La stimulation des points
Actuellement, les aiguilles utilisées en acupuncture sont en acier ; parfois un second métal enroule, en spires, le manche, ceci dans le but de créer un couple électrique.
Presque tous nous avons vécu une expérience de couple électrique (laissons donc la théorie de côté) : certains amalgames utilisés en dentisterie donnent lorsque la dent touche un objet métallique (fourchette, papier d’argent) l’impression d’une décharge électrique, fort désagréable. Le couple amalgame-papier d’argent donne naissance à un courant électrique ; c’est ce qu’on désire obtenir en acupuncture en associant deux métaux.
Souvent on interroge le médecin acupuncteur au sujet de l’aiguille utilisée : « Or ou argent, Docteur ? ».
L’origine de l’utilisation des aiguilles d’or est encore mystérieuse ; les Chinois ne connaissaient pas l’asepsie et peut-être avaient-ils constaté que l’or, par son pouvoir bactéricide, diminuait les infections ? Certains auteurs pensent que l’utilisation d’aiguilles de couleur différente (or et argent) avait essentiellement pour raison de permettre à l’assistant de l’acupuncteur (moins instruit) de ne pas se tromper en retirant les aiguilles. En effet, suivant que le médecin désire tonifier ou disperser, il ne laisse pas les aiguilles un temps identique ; en utilisant des aiguilles différentes, l’acupuncteur était rassuré, l’aide agirait suivant ses instructions.
Le comportement des premiers acupuncteurs a perpétué le mythe des aiguilles précieuses. Au début du XXe siècle, une véritable sinophilie s’installe en France ; l’acupuncture est la médecine de l’élite. Pour impressionner la clientèle, les thérapeutes utilisent des aiguilles en métal
précieux ; certaines, parfois, sont serties de rubis ou de saphirs. Actuellement, les Chinois, comme les Occidentaux, utilisent des aiguilles d’acier.
Les aiguilles ont des longueurs différentes suivant les points à traiter.
Parfois, également, le médecin utilise des aiguilles à demeure. Ces aiguilles (punaises ou petits harpons) sont réservées aux cas chroniques et c’est essentiellement l’auriculothérapeute qui en fait un usage fréquent. Ce qui nous intéresse bien plus, c’est l’utilisation d’une aiguille nommée Yuan Tchen, qui est la seconde des neuf aiguilles classiques (voir dessin). Il ne s’agit pas, à proprement parler, d’une aiguille mais d’une tige métallique terminée par un diélectrique, qui est soit de l’ivoire, soit un os, en forme de boule. Cette petite boule sert à masser les points d’acupuncture chez les enfants, dans l’autotraitement ou encore chez les malades impressionnables.
Pour le traitement des enfants, les Chinois connaissaient aussi l’aiguille dite « fleurs de prunier ». Cette aiguille est en fait un petit marteau dont l’extrémité est terminée par un faisceau de cinq à sept aiguilles.
Le lecteur sait que l’acupuncteur n’utilise pas nécessairement les aiguilles pour stimuler les points ; parfois il utilise la chaleur, Cette technique porte le nom de moxibustion.
Le mot moxa dérive du japonais mogusa qui désigne une variété d’armoise. Cette dénomination, incorrecte puisque le mot chinois équivalent serait « kao », remonte cependant au XVIIe siècle ; il convient donc de la conserver. Les Chinois reconnaissaient à l’armoise certaines propriétés particulières et, pour eux, certains points ne devaient être stimulés que par cette technique. Ceci surtout en cas de fatigue, d’adynamie 25. Cette mauvaise herbe, qui pousse dans presque tous les jardins, tient son nom de la déesse de l’enfantement, Artémis. Ceci par allusion aux propriétés abortives que lui attribuaient les Anciens. Outre les propriétés citées, elle était connue dans l’Antiquité pour ses propriétés toniques et est, aujourd’hui encore, prescrite dans ce but, en infusion. Les Anglais l’utilisent en cuisine pour parfumer les plats de volailles, car elle dégage une odeur d’eucalyptus. En Chine, on l’utilisait essentiellement pour ses propriétés combustives car elle brûle lentement. Ses propriétés ne sont pas toutes connues et elle est actuellement testée dans le traitement de la malaria 26.
