Adaptation Dans le contexte de l’évolution, la « survie du mieux adapté » s’applique à ceux qui sont les plus aptes à survivre et à transmettre leur matériel génétique.
Auto-incompatibilité Procédé génétique empêchant une plante de se fertiliser elle-même, ce qui encourage la diversité génétique.
Cocuage Du mot « cocu », désignant le mari d’une femme adultère, ce terme vient du coucou qui pond ses œufs dans les nids d’autres espèces d’oiseaux, ou dans ceux de ses congénères. Les mâles cocufiés consacrent de l’énergie à élever la progéniture d’un autre mâle, au détriment, parfois, de leurs propres rejetons.
Complexe majeur d’histocompatibilité (CMH) Groupe de molécules formant une protubérance à la surface d’une cellule, dont les cellules T (une variété de globule blanc) se servent pour « lire » la composition interne de la cellule et décider si elle doit être détruite ou ignorée.
Consanguinité Lorsque des individus étroitement apparentés s’accouplent, on parle de consanguinité, ce qui augmente les risques de transmettre des traits qui affectent la santé biologique des rejetons. Lorsque appliqué à une population, le déclin global de cette santé est appelé dépression de consanguinité.
Contre-adaptation Réponse adaptative d’une proie envers son prédateur (et vice-versa).
Dispersion biaisée selon le sexe Certains organismes s’éloignent naturellement de leur lieu de naissance pour acquérir d’éventuels bénéfices génétiques. Plusieurs espèces pratiquent la dispersion biaisée selon le sexe, lorsqu’un des sexes a tendance à s’accoupler près de son lieu de naissance, alors que l’autre tend à se disperser vers de nouveaux sites de reproduction.
Eusocialité Type de comportement animal où des sous-groupes ont des rôles précis, et une même couvée habituellement produite par une seule reine. Les sous-groupes perdent souvent les capacités liées aux autres rôles. Fourmis, abeilles, guêpes, termites et taupes sont des espèces eusociales. Le terme signifie littéralement « en bonne société », impliquant que cette forme sociale est la mieux organisée.
Hypothèse de la reine rouge Idée selon laquelle – comme le personnage de Lewis Carroll dans De l’autre côté du miroir qui devait courir continuellement pour pouvoir rester au même endroit – les organismes doivent évoluer pour survivre lorsque leur environnement, leurs compétiteurs et leurs prédateurs évoluent.
Mutation bénéfique Changement dans un génome, généralement dû à un problème d’ADN ou à une erreur de réplication, produisant une modification dans les caractéristiques d’un organisme qui augmente ses chances de survie et qui, conséquemment, a de bonnes chances d’être favorisée par la sélection naturelle.
Parenté Le degré de parenté qui relie un individu à un autre (le nombre de génomes qu’ils partagent) permet d’évaluer le risque de conflits intergénérationnels potentiels (l’existence de deux demi-frères étant plus propice à l’éclatement de conflits que celle de deux vrais frères).
Reproduction asexuée Mode de reproduction où un organisme n’a qu’un géniteur et constitue donc une copie, ou clone, de ce géniteur. En conséquence, il ne porte que les gènes de ce géniteur. Ce mode inclut la parthénogénèse, la fission (division en deux parties), la sporulation et la fragmentation.
Reproduction parthénogénétique Littéralement « conception vierge », c’est-à-dire une forme de reproduction où un embryon naît d’un œuf non fertilisé.
Sélection de parentèle Théorie selon laquelle des processus évolutifs peuvent contribuer au bénéfice d’organismes apparentés même au détriment des individus. Cela explique les comportements altruistes d’un individu qui se sacrifie pour le bien collectif. Un exemple frappant: les organismes eusociaux qui perdent leur capacité de reproduction.
Stratégie évolutivement stable Concept issu de la théorie des équilibres particuliers, où, dans une population aléatoire de joueurs, plusieurs stratégies peuvent coexister, chacune possédant une fréquence d’équilibre propre.
