Appendix A

TRAICTE DE
la bonne & mavaise
LANGUE.

Par JEAM DE MARCON-
ville Gentil-homme percheron.

L’homme délibere en son cœur mais la responce de la

Langue est de par le createur. Proverb.16.








A PARIS,

Par Jean Dalier, demeurant sur le pont sainct Michel, à la rose blanche.

1573.

AVEC PRIVILEGE.

TRAICTE DE

La bonne & mavaise

LANGUE

Par JEAN DE MAR-
conville Gentil-homme Percheron.
1

[Aii]

L’une des principales parties qui faict cognoistre l’homme sage, c’est qu’il sache bien gouverner sa langue & conduire son langage, car on dict communeement que le coup de langue est pire qu’un coup de lance, d’autant que le coup de langue est curable, mais la plaie faicte par la langue venimeuse, est inme-// [Aiiv] dicable.[Ecclesia.19.] Parquoy le sage Syrach dict, que bien heureux est celuy qui n’a point failly par sa langue & qui conques n’a point offencé en parole, cestuy-la selon le tesmoignage de Sainct Jacques est homme parfaict.

Or c’est une chose coustumierement ordinaire en l’estat des choses humaines, que d’où il provient quelque utilité, bien souvent de la mesme procede aussi une calamité extreme. Comme nous voions qu’il n’est rien plus necessaire à nostre vie, que les astres & corps celestes: desquels toutes les inclinations des corps humains dependent: mais aussi d’iceux vient & procede un inconvenient & danger extreme, quant il survient un desastre. Par l’air nous respirons: mais quant il est infecté & corrompu, il apporte un grand amas de maladies & grande mortalité aux animaus. La mer & les eaux apportent une grande commodité aux2 humains, mais quant ils se debordent, ils font un incredible dommage. Comme le pouroyent bien testifier de fresche memoire les voisins de la riviere de loire,3 de la perte qu’ils en receu-// [3/Aiii] rent l’an passé 1570. La vie humaine ne peut estre entretenue sans l’usage du feu: mais aussi du feu vient & procede un espouvantable danger. De la terre qui est mere & nourrice de toutes choses procrees en icelle, viennent les ruines, tremblemens, overtures & exhalations pestiferes, qui apportent grande nuisance aux humains. Et le semblable faict la langue de l’homme selon qu’elle est gouvernée: car si elle est bien conduicte, il n’est rien meilleur: si elle est effrenée, il n’est rien plus pernicieux.

Or combien que la langue soit un bien petit membre, en icelle toutesfois nous portons poison & venin mortiferé,4 & quant & quant le remede salutaire. Car entre les hommes il ne se treuve rien plus nuisant que la mauvaise langue: mais aussi il ne se trouve rien plus salutaire que la bonne langue, quant l’on en use comme il appartient.[Presant d’une langue faict par un sage au Roy d’Egypte] Et c’est la cause pourquoy le tant renommé en sagesse Bias, ou comme les autres veullent Pyttaque, envoia la langue d’une beste destinee au Sacrifice au Roy d’Aegypte nommé Amasis, pour le meilleur & pour le pire membre de // [3v/Aiiiv] la beste voulant signifier par cela qu’il n’y avoit rien meilleur en l’homme que l’usage de la bonne langue, ny rien plus pernicieux que la mauvaise langue.

[Li.8. chap. I. de l’ist. ecclesiast tripart.]. Socrates historien tresdiligent a laissé par escript qu’un jour Pambus homme indocte & sans lettres se transporta devers un fameux docteur pour estre instruict & enseigné en la science des lettres: lequel apres avoir ouy le premier verset du pseaume trentehuictiesme (dixi custodiam vias meas ut non delinquam in lingua mea) tout soudain print congé de son maistre disant, qu’il ne desiroit rien sçavoir d’avantage, pourveu qu’il peust accomplir d’euvre le contenu en ce verset. Signifiant par cela que la plus grande perfection de l’homme estoit de sçavoir bien moderer sa langue, car le beaucoup parler ne peut estre sans vice & celuy qui refrene sa langue est prudent, & qui garde sa bouche & sa langue, garde son ame.

Plutarque compare ceux qui parlent beaucoup & inconsiderement aux vaisseaux vuides, qui sonnent plus que ceux qui sont pleins. [Isocrate.] Isocrate au livre qu’il a es-// [4/Aiiii] cript à Demonique dict, qu’il y a deux temps pour parler, l’un quant c’est chose necessaire: l’autre quant l’homme parle de ce qu’il sçait.[Charillus] Charillus interrogé pourquoy Licurgue avoit faict si peu d’ordonnances, respondit qu’à ceux qui parloyent peu, il n’estoit5 besoing de multiplicité de loix.[Zenon.] Nous sommes enseignez par le Philosophe Zenon, que nature nous a donné deux aureilles pour ouyr beaucoup & une seulle langue pour parler peu.[Suetone.] Suetone aussi racompte que la principalle cause qui emeut Octavian à tout favoriser & aimer Mecenas, fut pource qu’il estoit taciturne6 & peu parlant.[Ciceron] Ciceron recite que Caton l’orateur ne voulut jamais rediger par escript aucune de ses oraisons ou harangues, disant que s’il se repentoit de qu’il avoit dict, il ne vouloit point7 que son escripture luy fut reprochée, car il ne la pourroit nier.[Caton] Caton censorin estant reprins d’estre trop sobre en parolle, & que sa taciturnité sembloit vitieuse: respondit qu’il n’avoit point deplaisir de se taire, pourveu que l’on n’eust point d’occasion de le reprendre de sa vie, car alors il rom- [4v/ Aiiiiv] proit son silence pour dire ce qu’il ne pourroit taire.[Hecates] Hecates orateur Grec fut reprins, pource qu’il ne disoit mot estant en une assemblée en un banquet, ou tous les autres estoyent desbordez en parole: ce qu’entendu par Archidamidas, il respondit & print la parolle pour luy, à celuy qui le blasmoit de se taire. Ne doy tu pas sçavoir (dist il) que ceux qui sçavent bien parler cognoissent bien aussi le temps quant il se faut taire? Parquoy celuy qui veut parler, doit bien considerer au paravant qu’ouvrir la bouche, si ce qu’il veut dire ne luy pourroit point tourner à prejudice & avoir tousjours en son esprit le proverbe ancien, lingua quo vadis?

[Ibyque.] Entre les plus belles exemples de trop parler, celuy du Poête Ibyque me semble bien à propos: lequel estant assailly par des volleurs & brig-ans, en un lieu fort esloigné de gens, & sans pouvoir estre veu ne apperceu de personne, le pauvre Ibyque se voyant prest d’estre saccagé, & ne sachant à qui avoir recours pour estre secouru, vid8 voler des grues en l’air:9 ausquelles il dict hautement, O // [5] grues vous serez tesmoings de la grand deloiauté que ceux cy me font. Apres sa mort on fut long temps sans pouvoir sçavoir qui en estoit coulpable: & jusques à un jour de marché, où se trouverent les meurtriers d’Ibyque, advint qu’il passa des grues volantes en l’air: & lors un d’iceux volleurs dict en ce soubz riant à son compaignon.[Exemple de trop parler.] Voilà les tesmoings du Poete Ibyque qui s’en vollent. Lors quelcun qui entendit ce propos, les soupçonna d’avoir faict le meurtre: dequoy incontinent il advertit la justice, les meurtriers furent prins, & confesserent le faict: de sorte qu’ils furent executez: & cela advint de leur trop parler & sans esgard.

[Plutarque.] Plutarque recite une presque semblable histoire d’aucuns sacrileges qui avoyent de nuict spolié le temple de Pallas en Lacedemone, lequel est appellé des Grecs Chalcæcon, pource qu’il est tout d’arin. Or on trouva au mitan de ce temple un flacon vuide le lendemain du sacrilege faict: & comme plus-ieurs qui estoyent allé veoir ce spectacle disputassent ensemble, assçavoir que signifioit ce flacon // [5v] lors un des sacrileges qui estoient en la compaignie & incogneu dit.[Autre exemple de trop parler.] Messieurs je vous diray ce qu’il me semble de ce flacon, qui a esté laissé vuide en ce temple. Cela est advenu selon mon jugement, que ceulx qui avoyent entreprins de piller ce temple, craignans d’estre surprins sur le faict, avoyent beu de la cygue, qui est poison mortelle, a fin de se faire promptement mourir, sans estre mis en justice & encourir la honte du monde: & s’il advenoit qu’ils executassent leur entreprinse sans estre descouvers, ils avoyent apporté l’antidote & contrepoison de la cygue, qui est le vin sans eau: & pour ceste cause il pensoit que ce flacon fust ainsi demouré vuide. Lors quelques uns de ceux qui ouyrent ces propos jugerent qu’il estoit consentant du mesfaict, & le constituerent prisonnier: & son proces faict, il fust trouvé coulpable par sa confession et faict mourir par l’incontinence de sa langue.

[Autre exemple l’incontinence de la langue.] A Londres en Angleterre le semblable advint d’un larron, qui avoit rompu la nuict une maison d’un bourgeois de la // [6] ville pour derober ce qu’il trouveroit dedans. Mais en rompant la maison il mena bruit, de sorte qu’il fut ouy des voisins: lesquels s’assemblerent tout soudain & en grand nombre pour prendre le larron qui estoit encores dedans la maison, lequel voiant le tumulte & bruit qui se faisoit pour le prendre, se mesla parmy la compaignie faignant chercher le larron comme les autres. Or comme l’on ne trouvast point le larron, on pensoit qu’il fust eschappé, & qu’il se fust sauvé, & ne le cherchoit l’on plus lors que le pauvre miserable vint à dire. En despit du larron, car j’ay perdu mon chap-peau en le cherchant avec les autres: & il fut surprins en cela, car on gardoit le chappeau qui estoit tombé au larron en fuyant, & il advoua le dict chappeau luy appartenir, & il fust prins puis apres pendu & estranglé par l’incontinence de sa langue.

