Avant-propos*

La nation, la société, l’organisation politique, l’État[1] : comment peuvent-ils s’extraire de l’effrayant cercle vicieux qui va de la naissance à la pourriture ?

Le corps humain est destiné à la pourriture finale. Aussi beau et robuste que vous puissiez être, tous, à l’échéance, vous ne serez qu’un squelette, voire une poignée de terre, une volute de fumée. Mais, du processus de pourrissement du corps humain, souvent il arrive qu’une nouvelle vie émerge[2]. De la naissance à la mort, de la mort à la naissance, le cercle infernal[3] se reproduit : c’est la loi du destin. C’est ainsi que les hommes, qui ont la pourriture en horreur, n’ont aucun moyen d’échapper à leur destin de pourriture. Peut-être est-ce là l’étrangeté du processus de développement des sociétés humaines. Un des plus grands défis auxquels le genre humain doit faire face est comment sortir de cet étrange cercle de la vie.

*Sur la forme : l’auteur adopte, pour cet avant-propos, la présentation traditionnelle des textes chinois, c’est-à-dire verticalement et de droite à gauche. L’intention est de donner à son roman une portée littéraire et philosophique. Sur le fond : on retrouve l’idée du refus de la mort dans le Culte des Ancêtres de la pensée traditionnelle chinoise. L’ancêtre, après sa mort, semble plus puissant que jamais et sa famille redoute sa vengeance au cas où elle aurait failli à ses devoirs envers lui. La même idée procède à l’élaboration du Samsara bouddhiste : c’est le refus de la mort. Mais ce refus de la mort implique la continuation du problème de la vie : c’est le problème du temps fini qui se répète à l’infini.