Pourquoi les mâles? Bien des espèces se débrouillent parfaitement sans eux. Elles se reproduisent de manière asexuée, produisant des clones. À moins de malheur, les espèces asexuées peuvent connaître une croissance exponentielle, comme une réaction en chaîne nucléaire. Une, deux, quatre, huit, seize… Après 15 générations – quelques jours dans le cas de certaines espèces –, elles ont plus d’un million de descendants presque identiques. Les espèces sexuées, par contre, s’encombrent de mâles infertiles. Alors, si ce mode de reproduction est si « improductif », pourquoi existe-t-il? Il y a plusieurs réponses à ça, mais tous s’entendent: le sexe réduit les risques d’extinction. On croit aussi que dans les petites populations, la recombinaison des gènes pendant le processus de reproduction sexuée fait en sorte que les gènes délétères sont éliminés du génome, alors que les espèces asexuées les accumulent. Cet accroissement des mutations délétères est irréversible et mène à l’extinction. Une autre explication est que les mélanges constants de nouvelles combinaisons génétiques justifient la présence des mâles. Si une mutation bénéfique survient chez un individu asexué, elle y est coincée, simplement transmise à sa progéniture. La reproduction sexuée favorise le mélange de différentes mutations bénéfiques dans le génome, permettant de rapides adaptations aux pressions de l’évolution.
Le sexe assure la variation génétique, il évite l’accumulation de mutations délétères et favorise celle de mutations bénéfiques.
Le sexe paraît lourd de conséquences, mais il permet la nouveauté génétique et apporte de l’eau au moulin de la sélection naturelle. En vérité, ce n’est pas tant l’existence des sexes qu’il faudrait expliquer, mais bien plutôt comment certains groupes asexués ont réussi à exister pendant de très longues périodes de temps sans changements apparents. Les rotifères bdelloïdes, des micro-organismes aquatiques, se sont reproduits par parthénogénèse depuis au moins 35 millions d’années; ressentent-ils l’urgence de réparer leurs génomes?
LE SEXE ET LA COURSE AUX ARMEMENTS ÉVOLUTIFS
HERMANN JOSEPH MULLER
1890–1967
Scientifique américain (Prix Nobel) célèbre pour ses recherches à propos de l’effet des radiations sur les mutations génétiques.
Mark Fellowes
Les mâles sont certes nécessaires à la reproduction sexuée, mais pourquoi y en a-t-il autant? Un seul mâle peut fertiliser plusieurs femelles, alors une espèce produisant autant de mâles que de femelles peut sembler gaspiller ses ressources. Au début des années 1930, Ronald Fischer réalisa que même si chaque rejeton d’une espèce sexuée devait avoir un père et une mère, il y a un avantage à être le sexe le plus rare. Imaginez une population où il y a deux femelles pour chaque mâle. En moyenne, chaque mâle s’accouplera avec deux femelles, ce qui lui donne deux fois plus de capacité adaptative. Les gènes produisant les mâles se répandront, mais les bénéfices liés au fait d’être mâle s’émousseront lorsque le rapport des sexes s’approchera du 1:1. Il en va de même si les femelles se raréfient, mais comme les mâles auront moins de partenaires parmi lesquelles choisir, en moyenne, chaque femelle aura de meilleures chances de progéniture. C’est ce que l’on appelle une stratégie évolutivement stable, un moment où la sélection naturelle interdit aux autres stratégies de fonctionner. Chez les humains, le rapport des sexes des naissances naturelles est légèrement en faveur des mâles (106/100), mais comme les mâles meurent généralement plus tôt, cette différence s’annule avec le temps.
La sélection naturelle explique les modes égalitaires dans la nature (par exemple, le ratio des sexes de 1:1 chez la plupart des espèces).