[Autre exemple.] Le Roy Seleucus surnommé Gallimache pour ce que sou-vent il faisoit la guerre aux Gaulois, mais comme les armes sont journalieres, un jour ayant experimenté Mars luy estre contraire apres avoir // [6v] desastrement bataillé il rompit son diademe: et print la fuite avec troys ou quatre de ses gens seullement, afin de n’estre point congneu. Et apres avoir longuement erré & vagué par les champs, il se trouva en la maison d’un pauvre villageois, où il demanda du pain & un peu d’eau seullement, ne voulant se donner à cognoistre. Son hoste luy feit toute l’honesteté & humanité qu’il peut selon sa puissance, cognoissant que c’estoit10 le roy: & apres le disner il conduisit le roy, & le mist jusques au chemin qu’il demandoit. Et eut receu par apres un grand & manifique present du roy pour son hospitalité, n’eust esté qu’il eut la langue si discontinente, que lors que le roy se departant d’avec luy: luy dist aDieu, & le pauvre maladvisé luy dit, a Dieu, Sire. Lors le roy fasché d’avoir esté cogneu, feist semblant de luy tendre la main par amitié: mais il feist signe à l’un de ses gens qu’il luy couppast la teste: ce qui fut faict: tant apporta de mal & d’inconvenient au pauvre miserable une parolle mal dicte, & non proferée en temps & lieu.

Il se trouve une infinité d’autres exemples // [7] du mal qui est venu de trop parler: que je laisse pour venir aux exemples du bien, qui est provenu de bien tenir le secret & peu parler.[Papyrius.] Et entre autres je reciteray le memorable exemple du jeune Papyrius enfant Romain qui est tel. Les Senateurs de Romme avoyent de coustume & comme par privilege de mener avec eulx quant ils entroyent au Senat un de leurs enfants jusques à l’aage de dixsept ans: afin qu’estans accoustumez à veoir le bon11 ordre que leurs peres tenoyent, ils fussent mieux par apres instruits aux affaires publiques. Or advint un jour qu’au Senat fut mis en deliberation une chose de grande consequence, avec deffences de n’en parler aucunement. Et entre les autres enfans y estoit ce jour là le petit Papyrius, lequel estant de retour au logis fut interrogué par sa mere quelle chose avoit ce jour là esté traictée au Senat, veu qu’ils y avoient tant arresté. A quoy le fils respondit, qu’il luy avoit esté defendu d’en parler. Et comme femmes sont tousjours curieuses de sçavoir, elle luy feit de grandes promeses: mais en vain, car elle ne gaigna rien: puis elle usa // [7v] de menaces pour le contraindre de reveler ce secret.[Ingenieuse invention de Papirius.] Quoy voyant l’enfant il usa d’une bonne finesse & dist à sa mere que ce qui avoit esté mis en deliberation au Senat, estoit que chacun homme pour l’advenir eust deux femmes. Cecy entendu par la mere elle en advertit les autres dames Romaines afin d’empescher que les hommes n’eussent deux femmes, mais bien plustot que chacune femme eust deux hommes. Le lendemain grand nombre de dames se trouverent à la porte du Senat, requerants affectueusement qu’une loy si injuste ne fut faicte en Rome que de marier un homme avec deux femmes, & qu’il seroit bien plus expedient de faire le contraire. Les Senateurs emerveillez de l’importunité de ces femmes ne sçavoyent que penser, & s’entredemandoyent d’où procedoit ceste desordonnée incivilité de leurs femmes: & n’y entendans rien le petit Papyrius les mit hors de ceste peine, recitant ce qui luy estoit advenu avec sa mere & que pour la crainte qu’elle luy avoit donnée, il avoit esté contraint d’excogiter ceste tromperie. Dequoy les Senateurs loue-// [8] rent grandement la prudence & constance de cest12 enfant, & ordonnerent que de là en avant les enfants n’entreroyent plus au Senat, fors13 & reservé le jeune Papyrius: afin que le secret du Senat ne fust revelé. Et des lors iceluy Papirius fut revestu de la robbe appellee pretexte, qui estoit le plus grand honneur qu’il eut peu recevoir en Romme de porter en ce jeune aage l’habit d’un Senateur: & dès ceste heure là il fut appellé pretextatus. Et cecy est recité par Aulugelle & par Macrobe en ses Saturnales.[Gell.li.I ca 23 Macrob.lib I.ca.6]14

Alexandre le grand apres avoir receu une lettre d’importance de sa mere, & l’ayant leue en la presence de son amy Ephestion, luy mist sur sa bouche son cachet, voulant par là monstrer que celuy auquel on se fie de son secret doit avoir la bouche close.[Philippide.] Un jour le Roy Lisimaque feit offre au poëte Philipide de tout ce qui estoit en sa puissance: le poëte15 luy respondit. Le plus grand bien que tu pourois donner (Sire) est que tu ne me communiques rien de ton secret.[Fulvius.] Ce qui ne fut bien observé par Fulvius lequel ayant receu un grand secret par l’Empe-// [8v] reur Octavian, le revela à sa femme, laquelle se descouvrit à plusieurs. Et voyant que son mary luy mettoit cela en reproche, dequoy estant incredibilement faschée se tua incontinent, aussi fist son mary Fulvius aupres d’elle. Le contraire est recité par Pline[Li.7.chap.23.] du Philosophe Anaxarcus: lequel se trancha la langue avec les dents de peur de declarer un secret, que le tyran Nicocreon vouloit sçavoir de luy par force & par la torture.[Zeno Eleat.] Le semblable est recité de Zenon Philosophe, qui aima mieux se coupper la langue, que de reveler un secret.

Les Atheniens firent eriger une statue d’arain d’une Lyonne en l’honneur d’une femme publique nommee, Lyonne, qui avoist esté familiere de Harmodius & Aristogiton tyrans ennemis des Atheniens, pour memoire de la constance qu’elle avoit eue de tenir secrete une conjuration: & ceste statue n’avoit point de langue pour denoter le secret. Valere[Li.6.ch.8.] recite des serviteurs de Plotius Plancus, qui endurerent toutes sortes de tourments & estrapades plustost que d’enseigner leur maistre à ses enne-// [9/B] mis qui le cherchoient pour le mettre à mort. Et Agesilaus, Roy des Lacedemoniens, s’émerveilla fort de la continence de la langue d’un criminel: qui estant mis en la torture, ne voulut onques parler, quelques tourmens qu’on luy peust faire. Le serviteur de Caton l’orateur aiant veu faire une faulte à son maistre, aima mieux endurer la torture, que de proferer une seulle parolle contre son maistre.[Metelle.] Il y eust un Tribun qui demanda à Metelle Capitaine Romain, ce qu’il avoit deliberé de faire, pour le faict de la guerre: auquel fut respondu par Metelle. Si je sçavois que ma chemise eust congnoissance de ce que j’ay deliberé, je la brulerois tout presentement.

Le Roy, Daire, vaincu par le grand Alexandre, & ne sachant16 fuir, se cacha: mais il n’y eust tourment ny gehenne ny esperance de recompense, qui peust le faire declarer à ceux qui le sçavoient, & qui l’avoient veu cacher.

[Horace.] Horace entre les loix conviviales veult que chacun tienne secretes les choses qui y sont faictes, & dictes.[Bonne coustume des Atheniens.] Les Atheniens avoient de coustume17, quant ilz se trou-// [9v/Bv] voient en un festin & banquet, que le plus ancien d’entre eux se tiendroit à la porte, disant à ceulx qui y estoient entrez. Gardez que de ceans il ne sorte un seul mot de tout ce qui sera faict.[Pythagore.] L’ordre de la discipline de Pythagoras , estoit entre autres choses, d’enseigner ses disciples de se taire, & les tenoit longuement sans parler: & n’eust jamais disciple qui se teust moins de deux ans. Afin que par ce moien ilz s’accoustumassent à garder le secret: & en ce faisant qu’ils apprinssent à ne parler sinon quant il en seroit besoing. Et cecy est recité par le Philosophe, Taurel, en aulugelle: [Liv. 1. Chap. 9] pour demonstrer, que la taciturnité est une vertu claire & excellente.18 Erasme recite en ses Chiliades19 grand nombre des Symboles dudict Pythagoras, lesquelz semblent ridicules de prime face, mais l’allegorie bien entendue il y a une grande science cachée dessoubz: lesquelz Symboles ont esté observez par les Tyrrhenes,20 sans aucune allegorie, mais nuement comme ilz avoient esté baillez par iceluy Pythagoras.21

[Aristote.] Aristote, interrogué quelle chose luy (10/Bii) sembloit la plus difficile & mal aisée à faire, respondit que c’estoit de se taire. Sainct Ambroise entre les principaux fondemens de vertu met la taciturnité & pacience du taire. Les anciens Aegyptiens avoient Harpocrat pour le dieu de silence, comme les Rommains Angerona pour deesse du mesme silence, lesquelz ilz depaignoient le doigt sur la bouche en signe de silence.[Pleine22 liv.3 chap.5]

Pour conclusion du silence, Quinte Curce est autheur[Li.4], que les Perses avoient pour une ordonnance inviolable, de punir plus que nul autre crime, celuy qui eust revelé quelque secret.

