Paris, 30 octobre 1951
Très cher René,
Voilà. Je ne peux pas te raconter tout ce qui me passe par la tête, les yeux, les mains au sujet de ton livre. Il faudrait autant de temps que celui qui nous sépare sur le calendrier depuis ton départ et te barber de considérations esthétiques, du papier à la couleur, des rapports de la boîte à l’agate à la litho de tranche ; impossible. Je fais le plus simple possible et c’est cela qui est si difficile pour moi.
Je t’enverrai un aperçu de la couverture extérieure et de l’étui quand tu voudras.
Mais, te faire parvenir des épreuves impeccables de ton texte et de mes bois, je ne sais comment c’est possible, parce que Baudier14 met deux à trois heures à pointer chaque bois, en mettra une ou deux pour chaque page de texte. Comment veux-tu qu’il sacrifie un jour ou deux pour donner un volume définitif, un seul, alors qu’il est près de la fin pour l’ensemble ?
J’y vais tous les jours. Ils ne peuvent pas tourner plus vite, et moi non plus d’ailleurs ; je peux t’expédier les épreuves que tu connais, mais pas de texte ou presque pas. Si c’est cela que tu veux, c’est facile.
Mais s’il te reste un peu de patience, crois-moi, attends le résultat ce ne sera plus très long. Pour la blancheur du tout, ne m’en tiens pas rigueur, les suites compenseront, et il se peut que j’aie la chance d’y ajouter encore quelque chose.
Bon. À part cela, j’ai fait un bond à Londres, dimanche, et me suis trouvé en descendant d’avion en face de l’article de Bataille15 sur toi, il m’a passionné dès l’hésitation, la divergence d’écrire du début. C’est un type bien, Bataille, quand il joue aux cartes avec passion. Il y a un moment où j’ai eu vraiment l’impression que cela ferait un grand éclair.
Réponds-moi au sujet des épreuves. Merci, merci mille fois pour tout.
Bonjour de Françoise.
De tout cœur.
Nicolas