Toutes les espèces n’ont pas un ratio des sexes de 1:1. La guêpe du figuier peut choisir le sexe de ses rejetons: les œufs fertilisés donnent des femelles et les autres, des mâles. On peut retrouver jusqu’à 19 femelles pour un seul mâle autour des figuiers. Puisqu’une unique femelle pond tous ses œufs dans une même figue, mâles et femelles seront tous apparentés. Comme les mâles sont génétiquement similaires, la femelle-mère aura une descendance mieux assurée si elle choisit de produire juste assez de mâles pour féconder toutes leurs sœurs.
RONALD FISHER
1890–1962
Son travail sur la relation entre les gènes et la sélection naturelle lui a valu d’être qualifié de « plus grand biologiste de l’évolution depuis Darwin » par le statisticien anglais Richard Dawkins.
Mark Fellowes
Darwin comprit que l’évolution était, au-delà de la vie, une question de reproduction. Il proposa la sélection sexuelle en tant que complémentarité de la sélection naturelle, et décrivit comment les hauts et les bas de la reproduction pouvaient mener aux caractéristiques et aux comportements les plus extravagants. Une idée maîtresse du concept de la sélection sexuelle veut qu’un sexe, généralement la femelle, s’« investisse » davantage dans la reproduction, afin de trouver le meilleur mâle pour s’accoupler. Les mâles, eux, qui s’accouplent avec plusieurs femelles, développent des caractéristiques propres à vaincre les autres mâles. On n’a qu’à penser aux panaches des élans, ou aux énormes défenses des morses, qui leur permettent de triompher de leurs rivaux dans des combats violents. Mais les choix des femelles ne s’arrêtent pas forcément à ces caractéristiques démontrant les aptitudes de survie des mâles; elles peuvent être séduites pour des « ornements », comme la formidable queue d’un paon. En choisissant le plus beau mâle, les chances sont bonnes pour que la femelle donne naissance à d’autres mâles séduisants qui, à leur tour, seront plus à même de transmettre ses gènes. On croit par ailleurs que ces ornements ne sont pas futiles, ils constitueraient plutôt un indice de bonne santé, la femelle choisit donc le mâle le mieux adapté.
Le concept de sélection sexuelle explique bien des comportements complexes et certains des traits les plus flamboyants qu’on retrouve dans la nature.
La sélection sexuelle a-t-elle influencé l’évolution de certains traits et comportements humains? Le contraire serait surprenant et certains croient que le cerveau humain serait le résultat de la sélection sexuelle, l’intelligence ayant été favorisée. Certaines recherches plus controversées suggèrent que le choix des partenaires chez les femelles est influencé par le cycle d’ovulation, les mâles dominants étant particulièrement recherché lorsque la femelle est la plus fertile.
LE SEXE ET LA COURSE AUX ARMEMENTS ÉVOLUTIFS
AMTOZ ZAHAVI
1928–
Biologiste israélien de l’évolution, auteur du « principe du handicap », qui explique pourquoi la sélection sexuelle peut générer des caractéristiques extravagantes.
MARLENE ZUK
1956–
Écologiste comportementaliste américaine qui développa la thèse selon laquelle les ornements extravagants chez les mâles sont associés à leurs qualités reproductives.
Mark Fellowes
Au début des années 1970, Geoffrey Parker observa que la quantité de spermatozoïdes, comme les autres traits biologiques, était augmentée par la sélection naturelle. Parmi nos cousins les plus proches, la taille des testicules (un indicateur de la quantité de spermatozoïdes) fluctue énormément. Les gorilles ont d’assez petits testicules, les orangsoutangs de plus gros, puis viennent les hommes et les chimpanzés. Si une femelle s’accouple avec deux mâles, celui qui a le plus de spermatozoïdes aura plus de chances de se reproduire. La sélection en fonction de la quantité de spermatozoïdes est liée aux rites d’accouplement. Ainsi, chez les gorilles, un seul mâle dominant fertilise les femelles de son clan, rendant inutiles les préoccupations quant aux quantités de spermatozoïdes disponibles. Chez les chimpanzés, plusieurs mâles s’accouplent avec une même femelle, ce qui mène à une course des spermatozoïdes et explique leurs testicules assez gros. Les testicules des hommes sont de taille moyenne, ce qui porte à croire que nous nous situons dans un moyen terme de cette course. Des études récentes démontrent qu’environ 1 % des enfants sont issus de l’adultère, ce qui tend à prouver que la compétition spermatique est une caractéristique rare, mais pas exceptionnelle, du comportement reproducteur de l’humain.