Or la providence de nature a esté telle en la situation des membres, qu’elle a assigné à chacun son lieu, soit ou pour la dignité, ou pour la commodité de l’usage: comme elle a colloqué le cerveau, qui est la plus noble partie de l’homme, & le siege de la raison, en la teste comme en une haulte tour, pour presider aux23 membres inferieurs. La langue, qui est comme le truchement & interprete de la pensée & du cœur, elle l’a colloquée au milieu // [10v/Biiv] des deux, afin qu’elle fust soubz le cerveau non loing du cœur. Nature l’a aussi enfermée entre les dents & les levres, comme entre des murailles ou barrieres: afin qu’elle ne profere rien inconsideremment. C’est pourquoy le Poete Hesiode l’a comparée à un thresor qui est caché: de laquelle l’on ne doit user que quant il en est besoing, veu que nature l’a si bien enfermée.24 Le profete Isaie[Isa. 50.] se rejouist grandement dequoy la majesté divine luy avoit donné une bonne langue, disant, le Seigneur Dieu m’a donné une langue faconde & diserte, une langue de bien enseigner: afin que je puisse porter la parolle en temps oportun & convenable, à celuy qui est las: il a aussi faict ma bouche semblable à un glaive aigu. Par la langue, dit sainct Jacques, nous benissons nostre Dieu & pere. Et à ce propos, il me souvient de l’histoire d’un pauvre homme: lequel estant condemné à mort par un juge inferieur, avoit la langue couppee devant que de mourir, il se porta pour apellant de ceste sentence au Parlement de Tholose d’où il estoit juridiciable: & quant ce fut à deduire ses // [11/Biii] griefs devant le Senat, il dist que la principale cause qui l’avoit meu d’appeler, c’estoit pource qu’on l’avoit condemmé d’avoir la langue coupee, devant que de mourir: laquelle Dieu luy avoit donnée pour le louer & glorifier, & qu’on luy faisoit un merveilleux tort sur le dernier point de sa vie de luy oster ce moien.25

Or si l’on s’emerveille d’un poisson apellé Echeneis, ou remora, qui n’a que demy pied de longueur & cing doigts d’espoisseur[Plin. liv 9 chap. 25. li 32. ch. I], & toutesfois quelque tempeste qui puisse estre sur la mer, il arreste une navire, comme si elle estoit à l’anchre: à plus juste raison nous nous debvons esbahir de la langue, qui est un si petit membre: & neanmoins elle emeut ou endort quant il luy plaist, tant de milliers d’hommes, meslant nation contre nation & cité contre cité. Et c’est la cause pourquoy la fabuleuse Poësie, a anciennement atribué26 à Mercure, une verge magique & caducée: qui n’estoit autre chose qu’une belle langue, & diserte, & pleine d’eloquence: par laquelle il eveilloit ou endormoit ceux que bon luy sembloit. Pour ceste mesme cause les anciens disoyent qu’Amphion // [11v/Biii] faisoit remuer par le son de sa harpe les grandes pierres: & Orphée, les chesnes & ormeaux: qui n’estoit autre chose, sinon que par la douceur de leur grande eloquence, ils emouvoient les plus stupides du monde.

[Lucian en son Hercul. Celt.] Pour semblable cause, les anciens Gaulois ont feint un Ogmius ou Hercules Celtique, lequel aiant la langue percée & une bien petite chaisne au travers d’icelle, laquelle estoit aussi attachée, d’un bout aux aureiles d’un nombre infini de gens, il les menoit & conduisoit où bon luy sembloit. C’estoit à dire, que par son eloquence & dexterité de parler, il inclinoit les hommes la part où il vouloit. Alcibiades attribue à Socrates, & l’ancienne comœdie à Pericles une si belle langue, qu’ils transformoyent les auditeurs, tout ainsi que faisoit jadis Pytho: laquelle pour ceste cause estoit apellee flexanime,27 pource qu’elle transformoit les esprits des auditeurs comme bon luy sembloit. Par le benefice de la langue le fils de Croesus,[pli li.15.] qui dès son enfance avoit tousjours esté muet, sauva la vie à son pere, lors qu’un soldat ayant tiré son espée pour le tuer ne sachant pas que ce28 fust le roy, il s’escria29, ne le tues pas, c’est le // [12/Biiii] roy mon pere. Mithridates, combien qu’il fust roy barbare: il avoit neantmoins soubz son sceptre & obeissance vingt & deux langues, lesquelles il entendoit toutes, & leur rendoit responce sans truchement.[I Roys.24. Nabal. Abigail.] La langue de l’avare Nabaal avoit irrité le Roy David: mais la langue de la prudente Abigail, le refroidit si bien, que s’escriant dist. Loué soit Dieu qui t’a aujourd’huy envoyé au devant de moy: beni soit ton conseil, & benite sois tu, qui m’as aujourd’huy gardé, que je n’ay point respandu le sang.[4. Roys 25 Naaman.] Naaman de Syrie s’en retournoit indigné, que le profete ne l’avoit promptement guary30, sans le31 renvoier au fleuve de jourdain,32 veu qu’il avoit des eaux aussi excelentes, que l’eau du Jourdain. Mais ses serviteurs par leur bonne remonstrance, luy firent changer d’opinion: luy disans, signeur si le prophete t’eust commandé quelque grande chose, pour certain tu l’euses faicte: mais il t’a dict. Lave toy, & tu seras guary: & à cela acquiescant ledit Naaman fut guary. En cela nous voyons le profit & grand bien qui vient de la bonne langue. Il faut donc suivre le conseil de S. Paul[Ephe. 4] qui dit, que nul propos deshonneste ou mauvaise parole ne sorte point de nostre bouche, que // [12v] chose vilaine, ou parolle folle, ou plaisanterie ne soit point memes nommée en nous car ce33 sont choses qui ne peuvent estre convenables nullement aux gens de bien: mais plustost action de graces[Ephe. 5.]. Entre les signes qui doibvent accompaigner ceux qui croyent en nostre seigneur Jesuschrist, cestuy cy est specialement commemoré:34 Ils parleront nouveaux langages[Marc vet.]. Or Sainct Pierre[I.S.Pier 2.] nous enseigne ce nouveau langage, quant il nous dict que nous ensuivions Jesuschrist: lequel quant on luy disoit injure n’en redisoit point: quant on luy faisoit mal, ne menacoit point: mais se remettoit du tout à celuy qui juge justement. Dequoy35 sainct Paul[I.Corint.4.] estant un vray imitateur escript, on dict mal de nous, & nous benissons: nous sommes persecutez, & l’endurons, nous sommes blasmez: & nous pryons, nous36 sommes faicts comme les balieures37 de ce monde, & comme la raclure de tous jusqu’à maintenant.

[Gene.14.] Considerons donc diligemment, que la langue, nous a esté donnée pour benir, & louer Dieu: à l’exemple de Melchisedect, qui benist Dieu, luy rendant graces qu’il [13] avoit donné victoire à Abraham, le serviteur d’Abraham benist Dieu & luy rendit graces[Gene.24.]. Delbora exhorta le38 peuple de benir Dieu[Juges 5.]. Et Sainct Paul[2 Corinth. I.] nous invitant à louer Dieu, dict: benit soit Dieu, qui est le pere de nostre Seigneur Jesuschrist, le pere des misericordes & de toute consolation. Et non seulement nous benissons Dieu, mais aussi nous devons benir les gents de bien & de vertu: à l’exemple de David, qui benist le peuple au nom de Dieu, apres que l’arche fut menée, & les sacrifices accomplis[2.Roys 6.]. Salomon benist la congregation du peuple d’Israel & de ceux qui l’avoient accompaigné pour poser l’arche au temple. [3 roys 8.] Or la forme & maniere de la benediction qu’on donnoit au peuple d’Israel, est escripte au livre des nombres en ceste sorte. [Nombre 6.] Le Seigneur Dieu te benie & conserve. Le Seigneur face39 reluire sa face sur toy, & ait mercy de toy: le Seigneur eleve sa face sur toy, & te doint40 paix. Que la langue nous ait esté donnee pour louer Dieu, nous en avons une infinité d’exemples en l’escripture saincte:[Heb. 13.] car sainct Paul nous invite à louer Dieu, & à luy offrir sacrifice de louange par nostre seigneur Jesuschrist, les Israelites louerent Dieu, de ce que les Rubenites & Gadites persevererent en la crainte & service d’iceluy. [Josue 22] David loue la benignité de Dieu, de ce que la promesse du Messias luy est faicte: & mesmes apres ses grandes tribulations, il loue & magnifie le nom de Dieu. Salomon son fils loue Dieu, d’autant que selon les promesses faictes à son pere David, il a basti & edifié un temple magnifique au nom de Dieu. Les Apostres louoient, & benissoient Dieu incessamment, attendans la venue du S. Esprit.

Voila pourquoy la langue nous a esté donnée: laquelle nous debvons emploier au service de Dieu, & à le prier à l’exemple des saincts personnages. Abraham prié a pour Israel, & a esté exaucé, Moyse a prié pour le peuple, afin que son infidelité luy fust pardonnée, confessant la misericorde, & benefices de Dieu, conferez audict peuple. Dieu mesmes a commandé aux juifs, de prier pour la prosperité de Nabuchodonosor [Iren. 29. Baruck. I.]. David a prié Dieu, que sa benediction fust sur sa maison. Nous avons aussi commandement de prier, que41 la parolle & predication de l’evangile // [14] ait son cours, en sainct Paul escripvant aux Ephesiens Collossiens & Thessaloniens. [Ephe. 6 Coloss 4.2 Thess. 2].

Implorons donc la misericorde de Dieu & prions avec Isaie [Isa. 59.] en disant. Nous bruions tous comme ours, & gemissons comme colombes: nous avons attendu jugement & il n’y en a point le salut & il s’est esloigné de nous car noz iniquitez ont esté multipliées, & noz peches ont porté tesmoignage contre nous: car noz forfaicts sont avec nous. Plorons avec Jeremie, [Jere. 9. Lerment. 5.] & prions avec luy disans. Aie souvenance, seigneur, de ce qui nous est advenu:42 regarde & considere nostre opprobre, pourquoy nous oblies tu & nous delaisses de si long temps? Converti nous à toy, seigneur, & nous serons convertiz: renouvelle noz jours comme dès le commencement car tu nous as rejettez estant fasché contre nous. Prions avec Daniel [Daniel. 9.] en ceste sorte. O seigneur, qui es grand & redoutable, je te prie que tu gardes ta benignité à ceux qui t’aiment, & qui gardent tes commandemens. Nous avons peché, nous avons commis iniquité, nous avons faict mechamment, nous avons esté rebelles, nous avons decliné ariere de tes commandemens, & de tes jugemens // [14v] mais il y a misericorde, & pardon vers le Seigneur nostre Dieu, combien que nous nous soions rebellez contre luy, & que nous n’avons poinct escouté la voix du seigneur nostre Dieu, pour cheminer en ses loix & ordonnances: lesquelles il nous a baillées par ses serviteurs les profetes. Voilà les fruictz de la bonne langue, de benir Dieu, de le louer, & le prier, & d’instruire ceux qui en ont besoin, Car ceux qui enseignent et instruisent les autres à justice, ils resplendiront à tousjoursmais.

