19. Le Temple de Shengguo

À son retour de Hong Kong, Hong Jun retourna à l’hôtel Shengguo. À sa demande, on lui redonna la chambre 410. Il était déjà 15 heures lorsqu’il finit de s’installer. Après avoir enfilé un jean et des mocassins, il sortit de l’hôtel et prit un taxi jusqu’au pied de la montagne au nord de la ville.

La Montagne du Nord, comme on l’appelle, n’est pas très haute mais une végétation abondante l’a recouverte d’une verdure profonde. Sur le versant sud, un petit sentier tout en marches de pierre serpente jusqu’au sommet. On dit qu’il a au total 999 marches mais certains, qui ont pris la peine de les compter, affirment que le chiffre exact est en fait de 1 015. Le litige provient sans doute de la détermination du point de départ du sentier. À mi-hauteur on trouve un cimetière dont les stèles blanches, les pavillons et les statues de marbre nouvellement construites paraissent insolites et peu en harmonie avec ce décor verdoyant. À côté du cimetière, une forêt de sapins se distingue par sa couleur d’un vert bien plus sombre que celui des arbres alentour. Au sommet, le plateau est dominé par un ensemble de constructions aux murs rouges et aux toits dorés ; c’est le célèbre Temple de Shengguo.

Le temple, fondé sous la dynastie des Ming, a été détruit par deux fois au cours de son histoire. La première destruction remonte à la fin de la dynastie des Qing ; la seconde date de la Révolution culturelle. Il a été reconstruit en 1985 grâce à un financement du gouvernement local. Il abrite actuellement une dizaine de moines et ses activités ne cessent de prendre de l’ampleur. Pendant les fêtes et au Nouvel An, pèlerins et fidèles y affluent à tel point que la police municipale doit y envoyer des agents pour le maintien de l’ordre.

Le temple n’était pas très grand. Il n’avait que deux cours successives, l’une au nord, l’autre au sud, qui constituaient le lieu culte. L’entrée principale, à l’extrémité sud, était celle du temple Weituo où l’on pouvait voir les statues des quatre Rois Célestes. Après avoir traversé ce temple, on arrivait dans la première cour, face au temple Daxiong. Au milieu de la cour, à hauteur d’homme, une fumée montait avec grâce d’un brûle-parfum en bronze. Devant, on avait installé une boîte rouge sur laquelle étaient inscrits trois gros caractères : Tronc pour offrandes et quatre autres plus petits qui disaient : Semez le bonheur abondamment. Des deux côtés de la porte centrale du temple, deux colonnes rouges portaient des sentences parallèles. À droite, on pouvait lire :

« Sur le siège magnifique du Bouddha repose la mer d’un monde majestueux »

À gauche :

« Sous l’arbre tranquille de Bodhisattva s’ouvre la porte du salut lumineux »

À l’intérieur du temple, au centre, trônaient les statuettes des trois ancêtres du Bouddha ; derrière une table de prière, des brûle-parfum et quelques coussins destinés aux fidèles qui se prosternaient. Là aussi il y avait un tronc pour les offrandes dont deux côtés vitrés permettaient d’apercevoir les pièces et billets de toutes sortes dont il était rempli. Sur celui-ci, les quatre petits caractères disaient : “Faites l’aumône avec largesse.” Les petites colonnes qui jouxtaient les statues portaient également des sentences. À droite, c’était :

« Le Vide et le Désir ont une même origine ; le Vide est le Désir, le Désir est le Vide ; mais qui l’a vraiment atteint ? »

Et à gauche :

« La Croyance et le Cœur sont de même nature ; la Croyance est le Cœur, le Cœur est la Croyance ; seul le Saint y parvient »

Sur le panneau frontal, au-dessus des statuettes, quatre gros caractères : « Ainsi soit le Monde ».

Dans l’espace laissé libre à côté des statuettes, des chaises, des tables et des sièges faits de troncs d’arbres et de racines servaient à la récitation des sutra. Un tambour et une horloge étaient suspendus juste devant. La partie postérieure était dominée par la statue du Bodhisattva aux Mille Yeux et aux Mille Mains, derrière laquelle une porte donnait accès à la deuxième cour. Le temple latéral, celui de l’est, était consacré au Bouddha de la médecine et celui de l’ouest à Avalokitésvara. Les moines logeaient tout autour de la deuxième cour dans l’angle de laquelle une petite porte s’ouvrait sur un sentier qui descendait, côté nord, jusqu’au pied de la montagne.