La course ne se termine pas avec la copulation, elle continue jusqu’à ce que l’œuf soit fertilisé.
Les humains sont socialement monogames: les mâles et femelles forment des couples à long terme, mais ils peuvent aussi s’accoupler hors de cette union. Le prix à payer pour ces unions extra-conjugales est la possibilité pour un mâle d’élever un enfant qui n’est pas le sien et de perdre sa chance de se reproduire. Par ailleurs, la sélection naturelle a tout prévu: le pénis de l’homme est fait de façon à ce qu’il enlève les traces de sperme d’un accouplement précédent, et les mâles dont la partenaire est susceptible d’avoir copulé avec d’autres produisent plus de spermatozoïdes et copulent plus fréquemment.
LE SEXE ET LA COURSE AUX ARMEMENTS ÉVOLUTIFS
GEOFFREY ALAN PARKER
1944–
Écologiste comportementaliste anglais qui évoqua le premier le concept de la course des spermatozoïdes, qu’il développa durant ses études sur la mouche scatophage du fumier.
Mark Fellowes
Chez les espèces à reproduction sexuée, il y a un inévitable combat évolutionnaire entre parents et rejetons. Selon Robert Trivers, les parents devraient veiller à équilibrer leur investissement parental afin de favoriser la qualité et le nombre de leurs descendants plutôt que l’individu. Mais les rejetons ne l’entendent pas ainsi parce que ce partage peut diminuer leurs chances de survie. Ce phénomène s’explique par le lien de parenté: les parents, dont le degré de parenté est identique avec tous leurs bébés, devraient investir équitablement. Et si la progéniture a 100 % des gènes des parents, ils partagent 50 % de leurs gènes avec leur fratrie, et donc – d’un point de vue génétique – ils veulent obtenir plus de ressources de leurs parents que leurs parents ne veulent leur en donner, pour accroître leurs chances de survie au prix de celles de leur actuelle ou future fratrie. C’est ce qui explique la réticence au sevrage démontrée par beaucoup de petits. Les mères chimpanzés doivent souvent forcer leurs bébés à abandonner l’allaitement lorsqu’elles sont de nouveau fertiles et prêtes à s’accoupler. La compétition dans les portées pour l’attention maternelle atteint souvent des proportions menant au fratricide. On voit cela particulièrement chez les rapaces, où l’aîné de la portée tue l’oisillon le plus faible ou le plus jeune, surtout quand la nourriture se fait rare.
L’opinion des parents et de leurs rejetons diffère quant à l’attribution des ressources parentales.
Pour le généticien David Haig, les preuves de conflits parents-enfants chez les humains sont claires: le fœtus nécessite plus de ressources de la part de la mère qu’elle ne souhaiterait en donner. Le conflit se joue au travers des hormones sécrétées par le placenta en développement qui accroît le taux de sucre dans le sang de la mère; ce à quoi la mère répond en produisant plus d’insuline pour abaisser ce taux. Il se peut qu’en vieillissant, la mère, alors moins susceptible d’être enceinte, adapte sa stratégie en fonction de ses rejetons.
ROBERT L. TRIVERS
1943–
Biologiste américain qui révolutionna notre conception de la coopération et des conflits.
DAVID ADDISON HAIG
1958–
Généticien australien qui évoqua le premier le conflit mère-fœtus et établit les bases d’une nouvelle compréhension des pires complications durant les grossesses.
