Les fondements de l’acupuncture
L’acupuncture, qui n’est, nous l’avons vu, qu’une branche de la médecine chinoise, repose sur huit grands fondements. Ce sont :
le Tao et le Yi-King ;
le Inn et le Yang ;
les Méridiens ;
les points ;
la pulsologie ;
les cinq éléments ;
l’énergie ;
les cycles.
Ces huit fondements correspondent aux huit bases de la philosophie chinoise, aux huit trigrammes (voir le chapitre consacré au Yi-King), aux huit règles de diagnostic, aux huit objets précieux, aux huit préceptes bouddhiques, etc.). La médecine qui s’inscrit dans le système philosophique chinois ne doit en aucune manière en être séparée. Nous aurons l’occasion de montrer au lecteur que le système est cohérent et que non seulement il englobe l’homme dans sa totalité mais également tout le cosmos. Pour être heureux, l’homme doit accorder son mode de vie aux lois du cosmos ; chaque acte (même le plus simple) doit répondre à cette exigence. Ainsi, on parlera plus volontiers de Sagesse plutôt que de philosophie chinoise.
Le Tao
Expliquer le Tao en quelques mots relève de la gageure : essayons néanmoins.
L’ouvrage de base du Taoïsme a été écrit au VIe siècle avant notre ère par Lao Tseu. Cet ouvrage, composé de huit parties est le Tao Te King, c’est-à-dire le livre du Tao et du Te. Cependant, le Tao est du domaine de la pensée commune et, s’ils en parlent moins, tous les auteurs chinois s’en inspirent. Le Tao, que certains nomment la Loi Universelle, est innommable et c’est ainsi que commence l’ouvrage de Lao Tseu, par une affirmation : « Le Tao, qu’on tente de saisir n’est pas le Tao lui-même ; le nom qu’on veut lui donner n’est pas son nom adéquat ».
Le Tao est ce qui préexiste à tout, c’est l’essence et l’énergie première, c’est l’essence et l’énergie de toute chose, c’est l’essence et l’énergie dernière. Lao Tseu écrit : « Sans nom, il représente l’origine de l’univers ; avec un nom, il constitue la Mère de tous les êtres. Le Tao, énergie première, créa un jour le monde. Le Tao manifesté est le Te ».
Le Te serait donc l’art de vivre le Tao, le chemin à suivre pour vivre le Tao.
Le Te, manifestations du Tao, obéissant donc à ses lois, consista d’abord en l’apparition du Ciel, de la Terre puis de l’homme. Ensuite vinrent toutes les choses vivantes et inanimées. Tous obéissent aux lois du Tao, synthétisées dans les lois éternelles du Inn et du Yang. Nous pouvons donc définir le Tao comme la Loi Universelle du Inn et du Yang ; origine et manifestation de toute chose. Le Inn et le Yang de chaque chose ne sont pas isolés mais en union avec tous les autres Inn et Yang dans la complexité du Tao. C’est ce qu’exprime le philosophe chinois en écrivant « que chaque phénomène naturel en tant que produit du Inn et du Yang a sa composition et ses mouvements fixés en rapport avec les autres choses dans le filet des relations de nature. » (Needham 62-47). Le premier livre du Tao, mais où il n’est point nommé, est le Yi-King.
Premier des grands ouvrages classiques, le Yi-King serait l’œuvre de l’Empereur immortel, Fou Hi. Cet empereur, vraisemblablement mythique, serait né d’une vierge ou encore venu du ciel accompagné d’extraterrestres munis de trompes d’éléphants. Il est souvent représenté avec sa femme (?), Niou Koua, entrelacés comme deux sirènes. Lui tient une équerre dans la main (celle-ci dessine le carré, signe de la terre, Inn), et elle, un compas (qui produit le cercle, signe du Ciel, Yang). C’est par l’union du Inn et du Yang que toutes choses sont produites. Fou Hi et son épouse représentent le premier couple. Remarquons que chacun tient en main les attributs de l’autre sexe car il n’y a pas de Inn sans Yang, ni de Yang sans Inn. Et seule la conjugaison des deux est génitrice. Fou Hi, aurait donné au monde l’écriture, la culture du ver à soie, la musique, etc., et, surtout, les trigrammes. Sa femme entreprit d’aménager l’Univers « car les Quatre Pôles étaient renversés, les Neuf Provinces fissurées, le Ciel ne couvrait point partout, la Terre ne supportait pas tout le pourtour, le Feu incendiait sans s’éteindre jamais, les Eaux inondaient sans jamais s’apaiser, les Bêtes féroces dévoraient les hommes valides, les Oiseaux de proie enlevaient les débiles ». (Granet, 37-285). Elle y mit de l’ordre et la terre carrée porta sur son dos le Ciel rond : l’Union se fit entre le Inn et le Yang.
Les huit trigrammes
Réfléchissant au monde ainsi ordonné, Fou Hi le représenta sous la forme de vingt-quatre traits. Ces traits sont groupés par trois et nous obtenons ainsi la représentation ci-après :
On constatera aisément que chaque trigramme n’est différent du précédent (ou du suivant) que par la modification d’une ligne. Une ligne continue se dédouble : un devient deux, comme le T’ai Tchi (voir page 36) se dédouble (en Inn et Yang) pour donner vie aux choses. Ceci représente le principe du changement. Ce principe est illustré en acupuncture par la succession des Méridiens Inn et Yang et en histoire par la valeur des dynasties qui se suivent. Le Yi-King porte le nom de Livre des Transformations 10. Plus tard, les trigrammes furent complétés en hexagrammes et l’ordre et le savoir du monde furent représentés par soixante-quatre figures. Ces hexagrammes composent à eux seuls le texte véritable du Yi-King, tout le reste est du commentaire. Celui-ci est essentiellement l’œuvre du roi Wen. Ils contiennent toutes les réalités Inn ou Yang (11 520, suivant la tradition et les mathématiques) imaginables.
Le Yi-King, livre divinatoire
Les Chinois ont utilisé les hexagrammes pour connaître l’avenir (achilléomancie). Cette méthode de divination chinoise 11 est assez complexe aussi nous n’en donnons qu’un bref aperçu. On tient en main un paquet de cinquante baguettes (des tiges d’achillée) 12 de trente centimètres de long. Ces baguettes sont très maniables et leur nombre est suffisant pour empêcher de les dénombrer. D’emblée on retire une baguette qui ne participera pas au partage 13. Ensuite, on divise ce paquet en deux (le un devient deux) et on pose les deux tas devant soi ; cette division est recommencée plusieurs fois et le résultat est coté Inn (- -) ou Yang (-). Pour finir (après de nombreuses opérations) on obtient un hexagramme qui doit être considéré comme la réponse à la question posée.
Le Yi-King, base de la sagesse chinoise
L’importance du Yi-King dans la vie chinoise n’est plus à démontrer. Livre des Mutations, Livre du Changement, Livre de l’Ordre du Monde, les hexagrammes sont utilisés pour gouverner la Chine, pour soigner les malades (les hexagrammes correspondent aux six niveaux d’énergie 14), pour écrire la musique, etc. Un ancien manuel de sexologie chinois dit que c’est parce qu’ils s’accouplent correctement que le Ciel et la Terre durent à jamais. Le Yi-King donne les règles de transformation pour un accouplement parfait.
Terminons en signalant que le Yi-King, à l’inverse des autres Livres Sacrés du monde (Bible, Coran, Veda, etc.), ignore la notion de commencement et de fin : il ne connaît que des transformations circulaires et donc un cycle sans commencement et sans fin.
Il n’y a pas de Inn sans Yang.
Tout ce qui est Inn est aussi Yang.
Le Inn succède au Yang et inversement.
Ces trois formules résument clairement l’essence du Inn et du Yang ; ce sont, en effet, deux principes complémentaires, opposés et successifs. Le Yang est tout ce qui est actif, chaud, externe, lumineux. Le Inn correspond à ce qui est inerte, froid, intérieur, sombre. Le jour est donc Yang : il fait chaud, clair, les êtres vivent à l’extérieur et sont actifs. La nuit est Inn, il fait froid, sombre, les êtres vivants s’enferment pour se protéger, ils sont inactifs ou dorment. Ceci est pourtant relatif, car il est des nuits d’été plus chaudes que des jours d’hiver, des nuits claires et des jours sombres, etc.
Le Inn et le Yang sont donc relatifs et il n’y a de Inn que par rapport à du Yang comme il n’y a de pauvres que par rapport à des riches et un pauvre trouve toujours plus pauvre que lui.
Il n’y a donc ni Inn ni Yang absolu et « lorsque l’un des principes atteint la culmination, le principe contradictoire germe et jaillit dans son sein » (Jung, L’homme à la découverte de son âme). Le jour succède à la nuit et la nuit au jour. Le Yang engendre le Inn et le Inn engendre le Yang. La balance est éternelle… ! Puisque tout Inn (ou Yang) n’est qualifiable qu’en fonction d’un rapport, la proportion est toujours relative : dans tout Inn il y a du Yang et tout Yang contient du Inn. La notion de Inn et de Yang est donc une notion de dualisme et de complémentarité et les Chinois ne disent jamais Inn et Yang mais bien Inn Yang ou Yang Inn. Le ciel qui contient le Soleil est Yang tandis que la terre qui par rapport à lui est froide et sombre est donc Inn. L’homme est Yang et la femme est Inn (comme la terre). Les organes creux (ou entrailles) qui sont le lieu de passage de l’énergie sont Yang ; les organes pleins, qui sont lieu de transformation ou de mise en réserve sont Inn. Nous laissons au lecteur le soin d’imaginer d’autres couples du même type.
Notons, qu’en langue chinoise, aucun mot ne peut être qualifié de masculin ou de féminin. En revanche toute chose, tout objet, toute manifestation quelconque de l’énergie est automatiquement répartie entre le Inn et le Yang. Le macrocosme est donc en équilibre Inn Yang. L’homme, microcosme, doit l’être également. Sa tête, ronde comme la voûte céleste, est Yang. Ses pieds, fermement appliqués sur le sol, sont Inn. Il participe donc du Inn et du Yang. Il est, cependant, nécessaire d’aller plus loin : attendant la levée du Soleil, face au sud, l’homme reçoit le Soleil à sa gauche. Ce côté sera donc Yang par rapport à la droite. En position fœtale, dans l’utérus de sa mère, le dos de l’enfant est à l’extérieur, il sera donc Yang. La face antérieure est alors Inn.
Nous verrons, lors de notre approche de l’acupuncture, combien ces constatations logiques sont utiles. La représentation graphique du Tao (le T’ai Tchi) résume tout ceci.