Hong Jun était monté d’une seule traite. Après une petite pause devant la porte du temple, il entra. La cour était calme et déserte. Tout en regardant autour de lui, il dirigea ses pas vers le temple Daxiong. La salle était sombre et une forte odeur d’encens flottait dans l’air. Un moine d’un certain âge, assis sur un tabouret derrière la porte, frappait tranquillement un « poisson de bois[97] » qu’il tenait dans sa main. Lorsque Hong Jun entra, il se leva et le salua les mains jointes puis l’accompagna devant la table de prière. Hong Jun sortit un billet de 50 yuans qu’il mit dans le tronc ; le moine s’empressa de lui donner un faisceau de bâtonnets d’encens. Hong Jun l’alluma, le planta dans le brûle-parfum puis recula de quelques pas et s’inclina pieusement devant les statuettes en murmurant une prière. Ensuite seulement, il dit au moine qu’il désirait lui demander quelques renseignements, mais celui-ci ne comprenait pas le mandarin ; le cantonais de Hong Jun était trop approximatif pour lui permettre de se faire comprendre, même en y ajoutant les gestes. Le moine demanda alors à Hong Jun d’attendre un moment et sortit. Quelques minutes plus tard, il revint avec un vieux moine à très longue barbe.

Après avoir salué Hong Jun, celui-ci lui demanda, dans un mandarin remarquable : « Cher bienfaiteur, que puis-je pour vous ?

— Un de mes amis a reçu un aphorisme qu’il ne comprend pas. Il m’a demandé de l’aider mais je ne le comprends pas non plus, c’est pourquoi je suis venu ici me renseigner auprès des maîtres. » Hong Jun sortit de sa poche un papier qu’il avait préparé d’avance et le lui tendit.

Le vieux moine le prit mais la lumière était trop faible à l’intérieur du temple et il dut sortir dans la cour pour le lire puis il scanda ce qui y était écrit : « Aphorisme : charger un projet une fourmi six douves le crépuscule quémande la mansuétude est rare. Indice : Si tu recules d’un demi-pas, la mer est vaste et le ciel s’ouvre. »

Il le relut deux fois puis réfléchit un bon moment avant de dire, lentement : « Cet aphorisme est fort hermétique ; je suis un humble moine et je ne peux que tenter d’élucider un ou deux points. Ces neuf signes me semblent pouvoir se diviser en trois groupes, ce qui donne donc : charger un projet une fourmi/six douves le crépuscule/quémande la mansuétude est rare. Charger signifie “se charger du poids” ; projet (mo) est sans doute employé ici pour son homophone “ne pas” (mo) ; la signification de ce groupe se traduit peut-être par “la charge que nous portons n’est jamais aussi lourde que celle pesant sur une fourmi”. Six est un chiffre écrit en caractère ancien, douves désigne “l’abîme”, crépuscule rappelle la fin du jour ou de la vie. Selon la pensée bouddhiste, l’envie est un abîme, six douves semble faire allusion aux six envies ; l’explication de cette phrase peut donc être “les six envies seront bientôt éliminées”. Seul le dernier passage est difficile à expliquer : quémander peut vouloir dire “interroger” mais la mansuétude est rare (min xi) est vraiment incompréhensible. L’attribuer phonétiquement au nom de lieu Minxi me semble une solution trop superficielle, bien que nous nous trouvions en effet dans cette région. Évidemment, cela dépend aussi de l’endroit où vous avez trouvé cet aphorisme. Quant à si tu recules d’un demi-pas, la mer est vaste et le ciel s’ouvre, c’est une attitude que le bouddhisme préconise depuis toujours. Seulement, ici, on a remplacé l’expression habituelle qui est un pas par un demi-pas, ce qui montre que l’auteur a déjà une profonde connaissance de la révélation bouddhique. Qui avance risque de reculer, qui obtient risque de perdre. D’après Bouddha, toute chose, dans l’univers, existe en relation. Les relations se créent, les choses naissent ; sans relation, rien n’existe. Ainsi disait Bouddha : “Là où les relations s’harmonisent, la vie commence ; quand les relations se disloquent, la vie s’arrête !” Que Bouddha vous protège ! »

Ayant entendu ce discours, Hong Jun eut l’impression de comprendre un peu mieux cet aphorisme, même si l’explication était assez floue et difficile à saisir. Mais il admirait du fond du cœur les connaissances du moine. Il avait souvent entendu dire que, parmi les religieux, il y avait beaucoup d’érudits ; maintenant, il en était convaincu.