Mark Fellowes
Dites « gène égoïste » et on pensera tout de suite à Richard Dawkins, sauf que le titre du livre de Dawkins était un hommage à William Hamilton. Né en Égypte de parents néo-zélandais, Hamilton grandit dans le Kent, où il se passionna pour les papillons, et, mis à part un court séjour aux États-Unis, il passa toute sa vie en Angleterre. Pendant ses études à Cambridge, Hamilton s’intéressa à la génétique statistique de Ronald Fischer, ce qui l’amena à faire une thèse de doctorat, menée conjointement à la London School of Economics et au University College de Londres. Il enseigna 13 ans au Imperial College, où ses articles furent plus appréciés que ses cours…
Hamilton était dans la vingtaine lorsqu’il publia un article en deux parties: « L’évolution génétique du comportement social », dans lequel il proposait une approche quantitative de la sélection de parentèle, établissant un lien direct entre le degré d’apparentement et le prix à payer pour l’altruisme. On avait déjà émis l’hypothèse de ce type de sélection de parentèle, mais Hamilton lui donna une rigueur mathématique.
Hamilton travailla sur d’autres concepts importants, parmi lesquels le Hamiltonian spite et les rapports des sexes « extraordinaires ». Le mot anglais spite signifie le contraire de l’altruisme (biologiquement parlant), c’est la théorie selon laquelle il existe un bénéfice génétique en termes de survie à faire du mal à ceux qui sont plus éloignés de nous que l’ensemble de la population. De tels comportements existent – par exemple quand des animaux tuent les rejetons de leurs rivaux – bien que ce concept n’ait jamais eu la faveur qu’a connue l’altruisme en psychologie évolutive. Les recherches de Hamilton sur les rapports des sexes « extraordinaires » se penchaient sur des cas présentant de grandes divergences avec les rapports des sexes « ordinaires » de grosso modo 1:1 – par exemple, les abeilles et les fourmis. Encore là, il introduisait les mathématiques plus que de coutume en biologie, utilisant la théorie des jeux pour expliquer la stabilité des communautés aux rapports des sexes « extraordinaires ». Hamilton étudia les parasites à la fin de sa vie, qu’il jugeait importants dans l’évolution de la sexualité.
Après de brefs professorats à Harvard et Sao Paulo, Hamilton enseigna la biologie évolutive durant six ans à l’Université du Michigan. Il retourna ensuite à Oxford, chargé d’une chaire de recherche en zoologie, et il fut nommé Fellow au New College, où il resta jusqu’à sa mort. Son décès fut attribué à la malaria, qu’il avait contractée au Congo, mais était en fait la conséquence d’une hémorragie gastro-intestinale.
Brian Clegg
Né au Caire, fils d’Archibald Hamilton, un ingénieur civil né en Nouvelle-Zélande, et de la Dr Bettina Hamilton.
1964
Professeur au Imperial College de Londres. Il publie des articles importants sur l’évolution du comportement social.
1966
Épouse Christine Friess, avec qui il aura trois filles.
1970
Publication d’un important article sur le concept de Hamiltonian Spite.
1976
Publication du livre Le Gène égoïste de Richard Dawkins qui popularisera la théorie de Hamilton.
1978
Professeur de biologie évolutive à l’Université du Michigan.
1980
Élu Fellow à la Royal Society de Londres.
1984
Professeur à Oxford.
1988
Reçoit la médaille Darwin de la Royal Society.
1989
Lauréat de la Médaille scientifique de la Linnean Society.
1993
Récipiendaire du prix Crafoord (l’équivalent du Nobel en biologie).
1994
Rencontre Luisa Bozzi, qui deviendra sa compagne.
7 March 2000
Meurt à Londres.