T’AI TCHI
Il s’agit d’un cercle comportant deux parties principales, l’une noire, l’autre blanche. Chacune de ces parties contient un petit cercle de la couleur opposée. La partie claire est le Yang. Il est à gauche et s’élargit à mesure qu’il se rapproche du sommet. La partie sombre est le Inn ; disposé à droite, il s’élargit du pôle supérieur vers l’inférieur. Les deux petits cercles rappellent qu’il n’y a pas de Yang sans Inn, ni de Inn sans Yang. Ainsi, une ligne passant par le centre contient autant de Inn que de Yang, et une ligne tangente au sommet contient toujours du Inn comme le rappelle symboliquement le petit cercle placé dans la figure 15. Cette figure appelle le mouvement : le blanc engendre le noir qui lui-même engendre le blanc : l’un engendre l’autre et n’existe pas sans lui. Le dessin illustre bien le sens de la circulation de l’énergie : le Yang circule suivant un courant descendant et le Inn suivant un courant ascendant. Nous retrouverons cette circulation dans les Méridiens : l’énergie des Méridiens Yang circule vers le bas, celle des Méridiens Inn vers le haut. Notons que dans la circulation sanguine le sang artériel suit un courant descendant et le retour veineux se fait de bas en haut. Le mouvement engendre la création. Comme le fait très justement remarquer Lavier, le mouvement est polaire (Inn Yang) tandis que la création est ternaire (Inn/Yang/équilibre Inn Yang). Dans le projet créatif, il y a mouvement de l’un vers l’autre, tandis que la création terminée, il y aura équilibre. Comme exemples d’architectures ternaires, nous pouvons proposer le cosmos (le ciel, l’homme, la terre) ou encore l’homme (tête, tronc, pieds). Cette notion fort importante mérite d’autres exemples : une batterie, lorsqu’elle produit du courant, engendre un mouvement d’électrons, du négatif vers le positif (et aussi un petit contre-courant inverse) ; au repos, il y a équilibre entre les charges positives et négatives. Comme définition moderne du Inn et du Yang on propose généralement — mais c’est en limiter la portée — négatif et positif. Cette loi de l’alternance et de la complémentarité, sur laquelle nous nous sommes attardés mérite certainement cette attention, car c’est grâce à elle que le médecin sait comment soigner son patient : ajouter du Inn ou du Yang. Elle permet également de comprendre pourquoi certains traitements ne sont efficaces qu’en certaines saisons et pourquoi certaines maladies sévissent à des époques précises. Cette loi, partie intégrante de la civilisation chinoise, s’illustre bien en histoire. Puisqu’il y a alternance et changement,
à une période historique mauvaise doit nécessairement succéder une période meilleure et ainsi il devient logique de dénigrer la période précédente. Les exemples en sont nombreux dans l’histoire de la Chine.
Les Méridiens, Tching, ou vaisseaux, permettent la circulation de l’énergie et du sang. Les nombreuses traductions du mot chinois Tching désignant les Méridiens ont jeté la confusion dans les esprits et actuellement on considère que les Méridiens sont un support immatériel, conducteur d’énergie. Ceci est faux non seulement du point de vue de l’acupuncture mais également du point de vue philologique. La meilleure traduction serait vaisseaux et on en distinguerait de plusieurs types : les uns conduisant l’énergie (les actuels Méridiens), les autres conduisant le sang (nos vaisseaux). En faveur de cette thèse on peut citer l’existence d’aiguilles chinoises destinées à provoquer une saignée (comment saigner un Méridien virtuel ?) et, d’autre part, les textes classiques qui disent que les Tching conduisent l’énergie et le sang. Les travaux chinois récents ont, par ailleurs, montré que les Méridiens sont en rapports étroits avec les vaisseaux (y compris les vaisseaux lymphatiques) et les nerfs. La sensation d’acupuncture, dont nous parlerons plus tard, serait provoquée par une réaction complexe mettant en jeu ces différentes structures : elle serait surdéterminée. La structure des vaisseaux, leur rôle et leur fonction étant bien connus en médecine occidentale, nous ne nous occuperons donc que de l’aspect énergétique (ce qui est d’ailleurs l’originalité de l’acupunture) et conserverons le terme de Méridien. Le nombre total de Méridiens n’est pas comme on l’affirme souvent de quatorze mais bien de cent huit 16. Nous reviendrons sur leur description plus tard.
Les textes classiques disent que les Méridiens permettent la vie de l’homme, là se forment les maladies et c’est par eux que l’on peut guérir. Que sont ces Méridiens ? Ils consistent en une chaîne privilégiée de points par lesquels circule l’énergie d’une fonction. Il existe des Méridiens principaux qui appartiennent à un organe : en effet ce sont les seuls à le traverser. Ces Méridiens sont au nombre de douze. À ces Méridiens principaux, il faut ajouter un énorme réseau interconnecté. Ce réseau comme tout système électronique contient des régulateurs, des dissipateurs, des circuits d’alarme. L’énergie qui y circule peut être bloquée en un quelconque endroit : s’accumulant en amont elle provoquera de la douleur, le manque en aval provoquera la faiblesse de l’organe déficitaire. Le rôle de l’acupuncteur est de maintenir (notion prophylactique !) ce circuit en bonne condition ; pour cela il doit veiller, en pratiquant des tests (comme la prise du pouls), à la juste répartition de l’énergie. Lorsqu’un circuit est bloqué, il en provoque la dérivation en agissant sur plusieurs points.
Le corps, on le voit, pour l’acupuncteur, ressemble étrangement à un circuit électronique et l’énergie circulante serait de nature électromagnétique. Nous pourrions pousser l’analogie plus loin mais le lecteur, non-électronicien, n’en aurait aucun bénéfice. Puisque l’énergie circule dans les Méridiens et que les Méridiens sont interconnectés, il est dès lors possible d’agir à distance. Depuis peu l’homme s’étant familiarisé avec cette notion d’action à distance (quel appareil électronique ne dispose de sa télécommande ?), celle-ci ne l’étonne plus ; ce n’était pas le cas il y a seulement quelques années ! Cette possibilité explique que l’acupuncteur enfoncera des aiguilles au niveau des pieds, par exemple, pour soigner une maladie de la tête. La plupart des points ont des actions et des fonctions qui leur sont propres ; certains points sont stimulants, d’autres sont inhibiteurs, d’autres encore facilitent le drainage de l’énergie dans un autre vaisseau. C’est la connaissance de l’action des points sur l’ensemble du circuit qui fait la beauté et la difficulté du geste d’acupuncture. Cette connaissance suppose, non seulement la parfaite maîtrise du trajet des Méridiens, mais nécessite également de bien connaître les points et leurs actions sur l’ensemble du réseau énergétique.
Classification des Méridiens
Nous l’avons vu, les Méridiens sont au nombre de cent huit et se répartissent en cinq groupes.
Des documents découverts récemment en Chine montrent que la théorie des Méridiens a précédé la découverte des points. Les récits de la naissance de l’acupuncture, suivant lesquels l’homme soulagé d’une douleur ancienne, par une flèche qui lui aurait traversé un point, se serait mis à la recherche d’autres points actifs, pour enfin les grouper en Méridiens, doivent donc être revus. Certains auteurs pensent que la découverte des points aurait surgi comme suite à la constatation de l’action bénéfique des tatouages sur certaines maladies. Les tatouages chinois obéissent à des lois très strictes (l’étiquette du Tao) et une étude les mettant en parallèle avec les réseaux d’acupuncture nous renseignerait certainement sur le sens de certains d’entre eux.
Groupe 1 : les douze Méridiens principaux
Ils s’étendent à la poitrine, au dos, aux quatre membres, au visage et à la tête. Ils sont bilatéraux et symétriques. Leur nombre total est donc de vingt-quatre. En principe ils sont longitudinaux mais certains de leurs trajets sont transverses. Six Méridiens sont Inn et six autres sont Yang. Dans la circulation de l’énergie, ils se suivent par paires : deux Méridiens Inn sont suivis par deux Méridiens Yang. Chaque Méridien principal pénètre l’organe auquel il correspond. Au lieu de les considérer par paire de même nature, on peut, également, les considérer par paire opposée; ainsi chaque Méridien Inn est lié à un Méridien Yang : ce sont les Méridiens couplés. L’un correspond à un organe plein et l’autre à un organe creux. L’un est producteur et l’autre est réceptacle. L’un est Tsang et l’autre est Fou. L’un est Inn et l’autre est Yang. Les Méridiens principaux sont les plus profondément enfouis. Remarquons que les Méridiens couplés (unis également par des vaisseaux secondaires) se reflètent au même segment de l’artère radiale (voir plus loin : pulsologie). Les Méridiens ont reçu leur nom en fonction de l’organe dans lequel ils pénètrent. Les douzes Méridiens principaux sont nommés :
Le Méridien Triple Réchauffeur et le Méridien Maître du Cœur seraient appelés dans un langage plus moderne système parasympathique et système orthosympathique. Ils forment d’ailleurs, comme le système sympathique, un couple d’équilibre.
Groupe 2 : les douze Méridiens distincts
Ils portent le même nom que les Méridiens principaux auxquels ils sont rattachés, et qu’ils doublent, en quelque sorte. Ils débutent au-dessus des coudes et des genoux et plongent à l’intérieur du corps pour relier le Méridien principal au viscère correspondant. Ainsi, ils naissent en surface puis plongent en profondeur. Après avoir relié l’organe auquel ils se rattachent, ils sortent de la profondeur et se répartissent à la tête et au cou. Il s’agit donc d’une circulation ascendante qui se termine à la tête en un point commun. Ils sont donc, eux aussi, au nombre de vingt-quatre.
Groupe 3 : les huit Méridiens curieux
On les appelle aussi parfois merveilleux vaisseaux. Ils sont curieux en ce sens qu’ils n’ont pas de points qui leur sont propres : ils empruntent leurs points aux autres Méridiens. Ainsi, leurs trajets seront-ils, eux aussi, curieux : tantôt longitudinaux, tantôt transversaux ; certains zèbrent le corps en plein milieu, d’autres le parcourent de haut en bas. Ces vaisseaux possèdent également des branches aberrantes qui se perdent dans les téguments et sont vraisemblablement responsables des trajets douloureux inexpliqués par nos connaissances. Ces vaisseaux sont également merveilleux par leurs propriétés. En effet, à l’état d’équilibre de l’organisme, ils sont virtuels mais naissent dès que de l’énergie en excès perturbe le circuit de base. Ensuite, lorsque les circonstances le permettent, ils déversent cette énergie pour qu’elle reprenne un cours normal.
Ce sont donc de merveilleux régulateurs d’énergie : circuits de sécurité perfectionnés puisqu’ils permettent de réutiliser l’énergie récupérée. Ils possèdent des points de commande qui sont les points Lo et le point Maître (voir plus loin).
Notons, et ceci explique sans doute leur rôle de régulateur, que le point Maître n’est pas toujours situé sur le Méridien curieux. Les particularités de ces points Maîtres sont extraordinaires : on puncture ce point dans le but d’ouvrir le Méridien afin qu’il absorbe l’énergie en excès. Normalement ce point s’ouvre seul ; en cas d’anomalie c’est à l’acupuncteur de l’ouvrir. Si on désire utiliser un point quelconque du Méridien curieux, il est nécessaire de stimuler au préalable le point Maître. En effet, la stimulation d’un point qui appartient au Méridien principal et au Méridien curieux n’aura, dans le cas contraire, que les effets propres au Méridien principal. Pour obtenir l’effet du Méridien curieux, il est nécessaire de le déverrouiller en stimulant le point Maître. L’acupuncture n’est-elle pas proche de l’électronique ? Des circuits de sécurité, des circuits verrouillés !