— Je vous remercie pour le renseignement, Grand Maître, dit-il, sincère.

Le vieux moine jaugea Hong Jun, le regarda des pieds à la tête et lui dit en souriant : « L’accent de notre bienfaiteur me dit qu’il doit être de Pékin.

— C’est exact. Vous êtes originaire de Pékin, vous aussi ? » Puis, jugeant sa question un peu trop directe, Hong Jun ajouta : « Je vous demande cela car vous parlez remarquablement bien le mandarin ! »

Le vieux moine sourit : « Nous qui avons quitté le monde, avons coupé tout lien avec nos origines ; qu’importe le pays dont nous sommes issus. Tel un nuage, j’ai voyagé aux quatre mers mais il est vrai que je suis resté dans le Nord plus longtemps qu’ailleurs. Je ne suis ici que depuis une dizaine d’années.

— Il me semble qu’à Shengguo, il n’est pas rare de rencontrer des gens du Nord. » Hong Jun essayait d’orienter la conversation sur Tong Wenge.

— Avant, il y en avait très peu ; ces dernières années, ils commencent à être plus nombreux.

— J’ai un ami qui travaille à Shengguo. Il est de Pékin et il s’intéresse beaucoup au bouddhisme. À Pékin, il allait souvent prier au temple. Je crois qu’il venait ici régulièrement ; vous le connaissez peut-être, Grand Maître, il s’appelle Tong Wenge.

— Vous parlez de l’ingénieur en chef de la Dasheng ?

— Lui-même ! Vous le connaissez, Grand Maître ?

— Oui, je le connais. Il aimait bien marcher en montagne. Il venait ici presque tous les dimanches après-midi et nous discutions souvent du bouddhisme, mais il n’est plus venu depuis longtemps.

— Il est tombé malade.

— Hélas ! La vie, la mort, la maladie, la vieillesse, c’est notre destinée à tous. Que Bouddha vous protège !

— Venait-il toujours seul ici ?

— Oui. Sauf la dernière fois ; il était venu avec un certain Meng. J’ai appris plus tard que le bienfaiteur Meng est le président de la Dasheng en personne.

— Grand Maître, Tong Wenge est atteint d’une maladie assez bizarre ; il a quasiment perdu la mémoire. Selon ses médecins, la meilleure façon de le guérir serait de ressusciter dans son cerveau les souvenirs qui l’ont le plus marqué dans sa vie. S’il venait souvent ici, j’imagine que le Temple de Shengguo a dû lui rester en mémoire. Grand Maître, voudriez-vous me raconter sa dernière visite ? Je pourrai, à mon retour, communiquer ces renseignements à ses médecins ; peut-être seront-ils de quelque utilité pour son traitement.

Le vieux moine réfléchit un moment et dit : « Comme le bienfaiteur Tong venait tous les dimanches à la même heure, j’avais pris l’habitude de l’attendre dans le temple ; mais, ce jour-là, il était en retard. Le soleil commençait déjà à décliner lorsqu’il est arrivé. Le bienfaiteur Meng et lui ont brûlé de l’encens dans le temple. J’ai remarqué qu’il avait l’air triste et soucieux ; j’avais l’intention de le réconforter mais le bienfaiteur Meng semblait pressé et le dépêchait de partir. Je n’ai donc pas pu les retenir et je les ai raccompagnés jusqu’à la porte. Mais, une fois dehors, ils ne sont pas redescendus dans l’instant, ils se sont arrêtés pour converser.

— De quoi ont-ils parlé ?

— Nous qui sommes hors du monde n’écoutons pas les paroles profanes. Je suis retourné au temple.