Or si nous voulons estre vrais imitateurs de nostre Seigneur, il fault que nous apprenions le langage qu’il a parlé: car il preschoit & publioit la gloire de Dieu, il enseignoit les Ignorants, il reprenoit ceux qui failloient, il exhortoit les remis & paresseux, il consoloit les affligez, il pryoit pour les desvoyez, il rendoit graces à Dieu: bref il avoit une langue modeste, doulce, paisible, gracieuse, amyable, & pleine de toute consolation. Et les Apostres apres avoir receu la grace & vertu du Sainct Esprit, ne disoient plus, seigneur commande & nous ferons descendre le feu du ciel, // [15] ils ne debatoyent plus, lequel seroit maistre & superieur entre eux: mais ils parloyent langage nouveau, & choses magnifiques de Dieu. Mais on faict bien le contraire aujourd’huy: car il semble que nous voulions rebastir & reedifier l’ancienne tour de Babel, tour de dissension, d’orgueil, & d’ambition, quant les uns veullent estre nommez evangeliques, les autres reformez catholiques, les autres protestans & interimiens: comme si nostre Seigneur Jesuschrist estoit divisé, & que le nom de Chrestien nous fust en desdain. Enquoy nous aurions grand besoing d’un nouvel Esdras[2. Esdras 13.], pour rediger ceste confusion de langues en une seule langue Evangelique: car tout ainsi que les femmes estrangeres assçavoir Azotides & Moabites avoyent corrompu la langue hebraique parlant demy hebrieu & demy azotien, jusques à ce qu’Esdra les eut reduits en une seule langue. Aussi tant de sectes, qui se sont elevées en l’eglise de Dieu & qui nous sont representées par les femmes etrangeres & barbares, ont corrompu & gasté la syncerité de la verité evangelique. Or ne soions donc plus imitateurs // [15v] du vieil Adam, qui rejeta la faulte de son offence sur Eve, & Eve sur le tortueux serpent: & nous donnons degarde d’estre de la semence malhureuse de Cain, qui tua son frere: & puis voulut dissimuler sa mort mais ensuyvons plustost la langue de David, qui apaisa l’ire de Dieu: & que selon l’advertissement de sainct Paul[Coloss.4.] nostre parole soit tousjours & à jamais confite en sel, avec grace, c’est à dire sans vanité: mais tendant tousjours à bonne edification & utilité:[Ephe 4] & que mauvaise parole, ne sorte point de nostre bouche: & si nous aimons verité, que mensonge ne procede point de nostre bouche: mais soit nostre devis ordinaire par pseaumes, louanges & chansons spirituelles, rendans graces pour toutes choses au nom de nostre seigneur Jesuschrist à nostre Dieu & pere [Philip. 4. Ephe. 5. 1 S. Pier. 5.] : humilions nous soubz la puissante main de Dieu, afin qu’il nous eleve quant il en sera temps: rejetans toute nostre sollicitude sur luy. Car il a soing de nous. Ne medisons de personne, mais à l’exemple de Job[Job 39.] mettons nostre main sur nostre bouche afin que mauvaise parolle // [16] n’en sorte point, si quelcun parle, qu’il parle comme les parolles de Dieu: c’est-à-dire43 qu’il traicte la parole de Dieu avec toute crainte & reverence, car quant la parolle de Dieu n’est poinct enseignée, le peuple s’en va en perdition: selon ce qui est escript aux proverbes [Prover. 29.], quant il n’y a poinct de vision, c’est à dire44 de profete, ou parolle de Dieu, le peuple est disssipé.

Moyse [Deute. 32.]45 exhortoit le peuple à mettre du tout son cœur aux paroles de Dieu: & admoneste les Israelites de faire & accomplir en toute diligence, ce que les Levites avoyent enseigné, selon le commandement de Dieu; afin qu’ils ne fussent frappez de plaie, comme Marie seur d’Aron. [Deute. 24.]46

Abraham [Gene. 16.]47 enseigna ses enfants & sa famille à garder & observer les commandemens de Dieu, & d’observer sa loy. Josué [Josu. 4.] commanda d’enseigner aux enfans, que vouloyent signifier les douze Pierres posées en Galgala : Et il nous est aussi enchargé & commandé d’enseigner à noz enfans, que nous sommes delivrez & desliez de la servitude du diable // [16v] afin que nous accomplissions les commandemmens de Dieu. C’est la chose à quoy la bonne langue se doibt emploier, & afaire fruicts dignes de justice.

[Que c’est que la langue,] Mais aussi il est temps de parler du mal qui vient & procede de la mauvaise langue: Toutesfois il me semble n’estre impertinent, de declairer premierement que c’est que la langue: afin que le subject dequoy je traicte soit mieux entendu. Or la langue, c’est un membre de la personne, qui est composé de chair mole, musculeuse, & poureuse, pleine de nerfs, d’arteres & de veines pour la multiplicité, & diversité des mouvemens: & principalement pour le sens du goust, qui luy est peculier & naturel. Et à icelle nature a donné un humeur, qui luy est perpetuel, asçavoir la saline, qui est un excrement du phlegme, qui distile du cerveau dedans la bouche, ou qui monte du ventricule pour arrouser48 la langue: laquelle sans le benefice de cest humeur deviendroit seiche, pour le continuel mouvement d’icelle.[Utilité de la langue,] Or l’usage de langue, c’est pour former la parole, & pour aider à mascher les viandes, en la formation & // [17/C] usage de laquelle49 nous debvons grandement considerer la grande providence de Dieu. Car combien que la pensée soit la plus excellente partie de l’ame: à qui eust elle toutesfois servy & profité, si elle n’eust eu la langue pour son interprete?[Dignité de la langue.] C’est celle qui enseigne & donne la cognoissance de Dieu: c’est celle50 qui a esté cause d’assembler les hommes en une societé humaine, & de faire edifier les bourgs & bourgades, les villes, & citez: c’est celle qui a faict & promulgué les loix statuts & ordonnances: qui a enseigné la religion le jugement & tout ce qui est bon en la vie humaine. Parquoy il est besoing d’entendre, que la langue a esté principalement donnée à l’homme: afin que par l’office d’icelle Dieu soit congnu de tous, & afin qu’en tous affaires nous nous entre aidions par la communication de la parolle, & que nous appliquions nostre langue à cest usage. Qui veult donc aimer la vie prospere & veoir ses jours bien heureux, qu’il garde sa langue de mal: & ses levres qu’elles51 ne prononcent fraulde: qu’il se destourne de mal, & face52 bien: qu’il53 charche54 la paix, // [17v/Cv] & la pourchasse[I. S. Pier.3.], car selon Salomon [Proverb.15.], la langue des sages usera bien de science: mais la bouche des fols est remplie de folie. La langue saine et droite, qui n’est point addonnée à mal parler ne mesdire d’autruy, c’est l’arbre55 de vie: c’est56 à dire aggreable & delectable: mais la perversité estant en icelle, contriste l’esprit. L’homme bien entendu en sçavoir est57 sobre en son parler, mesmes le fol quant il se taist est souventesfois reputé sage, & celuy qui n’ouvre point ses levres, prudent.[Proverb.17.]58

Or la langue ressemble à un dart poignant, si l’on en use autrement que bien, & pour ceste cause sainct Jacques dict, qu’elle59 est semblable à un feu ardent, & avec elle un monde remply d’iniquité, quant elle est immoderée.[Anacharsis.] Et cela me fait souvenir d’Anacharsis, Philosophe barbare: lequel ayant souppé en la maison de Solon, & s’en retournant chez luy fust60 trouvé endormi au milieu d’un chemin, ayant l’une de ses mains sur sa bouche, & l’autre sur ses parties honteuses: signifiant par cela, que ce sont mem-// [18/Cii] bres, lesquels il fault soigneusement garder: car si quelcun pensoit61 estre religieux, & il ne refrene point sa langue, la religion d’iceluy est vaine.

[Apologue d’un satyre.] Amian fabulateur recite l’apologue d’un Satyre: lequel contrainct par l’extreme rigueur d’un fort & aspre hyver, se retira en la maison d’un bon homme de village pour se chauffer: & contemplant son hoste qui souffloit dedans ses mains, luy demanda, pourquoy il faisoit cela: et lors il luy respondit, que c’estoit pour eschauffer ses mains. Puis quant le disner fut prest, il vid62 son hoste qui souffloit dedans son potage: & lors il luy demanda de rechef, pourquoy il faisoit cela. Aquoy luy fust incontinent respondu par sondict hoste, que la cause estoit pour refroidir son potage, qui estoit trop chaut. Dequoy le satyre indigné lui respondit. Comment? d’une mesme bouche tu souffles donc & le chault & le froid? Va, & saches, que ma deliberation ne fut onques de hanter telle maniere de gens, qui ont maintenant l’un en la bouche // [18v/Ciiv] & maintenant l’autre, & en ceste maniere il print congé de son hoste, n’approuvant point ceux qui ont double langue, qui maintenant louent une chose, maintenant la blasme. Et le profete Isaie[Isa .5] dit, que ceux là sont maudits, qui disent ce qui est bon estre mauvais, & ce qui est mauvais estre bon: disans la lumiere estre tenebres, et les tenebres estre la lumiere, le doulx estre amer, & l’amer estre doulx.

Telle fut la langue du Serpent tortueux, quant il dict à noz premiers peres, vous serez comme dieux. Telle fust la langue du pernicieux Joab[2.roys 20], lequel soubz couleur de belles & doulces parolles, tua proditoirement63 Amasa en le saluant, & faignant luy donner le bon jour. Telle fut la langue du traistre Absolon[2.roys 13.], quant il tua si malhureusement son frere Amnon. Telle fut la langue de Balaam, quant il alloit pour mauldire le peuple quant son anesse parlant en voix humaine le reprint. Telle fut la langue de Dalila[Juges 16.], quant elle trahit si meschamment Sanson aux Philistins ses ennemis. Telle fut la mavaise langue venimeuse du proditeur64 Judas, quant il livra le sauveur du mon-// [19/Ciii] de en le baisant entre les mains de ses ennemis[Matth.26.].

Mais qui a mieux descript la tentation de la mauvaise langue, que le royal Profete David[Pseau.10.] : quant se complaignant du mediseur, il dit: sa bouche est pleine d’amertume, de malediction, de tromperie, & deception & soubz sa langue gist molesté65 & nuisance. Il se tient aux embusches & eschauguettes,66 il occit l’innocent ez lieux cachez & secrets, ses jeux agguettent le desolé, il espie en cachette comme un lion en sa caverne, il guette67 pour attraper le pauvre, il grippe le pauvre chetif l’attirant en son filé, il se serre, & se baisse lors il tombe en ses fortes pattes une troupe de ces pauvres miserables, il dict en son cœur Dieu l’a68 oublié, il a caché sa face, afin que jamais ne le voye?