Les Méridiens curieux ont également pour mission d’équilibrer la gauche et la droite. Des huit Méridiens curieux nous n’en citerons que deux : Tou Mo et Jenn Mo (nous consacrerons quelques lignes à Tchong Mo, autre Méridien curieux, dans la seconde partie de ce volume dans l’article consacré à l’acupressing et l’amour).
L’école française appelle le Méridien Tou Mo : Vaisseau Gouverneur ; le Jenn Mo est le Vaisseau Conception. Ces deux vaisseaux curieux sont particuliers en ce qu’ils sont, contrairement aux autres, toujours parcourus par de l’énergie. De plus, ils ont des points propres. Ils déterminent ce qu’on appelle la petite circulation. Le Tou Mo est le vaisseau Maître des Yang et son point clé sera donc situé au niveau Yang le plus élevé : sur le Tae Yang (pour les niveaux d’énergie voir plus loin).
Le Jenn Mo est le vaisseau Maître des Inn et son point clé sera donc situé au niveau Inn le plus élevé : sur le Tae Inn.
Le Tou Mo, Yang par excellence, sera donc situé à la partie postérieure du corps et le Jenn Mo, lui, sera sur sa partie antérieure. Il semblerait également que ces deux vaisseaux créent l’équilibre sexuel et sont un signe de la bisexualité en chacun de nous. Nous verrons dans la partie consacrée à l’acupressing combien le Jenn Mo est utile pour soigner les misères sexuelles. La pathologie des Méridiens curieux est, elle aussi, particulière. Régulateurs d’énergie, ils n’existent que durant les brèves périodes où l’énergie est en excès (à l’exception, bien entendu, de Jenn Mo et de Tou Mo). Toute douleur fulgurante, aiguë, doit donc nous faire songer à une pathologie du Méridien curieux. L’interrogatoire minutieux du malade sur la fréquence de sa douleur, son heure maximale, son trajet, son style donne au médecin acupuncteur de nombreux renseignements quant à son origine et lui permet de mieux choisir les points à stimuler. Les signes évolutifs lui permettant de prévoir une évolution favorable ou défavorable dépendent du degré d’atteinte du Méridien (tronçon ou entièreté) et de la nature de celui-ci (Méridien superficiel, profond, tendino-musculaire, voir page 44).
Groupe 4 : les vingt-huit Méridiens Lo
Les Méridiens Lo sont des Méridiens secondaires, transversaux et situés près de la surface du corps. Les Lo principaux, nommés par les Chinois Grands-Pères, donnent naissance à des branches au nombre de douze (Pères) qui se donnent de fins rameaux (Petits-Fils). Ceux-ci donnent naissance à de très fins capillaires qui émergent à la surface des téguments. Le réseau est ainsi organisé comme le réseau vasculaire sanguin qui donne artères, artérioles et capillaires.
Douze de ces Méridiens sont rattachés aux Méridiens principaux, le treizième est rattaché à Jenn Mo, le quatorzième à Tou Mo. Les deux derniers sont le Grand Lo de la Rate et celui de l’Estomac.
Chaque Méridien Lo porte le nom du Méridien principal auquel il appartient. Les Méridiens Lo naissent au niveau des chevilles et des poignets. Disposés transversalement, ils joignent les Méridiens couplés. Le Lo de Jenn Mo sort de l’apophyse xiphoïde et se répand sur la paroi de l’abdomen. Le Lo de Tou Mo sort du coccyx et se dirige vers la tête.
Le Grand Lo de la Rate sort du creux axillaire et s’étend vers la poitrine. Il émet des ramifications très fines sur tout le corps et est le Maître de tous les Lo.
Le Grand Lo de l’Estomac émerge sous le sein gauche, traverse le diaphragme et se relie aux poumons. La topographie des Lo peut, elle aussi, aider au diagnostic d’une douleur. Étant donné que les Méridiens principaux sont bilatéraux, leur nombre est donc de vingt-huit.
Groupe 5 : les Méridiens tendino-musculaires
Suivant la tradition les Méridiens suivent des vallées : la tradition nous apprend que « ce qui court entre les muscles ou entre les os et un muscle, c’est un Méridien ». Le Docteur Charrière, chirurgien français, passionné d’anatomie et d’acupuncture, a consacré plusieurs années à l’étude des Méridiens et à la localisation des points. L’anatopuncture qui résulte de ses études illustre bien ce trajet des Méridiens dans les zones de clivage et la localisation des points en des endroits anatomiquement bien précis. La tradition dit également que le Méridien tendino-musculaire est Yang par rapport à son Méridien principal ; il est donc superficiel par rapport à lui. Nous avons déjà montré que les Méridiens principaux sont les plus profondément enfouis. Le Méridien tendino-musculaire part du point Tsing (voir plus loin) du Méridien principal (avec comme direction centripète) et forme une sorte de ruban qui surplombe grosso modo le Méridien principal. Sa largeur est variable suivant le trajet. Pour le Docteur Mussat, médecin radiologue, acupuncteur français, le Méridien tendino-musculaire est le toit du triangle électrolytique dont la pointe se trouve être le
Méridien lui-même. Méridiens secondaires des Méridiens principaux, ils sont également au nombre de douze. Leur caractéristique principale est de joindre les quatre membres au corps, au niveau de la poitrine et du thorax, mais sans pénétrer les entrailles (organes et viscères). Rappelons que seul le Méridien principal pénètre dans l’organe (d’où son nom) ; d’autres Méridiens se contentent de le lécher. Les Méridiens tendino-musculaires se réunissent entre eux en plusieurs points et notamment au niveau des organes génitaux.
Systématique des Méridiens
Le nombre total des Méridiens est donc bien comme annoncé de cent huit :
24 Méridiens principaux ;
24 Méridiens distincts ;
8 Méridiens curieux ;
28 Méridiens Lo ;
24 Méridiens tendino-musculaires.
Circulation de l’énergie dans les Méridiens
Le réseau de Méridiens que nous venons de décrire est parcouru toute la journée par de l’énergie (nous reviendrons sur ce qu’il faut entendre par ce terme plus loin). Cette énergie circule en superficie et en profondeur dans un sens bien déterminé. Pour prendre un exemple simple supposons deux réseaux d’autoroutes ; le second étant superposé (grâce à la construction de viaducs, de ponts, etc.) au premier. Les automobiles ne peuvent circuler que dans un sens et de nombreuses sorties, vers les routes de moindre importance, sont disséminées le long des deux voies principales. Des bretelles disposées en des endroits stratégiques mettent en communication les deux autoroutes suivant un trajet également imposé. Dans le corps, l’énergie circule également de la même manière : deux autoroutes et de nombreuses routes accessoires. Le sens est imposé, et l’énergie ne quitte les voies qu’en des points bien précis.
La voie superficielle de circulation est celle des douze Méridiens et nous avons donné l’ordre de passage de l’énergie dans cette voie superficielle :
Poumons Gros Intestin Estomac Rate Cœur Intestin Grêle Vessie Reins Maître du Cœur Triple Réchauffeur Vésicule Biliaire Foie Poumons
La voie profonde, rendue possible par l’existence des nombreux Méridiens secondaires est celle qui nous est donnée par l’ordre des pouls (voir plus loin). En plus de ces deux grandes voies il existe, nous l’avons vu, des voies de délestage que sont les Méridiens curieux. L’énergie circule dans les Méridiens suivant un horaire bien précis : elle passe deux heures dans le premier Méridien, ensuite deux heures dans le suivant et ainsi en vingt quatre heures elle a circulé dans tous les Méridiens et peut recommencer son cycle. Chaque Méridien est donc en plénitude d’énergie durant deux heures mais aussi en vide d’énergie durant la même durée (au moment où l’énergie est la plus éloignée de lui). L’existence d’une double circulation, régulièrement rythmée, donne lieu à des rapports privilégiés entre certains Méridiens ; c’est ce que les Chinois ont décrit dans un langage symbolique.
Rapports privilégiés dans le réseau des Méridiens
Ce rapport se manifeste, rappelons-le, du fait de la double circulation de l’énergie et de sa rythmicité. Les Chinois décrivent ainsi des rapports époux/épouse, midi/minuit, mère/fils. À ceux-ci, il convient d’ajouter les rapports entre les deux branches d’un même Méridien et les Méridiens couplés. Ainsi, à l’organisation anatomique du réseau de base, grâce aux nombreuses anastomoses, se superpose une organisation énergétique. Ces rapports ne sont pas sans intérêt dans le traitement et, si l’on désire, par exemple, disperser un organe dont l’énergie est en excès, on pourra soit tonifier l’organe qui lui répond dans le rapport midi/minuit, soit encore celui qui lui répond au niveau du rapport époux/épouse. La tonification de l’un ne pouvant se produire sans la dispersion de l’autre puisqu’il s’agit d’un circuit fermé de circulation d’énergie.
Il s’agit de deux Méridiens de même nature (Inn ou Yang), situés dans une même portion du corps (membres supérieurs ou inférieurs). Leur rapport se manifeste au niveau du pouls : ils battent identiquement sur le même segment de l’artère radiale. Le pouls gauche qui bat le plus fort est l’époux, le droit étant alors l’épouse.
2. Rapport midi-minuit
Il s’agit de deux Méridiens de nature différente et séparés par cinq autres Méridiens. L’un est en plénitude d’énergie tandis que l’autre est en minima.
3. Rapport mère-fils
Ce rapport existe pour la circulation superficielle et pour la circulation profonde. Le Méridien qui envoie l’énergie est la Mère, celui qui la reçoit est le Fils.
4. Méridiens couplés
Dans la grande circulation superficielle, un Méridien Inn suit un Méridien Yang, le Méridien Yang qui lui est adjacent est lui-même suivi par un Méridien Inn ; ceci, suivant la formule : Inn — Yang — Yang — Inn — Inn — Yang — Yang — Inn — Inn — Yang — Yang — Inn.
Les couples de Méridiens de polarité différente sont les Méridiens couplés. Notons qu’ils se reflètent au niveau du pouls : l’un est superficiel et l’autre profond. Remarquons également que l’un appartient à un viscère et l’autre à un organe (voir plus haut, page 40, Tsang et Fou).
5. Rapport entre deux branches d’un même Méridien
Les douze Méridiens droits, sont unis aux douze Méridiens gauches par des vaisseaux transversaux (vaisseaux Lo). Notons que le réseau que nous venons de décrire et dans lequel circule l’énergie se rencontrerait également dans tout le règne vivant. Le Docteur Borsarello rapporte dans son ouvrage sur l’acupuncture et l’Occident (8-59) une petite expérience encore inexpliquée, sur la tomate. Si on soumet un secteur de tomate à un faisceau concentrique de rayons ultraviolets, il apparaît une petite tache jaune sur la tomate à l’endroit d’impact de ces rayons ; ceci est normal. Ce qui l’est moins, c’est qu’une tache identique apparaît sur la partie symétrique du légume (et non sur le diamètre). La seule hypothèse est qu’il existerait dans la tomate un réseau d’acupuncture, comme chez l’homme.
On sait d’ailleurs, depuis peu, combien le règne végétal est sensible aux influences électromagnétiques.