Les prédateurs débusquent les individus les plus faibles et les moins adaptés, ce qui développe petit à petit les traits défensifs de leurs proies. Les proies deviennent plus rapides, plus fortes, mieux camouflées, ce qui cause la perte des prédateurs les moins adaptés, provoquant la sélection de meilleurs prédateurs. Chaque étape de ce processus est une boucle positive d’adaptation et de contre-adaptation. L’« hypothèse de la reine rouge » de Leigh Van Valen établit le lien entre cette course aux armements et le sexe. La reine rouge dans De l’autre côté du miroir de Lewis Carroll déclare qu’il « faut courir autant que possible pour rester au même endroit ». Pour Van Valen, c’était une allégorie de la vie, où les changements continus provoqués par le sexe sont nécessaires pour simplement faire face aux ennemis en constante mutation. Les espèces doivent sans cesse modifier leur réponse immunitaire si elles veulent tenir tête aux parasites et maladies en constante évolution qui, eux, doivent trouver des façons de solutionner les réponses immunitaires de leurs hôtes pour survivre. Sans variation de la réponse immunitaire, la bonne clé ouvrira toujours toutes les portes. La reproduction sexuelle maintient une variation constante des gènes, changeant les verrous des portes afin que les virus soient forcés d’essayer d’autres clés.
Le sexe permet des réponses adaptatives rapides aux parasites et maladies qui, sinon, nous envahiraient.
Y a-t-il une course aux armements entre les sexes? Si les mâles se renforcent en s’accouplant mais que la reproduction affaiblit les femelles, on pourrait s’y attendre. L’accouplement est parfois malsain pour les femelles de certaines espèces, puisque leurs mâles ont des méthodes de copulation traumatiques (punaises de lit), des dards d’amour (escargots) ou du sperme toxique (mouches à fruit) pour maximiser leurs chances de réussite. Les femelles développent des réponses à ces agressions, mais nulle espèce n’a réussi si bien que la mante religieuse, dont les femelles pratiquent le cannibalisme sexuel.
LEIGH VAN VALEN
1935–2010
Théoricien de l’évolution américain qui affirmait que les espèces évoluent grâce à une constante course aux armements, s’ajustant continuellement à leurs ennemis et à leurs victimes.
Mark Fellowes
Certaines espèces sexuées peuvent fertiliser leurs propres œufs. Les plantes, par exemple, se reproduisent souvent ainsi. Mais la consanguinité a un prix. L’autofertilisation et l’accouplement entre proches parents augmentent les risques qu’un rejeton soit porteur de deux copies d’un gène délétère. Les traits affectés par ces gènes sont souvent visibles plutôt que dissimulés par une autre forme de ce gène. Cela mène à la dépression de consanguinité, caractérisée par l’action de mauvais gènes affectant leur porteur. Cela s’est vu dans les familles royales européennes, où la consanguinité mena aux maladies et aux difformités. La plupart des espèces ont développé des mécanismes de défense face aux dangers de consanguinité. Les plantes peuvent être auto-incompatibles, faisant en sorte que leur pollen ne puisse fertiliser leurs propres ovules. Cette incompatibilité est moins fréquente chez les animaux qui ont développé des traits comportementaux qui minimisent les risques de consanguinité. Ainsi, plusieurs espèces pratiquent une dispersion sélective, alors qu’un sexe continue à vivre sur les lieux de sa naissance pendant que l’autre se disperse. D’autres espèces envoient des signaux très directs. L’odeur de l’urine de la souris domestique varie en fonction des protéines urinaires de son émetteur, et les souris évitent de s’accoupler avec les individus dont l’urine a une odeur différente de la leur.
La consanguinité peut être lourde de conséquences et beaucoup d’espèces ont développé des traits réduisant les risques d’accouplement entre parents.
Selon certaines études controversées, les gens ont tendance à s’accoupler à des partenaires dont l’odeur est différente de la leur. Cette différence est produite par le complexe d’histocompatibilité majeur (CHM) qui contrôle les récepteurs situés à la surface des cellules et joue un rôle primordial dans le système immunitaire. Curieusement, il semble que les femmes prenant la pilule seraient attirées par les mâles au CHM analogue au leur, alors que celles qui ne la prennent pas seraient attirées par ceux dont l’odeur est différente.
Mark Fellowes