Parquoy le mesme David[Pseau 120.] en un autre lieu s’escriant dict. O Seigneur Dieu, delivre mon ame des faulses levres & menteuses, de la langue medisante & cauteleuse: laquelle est semblable aux fleiches aigues & acerées, & d’une puissante main tirée. L’ecclesiastique nous admoneste // [19v/Ciiiv] d’avoir en abomination le susurrateur, & celuy qui a double langue[Eclesiast .26]69: car il en a ruyné plusieurs, qui estoyent en paix & en repos: la langue double en a ebranslé plusieurs, elle a destruit les villes fortes, renversé les maisons des Princes, & dissipé les nations puissantes. Quiconques l’escoute, il ne demeurera point en repos, & ne trouvera point de paix, ny de pacience. Le coup de fouet meurtrit la chair, mais le coup de langue brise les os: C’est à dire70, que le fouet fait des meurtrisseures au corps seulement: mais la pernicieuse langue au bon renom, & en la vie de l’homme, par detraction diffamatoire, qui est une plaie trop plus dangereuse que celle du corps. Et poursuivant son propos, il dict, que plusieurs personnes sont morts par le trenchant de l’espée: mais non pas tant qu’il y en a, qui sont tombez par la plaie de la mauvaise langue: & conclud que bien heureux est celuy, qui en a esté purgé & garenti, & qui n’a point passé par sa fureur. Car c’est une dangereuse & mauvaise71 mort, que la mort qui vient par elle: tellement que la fos-// [20/Ciiii] se, ou le sepulchre vaut encores beaucoup mieux: & ceulx qui habandonneront le nom du seigneur y tomberont, & elle les consummera sans pouvoir estre estainte: & sera envoyée contre eux comme un lyon, & les destruira comme un pard.72 Environne donc (dict il) ton heritage d’espines, & mets des barres au devant de ta bouche, afin qu’il n’en sorte aucune mauvaise parolle.[Sapien I.] Car l’esprit de Sapience n’absout poinct celuy, qui a blasphemé de ses levres:73 entant que Dieu est tesmoing de ses pensees, & le vray speculateur de son cueur, & l’auditeur de ce qui sort de sa langue.

Or combien que la vie humaine soit subjecte à mille sortes d’inconveniens, sans mettre en compte les maladies, les poisons & venins, les fouldres, orages, & tempestes, & autres innumerables evenemens: toutesfois il ne se trouve chose aucune d’où il procede plus de mal à l’humain genre, que de la desloyalle & mauvaise langue. Car il n’y a aucune espece de calamité, qui apporte avec soy un plus grand deluge de maux // [20v] & de miseres que la guerre: mais il ne seroit point de guerre entre les hommes, s’il n’y avoit poinct de mauvaises langues qui en semassent les occasions. N’avoit pas Alexandre le grand ses justigateurs, qui luy promettoyent la domination de tout le monde, & en ce faisant l’incitoyent tousjours à faire la guerre?[Notable histoire de Pyrrhus.] N’avoit pas le Roy Pyrrhus ses instigateurs, qui ne luy conseilloient autre chose que meurtres & batailles sans le conseil du Sage Cineas, qui un jour voyant le roy prest de faire la guerre, luy demanda qu’il feroit, mais qu’il eust vaincu les Romains. Je feray (dict il) la guerre à la Sicile. Et la Sicile vaincue (dict Cineas.) Pyrrhus luy respondit, la Lybie, Carthage, & Macedone restent encores. Et cela suppedité,74 dist Cineas, que ferez vous, Sire,75 Pyrrhus luy dist, Nous nous reposerons alors. Et Cineas repliqua. Et qu’avez vous à faire, sire, de toutes ces guerres là, pour vous reposer puis apres, veu que dès maintenant nous pouvez estre en patience, & vous reposer? Et par ce bon propos le Roy fut desmeu76 de faire la guerre à ses voisins. //

[21] Si la France eust eu durant les guerres un bon Cineas, qui eust conseillé la paix: ce treflorissant Royaume n’eust esté affiligé, comme il a esté: ny le pauvre peuple si pitoiablement desolé, comme il a esté, que l’on l’a veu presque tout espuisé, non seulement de finances, & de ses richesses, mais aussi du sang humain: tant estoient allumez & animez les uns contre les autres. Mais d’où est procedé cela: sinon des mauvaises & diaboliques langues qui ont conseillé cela? N’a l’on pas veu livres Sataniques imprimez, par lesquelz on ne suadoit rien moins au Roy treschrestien que la paix, & rien plus que la guerre: de sorte que sans la certaine providence de Dieu, qui a remedié à cela, on eust veu la ruine totale de ce Roiaume? Ce qu’on peut bien cognoistre, par le grand nombre des Princes & Signeurs qui y ont esté perduz d’une part & d’autre: & mesmes que l’on a veu la plaie n’avoir presque saigné que sur les plus innocens. Parquoy il est besoing de pryer Dieu, qu’il luy plaise par sa misericorde infinie continuer tousjours le Roy en ce bon propos de [21v] maintenir ses enfans & subjectz en la paix que Dieu nous a donnée: & ne permettre plus desormais, qu’un temps si orageux, comme nous l’avons veu puisse jamais revenir. Et que si se trouve des boutefeux & instigateurs qui la conseillent, qu’ils puissent devenir aussi muets que Hyparchion: ou mieux, qu’ils77 se puissent trancher la langue, comme Zenon Eleate: & ceux qui vouldront recommencer la guerre, ne puis-sent point avoir les mains meilleures, que la main de Jeroboam: la veue, comme Tyrepe ou Hypsee: & ne puissent point mieux cheminer, que Miphiboseth: que leurs chevaux soyent semblables au cheval fatal du Cn Soianus qu’ils n’ayent point de plus vaillans Capitaine, qu’Erasinade: que leur butin ressemble à l’or de Tholose, du temps de Cepio. Bref je leur souhaite78 toutes les tragiques imprecations d’Œdipe, & les benedictions contenues au Pseaume, Deus laudem meam ne tacueris. Car ceulx là ne sont point de Dieu, qui desirent la guerre, & qui ne veulent point vivre en paix: laquelle nostre seigneur nous a tant // [22] recommandé.

[Pse.34.] Qui est celuy (dict David) qui veult longuement vivre en repos gracieux? Garde que blasme aucun de ta langue ne sorte, garde tes levres de mentir, ny decevoir quelcun, fuy le mal, fay le bien, cherche la paix, & la poursuy.

Mais pour revenir au propos du mal qui procede de la pernicieuse langue: Salomon dit. Qui contre garde sa bouche, il garde son ame[Proverb.13.]: mais celuy qui parle temerairement, il aura oppression. Car la langue decevante n’ayme point verité: & la bouche qui amadoue est cause de ruyne [Prover.26.]. Job[Job.13.] apelle telle maniere de gens forgeurs ou architectes de mensonges: lesquels selon Jeremie ont enseigné leurs langues menterie, & ont fort travaillé à faire mal. Or combien qu’aucuns plaisanteurs n’estiment le mensonge estre rien: toutesfois David dict, que tous menteurs s’en vont à perdition.[Maulx procedans de la mauvaise langue.] Et non seulement le mensonge procede de la mauvaise langue: mais aussi le jurement, les blasphemes, calumnies, obtrectations,79 & faux rapports.

Qu’on lise les histoires & Annales des // [22v] anciens où trouvera l’on tant de juremens, comme il y en a maintenant entre les chrestiens? Espluchons bien nous trouverons tout estre plein80 de parjures. L’on estoit noté d’infamie envers les Etheniques & Payens, quant on juroit leurs dieux profanes: & ce n’est que jeu entre les Chrestiens de jurer le nom du Dieu vivant & eternel. Et qui pis est, ilz ont une comedie appellée, le blaspheme,81 qu’ilz jouent: & celuy qui joue blaspheme, profere de ses juremens vilains & horribles, pour faire fondre la terre. Je suys esbahy comment il ne se peult trouver homme au monde portant le nom de Chrestien, qui ose entreprendre de jouer un si vilain & horrible personnage, pour proferer tant de juremens & blasphemes execrables, indignes d’un Turc, & beaucoup plus d’un, qui se tiltre du nom de Chrestien. Et suys encores plus esbahy comment les magistratz, des lieux seufrent82 cela, qui est assez suffisant pour faire fondre un pais.83 Parquoy telles farces meriteroient bien d’estre brullées: & les autheurs d’icelles, & mesmes les imprimeurs.//

[23] [Plutarque en ses problemes.] Plutarque est autheur qu’au temps passé, il n’estoit permis ny loisible aux enfans de jurer Hercules, ou Denys dedans la maison, mais il convenoit sortir dehors, afin dict il, que par ceste temporisation & retardement, ils apprinsent à point ne jurer ou à tout le moins, d’estre sobres en leurs juremens & modestes.[Juremens deffenduz aux pontifes Romains.] Les pontifes Romains, qu’on appeloit jadis Flamines & Diales, n’eussent osé jurer en quelque sorte que ce fust, ny pour occasion quelconque, qui se fust sceu presenter. Plaute en ses Fables, se mocque d’un maquereau parjure. L’on a eu en Athenes en bien grande reputation une devineresse, qui exercoit la Sacrificature payenne, & laquelle un jour fut grandement pryée de tout le peuple, & avec grande instance & importunité, de maudire & conjurer Alcibiade, qui pour lors n’estoit bien voulu en Athenes.[Sage responce d’une devineresse.] Mais elle fist responce, qu’elle avoit receu le Sacerdoce, & avoit esté pourveue de cest estat sacré pour benir tout le peuple, & non pas pour desirer mal à aucun: & ne peut onques estre induicte à maudire Alcibiade. Si nous voulons // [23v] laisser les exemples des Ethniques, & venir à ceux des chrestiens.[S. Loys saisseitsot84 les jurements & blasphemes.] Sainct Loys avoit en tel horreur les jurements & blasphemes, qu’il fist une ordonnance, que tout blasphemateur du nom de Dieu auroit une fleur de lys toute ardente Imprimée au front: afin qu’il fust congneu85 de tous & en ignominie extreme envers tout le monde.