Les points ou « puits » (Hsueh) sont disséminés sur toute la surface cutanée et n’ont actuellement pas de base anatomique connue.
De nombreux travaux ont été faits dans ce but et en dehors du fantaisiste système coréen de Kyeungrag (corpuscules Bonghan), aucune recherche anatomique précise n’a abouti. On sait, cependant, qu’anatomiquement les points figurent en des endroits de dépression ; un certain vide existe sous eux. Les derniers travaux chinois montrent qu’ils sont situés en des endroits où la concentration en filets nerveux, vaisseaux sanguins, lymphatiques et récepteurs cutanés est maximale. Puisque les points doivent assurer le contact entre le microcosme et le macrocosme, il est naturel de les trouver sur la peau, à faible profondeur. Rappelons que la peau est non seulement le contact entre le microcosme et le macrocosme, mais elle est également lieu de contact entre l’homme et ses semblables ; de plus elle reflète souvent, non seulement les troubles physiques mais, également, les troubles psychiques. Nombre de ces derniers ont une répercussion au niveau de l’épiderme et du derme ; il n’entre, cependant, pas dans le cadre de cet ouvrage d’en faire un exposé. Il semblerait (plusieurs l’affirment !) qu’un acupuncteur expérimenté puisse sentir le point par la palpation, il est en creux.
Les points existent dès la naissance et persistent chez le cadavre jusqu’à la décomposition de la peau. Les points sont soit situés sur les Méridiens, soit encore hors Méridiens (points extraordinaires). Le Docteur Grall a constaté qu’après une greffe de peau, la topographie des points d’acupuncture et des Méridiens demeure invariable. Le greffon séparé de son territoire d’origine perd ses propriétés initiales et acquiert celles de la région greffée. Cependant, indépendamment des modifications que peut subir un territoire cutané sous l’action de l’énergie circulante, les points ont bien une individualité propre. C’est ce qu’a démontré le Docteur Niboyet qui écrit : « Les points persistent chez le cadavre aussi longtemps que se conserve l’intégrité de la peau. Ils sont même plus apparents électriquement, car la différence de résistance à l’électricité entre les points et le tégument environnant est plus grande chez le cadavre que chez le vivant ». (63-31)
Lorsqu’on se rend pour la première fois chez un acupuncteur, on se pose naturellement de nombreuses questions. La séance d’acupuncture manque souvent, par elle même, d’exotisme mais un petit objet (pourtant résolument moderne) étonne les patients. Cette sorte de crayon, que le médecin balade sur la peau, se met parfois à clignoter ou encore déclenche une sonnerie.
Qu’est-ce donc ? Cet appareil bien peu mystérieux en regard du lecteur de DVD, des téléphones portatifs et de nombreux appareils électroménagers est un détecteur électrique de points d’acupuncture. L’appareil le plus simple se compose d’un petit circuit intégré enfermé dans un boîtier duquel s’échappe un fil terminé par une pointe métallique (électrode). Cette pointe, appelons-la crayon, est surmontée d’une petite lampe. Le médecin balade ce crayon sur la peau et parfois la petite lampe s’allume : un point d’acupuncture est détecté. En fait, l’appareil envoie un très léger courant électrique à travers la peau, si la résistance de celle-ci est importante le courant ne passe pas ; par contre, si la résistance est faible le courant traverse la peau et revient vers l’appareil. En revenant, il excite une petite diode qui s’allume. Ce système repose sur une grande découverte dont un médecin français, le Docteur Niboyet, a fait sa thèse de doctorat en physique : les points d’acupuncture sont des points de moindre résistance électrique. Le lecteur imaginera facilement les nombreuses difficultés surmontées par le Docteur Niboyet pour arriver à un résultat crédible ; contentons-nous de citer une partie de ses conclusions : « Il peut sembler banal et normal que dans chaque zone de quelques centimètres carrés on trouve un point de résistance inférieure à celle présentée par tous les autres points. L’originalité de ces localisations est liée à deux faits importants que nous énonçons :
1. Tous les points localisés avec exactitude sur des zones symétriques du corps à droite et à gauche sont rigoureusement symétriques et ceci dans 90 % des cas (…).
2. Tous les points localisés se superposent dans 90 % des cas d’une manière rigoureuse avec ceux décrits par la tradition chinoise comme étant des points d’acupuncture. Aussi ces points semblent jouir de propriétés vraiment particulières puisque :
leur résistance faible ne peut être expliquée par des considérations classiques ;
leur existence se retrouve d’une manière rigoureusement symétrique sur le corps humain ;
leur localisation coïncide avec celle décrite par la tradition chinoise. » (Niboyet, 64-250).
Le Docteur Niboyet a également démontré que si l’on mesure deux points entre deux électrodes, la résistance obtenue est toujours plus faible lorsque les deux points appartiennent à un Méridien que s’il s’agit de points hors Méridien. Il existe donc des trajets de moindre résistance électrique, qui sont les Méridiens.
Localisation des points dans l’Antiquité et aujourd’hui
Le lecteur sait, maintenant, qu’il est possible de localiser les points d’acupuncture par l’électronique, mais il se demande, certainement, comment on pratiquait avant cette découverte ?
Trois méthodes étaient utilisées.
La première méthode, celle de l’unité proportionnelle, consistait à diviser la longueur ou la largeur du corps en un nombre déterminé de parties égales entre elles. Chaque partie est l’unité proportionnelle appelée Tsoun.
La seconde méthode consistait à utiliser les doigts du patient comme étalon suivant la règle illustrée ci-après :
La dernière méthodeutilisait les repères naturels.
Actuellement, toutes ces méthodes ont été détrônées par la détection électronique. Celle-ci se fait chez l’homme et chez l’animal. Elle a déjà permis la découverte de nouveaux points et permet de dresser des cartographies précises pour tous les animaux (les Chinois n’ont de carte que pour les animaux utilitaires). 18
De plus, en auriculothérapie (c’est-à-dire en acupuncture de l’oreille, voir plus loin), la détection des points permet également de poser un diagnostic. De nombreuses équipes dans le monde ont travaillé à mettre au point un appareil sensible mais maniable et capable de dresser des cartes de points. Parmi ces travaux, il faut retenir ceux du Docteur Voll, médecin allemand, dont les recherches sur l’électroacupuncture sont encore peu connues en France mais dont les découvertes portant sur les correspondances anatomiques sont intéressantes.
Action énergétique des points
Le médecin qui utilise telle ou telle programmation de points pour soigner le malade, le fait car il sait que les points ont tous un rôle énergétique propre. Ainsi, grâce à sa programmation, il espère obtenir le meilleur résultat. Au début de l’anesthésie par acupuncture les médecins chinois utilisaient de nombreuses aiguilles ; aujourd’hui, ils n’en utilisent plus que trois ou quatre. Le bon médecin acupuncteur est celui qui en place peu ; il connaît le rôle de chaque emplacement et n’est donc pas obligé de truffer le corps d’aiguilles pour obtenir un bon résultat. 19 En médecine occidentale, également, il est rarement nécessaire de prescrire de nombreux médicaments. Lorsqu’on connaît bien une maladie, le traitement en est codifié et une à trois drogues suffisent. Par contre si la maladie est encore mystérieuse, ou le médecin inexpérimenté, il est nécessaire de procéder à de nombreux essais médicamenteux. Nous pensons que le lecteur sera intéressé par une brève description des principaux points caractéristiques d’un Méridien. Dans cette description nous signalons l’action du point au niveau de la circulation de l’énergie. Nous espérons que maintenant déjà, le lecteur a conscience que le bon médecin acupuncteur ne se contente pas de stimuler des points selon « des recettes toutes faites » mais qu’il crée un programme personnalisé pour chacun de ses patients en fonction de très nombreux critères qui nécessitent un examen minutieux du malade et une connaissance très sérieuse des règles de l’acupuncture.
1. Point Yunn
C’est le point de base du Méridien. Son excitation provoque une régularisation de l’énergie dans le Méridien. De plus, ce point est souvent utilisé pour renforcer l’action produite par l’excitation des autres points.
2. Point de Tonification
Ce point, comme son nom l’indique, tonifie le Méridien. L’excitation de ce point augmente l’amplitude du pouls en rapport. Nous donnons plus loin, la manière de calculer ce point, ainsi que le suivant.
3. Point de Dispersion
Ce point provoque la dispersion de l’énergie. Son excitation diminue l’amplitude du pouls correspondant au Méridien.
4. Point Lo
C’est le point de passage qui, par l’intermédiaire du vaisseau secondaire, relie un Méridien à son Méridien couplé. La stimulation de ce point provoque l’égalisation de l’énergie dans deux Méridiens couplés et entre deux branches d’un même Méridien (voir la troisième partie : les travaux de Becker, page 179).
5. Point d’Entrée
C’est le premier point à recevoir l’énergie.
6. Point de Sortie
C’est par lui que l’énergie quitte le Méridien ; il est à noter qu’il ne s’agit pas toujours du dernier point du Méridien.
7. Point Mo
C’est le point Héraut de la nomenclature française. Ce point fait l’objet d’une étude particulière dans le paragraphe suivant.
C’est le point Assentiment des Français. Nous lui réservons également une étude plus détaillée.
9. Point Centre Réunion
Ce point agit sur plusieurs Méridiens simultanément.
10. Point Tsing
C’est le point de départ du Méridien tendino-musculaire. À ce point, ainsi qu’aux points suivants, nous réserverons quelques lignes dans le chapitre consacré à la loi des cinq éléments.
11. Point Yong
C’est le point d’accélération de l’énergie.
12. Point Yu
C’est le point d’absorption ; c’est par ce point que pénètre essentiellement l’énergie perverse.
13. Point King
Ce point a une double fonction ; il agit comme point d’accélération et, d’autre part, il transporte l’énergie en profondeur.
14. Point Tsri
C’est le point de désobstruction ou de déblocage de l’énergie.
15. Point Ho
Ce point est placé aux endroits des grandes articulations du coude ou des genoux et agit comme point de dispersion. Il signale également une modification de trajet du Méridien.
Le remarquable système des points Yu et Mo
Il existe sur la face antérieure du corps et sur le dos une série de points qui ont la propriété remarquable de donner des informations sur les organes et d’agir sélectivement sur les organes des sens. Les uns agissent particulièrement dans les maladies aiguës, les autres sont actifs pour les maladies chroniques.
1. Les points Mo : points de diagnostic
Ceux-ci sont désignés par les acupuncteurs français sous le nom de points Héraut (car ils attirent l’attention sur la maladie comme le joueur de trompette annonce l’arrivée du chef) et sont situés sur la face antérieure du corps : thorax et abdomen. Ce sont des points de condensation de l’énergie de l’organe sous-jacent. Ils sont parfois spontanément douloureux et indiquent dès lors que l’organe auquel ils correspondent est malade. Tous les Méridiens principaux ont un point Mo, à l’exception du Méridien Maître du Cœur et du Triple Réchauffeur (certains travaux décrivent cependant pour ce dernier quatre points Mo).