— Mais n’avez-vous vraiment rien entendu ? Savez-vous de quoi ils parlaient ? Grand Maître, le sujet de cette conversation est peut-être important pour la guérison de Tong Wenge !

— Ceux qui sont hors du monde ne mentent pas ! J’ai effectivement saisi quelques mots mais ils m’ont semblé n’avoir aucun sens. » Le vieux moine réfléchit encore un peu avant de continuer : « Le bienfaiteur Meng a dit : Tu ferais mieux de me le donner. Ce à quoi le bienfaiteur Tong a répondu : Laisse-moi réfléchir encore un peu. Le bienfaiteur Meng a demandé : À quoi bon réfléchir encore, je ne serai pas injuste envers toi. Alors le bienfaiteur Tong lui a dit : Si je te le donne, j’aurais l’impression de trahir… Le bienfaiteur Meng lui a alors coupé la parole : Et n’as-tu pas l’impression de me trahir, moi ? » Le vieux moine s’arrêta un instant avant de poursuivre : C’est tout ce que j’ai entendu. Moi, pauvre moine, j’espère que ceci aidera vraiment à guérir le bienfaiteur Tong de l’égarement dont il souffre. D’après notre Bouddha, l’état d’égarement est un mal qui vient du cœur et qui engendre la souffrance. Selon les “Origines des Douze Relations du Bouddhisme”, l’aveuglement, l’amour et la jouissance sont les manifestations de l’égarement. L’aveuglement survient lorsque le cœur est en proie aux sentiments impurs ; l’amour est tentation, envie, désir ; quant à la jouissance, c’est s’obstiner à vouloir posséder sans jamais vouloir abandonner. Des trois, c’est l’aveuglement qui est le plus dommageable ; il est également nommé “état de volonté offusquée”. Si un être humain veut éviter les souffrances de la vie, de la mort, de la maladie, de la vieillesse, il lui faut purifier son comportement afin de transformer progressivement son état de volonté offusquée en une sagesse clairvoyante. La sagesse et l’aveuglement sont incompatibles, comme la lumière et l’obscurité. La lumière chasse l’obscurité et, selon la même logique, la sagesse clairvoyante met fin à l’aveuglement. Que Bouddha vous protège !

— Vos paroles, Grand Maître, sont d’une profonde sagesse. Je ne suis pas encore capable de les comprendre parfaitement mais je suis convaincu que la pensée bouddhique a une très grande portée philosophique. L’explication que vous venez de donner concernant les rapports entre aveuglement et sagesse me semble extrêmement bien fondée. Au fait, vous souvenez-vous de la date de la dernière visite de Tong Wenge ? »

Le vieux moine réfléchit alors en fermant les yeux et dit : « Cela devait être le dernier dimanche du mois d’août.

— Je vous remercie beaucoup ! »

Ayant pris congé du vieux moine, Hong Jun sortit du temple. À l’horizon, le soleil couchant ressemblait à un gros ballon orange et flottait tranquillement derrière un voile de nuages gris. Éclairé par ce gros ballon, le rideau de nuages se bordait d’une dentelle rouge ; en bas et au loin, la masse de la forêt et des immeubles se teintait de rose. Ce paysage, sans être ni spectaculaire ni extraordinaire, avait pourtant quelque chose d’attachant, un charme qui pouvait vous toucher au plus profond de vous-même. Hong Jun s’était arrêté malgré lui pour le contempler. Le gros ballon orange s’enfonçait lentement ; sa partie inférieure fut bientôt submergée par le rideau de nuages gris et la sphère se réduisit à un demi-cercle puis à un triangle qui continua de diminuer jusqu’à n’être plus qu’un minuscule point rouge au milieu des nues. Hong Jun cligna des yeux ; il avait encore du mal à réaliser que le ballon géant avait ainsi disparu, sans bruit, sans trace, cependant que le voile de nuages avait noyé les dernières lueurs teintées de rouge. Il prit une grande inspiration et redescendit à grands pas.