Or advint qu’il y eut un seigneur de sa cour, qui par cholere ou mauvaise coustume avoit juré: & comme l’on voulsist executer contre luy la rigœur de l’edict, plusieurs Princes s’empescherent pour luy envers le roy pour luy donner grace & remettre la peine de l’ordonnance. Mais le roy fut presque autant severe en l’observation de son edict, que fut jadis Zalencus en la loy qu’il avoit faicte contre les adulteres: quant il vouloit faire punir son fils, qui avoit transgressé sa loy. Car ledict sainct Loys fist responce, qu’il vouldroit bien endurer la peine contenue en son ordonnance: & que la marque luy fust imprimée au front, & que touts juremens & blasphemes fussent ostez de son // [24] royaume.

Et le roy treschrestien desirant les ordonnances faictes par ses predecesseurs sur la prohibition des juremens & blasphemes, estre gardées: & la punition des blasphemateurs, estre promptement executée, a deffendu par son ordonnance du sixieme jour d’Aust 1570. à toutes personnes, de ne jurer, ny86 maugreer ou blasphemer le nom de Dieu, ne faire autres juremens ou blasphemes execrables soubs peine d’avoir la langue percée d’un fer chaut.

Les sages de l’ancienne memoire ont comparé la langue à un glaive, qui tranche des deux costez[Genes 39.], car une infinité de gens sont morts par le tranchant d’icelle. Le sainct patriarche Joseph a senti la rigœur de ce glaive icy, lors que pour la loyauté qu’il avoit gardée à son maistre, & pour sa continence envers la femme de Phutiphar, fut mis prisonnier & en extreme danger de sa vie, quant elle l’accusa faulcement qu’il avoit voulu attenter à la pudicité87 d’icelle. La chaste & saincte dame Susanne[Danié 13.] n’a moins experimenté le tranchant de ce douteux glaive, quant elle fut faulcement // [24v] accusée par les vieillards88 calumniateurs, laquelle Dieu delivra miraculeusement, par l’enfant Daniel qui condemna par un merveilleux jugement, la calumnie des faux vieillards insidiateurs de la pudicité de la sainte & chaste dame. Que diray je du juste Naboth contre l’innocence duquel la desloialle Jesabel par sa faulce & calumniatrice langue[3 roys 21.] suscita deux faulx tesmoings gens de belial, pour luy oster non seullement sa vigne par confiscation mais aussi sa vie?89

[3 Roys 17]90 N’a pas David experimenté le semblable, quant le philistin incirconcis le mauldict par ses Dieux, disant qu’il bailloit la chair de David aux oiseaux du ciel & aux bestes de la terre? Auquel David respondit. Tu viens à moy avec un glaive, baston, & lance: & je vien91 à toi au nom du seigneur des armées du Dieu de la gendarmerie d’Israel que tu as défié. Aujourd’huy le seigneur Dieu te serrera entre mes mains & te frapperay, & oteray ta teste de dessus toy, & te bailleray aux oiseaux du ciel, & aux animeaux de la terre: afin que les habitans de la terre scachent qu’Israel // [25/D] a un Dieu. Si nous voulons laisser ces exemples là, Jesuschrist la vraye source de vie, & fontaine d’innocence, a été transpercé de tels glaives de langues venimeuses des Phariseens, faulx tesmoings, & de tout le populaire, criant tolle, tolle, crucinge eum.92 Par la faulse langue sainct Estienne a esté lapidé:93 sainct Pierre, & sainct Paul94 ont esté mis à mort: & non seulement touts les martyrs de l’ancienne & recente memoire, mais aussi grand nombre des anciens Gentils, & Payens: du nombre desquels sont Socrates, Phocion, Epaminonde, & Aristide: lesquels ont perdu la vie par le rapport des faulses & calumniatrices langues.95

Mais que diray je de la langue non seulement venimeuse, mais aussi diabolique & meurtrière96 de ceux qui objectoyent faulsement & calumnieusement aux saincts personnages de l’ancienne Eglise, qui faisoient profession de l’Evangile, qu’ils estoyent sorsiers & magiciens, & que pour ce faire ils mettoyent à mort les petits enfans innocens: [Euseb.li.4.chap.8 de l’hist.Eccl.]97 le sang desquels ils humoyent, & en mangeoient la chair pour executer leur sor-// [25v/Dv] tilege? Qui a envoyé en exil les saincts personnages, Athanase & Chrysostome98 après avoir si vaillemment combatu contre les heretiques, sinon la langue damnable de leurs ennemis. Et cela n’est seulement advenu aux saincts & aux martyrs: mais aussi à presque touts les sages de l’ancienne memoire: comme à Socrates, à Melitus, & Anytus:99 à Homere, Zoile:100 à Virgile, Pero,101 à Horace, Bavius: & Menius:102 à Ovide Ibys,103 à Alcibiade, Hyperbole.104 Brief, chacun a eu son calumniateur de tous ceux qui ont excellé les autres en scavoir. Qui sera donc asseuré, & garanti de telles langues sycophantiques. Leur langue (dit Jeremie) [Jere 9.] est un dart navrant,105 elle profere frauldes & mensonge: chacun parle en sa bouche de paix avec son prochain, mais dedans soy il met ses embuches & deceptions. Ne feray je point visitation sur telles choses (dit le seigneur) ou mon ame ne se vengera elle point sur la gent qui est telle. Leur vigne, dit Moyse [Deutero.32.],106 est de la vigne107 de Sodome, & du terroir de Gomorrhe: leurs grappes sont grappes de fiel, et leurs raisins amers. Leur vin est venin de dragons & fiel d’aspic: leur gosier est un sepulchre ouvert (comme dit S. Paul)108 ils ont // [26/Dii] frauduleusement usé de leurs langues, il y a venin d’aspic souz leurs levres, & desquels [Rom. 326]109 la bouche est pleine de malediction, & d’amertume, leurs pieds sont ligers110 à espandre le sang , [Pse.13.]111 destruction & misere est en leurs voies, & n’ont congneu la voie de paix: la crainte de Dieu n’est point devant leurs yeux. Parquoy le sage dit en ses proverbes [Prover.24.] :112 n’aie volunté d’ensuivre les113 hommes mauvais, & ne desire point d’estre avec eux: car leur cœur songe & medite rapine, leurs levres proferent iniquité: car aussi114 la folle pensée du fol est peché, & le mesdisant est en abomination à l’homme sainct, S. Augustin avoit en si grand desdain la mesdisance & les mesdisants, qu’il affigea à la table où il mangeoit ordinairement ce disthique.

Quisquis amat dictis absentum rodere vitam,

Hanc mensam vetitam noverit esse sibi .115

Et un jour ayant entendu quelcun qui mesdisoit d’un Evesque absent116, il le reprint avec grand aigreur: luy disant, qu’il sortiroit hors de sa table, ou que plustost il osteroit & efaceroit le disthique qu’il avoit apposé à sa table. [La table des roys doit estre exempte de mauvais propos] Le temps passé s’il fust advenu qu’on eut proferé à la table d’un roy ou // [26v/Diiv] d’un prince une mauvaise parolle ou temeraire: l’estat d’un heraut estoit de renverser le pain sens dessus dessoubz ou de couper la nappe pour s’esuyer par cela que tel propos estoit indigne de la majesté d’un roy, & que tels personnages parlans inconsiderement n’estoyent dignes d’estre à la table d’un roy, ou d’un grand seigneur. Le sage dict [Eclesiast.10 ].117 Si le serpent mord quand il n’est point enchanté, autant en faict celuy qui detracte secretement. Le crocodile n’a point de langue,118 mais il ne laisse pas d’avoir une gueulle armée de dangereuses dents, & bien venimeuses. Mon cœur, dict l’Ecclesiastique [Eclesiast.26],119 craint troys choses, & mon visage s’estonne de la quatriesme asscavoir Trahison de ville, une assemblée de mutinerie, & mensonge contre quelcun controuvé.120 Toutes lesquelles choses sont pires que la mort: mais la vraye tristesse & fascherie de cœur, c’est une femme jalouse: & celle qui chante avec tous, c’est un fleau de langue or si la severité des loix est à bon droit excercée contre les empoisonneurs, lesquels comme ils ostent la vie à ceux, ausquels ils donnent la poison: aussi meritent ils de per-// [27/Diii] dre la leur propre: mais le mal qui procede de langue calumniatoire & pernicieuse est encores plus punissable: car celuy qui empoisonne, ne faict mal qu’à celuy auquel la poison est donnée: mais le venin de la mauvaise langue s’estend à plusieurs, & aussi bien souvent il advient, que la poison est convertie en remede & antidote comme il apert en l’epigrame d’Ausone,121 d’une femme jalouse, qui avoit donné de la poison à son mary, & pensant luy avancer & accelerer la mort, luy donna du vif argent pour le faire soudainement mourir: mais cela luy servit d’une contrepoison & preservatif de mort: car il fist mieux vuider que medecine qu’on luy eust sceu bailler. Mais il n’est pas aussi de la mauvaise langue: car il n’est point en la puissance de celuy, qui a semé une mauvaise parolle, de la pouvoir retirer ou empescher qu’elle n’ait cours. Et en cela il fault suyvre le conseil de Salomon [Proverb.4], qui dict Recule de toy la bouche perverse, & esloigne de toy les levres dissolues: car le seigneur hait six choses, voire sept luy sont en abomination [Proverb.6]122: assçavoir, les yeux hau-// [27v/Diiiv] tains, la langue menteuse, les mains qui espandent le sang innocent, le cœur qui machine quelques mauvaises ou mechantes entreprises, les pieds qui sont promps & habiles à courir au mal, cestuy là qui profere mensonges, le faux tesmoing, & celuy qui met debat, ou discorde entre les freres. [Loix de Solon bien notables.] Solon123 avoit faict publier une ordonnance, par laquelle il estoit estroictement deffendu de mesdire, ou mal parler des absens, & encores moins des trespassés. Il fist aussi une autre loy, par laquelle celuy qui eust mal parlé d’aucun en un lieu sacré, en jugement, ou en une assemblée publique de peuple, il estoit condemné & mulcté124 en amende, tant envers celuy duquel il avoit mal parlé, qu’envers le fisque125 du prince. [Coustume des Rois de tenede.]126 Le Roy de Tenede avoit ceste coustume, quant il tenoit le siege de judicature, d’avoir un homme pres de luy, qui avoit une espée nue, comme estant tout prest de faire mourir & coupper la teste à celuy, qui eust proferé un mensonge, ou mauvaise parole en jugement. [Pourquoy Domitian127 bannit les philosophes.] L’empereur Domitian feit bannir & chasser de l’Italie les Phi-// [28/Diiii] losophes, disant que par leurs langues ils endommageoyent tout le monde, tant riches que pauvres. Caton le majeur persuada au Senat Romain de defendre le Plaidoier à Critolaus, Carneade, & Diogene le Stoique: pource que par leur beau langage, ils persuadoyent128 autant l’injustice (quant ils vouloient desguiser la vérité) que la raison, & l’equité. [S. Bernard. ]129 De telle maniere de gens au premier livre de consideration de sainct Bernard, il est escript. Ce sont ceux qui ont enseigné à leurs langues130 toute menterie, & ont grandement travaillé pour faire mal, & commettre iniquité: ils sont bien eloquens contre la raison, sages pour faire mal, & sçavants pour combatre131 la verité. [Gymnosofistes.] Et à la mienne volunté, que tous ceulx qui ne veulent emploier leurs langues pour dire la verité, se proposassent la façon de faire des Gymnosophistes: entre lesquelz le plus grand scandal & deshonneur qu’eust peu recevoir quelcun d’entre eux, c’estoit d’avoir esté surpris en mensonge. [Garamantes] Et les Garamantes punisoient de mort celuy, qui estoit trouvé en mensonge.132 [Notable Sistaire]133 Trajan Empereur [28v/Diiiiv] Romain desherita le fils de Cebalus de son royaume, pour avoir esté surpris en mensonge: luy remonstrant, que Rome mere des veritez n’avoit de coustume de donner royaumes aux fils de mensonge: & que son pere Cebalus134 roy des daces avoit esté menteur, & que son fils luy ressembloit: parquoy le luy appartenoit aucunement de gouverner un royaume.135 L’Achilles d’homere disoit, qu’il haissoit autant que les portes d’enfer toute menterie.136