Il y a donc dix points Mo sur la face antérieure. Tous les points d’acupuncture sont douloureux lorsqu’il y a une pathologie de l’organe, mais les points Mo, points de concentration de l’énergie, présentent cette particularité de façon quasi constante. Remarquons que la plupart du temps les points Mo ne se situent pas sur le Méridien principal de l’organe mais bien sur un autre Méridien ; très souvent sur le Jenn Mo (quatre fois). La stimulation des points Mo provoque un afflux d’énergie dans le Méridien.
2. Les points Yu : points de traitement
Les points Mo, points de diagnostic, sont complétés par les points Yu, points de traitement. Ces points appartiennent au Méridien de la Vessie, ils sont donc situés sur le dos parallèlement aux ganglions sympathiques paravertébraux.
Ces points — également douloureux s’il y a une pathologie d’organe — agissent directement sur l’organe malade. En France, on les appelle points Assentiments car ils apportent leur assentiment, leur collaboration au traitement du malade par les points principaux. Alors que les points Mo sont douloureux dans les états aigus, les points Yu sont davantage en rapport avec les états chroniques.
Ces points sont également utiles pour traiter les organes des sens. Lors de l’étude de la loi des cinq éléments, nous insisterons sur les rapports entre les organes et les organes des sens ; signalons simplement ici que le foie est en rapport avec les yeux (le premier signe d’une hépatite n’est-il pas la coloration jaune des conjonctives ?) et le rein avec les oreilles (ce que l’embryologie confirme). Ainsi on agira sur le point Yu du Foie pour traiter les yeux et le point Yu des reins pour soigner les oreilles.
Il existe treize points Assentiment qui correspondent aux douze Méridiens principaux et au Méridien curieux Tou Mo (Vaisseau Gouverneur). Une de leurs propriétés est de calmer la douleur et ils seront donc très utiles dans les douleurs d’organes comme, par exemple, les crises hépatiques.
L’énergie ou Tchi est définie par les classiques comme ce qui est impalpable et abstrait. L’énergie est à l’origine de toute matière concrète ; elle est donc une manifestation du Tao. L’énergie ne se voit et ne se comprend qu’à travers des modifications matérielles. On rejoint ainsi le concept moderne comme quoi énergie et matière sont de même nature. La première constatation de l’existence d’une énergie fut faite chez certains sujets qui, lors de la stimulation des points, disaient sentir quelque chose qui passe de l’endroit de la stimulation vers une autre région, située sur le Méridien. Nous pouvons nous imaginer la sensation perçue ; elle doit être semblable à celle que l’on ressent par l’application d’un léger courant sur une muqueuse. L’observation de cet effet a permis de constater que la stimulation d’un point donnait toujours le même trajet de passage ; suivant le Méridien stimulé, la direction de l’énergie était soit centrifuge soit centripète. C’est cette énergie, ressentie par la stimulation des points, qui circulerait dans le corps en empruntant le trajet des Méridiens.
Pour les Méridiens Yang, elle se dirige vers le bas ; pour les Méridiens Inn sa direction est le ciel.
Le réseau de Méridiens que nous avons précédemment décrit lui permet un trajet complet, tant en superficie qu’en profondeur.
Le Tchi
Ce phénomène de propagation d’une sensation a beaucoup intéressé les médecins chinois actuels et, lors de l’important congrès de Pékin (1979), il fit l’objet de nombreuses communications. Normalement dès qu’une aiguille pénètre dans la peau à la profondeur requise, on observe une sensation de gonflement, d’engourdissement, de lourdeur, de picotement ; c’est, nous l’avons dit, le Tchi. Ce phénomène dépend de nombreux facteurs tels que l’emplacement du point choisi, la profondeur de l’aiguille, la constitution du sujet. Dans l’ouvrage classique de l’Académie de médecine traditionnelle de Chine, il est dit : « Par exemple, quand on pique les points situés sur la tête et la face, le patient ressent très souvent une dilatation ; la sensation d’engourdissement est facilement produite aux endroits où les parties molles sont épaisses ; la sensation de douleur est souvent éprouvée lorsqu’on pique les points situés sur la paume de la main ou sur la plante du pied et sur le bout des doigts ou des orteils ; la sensation de douleur fulgurante irradiée à distance provient souvent de la piqûre sur des points des membres ». Le Docteur Niboyet signale que le patient qui éprouve facilement le Tchi aura de bonnes chances d’être anesthésié par l’acupuncture ; par contre, s’il ne ressent pas le Tchi, il y a de fortes probabilités pour qu’il soit acupuncturorésistant. Aux Symposia de Pékin (1979), les médecins chinois ont fait remarquer que cette sensation dépend également de la présence à l’endroit stimulé d’une structure nerveuse ; il leur semble que cette recherche devrait même faire partie de tout examen neurologique. En effet, même en cas de perte totale de la sensibilité, l’existence de cette sensation plaiderait en faveur d’une certaine continuité anatomique du nerf. Ayant à leur actif plus de 3000 opérations par acupuncture concernant la chirurgie maxillo-faciale (et 1500 opérations sur les membres), les médecins chinois estiment que pour obtenir une bonne analgésie, il est absolument nécessaire d’obtenir ce Tchi. Ce phénomène de sensation propagée le long des vaisseaux serait, selon certains, à l’origine même de la découverte de l’acupuncture. Des découvertes archéologiques récentes prouvent, par ailleurs, que la théorie des Méridiens a précédé celle des points. Ce phénomène peut également être déclenché par la simple pression des points. Notons que ce phénomène n’est vraiment net que dans 2 % des cas et inexistant dans 80 % (statistique chinoise portant sur 80 000 personnes). Ne désespérez donc pas si vous ne parvenez pas à le reproduire. Il semblerait que cette sensation est plus nette chez le malade que chez le bien portant, mais on ne possède pas de statistiques. La largeur de cette sensation va de 1 cm (sur les membres) à 10 cm (sur le tronc). Sa vitesse de propagation est variable et il faut parfois une heure pour qu’elle suive le trajet d’un Méridien. Ajoutons que des sensations identiques ont été produites par des tumeurs ou des stimulations des lobes pariétaux ; l’exérèse de la tumeur les fait disparaître : il y a donc, implication du cortex cérébral dans leur diffusion. En fin de compte, on suppose que cette sensation résulterait de la synthèse des sensations engendrées par la stimulation des filets nerveux, des capillaires, des lymphatiques et des éventuels récepteurs cutanés situés à cet endroit. Il s’agirait donc de l’intégration de nombreuses sensations éparses.
Circulation de l’énergie
Rappelons que celle-ci effectue un cycle complet en vingt-quatre heures. Chaque Méridien est en plénitude ou en vide durant deux heures. Ce sont les heures où l’organe est soit en plénitude, soit en déplétion qui sont propices aux accidents. Pour terminer, signalons que les Chinois distinguent trois types d’énergie qui sont l’énergie de défense, Wei ou Oe, contre les agressions extérieures, l’énergie Iong qui provient de l’assimilation des aliments et l’énergie Tsing qui est l’énergie ancestrale, celle transmise par les parents, laquelle se perpétue de génération en génération. Un parallèle entre cette conception et les vues modernes peut aisément être dressé. L’énergie globale qui circule dans le corps se transforme en énergie spécifique pour chaque organe ou fonction.
Tout mouvement est binaire et toute architecture est ternaire, ainsi que nous l’avons expliqué plus haut. L’homme, architecture ternaire de référence, présente donc trois étages d’énergie et sa décomposition, même moléculaire, aboutit, ainsi que le prouvent les expériences modernes, à une architecture à trois niveaux. En acupuncture, on distingue trois niveaux d’énergie Yang et trois niveaux d’énergie Inn. Le Yang suprême étant le plus superficiel (extérieur) de ces niveaux. Chaque Méridien possède un niveau d’énergie et c’est ce niveau qu’indique la désignation chinoise du Méridien. Il y a donc six niveaux énergétiques (à comparer aux hexagrammes). Les trois niveaux Yang sont :
le Yang suprême : Tae Yang ;
le Yang moyen : Chao Yang ;
le Yang inférieur : Yang Ming.
Les trois niveaux Inn sont :
le Inn suprême : Tae Inn ;
le Inn moyen : Chao Inn ;
le Inn inférieur : Tsiue Inn.
Notons que certains de ces niveaux sont charnières dans le Yang, dans le Inn ou encore charnière générale Yang Inn. Ainsi la disposition générale des six niveaux d’énergie est légèrement perturbée (une explication détaillée des raisons de cette disposition nous mènerait trop loin) et se présente ainsi :
Tae Yang
Chao Yang
Yang Ming
Tae Inn
Tsiue lnn
Chao Inn
Chaque niveau correspond à deux Méridiens et nous obtenons ainsi la correspondance générale suivante :
Tae Yang : Intestin Grêle et Vessie ;
Chao Yang : Triple Réchauffeur et Vésicule Biliaire ;
Yang Ming : Gros Intestin et Estomac ;
Tae Inn : Poumons et Rate ;
Tsiue Inn : Maître du Cœur et Foie ;
Chao Inn : Cœur et Reins.
Remarquons que les Méridiens de même énergie se suivent dans la circulation générale et que si le premier appartient au membre supérieur, le second appartient au membre inférieur ; ceci pour les Méridiens de nature Yang. Pour les Méridiens Inn, le premier est un Méridien du membre inférieur et le second est du membre supérieur. Ceci correspond au sens général de la circulation de l’énergie.
Bien peu d’acupuncteurs sont capables d’utiliser les renseignements fournis par les pouls. La difficulté de leur perception et l’absolue nécessité d’un Maître en font une branche délaissée de la médecine chinoise. Pourtant, c’est essentiellement grâce aux renseignements qu’ils fournissent que le médecin peut pratiquer une médecine préventive. La pulsologie est relativement tardive dans la médecine chinoise et le premier volume dont nous ayons connaissance a été rédigé au troisième siècle par Wang Chou-Houo. Dans son Traité des pouls, il donne la description des vingt-huit principales altérations de celui-ci. Le second ouvrage important n’a été écrit que huit cents ans plus tard, c’est le Traité des pouls au bord du Lac, écrit par Li Tce Tchen. Au XIVe siècle, un médecin persan l’a recopié et ce document est visible à Istanbul. Dans son Traité d’acupuncture, le Docteur Niboyet note que dans la cordillère des Andes, dans des villages quasi inaccessibles et dont l’héritage culturel vient des Incas, les médecins sont capables par la seule prise du pouls de diagnostiquer une maladie et même, semble-t-il, le sexe de l’enfant à naître.
La pulsologie en Chine et en Europe
La première publication française faisant état dans un langage simple de la pulsologie chinoise date du XVIIe siècle. Elle serait due à un missionnaire, le Père Couplet, qui l’aurait écrite de 1665 à 1668. Vers la même époque, deux autres ouvrages, rédigés par des médecins de la Compagnie néerlandaise des Indes Orientales (Boym et Clyer) eurent également une large diffusion. Outre les pouls, ces médecins décrivaient également d’autres « merveilles » de la médecine chinoise.
En Chine, la prise du pouls fait partie de tout examen médical. Elle précède ou termine l’interrogatoire du malade. Le médecin palpe lentement les deux poignets et détermine ainsi les quatorze pouls classiques. Il lui est loisible de continuer son examen pulsologique par la palpation des pouls périphériques.