À partir des feuilles d’armoise on prépare une masse compacte et on lui donne la forme d’un cône. Celui-ci est déposé sur le point d’acupuncture et la pointe est alors allumée. La sensation de chaleur apparaît doucement puis, si on ne retire pas le cône, celle de brûlure. En principe, on retire le cône avant de ressentir cette dernière sensation ; il apparaît néanmoins une petite croûte sur la peau. Cette marque disgracieuse limite l’utilisation de la moxibustion en Europe. Notons qu’en Chine ancienne on gardait le moxa en place jusqu’à complète consumation et parfois même, la première application était suivie d’une seconde ou d’une troisième. Une véritable brûlure avec cicatrice indélébile en résultait. L’effet dans certaines maladies était, dit-on, spectaculaire.
Si l’on désire une complète consumation du cône, mais sans qu’apparaisse pour autant une brûlure, on pratique les moxas indirects. C’est-à-dire qu’entre la peau et le cône d’armoise on interpose un objet quelconque.
Les Chinois utilisent essentiellement le gingembre et l’ail. Ils prennent une tranche de rhizome de gingembre, celui-ci est piqué avec un stylet pour le rendre poreux, ensuite, on dépose sur cette tranche le cône d’armoise. En chauffant, le gingembre (ou l’ail) se décompose et libère au niveau du point certaines substances chimiques.
Une autre technique, utilisée dans les urgences abdominales, est le moxa au sel. On remplit l’ombilic de sel fin et on place par-dessus une tranche de gingembre et le cône d’armoise.
Autre technique, encore, proche de la moxibustion, est l’ignipuncture. Le moxa sert alors à chauffer l’aiguille. Celle-ci, rappelons-le, est formée de deux parties, souvent en alliage différent, le manche et la tige. Suivant que l’on soumet l’un ou l’autre à la chaleur l’effet est décrit comme différent. Avec cette méthode, la chaleur atteint les tissus profonds.
Ces techniques sophistiquées, et dont l’intérêt n’a jamais été réellement démontré, sont rarement utilisées en Europe.
Signalons encore qu’actuellement, on utilise plutôt le bâtonnet d’armoise ; il s’agit d’une cigarette d’armoise que l’on tient à quelques centimètres de la peau. Parfois il est rapproché de la peau et on parlera de « moxa de becquetage ».
Les moxas ne sont naturellement jamais appliqués ni sur le visage, ni à proximité des muqueuses et on évite les endroits proches des vaisseaux sanguins. Certains acupuncteurs utilisent, actuellement, une technique, peut-être promise à un grand avenir : l’acupuncture par rayon laser. Les premiers lasers pour acupuncture ont été présentés, il y a une vingtaine d’années, au Congrès Mondial d’Acupuncture de Berlin. Peu de travaux scientifiques permettent de juger de la réelle efficacité de la méthode.
Néanmoins, à Pékin en 1979, les Chinois ont présenté leurs premières recherches qui semblent indiquer que l’acupuncture par laser donne des résultats similaires à l’électroacupuncture, mais demande des séances plus courtes.
L’électropuncture consiste à brancher les aiguilles sur une source de courant électrique. Contrairement à ce que l’on peut penser, cette méthode n’est pas récente et, en 1825, un médecin français, le Docteur Sarlandière publiait, à Paris, un Mémoire sur l’electro-puncture, considérée comme moyen nouveau de traiter la goutte, les rhumatismes…II signalait déjà l’effet analgésique de cette méthode ! Les Chinois utilisent l’électricité en acupuncture depuis 1934. Nous décrirons dans la troisième partie de ce volume (paragraphe consacré à l’électricité cellulaire) l’action de l’électricité au niveau des points d’acupuncture. Cette méthode remplace, avantageusement, la manipulation des aiguilles, lorsque celles-ci doivent être maintenues longtemps, comme c’est le cas en anesthésie. De plus, l’électropuncture permet de doser l’intensité du courant et d’obtenir ainsi des décharges relativement puissantes. Comme le malade s’habitue au courant électrique, on modifie la fréquence et l’intensité au cours du traitement. Certains appareils modernes modifient d’eux-mêmes ces paramètres.
L’intensité de la stimulation électrique dépend des réactions du patient ; certains malades sont très sensibles et d’autres le sont moins. Il faut également tenir compte de la région traitée : la face et les régions sous les coudes et les genoux sont très sensibles.
L’électropuncture est employée, actuellement, surtout en anesthésie, en auriculothérapie et pour le traitement des douleurs et des paralysies 27.
Le traitement par ventouses était connu déjà dans l’Antiquité sous le nom de « thérapeutique par cornes ». II consiste à appliquer sur la peau un petit récipient qui y adhère par suite du vide relatif créé par la chaleur. Le traitement par les ventouses est souvent pratique en association avec l’aiguille « fleur de prunier ». En Europe, nous ne connaissons pas d’acupuncteur utilisant cette méthode.