Le sentier était bordé de poteaux électriques dont les fils n’avaient pas encore été installés. À la tombée du jour, le chemin était rapidement plongé dans le noir et l’obscurité s’accentuait au fur et à mesure que l’on approchait du bas de la montagne mais Hong Jun, perdu dans ses pensées, réfléchissant à ce qu’avait dit le vieux moine à propos de cet aphorisme et de la conversation entre Meng Jili et Tong Wenge, ne s’en rendait pas compte. Selon l’explication du moine, Tong Wenge semblait vouloir dire à sa femme que la charge pesant sur lui était trop lourde, qu’il était découragé et que, à l’origine de cette situation, il y avait quelqu’un de Shengguo ou quelque chose qui s’y était passé. Cette explication semblait logique, mais pourquoi aurait-il usé d’un langage aussi hermétique pour en parler à sa femme ? Était-ce vraiment nécessaire ? Il n’y avait pourtant rien de bien secret dans ce message ! Avait-il simplement voulu jouer à faire le mystérieux ? Et puis, pourquoi avait-il écrit : “Si tu recules d’un demi-pas, la mer est vaste et le ciel s’ouvre” ? Cette attitude sereine était en contradiction avec l’état d’esprit que révélait la première partie de la lettre. Et que demandait donc Meng Jili à Tong Wenge ? Les deux choses avaient-elles un quelconque rapport ?

Hong Jun poursuivait ce raisonnement lorsqu’il entendit un bruit de voix. Au virage suivant, il vit trois personnes qui montaient le sentier. Sans doute celles-ci l’aperçurent elles aussi car elles interrompirent leur conversation. Ils se retrouvèrent presque face à face lorsque Hong Jun reconnut la personne qui était au centre comme étant Luo Taiping, le directeur général adjoint de la Dasheng. Une femme d’âge moyen et un jeune homme marchaient à ses côtés. Hong Jun s’arrêta et salua Luo Taiping : « Bonsoir ! Vous allez vous promener en montagne à cette heure tardive ? »

Avec un sourire un peu forcé, ce dernier répondit : « C’est cela, nous allons nous promener. »

En jetant un regard à la femme et au jeune homme, Hong Jun lui demanda : « Votre femme et votre fils, je suppose ?

— Oh non, pas du tout ! Ce sont des amis. Vous redescendez, maître Hong ? Eh bien, au revoir ! »

Luo Taiping semblait pressé de mettre fin à la conversation ; il reprit rapidement son chemin. En croisant Hong Jun, ses deux compagnons jetèrent sur lui un regard interrogatif.

Hong Jun reprit sa descente mais le doute planait dans son esprit et il ne put s’empêcher de se retourner à plusieurs reprises. Luo Taiping et ses compagnons quittèrent les marches du sentier pour pénétrer dans l’obscurité de la forêt de sapins. Instinctivement, Hong Jun ralentit et, les yeux rivés sur les stèles blanches à moitié cachées par les arbres, se demanda s’il devait les suivre. À ce moment précis, le vent du soir se mit à souffler et il eut froid. Après un dernier instant d’hésitation, il se remit rapidement à descendre.

Il dîna dans une gargote avant de regagner l’hôtel. Au troisième étage, à la sortie de l’ascenseur au début du long couloir qui menait à sa chambre, il aperçut une silhouette qui semblait précisément en sortir et qui s’éloignait rapidement dans la direction opposée. La lumière était si faible qu’il ne put voir s’il s’agissait d’un homme ou d’une femme. Il pressa le pas jusqu’à sa chambre, l’ouvrit et écouta. Tout était silencieux, on n’entendait que le léger ronronnement du réfrigérateur. Il entra et inspecta les lieux mais ne découvrit rien d’anormal. Peut-être avait-il mal vu, pensa-t-il ; cette personne ne devait pas sortir d’ici.

Les déplacements de ces derniers jours l’avaient beaucoup fatigué si bien qu’après une douche bien chaude il alla aussitôt se coucher. Au moment où il s’endormait et bien qu’à demi-conscient, il entendit des pas s’approcher et s’arrêter devant la porte puis le bruit d’une clef que l’on tournait dans la serrure. Croyant tout d’abord à un rêve, Hong Jun comprit très vite qu’il y avait effectivement quelqu’un. Il se leva d’un bond et vit la porte de sa chambre s’ouvrir doucement…