En Occident, la prise du pouls, ainsi que l’analyse des humeurs (urines, fécès, etc.) fait normalement partie de l’examen médical 20. Galien, médecin grec du second siècle, dont l’influence fut considérable jusqu’au XVIIe siècle distinguait, quant à lui, jusqu’à trente-deux pouls différents. Concours de circonstances, les écrits concernant la pulsologie chinoise arrivent en Europe alors qu’Harvey, célèbre médecin anglais, vient de découvrir la circulation sanguine. Cette découverte fondamentale montrant l’existence d’une circulation sanguine dans tout le corps et sa division en deux circuits indépendants (la grande et la petite circulation), associée aux nouvelles de Chine, jeta les médecins européens dans l’euphorie de la recherche. On construisit de nombreux appareils et les missionnaires restés en Chine servaient d’intermédiaires à une riche correspondance. Plusieurs médecins, s’inspirant des découvertes chinoises rédigèrent leurs propres conceptions de la pulsologie. Les ouvrages chinois furent vite oubliés et au XVIIIe siècle, Lepage se demande dans quelle mesure les Chinois ont assimilé les connaissances européennes en pulsologie !
Ainsi se construisent la science… et la renommée !
Les bases de la pulsologie chinoise
Le pouls se prend au niveau des deux artères radiales. Trois doigts compriment l’artère, l’un en avant de l’apophyse styloïde, l’autre au niveau de cette apophyse et le troisième en arrière. Suivant la pression qu’il exerce, le médecin a à sa disposition plusieurs manifestations du pouls. Les Chinois utilisent trois types de pression : légère, moyenne et forte. Ainsi, pour chaque poignet, ils ont à leur disposition neuf manifestations du pouls. Au total dix-huit pouls différents peuvent être analysés. Les Chinois trouvèrent d’abord la concordance pour les pouls superficiels et moyens et plus tard pour deux pouls profonds ; ceci nous donne la théorie des quatorze pouls chinois. Chacun des pouls correspond à un Méridien suivant le tableau reproduit ci-après. Actuellement, de nombreuses analyses ont été effectuées au moyen de divers palpeurs, d’oscilloscopes, etc., et plaident en faveur de cette théorie. Le chirurgien Leriche a, par ailleurs, montré que les artères, comme les ondes, présentent des ventres et des nœuds et que, sur un même trajet, on pouvait percevoir des modifications d’amplitude et de structure. Nous avons déjà insisté sur la circulation profonde de l’énergie et nous avons dit qu’elle suivait l’ordre des pouls ; le tableau de la circulation d’énergie le montre clairement. La circulation profonde est la suivante :
Pour l’énergie Inn : Reins Foie Cœur Maître du Cœur Rate-Pancréas Poumon
Pour l’énergie Yang : Vessie Vésicule Biliaire Intestin Grêle Triple Réchauffeur Estomac Gros Intestin
Comme le lecteur peut s’en rendre compte, cela correspond strictement à l’ordre des pouls.
Les numéros I, II, et III correspondent aux trois localisations, c’est-à-dire en avant, sur, et en arrière de l’apophyse styloïde du radial.
Remarquons que les vaisseaux couplés sont également représentés au niveau du pouls sur un même segment de l’artère radiale : l’un est superficiel et l’autre profond. Le tableau des pouls nous permet encore de nombreuses autres découvertes (dont la loi des cinq éléments) mais ceci est déjà affaire de spécialistes.
C’est donc au IIIe siècle que Wang Chou Houo rédigea le premier volume important consacré aux pouls. Dans cet ouvrage, il donne la description des vingt-huit principales altérations qui peuvent se présenter. Les caractéristiques du pouls concernent sa forme, son rythme, sa structure. Pour l’exemple, nous proposons deux pouls qui sont également étudiés en Occident.
Le pouls Tsie, est un pouls lent, il y a quatre battements pour une respiration et de temps en temps il s’arrête et repart. C’est un pouls de mauvais pronostic. Le Inn trop puissant détruit le Yang. L’homme doucement retourne à la terre.
Le pouls Chou est rapide, six battements pour une respiration ; c’est un pouls qui indique la fièvre. Le Yang est trop puissant.
Notons qu’avec les pouls, on obtient des informations concernant les organes qui sont relativement « muets » sans examens très spécialisés, comme la vésicule biliaire et la rate. Par ailleurs, les pouls renseignent également sur l’état de « nervosité » du malade ; le médecin occidental ne se prive d’ailleurs pas de cette information.
Les cycles et la chronobiologie
Séparées durant des siècles quant à leurs conceptions du monde et de la maladie, les sciences occidentales et orientales se rejoignent aujourd’hui comme les deux pôles du Tao dans un mouvement d’alternance et de continuité. L’espérance jadis formulée par les premiers acupuncteurs occidentaux d’un jour où les deux sciences au lieu de se rejeter, au contraire, s’enrichiraient mutuellement, est en passe de se réaliser.
Les Chinois, nous l’avons dit et redit, étaient fort attachés aux rythmes de l’Univers. Microcosme dans le macrocosme, l’homme devait manifester en
lui les grandes lois cycliques de l’univers ; d’où l’importance accordée au rythme des saisons, à l’heure du jour, etc. La tradition enseigne que certaines maladies ne se déclarent qu’à des époques précises de l’année et que la stimulation des points doit obéir à certaines lois horaires. Ainsi, l’excitation de quelques points est inefficace s’ils sont stimulés en dehors des mois ou des heures de réceptivité. Outre les cycles qui nous sont également familiers (les quatre saisons, le jour et la nuit, le cycle lunaire, le cycle solaire), les Chinois distinguaient encore un cycle de dix ans, un cycle de douze ans et un cycle de soixante ans. L’interaction des cycles et des impératifs du Tao se concrétisa en une codification très subtile et extrêmement logique des règles thérapeutiques, dont l’étude ne peut malheureusement être faite ici 21. Rappelons simplement que l’énergie parcourt les Méridiens en un cycle de vingt-quatre heures et que la stimulation des points doit tenir compte de l’état d’énergie du Méridien et de l’organe ; cet état d’énergie est fonction de l’heure, du jour, du mois, de l’année, etc. Ces rapports entre le microcosme et le macrocosme n’ont pas toujours été dédaignés, pour témoin le texte, ci-après, d’Hippocrate, ayant trait à la nature.
Le Macrocosme et le microcosme dans la théorie d’Hippocrate
« La pituite augmente chez l’homme pendant l’hiver. C’est aussi l’humeur du corps la plus analogue à l’hiver, car c’est la plus froide et la plus humide. Il est aisé de s’en assurer. Si l’on touche successivement de la pituite, de la bile et du sang, on trouvera que la pituite est la plus froide. Elle est de plus visqueuse, et ne s’allie avec la bile que difficilement. Qu’elle augmente pendant l’hiver, cela paraît manifeste en cette saison. C’est aussi l’hiver que surviennent principalement les œdèmes, les tumeurs blanches et toutes les maladies pituiteuses. (…)
Le sang augmente dans le printemps, alors que la pituite est encore forte, que les froids diminuent et que les pluies viennent. Le sang doit prendre de l’accroissement car il est par sa nature analogue à la constitution de cette partie de l’année puisqu’il est chaud et humide. La preuve de ce que je dis est que les hommes, dans le printemps et dans l’été, sont les plus exposés aux dysenteries sanglantes et aux hémorragies du nez. Ils sont alors plus rouges et plus chauds. (…)
Ainsi, dans l’année, tantôt l’hiver domine, tantôt le printemps ou l’été, ou l’automne. Dans l’homme, c’est ou la pituite, ou le sang, ou la bile, ou l’atrabile (bile noire) qui domine.
Si l’on purge le même homme avec le même remède quatre fois dans l’année, aux quatre saisons différentes, il rendra l’hiver des matières très pituiteuses, le printemps des matières délayées dans l’humide sanglant et l’été de la bile ; l’automne de l’atrabile.
Les maladies qui augmentent l’hiver doivent finir l’été ; celles qui se multiplient l’été doivent s’arrêter l’hiver.
Quant aux maladies qui viennent dans le printemps, il faut attendre l’automne pour les voir s’en aller. Celles qui se manifestent dans l’automne se dissipent nécessairement au printemps. » (Docteur Martiny, 53-166)
La chronobiologie du Moyen Âge à nos jours
Récemment redécouverte, la chronobiologie restait cependant présente dans le peuple, et de nombreux dictons météorologiques — qu’il ne nous est pas possible d’analyser ici — en font foi. Contentons-nous d’illustrer ceci par quelques aphorismes extraits d’un ancien calendrier :
« Je ne devrais pas prendre de ce breuvage,
Si ce n’est sous un signe meilleur. »
Et ces autres vers :
« Celui qui ose prendre une médecine
Sans tenir compte des signes.
Ou qui ne s’y conforme pas,
En subira le dommage. »
L’astronomie et l’astrologie, alors science unique, étaient étudiées par les médecins ; ceux-ci, d’ailleurs, ont été les premiers à s’intéresser à la mesure du temps et certains d’entre eux (qui étaient également mathématiciens, physiciens, astronomes), ont construit de petites machines pour le mesurer. Puisque le Macrocosme influençait le microcosme, il était important de diviser le corps humain en douze parties, comme on avait divisé la voûte céleste en douze secteurs. Ces douze secteurs sont les maisons du ciel ou signes du zodiaque.
Nous retrouvons ici la correspondance avec les douze Méridiens principaux décrits par les Chinois. Les médecins occidentaux ne se sont pas contentés d’une simple concordance : ils ont dressé de véritables tables thérapeutiques. Plusieurs manuscrits du Moyen Âge indiquent les points de saignée en fonction des signes du zodiaque (des âmes pieuses les ont remplacés, parfois, par les douze apôtres…). De savantes études indiquent que ces tableaux qui partent tous du Bélier (aujourd’hui nous sommes dans la Constellation du Poisson, mais les horoscopes ne tiennent pas compte des changements !) ont tous été rédigés plusieurs centaines d’années avant l’ère chrétienne. Ainsi, des cartes populaires indiquaient l’époque de l’année ou l’heure souhaitable pour saigner les différents endroits. Comme telle, la chronobiologie, ainsi d’ailleurs que les horoscopes, n’intéressait, jusqu’à ces dernières années, que les esprits simples. Ceci, jusqu’au jour où l’on découvrit qu’une dose identique de médicament, injectée à différentes heures, à des souris de souche identique, en tuait seulement quelques-unes ou bien presque toutes. La chronobiologie scientifique était née.
