le monde sensible les a conduits à définir à tort l’essence du temps à partir du mouvement sensible.
476. Voir, sur cette partie du temps, chap. 9, 77.
477. Le fait d’être mesuré par le mouvement n’est pour le temps qu’un accident : voir sur ce point, supra, chap. 12, 55 et la note. Plotin retourne ici contre Aristote l’exigence et le vocabulaire de la quiddité (voir, supra, l’expression eînai hós estin, ligne 3 ; l’expression tí òn, ligne 11, et infra, lignes 15 et 20) : au lieu de fournir une véritable définition, laquelle devrait exprimer l’essence de la chose définie, Aristote se contente, au mieux, d’en mentionner un accident.
478. Cette phrase a donné lieu à des traductions divergentes. Nous comprenons de la manière suivante : une définition correcte devrait distinguer l’essence du temps de ce qui en est seulement un accident : le fait d’être mesuré par le mouvement. Aristote et ses disciples, à cet égard, commettent une double erreur : ils définissent le temps, d’abord, par ce qui n’en est qu’un accident, et, ils inversent, ensuite, dans la détermination de cet accident, le rapport du temps et du mouvement, en affirmant que c’est le mouvement qui est mesuré par le temps et non le temps par le mouvement.
479. Ligne 13, ce sont les deux seules occurrences de l’adverbe enēllagménōs (« inversion ») dans les traités plotiniens.
480. Ligne 14, nous comprenons legóntōn comme un génitif absolu à sens causal.
481. Autrement dit, que le mot métron (qui désigne en principe la mesure) signifierait en fait pour les péripatéticiens ce qui est mesuré. Dans ce cas, ceux-ci ne commettraient plus qu’une erreur : confondre l’essence du temps avec l’un de ses accidents.
482. Selon F. Ferrari (trad. citée, note ad loc.), toutes ces réserves seraient à comprendre de manière ironique, mais elles peuvent aussi viser une véritable ambiguïté dans les analyses d’Aristote eu égard au terme de métron.
483. Allusion à la différence entre les écrits d’Aristote dits « exotériques », et ceux dits « ésotériques », destinés au cercle restreint des disciples et dont la Physique faisait partie.
484. Ligne 20, « réalité » traduit ousía, qui s’oppose ici à l’accident, évoqué supra, ligne 12.
485. Ligne 21, nous comprenons eilē̂phthai comme un passif, suivant en cela H.-S. dans leurs Addenda. Le complément d’agent sous-entendu est sans doute le démiurge du Timée.
486. Ce minimum est la révolution astrale la plus courte, à savoir la révolution diurne accomplie par le soleil et les étoiles fixes en une journée (ce qui correspond dans le Timée à la révolution du cercle du Même : 39c1-3), par opposition, par exemple, à la révolution de la lune sur son orbite propre (laquelle définit le mois) ou à la révolution annuelle du soleil sur sa propre orbite (voir Timée 39c3-5).
487. C’est-à-dire le jour sidéral, le « nycthémère » (un jour et une nuit, soit vingt-quatre heures). Les Grecs et les Romains, certes, connaissaient une unité de mesure du temps plus petite que le jour, l’heure, mais celle-ci se définit comme une portion du jour, et il ne lui correspond donc pas de mouvement sidéral spécifique. Sur les jours et les heures du calendrier romain à l’époque de Plotin (ou peu avant) et sur l’absence de division à l’intérieur des heures romaines, voir J. Carcopino, La Vie quotidienne à Rome à l’apogée de l’Empire, Paris, Hachette, 1939, p. 171-179.
488. Voir Platon, Timée 38b-39c, et en particulier 38c6-7 et 39b2-3.
489. Il s’agit bien sûr de Platon.
490. Allusion au Timée 37d7-e2, et 38b6, comme supra, chap. 12, 22, dont Plotin résume ici l’interprétation.
491. Allusion au Timée 37d5-8 où le temps est désigné comme « une image mobile de l’éternité ». Sur les différentes interprétations possibles de ce passage, voir R. Brague, « Pour en finir avec «le temps, image mobile de l’éternité» (Platon, Timée, 37d) » et la note 187 de L. Brisson dans sa traduction du Timée.
492. Cette vie est, bien entendu, celle de l’âme descendue. Sur la signification du vocabulaire de la « course » à propos de l’âme et de l’intelligible, voir J.-L. Chrétien, « Plotin en mouvement ».
493. Ligne 25, « demeurer ce qu’il est » traduit le verbe ménein. La vie de l’éternité, à l’inverse du temps et de l’âme descendue, est une vie qui demeure immobile en elle-même : voir sur ce point, supra, chap. 5, 10 et 11, 51-52.
494. Plotin résume ici (lignes 26-28) l’interprétation de cette expression présentée supra, chap. 12, 22-25.
495. À savoir, la vie qui ne demeure pas identique, évoquée supra, ligne 25, et décrite au chap. 11, 40-50.
496. Sur la production du monde sensible et du temps, voir, supra, chap. 11, 20.
497. Ligne 29, hén (« l’unité »), en l’absence d’article, nous paraît renvoyer à l’unité de la vie psychique et non à l’Un, comme le pense par exemple F. Ferrari (trad. citée, ad loc.), car ce dont l’âme s’est éloignée, d’après les précédents chapitres, c’est le monde intelligible et non directement l’Un ; et ce qu’elle a perdu, ce faisant, c’est sa propre unité (voir en particulier, sur ce point, supra, chap. 11, 52-53). L’hypothèse du retour de l’âme dans l’éternité et l’unité a été examinée plus longuement, supra, chap. 12, 4-22.