Parquoy nous pouvons bien dire de la langue & à bon droit. O membre doubt-eux!137 D’où il procede une si grande peste à la vie des hommes: [Proverb.17.& 18.] car la mort & la vie sont en la puissance de la langue, & celuy qui est depravé en sa langue cherra es maulx. L’Ecclesiastique a aussi en si grand horreur & abomination celuy qui a double langue, qu’il estime pire & plus detestable qu’un larron. Grand blasme (dit il) & repantence tombent sur le larron, mais condemnation mauvaise est sur celuy, qui a double langue: [Eccle.5.] car haine, inimitié, & reproches, attendent le detracteur. Voyez (dict sainct Paul) que // [29] n’outragiez, calumniez, ou injuriez aucun: [Galat.5.] car si vous mordez, & rongez l’un l’autre, gardez que ne soiez consommez l’un par l’autre. [Aristide.] Aristide estant banni d’Athenes, par la malice d’ingratitude du peuple: & estant interrogué que c’estoit qu’il desiroit à un peuple tant ingrat, fist responce, que tout le mal qu’il leur vouloit, qu’il ne leur souhaitoit autre chose, sinon que jamais Aristide ne leur peust venir en la memoire. [Pericle.] Pericles (qui pour la grandeur de son eloquence, & beau parler estoit dict qu’il tonnoit, & fouldroioit) quant il vouloit faire quelque harangue, ne pryoit autre chose à Dieu, sinon qu’il luy pleust faire la grace de ne dire rien, qui ne fust à propos.138 Or tout ainsi qu’entre les maladies du corps la peste est la plus crainte: aussi entre les maladies de l’esprit, le mal fatal de la langue, est le plus redoutable: & bien souvent advient que la peste n’est qu’en une Province, mais le mal de la langue se fourre & espand par tout: de sorte que les Palais mesmes des Princes & grands seigneurs ne sont exempts de ce mal. Les cases, & maisonnettes de villa-// [29v] geois s’en sentent: bref il n’y a ville ne village bourg ny bourgade, qui ne soit assaillie de ce mal. Et qui pis est, les monasteres & personnes recluses sont bien souvent les plus infectées139 de la contagion140 de ce mal. Ce qui est notoire par la responce que le pape Eugene fist à sainct Bernard [Responce faicte à S. Bernard à141 un Pape], lequel luy en avoit fait remonstrance avec une grande complainte, de la Symonie que l’on exercoit, en la Cour Romaine, luy pryant d’oster tout cela, & d’y donner ordre auquel le Pape luy respondit. Mais que tu aies osté de ton cloistre & monastere le murmure, & mauvais langage des freres: lors j’osteray aussi la Symonie de la cour Romaine. [Vices ordinaires de la mauvaise langue] Or ce sont142 les fruicts & proficts de fief de la mauvaise langue, que de mesdire, jurer, parjurer, blasphemer, maugreer, detracter, ou blasmer, injurier, maudire, vituperer, calumnier, flater, babiler, susciter noises & discords, faire faux raportz, mentir, murmurer, conjurer, & mille choses semblables indignes de l’homme chrestien: la langue duquel se doit appliquer à benir Dieu, chanter ses louanges, ren-// [30] dre action de graces, sanctifier son nom, reciter ses haults faicts, impartir la correction fraternelle à son prochain, l’enseigner, instruire, & endoctriner, le consoler en son adversité, user de parolles doulces & paisibles, donner aux desolez confort, [Ephe.5.] aux despourveuz conseil, & que parolle folle ou vain propos ne sorte point de nous: mais plustost action de graces, offrans sacrifice de louange à nostre Dieu, asçavoir le fruict des levres confessans son nom, appliquans tous nos faicts & noz dicts à son honneur & à sa gloire. [Hesiod.1 c 3]143 Car le Poête Hesiode dict que c’est un tresbon thresor à l’homme qu’une belle langue: & que la meilleure grace que puisse avoir l’homme c’est de scavoir moderer sa langue, & de mesurer les parolles qu’on veut dire: c’est assçavoir de n’en dire ou proferer ny plus ny moins qu’il en est de besoing. Car celuy qui pense estre religieux, & ne refrenant point sa langue, ains144 la laissant toujours errer en son cœur, la religion d’iceluy est vaine, selon le tesmoignage de sainct Jacques. [S Jacques 1 c 3.] Lequel aussi compare la langue au gouvernail d’une navire, & // [30v] par lequel elle est menée & conduicte ça & là, par tout où vouldra le plaisir de celuy qui gou-verne. Ainsi (dict il) la langue est un petit membre, & se vante de grandes choses: voilà un petit feu combien grand bois allume il? La langue est aussi un feu, voire un monde d’iniquité, telle est la langue entre noz membres: laquelle fouille tout le corps, & emflambe le cours de nature, & est enflambée de la gehenne: c’est à dire que l’intemperance de la langue est comme une flamme des feux145 d’enfer: car toute nature de bestes, & d’oyseaux, & de reptiles, & des poissons de mer, s’aprivoise146 & a esté apprivoisée par nature humaine. Mais nul homme ne peut apprivoiser la mauvaise langue, entant que c’est un mal qui ne se peut reprimer, & elle est pleine de venin mortel. Par elle nous benissons nostre Dieu et Pere, & par elle nous maudissons les hommes, faicts à la semblance de Dieu: tellement que d’une mesme bouche procede benediction & malediction. Mais il ne faut point que ces choses soient ainsi faictes: car une fontaine jette elle d’un mesme canal le doulx & l’amer? Celuy donc // [31] qui est sage & bien avisé entre vous, qu’il monstre par bonne conversation ses œuvres en doulceur de sapience. Voilà ce que ce sainct Apostre dict de la langue tant bonne que mauvaise. Qui me donne occasion de mettre fin à ce propos, par les parolles de sainct Matthieu: qui dict, que de toute parolle oisive, c’est a dire vaine & infructueuse, il faudra rendre compte au jour du grand jugement:147 tellement que (comme dict sainct Hierosme) plusieurs muets, & begues seront plus heureux, que les sages, & eloquents du monde: plus-ieurs bergers, & bouviers seront preferez aux doctes Philosophes: & plusieurs de gros et rude entendement: aux plus subtils.

Parquoy pryons Dieu, de reellement dresser & conduire nostre langue: que tout ce que nous dirons et profererons soit à sa gloire, à nostre salut, & à l’edification de nostre prochain. Auquel honneur et louange soit à tousjoursmais. Amen.//

[31v] LA LANGUE ET
le cœur

J. Ant. De Baif.148

Langue, qu’il vient par toy de mal qui nous affole,
Langue qui fais punir un cœur bien qu’innocent: Sans espoir de retour eschappe la parole:
La faute toutefois est fort excusable,
Lors que la langue faut, & le cœur n’y consent:
Si le cœur n’y consent l’erreur n’est punissable.//

EXTRAICT DU

Privilege.

Il est permis par Jean Dalier, marchant libraire, d’imprimer ou faire imprimer un petit traicté, intitulé Traicté de la bonne & mauvaise langue, faict par maistre Jean de Marconville, Et deffendu à tous autres libraires ou imprimeurs, de ne l’imprimer, ou exposer en vente que dans un an, sur peine de confiscation desdicts livres & d’amendes arbitraire, Faict le vingtquatriesme jour d’Avril, 1573.

Signé, SEGUIER,


NOTES

1. On the editorial choices I have made and the copy text I have used, see my editorial note and the note to the English text of Marconville’s treatise.

2. Cor. : au.

3. Read : Loire.

4. Deadly.

5. nestoit.

6. Secret (Huguet).

7. poit.

8. Read : Vit.

9. lair.

10. cestoit.

11. lebon.

12. c’est.

13. Excepté (Huguet): except.

14. Cor. : Nacrob bib I.

15. Cor. : puissan cele poëte.

16. saçhant.

17. Cor. : constume.

18. Aulus Gellius, Attick Nights, vol. 1, 1.9.1–7, LCL, 45–49.

19. Erasmus’s 1500 Adagiorum collectanea were entitled Adagiorum Chiliades in 1508.

20. Greek designation of the Etruscans.

21. This passage was not translated by T.S. The Tyrrhenians or Etruscans were known in Antiquity for their skill in interpreting the signs addressed by the Gods and in deducing from them indications for the future. This is known as “Etrusca disciplina” (“disciplina” meaning “science”). The link that Marconville draws between the Tyrrhenians and Pythagoras may be due to the fact that Pythagoras was from Samos, where some Etruscan elements apppeared in the VIth century BC, which explains why some authors call Pythagoras a Thyrrene. But the link between Pythagoras and the Tyrrhenians is not obvious. Many thanks to Dominique Briquel for his help on the subject.