Chronobiologie scientifique
L’organisme ne réagit donc pas de façon identique aux drogues durant toute la journée. Cette première découverte allait en amener beaucoup d’autres dont l’importance dans le traitement des maladies se révéla primordiale. Ainsi, il apparut que certains cancers répondaient mieux à de petites doses de médicaments, à certaines heures de la journée, qu’à des doses plus importantes injectées en dehors de ces heures. Lorsqu’on sait la toxicité de ces chimiothérapies, il est clair qu’une telle découverte allait mobiliser les meilleurs esprits de la recherche internationale. On constata que les cellules cancéreuses ne se multipliaient que durant certaines heures de la journée et qu’ainsi, puisque c’est durant sa multiplication que la cellule est la plus sensible, il suffisait de connaître ses rythmes de reproduction pour agir avec une efficacité plus grande. Chaque cellule de l’organisme possède son propre rythme : les Chinois le savaient, l’Occident le découvre. Nous pensons que le lecteur serait intéressé par l’illustration d’exemples quotidiens, reflets des rythmes circadiens et circaniens. Par rythmes circadiens ou circaniens on entend des rythmes d’environ (circa, en latin) un jour (dies) ou un an.
Quiconque a déjà dû subir une prise de sang pour des recherches hormonales sait qu’il doit se rendre au laboratoire d’analyses deux fois dans la journée. En effet, la concentration des hormones est très différente le matin et dans l’après-midi. Les malades qui souffrent d’hypertension chronique, difficilement maîtrisable par les médicaments, prennent leur tension deux fois par jour ; des différences significatives apparaissent aux différentes heures. Ces différences ne sont pas en rapport avec les repas ou l’activité. En fonction de ces résultats, les directives au malade sont plus précises : le médicament doit être pris au moment de la hausse de tension et non lorsqu’elle est à son minimum. Certaines personnes sont des lève-tôt, d’autres ne sont actives qu’en fin de journée et l’expérience montre combien il est difficile de changer ce que l’on croit être des habitudes, mais qui en fait révèle les rythmes biologiques de l’individu. Ceux qui ont une vie relativement libre de contraintes horaires (par exemple, les écrivains), règlent leurs activités en fonction de leur horloge interne. Tel écrivain se lève tôt pour se mettre à la tâche, tel autre n’est inspiré qu’après minuit. Par contre si on impose à l’homme de nombreuses modifications de rythme, sa santé s’altère. Nous ne donnerons pour exemple que les problèmes d’adaptation après un long vol, comme Paris-New York. Les pilotes obligés de « brûler » plusieurs fuseaux horaires souffrent de troubles du sommeil, et les hôtesses de l’air ont des cycles menstruels très irréguliers. Il existe donc une horloge interne ; cette horloge est personnelle mais obéit cependant à certains « régulateurs » externes comme le lever du Soleil, la chaleur du jour, les horaires sociaux, etc. Pour mettre en évidence cette horloge interne, sans qu’elle ne soit perturbée par les « régulateurs », l’homme s’est prêté à de nombreuses expériences « hors du temps ». La plus célèbre est celle de Michel Siffre qui resta cinquante-deux jours dans un gouffre. D’autres, plus tard acceptèrent des expériences similaires (Josy Laures, trois mois ; Jacques Chabret, cinq mois ; etc.). Les conditions d’expériences étaient identiques : privé de montre, le sujet devait avertir la surface (par téléphone) de toute modification d’activité (sommeil, défécation, réveil, etc.). De ces expériences, nous ne retiendrons que l’allongement de la journée de l’homme « hors du temps ». Cette journée allongée avait la durée de la journée lunaire. Le rythme de l’homme est donc en rapport avec la Lune.
Les expériences faites sur l’homme ont été reprises avec les animaux et particulièrement avec le hamster. Placé dans des conditions de laboratoire où l’isolement est total, le hamster présente des journées qui correspondent exactement aux journées lunaires.
Une expérience de longue durée a montré que l’animal, au bout de quelque temps reprenait un nouveau rythme, qu’il reperdait ensuite. Il semble donc qu’il y ait non seulement influence lunaire mais aussi une influence solaire.
Signalons que de nombreux chirurgiens ont remarqué que les hémorragies sont plus importantes les jours de pleine Lune. Ces jours, d’ailleurs, de nombreuses personnes éprouvent des difficultés à s’endormir et les déséquilibrés sont plus actifs. Certaines polices doublent le nombre d’effectifs si la Lune est pleine et il était de tradition, dans quelques hôpitaux, au début du siècle, de battre préventivement les malades agités afin d’éviter les crises à l’approche de certains cycles lunaires 22. La Lune agit sur les marées : on le voit. Elle agit également sur de nombreux animaux : on le découvre. Ainsi on a pu montrer que l’éclosion des moustiques se produit au moment de certaines phases lunaires.
La Lune n’est cependant pas le seul astre à modifier notre activité et notre humeur, le Soleil et les planètes agissent également.
L’influence des astres
Les jours et les nuits, les mois et les saisons sont les manifestations du rythme solaire. L’homme a besoin de ses rythmes tout comme les végétaux ont besoin des leurs. Ceux qui cultivent des plantes en appartement savent qu’il est nécessaire de mettre la plante au repos (froid, pénombre et suppression des arrosages) si l’on désire qu’elle refleurisse. Si le rythme des saisons n’est pas observé, la plante dépérit ; l’homme aussi a besoin des rythmes saisonniers. Cependant d’autres rythmes, moins manifestes sont également indispensables à son équilibre. La Terre, le Soleil et les astres de notre galaxie ont une activité magnétique. Celle-ci se manifeste sur terre par le champ magnétique visible grâce à une simple boussole, les champs magnétiques du Soleil se manifestent par les orages magnétiques. Ceux-ci occasionnent sur terre de nombreuses perturbations, dont celles des télécommunications. Leur influence sur les êtres vivants, bien qu’occulte est quasi certaine. Il semblerait (et on se base sur des statistiques de longue durée) que les accidents cardiaques soient plus fréquents les jours de grande agitation solaire. Pour apprécier leur influence, il faut bien entendu tenir compte du temps que mettent les ondes pour nous parvenir ; ainsi, l’homme est généralement décalé de vingt-quatre heures sur la Lune. D’autres statistiques montrent que les suicides sont plus fréquents durant les périodes d’activité solaire.
Au niveau de la chimie on a montré l’influence des « taches solaires » (qui indiquent une modification de l’activité magnétique) sur les globules blancs du sang, sur la vitesse de sédimentation, etc. Plusieurs chercheurs, intrigués par la périodicité des épidémies physiques (choléra, fièvre para-typhoïde, etc.) et psychiques (guerres, troubles sociaux) ont confronté les dates historiques avec celles des modifications de l’activité solaire. La concordance mérite d’être étudiée de plus près. Ajoutons pour terminer que le cycle des manifestations magnétiques solaires est d’un peu plus de onze ans. La concordance avec le cycle de douze ans des Chinois est elle fortuite ? Nous ne le pensons pas.
Actuellement, on sait que presque toutes les planètes ont une activité électromagnétique; cette activité se manifeste sur la terre, et très vraisemblablement, agit sur les êtres vivants.
Sans entrer dans les détails notons simplement que les expériences ont démontré l’action d’un champ magnétique sur les cellules. La puissance du champ magnétique importe peu et les résultats sont quasi identiques avec un champ important et avec un champ très faible. Ces appareils sont actuellement testés dans plusieurs universités dans le traitement des maladies (en particulier celles des os). Seul l’avenir nous dira leur importance pour les générations futures (voir troisième partie).
Comment mieux terminer ce paragraphe qu’en mettant en parallèle deux pensées séparées par des millénaires ? Pour les Chinois, nous l’avons dit, « L’homme est une antenne dressée entre le ciel et la terre » ; pour un chercheur américain, J. Petersen : « Le rayonnement solaire variable est la source d’énergie commune à la vie et au temps. L’homme est une sorte de “résonateur cosmique” » (Cité par Gauquelin, 35-146).
La théorie des cinq éléments
La circulation de l’énergie dans le corps résulte de deux causes déjà décrites. Rappelons-les : la première est en rapport avec l’anatomie des Méridiens — nous avons vu que les douze Méridiens sont traversés par l’énergie en vingt-quatre heures suivant un trajet toujours identique ; la seconde est en rapport avec les saisons. L’homme, microcosme dans le macrocosme vit au rythme des saisons : printemps, été, automne et hiver ; de plus, vivant sur terre, celles-ci influencent également sa physiologie. Partant de ces cinq éléments, les Chinois ont créé un système extrêmement logique qui, non seulement, met les Méridiens en concordance avec les saisons et en harmonie avec les pouls mais permet également de calculer l’emplacement de certains points d’acupuncture. Le système des cinq éléments ou système Wou-Hing comprend deux cycles. Le premier cycle, dit cycle de production ou cycle Cheng, est une étude des transformations dans la nature ; le second, le cycle Ko, ou cycle d’inhibition, réalise un équilibre de telle sorte qu’il soit interdit à un élément d’en dominer un autre. La théorie des cinq éléments ne concerne pas uniquement la médecine, mais est à la base de toute la Sagesse chinoise. Ces cinq éléments gouvernent également la musique, l’art culinaire, l’opéra ou la littérature (signalons que les Chinois ont découvert la technique du roman plusieurs centaines d’années avant Honoré d’Urfé).
Cycle Cheng
Le jeu subtil des concordances dont nous n’allons donner qu’un bref aperçu n’est pas un jeu intellectuel mais — et nous insistons — fait partie intégrante du diagnostic et est la clé du traitement.
La première concordance avec les quatre saisons nous est donnée par les quatre périodes du jour : le lever, midi, le coucher, minuit. Le Soleil se lève à l’est, il se couche à l’ouest, son intensité maximale est au midi et son minimum au nord. Ceci nous permet de dresser, déjà, un premier tableau des concordances avec les solstices et les équinoxes :
Puisqu’il y a variations, il y a aussi un état neutre. Ce neutre, par rapport auquel il y a variation, est la terre.
Ainsi aux quatre éléments décrits on en ajoute un cinquième : la terre. Cette simple concordance, évidente, ne contenta pas les Chinois ; puisque macrocosme et microcosme ne sont que des matérialisations différentes d’une même énergie, ils se devaient de trouver les rapports implicites entre les diverses manifestations de cette énergie sur terre. C’est ainsi qu’ils sont arrivés à la description du cycle Cheng ou cycle de production :
le bois produit le feu ;
le feu crée la terre ;
la terre donne le métal ;
le métal crée l’eau ;
l’eau crée le bois.
Bien qu’à première vue aucune logique n’apparaît dans cette énumération, il n’en est rien comme nous allons le prouver.
La première proposition, le bois produit le feu, est relativement explicite : le bois brûle et sa combustion engendre le feu. C’est essentiellement au printemps que la végétation pousse et on associe donc le bois au printemps ; le printemps est, nous l’avons vu, de nature Inn-Yang. C’est durant le printemps que les vents sont les plus violents, que la nature manifeste son énergie, que la sève bouillonne, et que parfois la colère éclate (orages). Rappelons l’expression « s’échauffer la bile ». La croissance des feuilles donne au printemps sa couleur : le vert. Du point de vue des niveaux d’énergie, c’est la terre qui s’éclate et donc nous aurons le maximum d’énergie Inn (rappelons que la terre est Inn et le ciel Yang).
Le printemps est la saison des transformations dans la nature, il est naturel que les Chinois aient associé au printemps un organe dont on sait aujourd’hui qu’il est l’usine métabolique de l’organisme : le foie.
Nous obtenons ainsi pour l’élément bois les concordances suivantes :
Bois Printemps Foie Colère Naissance Vent Vert Est Matin.