498. Le mouvement sensible en général ou le mouvement du ciel en particulier.
499. Ligne 32, toûto (« ceci ») désigne l’antérieur et le postérieur qui se présentent dans le monde sensible, et qui ne sont pas illusoires : les mouvements sensibles sont dans le temps mais ils ne sont pas les seuls ni les premiers à l’être.
500. Nous explicitons ici le texte grec qui dit seulement : ce mouvement.
501. Ligne 36, nous adoptons la correction par’autē̂s au lieu de par’autḗn.
502. Ligne 35, kaì est explétif.
503. C’est-à-dire celui de l’âme.
505. Ligne 40, kaì est explétif.
506. Ligne 42, nous ne suivons pas l’interprétation de H.-S. dans leurs Addenda (« ekeínēs motus universi ») : ekeínēs ne peut renvoyer, nous semble-t-il, qu’à l’âme et à son mouvement, qui viennent d’être évoqués, supra, lignes 32-40 (voir en ce sens, supra, chap. 11, 33, ainsi que H. Jonas, art. cité, p. 318, et W. Beierwaltes, trad. citée., p. 286). Sur le fait que le corps du monde est dans l’âme du monde, voir, supra, chap. 11, 34 et la note.
507. L’âme n’est pas dans le temps parce que le temps est produit par elle et que c’est donc lui qui est dans l’âme (voir, sur ce point, supra, chap. 11, 59-62).
508. C’est-à-dire l’âme du monde.
509. Sur la présence de l’âme du monde dans toutes les parties du monde, et de l’âme individuelle dans toutes les parties de l’organisme, voir, dans cette collection, 27 (IV, 3), 8, 46-47, et la note 200 de L. Brisson à sa traduction.
510. Allusion possible aux stoïciens, pour lesquels le temps est un incorporel qui, dans cette mesure, n’existe pas hors de la pensée (voir sur ce point SVF II, 521 = LS 51F). Le vocabulaire et l’idée rappellent en effet les stoïciens, qui distinguent « être » et « existence » et posent, pour certains, que le futur et le passé ne sont pas, ce que pourrait évoquer la ligne 51. Voir aussi Aristote, Physique IV, 10, 217b31-218a6, où le Stagirite se demande si le temps existe ou non.
511. Ligne 50, nous adoptons la correction proposée par H.-S. dans leurs Addenda : katathetéon au lieu de kaì tò theòn.
512. Autrement dit : si le temps – en l’occurrence le futur – n’est rien, « sera » n’a pas de sens non plus.
513. Ligne 57, le terme « mouvement » traduit kínēma, alors que qu’il traduit kínēsis dans le reste du traité. Certains traducteurs distinguent les deux termes, mais en prêtant alors au mot kínēma des connotations qui ne sont pas évidentes (« impulso al moto » chez F. Ferrari, « Bewegtheit » chez W. Beierwaltes), les deux termes semblant en fait avoir le même sens (voir en ce sens, infra, lignes 61 et 62).
514. Ligne 57, « lui » (autō̂i) pourrait renvoyer soit au marcheur soit au spectateur. Mais la suite précisant que le mouvement de l’âme est cause du mouvement du corps (ligne 60), le mouvement psychique ici évoqué est clairement celui du marcheur.
515. Plotin, dans ce passage (lignes 54-58), distingue trois choses : la distance parcourue par le corps, la durée du mouvement du corps, et la durée correspondante du mouvement de l’âme.
516. Plotin distingue ici trois choses : le corps qui se meut, le mouvement de ce corps et le mouvement de l’âme. Voir, sur ces deux mouvements, infra, note 519.
517. C’est-à-dire le mouvement de l’âme.
518. Ligne 64, comme H.-S. dans leurs Addenda, nous conservons le texte des manuscrits (voir, à l’appui de ce choix, supra, ligne 2, une formulation voisine). Ligne 65, comme H.-S., après A. Kirchhoff, nous supprimons tout un membre de phrase qui paraît être un doublon de la ligne 63.
519. C’est-à-dire qu’il en va pour elle comme pour l’âme individuelle du marcheur ici évoqué, et que le mouvement spatial du monde suppose aussi un mouvement intérieur de l’âme du monde. Le mouvement physique a toujours pour cause un mouvement psychique et cela explique qu’il soit toujours dans le temps : voir, sur ce point, 26 (III, 6), 4, 38-43, 44 (VI, 3), 23, 26 et l’ensemble du chapitre 16 du traité 42 (VI, 1), ainsi que R. Chiaradonna, « Il tempo misura del movimento ? Plotino e Aristotele (Enn. III, 7 [45]) », p. 246-249.
520. On a là, semble-t-il, une réponse à la question posée supra, chap. 7, 5.
521. C’est-à-dire dans toutes les âmes qui sont descendues dans le monde sensible.
522. Sur l’unité des diverses âmes, voir le traité 8 (IV, 9), tout entier consacré à cette question. L’idée est la suivante : bien que présent dans une multiplicité, celle des âmes, le temps ne se disperse pas, parce que toutes les âmes sont une.
523. Le monde sensible, pour Plotin, ne sera jamais détruit : voir, sur ce point, 31 (V, 8), 20 et supra, chap. 12, 20.
524. Voir, sur la durée indéfinie du ciel et du temps, Timée 38b6-c3.
525. C’est-à-dire dans toutes les formes intelligibles.