22. Pline.

23. Cor. : au.

24. Cor. : ,

25. Moyen.

26. Attribué.

27. Flexanima.

28. quece.

29. ils’escria.

30. Guéri.

31. sansle.

32. Read : Jourdain.

33. Cor. : se.

34. We add “:”.

35. dequoy.

36. We add “,”.

37. “Balayures” (Huguet), filth.

38. exhortale.

39. Fasse.

40. Donne.

41. Cor. : u e

42. Cor. : advenn.

43. c’est-adire.

44. c’est adire.

45. Deute. 32:45–52.

46. Deute. 24:8–9.

47. Probably Gen. 17 rather than Gen. 16.

48. Arroser, ie, to water.

49. Cor. : laquellle.

50. c’elle.

51. quelles.

52. Read : fasse.

53. Cor. : qui’il.

54. Read cherche.

55. larbre.

56. cest.

57. We have suppressed “,” between “est” and “sobre.”

58. Prov. 17:28.

59. quelle.

60. We have suppressed “,” between “fust” and “trouvé.”

61. qu’elcunpensoit.

62. Read : vit.

63. “Proditeur” means “traître,” “traitor” (Huguet). Traitorously/treacherously.

64. Traître: Traitor.

65. Moleste: peine, souffrance, douleur, tourment (Huguet). Torment, suffering.

66. Eschaudette, embûche, piège, ruse, perfidie (Huguet). Trickery, guile.

67. Cor. : guetté.

68. Cor. : l’ha.

69. Ecclus. 28.

70. c’est adire.

71. Cor. : mauuavaise.

72. Leopard, panther.

73. Sapien. 1:6.

74. Maltraité, foulé aux pieds, vaincu. Suppediter: fouler aux pieds, maltraiter, injurier, vaincre, soumettre, dompter, faire céder, surpasser, dominer, gouverner (Huguet). Vanquished.

75. We add a comma between “Sire” and “Pyrrhus.”

76. Desmouvoir: écarter, éloigner, détourner, dissuader. Se desmouvoir de: s’écarter de, se détourner de, renoncer à (Huguet). Renounced.

77. quils.

78. Cor. : souchaite.

79. Detraction. Fr. dénigrement (obtrectatio), obtrectateur, detracteur. (Huguet).

80. I have suppressed “,” after “plein.”

81. I did not manage to find this play. Perhaps a lost comedy. In Brian Jeffery’s study of French Renaissance Comedy (Oxford, 1969) a bibliography includes “Comedies supposed to have been printed, but are now lost” and “Comedies supposed to have existed in manuscript, but are now lost.” It is possible that “Le Blaspheme” is in the second category. I warmly thank Richard A. Carr and Emily Butterworth for helping me on this point.

82. Souffrent.

83. Pays (païs) (Huguet). Country.

84. Probably: hate, condemn, dissapprove. The word does not appear in Huguet.

85. Cor. : congueu.

86. n’y.

87. Cor. : pdiucité.

88. viellards.

89. This paragraph is translated at the end of the English text.

90. 1 Sam. 17:44–45 in Geneva.

91. Read : viens.

92. “Away with him, away with him crucify him” (John 19:15). See Erasmus, Lingua, 345 (LB IV 710C- ASD IV-1 313).

93. Quoted by Erasmus, Lingua, 345 (LB IV 710C- ASD IV-1 313). Acts 7:11–60.

94. Saint Paul is mentioned by Erasmus, Lingua, 346 (LB IV 710F- ASD 1–314). Acts 24:5.

95. All these examples are borrowed from Erasmus, Lingua, 345 (LB IV 710CASD IV-1 313): “That is how Socrates and Phocion were destroyed, how Aristides was driven out by ostracism, and how Epaminondas and Scipio were in danger of disgrace.”

96. Cor. : Meurtrie,rede.

97. Eusebius, Ecclesiastical History, book 4, 8, 5, LCL, 323.

98. Chrysostom’s exile is mentioned by Erasmus, Lingua, 346 (LB IV 710F-ASD IV-1 314)

99. Erasmus, Lingua, 396 (LB 742D / ASD IV-1 356). See Plutarch, Moralia 6, “On Tranquillity of Mind,” 475E, LCL, 229.

100. For Zoilus and “Pero,” see Erasmus, Adages, II.v.8: Zoili (Zoilus and his like), CWE 33, 246. In The Dumbe Divine Speaker, Affinati writes that “Brusonius telles us in his first booke, that Zoilus beeing asked, what was the reason hee spake evill of every one, returned this answer: I speake ill, because I can do no ill. This was the infamous poet that wrote against Homer, and hee is the father of detractors: whereupon, all those that write against men of merite, are called Zoili, and hence it was that Ovid sayde.

Ingenium magni livor detractat Homeri;

Quisquis es, ex illo, Zoile nomen habes. ” (141–42)

101. Mispelling of “Paro” which he owns to Erasmus. See Fantham, Lingua, 489, note 17.

102. Maevius or Mevius is the figure cursed by Horace in Epodes 10 (“A send off for Mevius,” LCL, 295–96. See Fantham, in Lingua, 505, note 211.

103. Title of a poem by Ovid which heaps curses on an unidentified enemy. See Ovide, Contre Ibis.

104. See Plutarch, Lives 2, “Aristides,” 7, 3–6, LCL, 233 and Lives 4, “Alcibiades,” xiii, LCL, 29–31. From Homer to Hyperbolus, Marconville borrows from Erasmus, Lingua, 346 (LB IV 710F / ASD IV-1 314).

105. Blessant.

106. Deut. 32:32.

107. Cor. : vivigne

108. Rom. 3:13.

109. Rom. 3:14–15.

110. Read : légers.

111. Ps. 13 in Vulgate is Ps. 14 in Geneva.

112. Quoted by Erasmus, Lingua, 352 (LB IV 714D / ASD IV-1 319): “He who delights to hurt an absent friend / Should know his welcome here is at an end.”

113. Cor. : le.

114. Cor. : ar caussi.

115. Quoted by Erasmus, Lingua, 353 (LB IV 715B / ASD IV-1 320). Augustine, Sermon 26 (“De murmuratione et detractione, et de poenis damnatorum”), PL 40, Appendix, 1277–80, 1279. See Hans Walther, Sententiaeque Latinitatis Meddi Aevi. Lateinische Sprichwörter und sentenzen des Mittelalters in Alphabetisher Anordnung, 6 vols. Göttingen: Vandenhoeck & Ruprecht, 1963–69, vol. 4, 25526, 405: “quisquis amat dictis absentum rodere famam,/ Hanc mensam vetitam noverit esse sibi.” Walther notes all the variants.

116. Cor. : absè,t.

117. Ecclesiastes 10:11.

118. A widespread idea in ancient times. See Aristotle, Historia Animalium, v. 33 (558 a 17), LCL, 219. Herodotus, The Persian Wars, book 2, 68, LCL 355–57 and Diodorus 1, 35 “It is as long-lived as man, and has no tongue” (LCL, 117). In Plutarch’s “Isis and Osiris” the crocodile is described as a sacred animal: “he is declared to be a living representation of God, since he is the only creature without a tongue; for the divine word has no need of a voice” ( Moralia 5, 381B, LCL, 173). See also Aelian, On the Characteristics of Animals, 2.33, LCL, 131. About the figure of the crocodile related to the tongue, see Margaret Jones-Davies, “La voix Suspecte: Des Crocodiles et des Hommes,” Shakespeare et la voix, ed. Patricia Dorval, 1999, 131–57.

119. Ecclesiasticus 26: 5–6.

120. Trouvé, inventé, imaginé (Huguet). Found.

121. Ausonius, Epigrams on Various Matters, III, “To Eumpina a faithless wife,” LCL, 157. Quoted by Erasmus in The Praise of Folly, CWE 27, 115 (note 312 in CWE 28, 477).

122. Prov. 6:16.

123. Erasmus, Lingua, 365 (LB IV 772D / ASD IV-1 330).

124. Mulcte: peine pécunaire, amende, peine, punition. Mulcter: frapper d’une amende, d’une peine pécuniaire, punir, châtier (Huguet).

125. Fisc, trésor public (Huguet).

126. Does not appear in Lingua. Marconville must have used another source here.

127. Idem.

128. Cor. : persuapoyent.

129. Considerations, book 1, x (13), 44: “These men have taught their tongues to speak lies (Jer 9.5). They are fluent against justice. They are schooled in falsehood. They are wise in order to do evil; they are eloquent to assail truth.”

130. leur langues.

131. Read : combattre.

132. The example is also present in Coignet, Politique Discourses (1586), 130. Coignet and Marconville must have a common source, which I have not managed to identify.

133. I could not find the meaning of this catchword. Does Marconville refer to one called Sistarius?

134. Decebalus. Marconville and Coignet make the same mistake, probably inherited from a common source.

135. The same story is told by Coignet, Politique Discourses (1586), 130: “The emperour Trajan surnamed the good Prince, took away from the sonne of Cebalus the kingdom of Dace, which we terme at this day Transilvania, & Valachia, only because he caught him in a lye, & told him that Rome the mother of truth could not permit a lyar to possesse a kingdom.”

136. In The Iliad, 9. 308–14, LCL 405, Achilles says to Odysseus “of many wiles”: “Needs must I verily speak my words outright, even as I am minded, and as it shall be brought to pass, that you sit not by me here on this side and on that and prate endlessly. For hateful in my eyes, even as the gates of Hades, is that man that hideth one thing in his mind and sayeth another. Nay, I will speak what seemeth to me to be best.” Homer is later quoted by Coignet, Politique Discourses (1586), 128: “Homer writeth of the great and valiant Captaine Achilles, that he did more hate and abhorre lying, then hell or death.”

137. “O ambivalent Organ,” Erasmus, Lingua, 365 (LB IV 722D / ASD IV-1 330).

138. Quoted by Coignet, 66.

139. Cor. : infectee s.

140. dela.

141. It should probably be “par.”

142. cesont.

143. Marconville repeats himself. See French version, Biiv.

144. But (Fr. Mais).

145. Cor. : feu.

146. Read s’apprivoise.

147. Matt. 12:36.

148. Jean-Antoine de Baïf, French poet (1532–1589).