À ce tableau les Chinois ont rajouté (entre autres), l’aigre, le rance et le son « la » (en musique chinoise on distingue douze tubes et cinq notes), dont nous pouvons facilement trouver la raison logique.
Pour les Chinois, cette concordance n’est pas apparue en un jour. Déjà, il y a plusieurs milliers d’années, l’homme observait, réfléchissait et rédigeait. De récentes recherches archéologiques ont montré que dans les ouvrages antérieurs au Nei Tching, la table de concordance était différente ; ainsi, à titre de curiosité, signalons que le foie correspondait à l’or, le cœur à la terre, la rate au bois, le feu aux poumons, le rein à l’eau (inchangé).
La seconde proposition, le feu crée la terre, se comprend aisément : en brûlant une matière le feu laisse des résidus, les cendres. En brûlant le bois (Inn), le feu (Yang) laisse un résidu de nature Inn : la terre. Que le feu et la terre soient associés à la chaleur, à l’été, à la joie et donc au cœur, à la croissance, nous l’admettons facilement. En brûlant le feu donne la couleur rouge. Cette concordance serait incomplète si on n’y ajoutait le midi et le Sud.
Les Chinois y ont encore ajouté comme saveur l’amer, comme odeur le brûlé et comme son le « do ».
La troisième proposition, la terre donne le métal, est moins compréhensible. Pourtant, tout ce que nous construisons provient de la terre et, nous l’avons dit, on attribue à l’Empereur légendaire Houang Ti, la découverte du métal et l’utilisation de celui-ci pour les aiguilles d’acupuncture. Le métal provient de la terre et l’on sait combien âpres sont les puissances à s’approprier une terre riche en métal et minerais. Pour que la terre donne le métal, il est nécessaire qu’il y ait transformation.
L’organe du corps qui se montre capable de transformer, en dehors du foie, est la rate (en cas de déficience du foie, elle se substitue à lui pour certaines fonctions). Chez l’homme, durant les premiers mois de la vie (et dans certaines conditions pathologiques durant toute la vie), chez certains animaux durant toute leur existence, la rate est un organe hématopoïétique, c’est-à-dire qu’il produit des globules rouges. C’est donc un organe de transformation important. La terre, nous l’avons vu, est le centre de référence, c’est une « saison dans l’espace » (De Saussure) ; les Chinois associeront donc à la terre, l’après-midi (centre de la journée), le « fa dièse » (centre de la gamme). Ils y associeront le jaune, couleur de la terre à la fin de l’été, et la douceur qui est la caractéristique des journées de fin d’été.
La quatrième proposition, le métal crée l’eau, peut être comprise ainsi : c’est grâce à la découverte du métal et de sa transformation en objets utilitaires (haches, pics, aiguilles d’acupuncture, etc.) que les peuples ont pu domestiquer la nature et particulièrement l’eau. La domestication de l’eau par la création de barrages, de piscines, de dérivations, etc., était extrêmement importante pour les Chinois dont la culture du riz exigeait justement des conditions très strictes d’humidité. Le métal permet donc la domestication du macrocosme ; l’organe du microcosme qui domestique le macrocosme est le poumon : il puise l’oxygène de l’air et le canalise dans les bronchioles et les alvéoles où il est humidifié et utilisé. Le métal correspondra donc aux poumons et aussi à l’automne, au blanc (couleur du métal chauffé) et à la tristesse. Le son qui lui répond est le sol.
La dernière proposition, l’eau crée le bois, elle aussi, se comprend aisément. Pour qu’une plante, un arbre croisse, il lui faut de l’eau. De plus, c’est grâce aux fleuves que les bûcherons transportent le bois : le bois devient objet utilitaire grâce à l’eau. Les Chinois ajoutent que l’eau correspond aux reins et au noir. Le rapport des reins à l’eau est manifeste. L’eau est transparente, elle n’a pas de couleur. L’absence de couleur est le noir, opposé au blanc qui est la somme de toutes les couleurs. Ces nombreuses correspondances sont reprises, pour plus de clarté, en un tableau unique (voir page 218). 24
Pour l’anecdote, signalons que l’empereur chinois « dont le comportement devait répondre en tout point aux lois cosmiques, s’habillait de vert pour aller visiter ses provinces de l’est au printemps, mettait sa robe rouge pourse rendre dans le midi en été, revêtait le jaune impérial pour revenir en fin d’été dans sa capitale (le centre), repartait en automne visiter les régions de l’ouest vêtu de blanc, et terminait son périple annuel en hiver, dans les provinces du nord, en vêtements noirs. » (Lavier, 50-140)
Cycle Ko
C’est à l’opposé du précédent, un cycle d’inhibitions. Il réalise un équilibre de telle sorte qu’il soit interdit à un élément d’en dominer un autre. Les cinq propositions de cette loi sont les suivantes :
le feu fond le métal ;
le métal coupe le bois ;
le bois couvre la terre ;
la terre absorbe l’eau ;
l’eau éteint le feu.
Ces propositions suffisamment claires par elles-mêmes ne demandent pas d’explications.
Le système Wou-Hing (cinq éléments)
Composé des deux cycles décrits, le système peut être résumé en quelques phrases. La philosophie chinoise, qui considère que microcosme et macrocosme ne sont que des états différents d’une même énergie, transparaît dans la phraséologie et ainsi on parlera de rapports mère-fils, grand-mère-petit-fils comme on parlait des rapports époux-épouse pour les pouls, des rapports mère-fils pour les Méridiens et des rapports grand-père, père et fils pour les vaisseaux Lo (voir plus haut). Chacun des cinq éléments est donc soumis aux modalités suivantes :
il engendre son enfant (le bois engendre le feu) ;
il est engendré par sa mère (le bois est engendré par l’eau) ;
il soumet son petit-fils (le bois recouvre la terre) ;
il est soumis par sa grand-mère (le bois est coupé par le métal).
Tout ceci est clair en se référant au tableau du cycle Wou-Hing (voir page 224).
En début de chapitre nous avons annoncé que le cycle Wou-Hing permet de rechercher certains points d’acupuncture. Avant de satisfaire nos lecteurs, il est encore nécessaire que nous disions quelques mots des points Su. Rappelons d’abord que, dans toute relation dynamique, il faut considérer deux états : l’état d’énergie potentielle et l’état d’énergie cinétique, ou en d’autres mots, l’état de projet et l’état d’accomplissement, ou encore, l’état positif et l’état négatif ; enfin le Yang ou le Inn.
Les cinq éléments n’échappent pas à cette règle et ainsi pour le bois on peut considérer deux états : la graine enfermée dans sa coque (état de repos, quiescence, énergie potentielle), et la graine qui s’éclate (énergie cinétique…). Plus loin, nous verrons l’intérêt qu’il y a à considérer ces deux états.
Les points Su sont les cinq premiers points des Méridiens principaux considérés suivant le sens de l’énergie ; c’est-à-dire que suivant le sens de circulation de l’énergie (centripète ou centrifuge), ils seront premiers ou derniers. Ces points Su sont situés entre l’extrémité (main ou pied) et la première grosse articulation (coude ou genou). Ces points correspondent aux cinq éléments, mais avec, cependant, une particularité suivant que le Méridien est Inn ou Yang.
L’énergie qui circule dans les Méridiens augmente au fur et à mesure que l’on se rapproche du thorax et de la tête (concentration logique de l’énergie) ; ainsi, pour les Méridiens Inn de membre supérieur, l’énergie ira en croissant de la main au coude.
En d’autres mots, la naissance de l’énergie commence au niveau du thorax et les cinq premiers points correspondent aux cinq éléments.
Le premier point, point de naissance de l’énergie correspond, pour les Méridiens Inn, à l’élément Bois (ceci a été longuement commenté plus haut). Le second point correspond, suivant le cycle Wou-Hing, au Feu, le troisième à la Terre, le quatrième au Métal et le cinquième à l’Eau.
Pour les Méridiens Yang, le premier point ne correspond pas à la naissance mais au déclin de l’énergie (élément Métal). L’explication de ceci, encore une fois logique, demanderait un développement pour lequel nous devrions introduire encore de la théorie, ce qui alourdirait notre texte. Disons simplement qu’elle est liée aux relations qu’entretiennent ces Méridiens non plus avec les organes « nécessaires à la vie » (Tsang) mais avec les organes « de transit » (ou entrailles-Fou) qui sont, rappelons-le, de nature Yang. La naissance de l’énergie se fait dans les organes Tsang, tandis que les organes Fou ne reçoivent qu’une énergie déjà synthétisée et ils ne la distribuent qu’en cas de nécessité. L’énergie qui prend naissance aux organes Fou est une énergie en « équilibre », synthétisée, et stockée, pour être distribuée ; elle correspond donc à l’automne et au métal. C’est là qu’est le premier point Yang. À partir de ces données, nous pouvons dresser un nouveau tableau des concordances ; auparavant, signalons que les points Su portent (dans l’ordre) les noms suivants :
Tsing
Yong
Yu
King
Ho.
* Ici commence le cycle des Méridiens Yang
Recherche des points grâce au système Wou-Hing
Pour comprendre ce qui suit, il convient de consulter le tableau du cycle Wou-Hing, le tableau des pouls et le tableau des Méridiens. Le lecteur qui n’a pas envie de « se prendre la tête » peut fort bien sauter ces exemples…
Exemples
1. Rechercher le point de Tonification du Méridien du Cœur.
Le Méridien mère de ce Méridien (pour la circulation profonde de l’énergie), est le Méridien du Foie (voir tableau). Le Foie (dans le système Cheng) correspond au Bois. Le Méridien du Foie est un Méridien Inn (voir tableau des Méridiens). Le point Su qui correspond au Bois Inn (voir tableau de concordance Su et des cinq éléments) est le point Tsing. C’est soit le premier, soit le dernier point suivant la direction de l’énergie dans le Méridien dont on recherche le point. Le Méridien du Cœur est centrifuge (voir tableau des Méridiens), c’est donc le dernier point. Ce Méridien a neuf points. Le point de Tonification du Méridien du Cœur est le point 9.
2. Rechercher le point de Tonification du Méridien du Poumon.
Le Méridien mère est le Méridien de la Rate. Dans le cycle Cheng, la Terre correspond à la rate. Le Méridien de la Rate est un Méridien Inn ; le point Su qui correspond à la terre pour un Méridien Inn est le point Yu. Le point Yu est le troisième point. Le Méridien du Poumon est centrifuge et compte onze points ; le Point de Tonification est donc le neuvième point.
3. Rechercher le point de Dispersion du Méridien du Cœur.
Le Méridien fils est celui de la rate. La rate correspond à la Terre. La Terre pour un Méridien Inn se rapporte au point Yu. Yu est le troisième point ; le Méridien en compte neuf et est centrifuge ; c’est donc le point 7.
Ces exemples nous montrent qu’à partir d’une règle simple il est possible de retrouver, de façon quasi mathématique, certains points. Les mathématiques ont un rôle déterminant à jouer en acupuncture mais la place nous manque (et puis cela amuse-t-il le lecteur non spécialiste ?) pour développer le sujet.