Paris, 8 novembre 1951, jeudi soir
Très cher René,
Demain soir, je t’envoie tout ce que Baudier voudra bien me donner. Je n’hésite plus parce qu’ils ont traîné un peu ces trois derniers jours sans raison. Le gris, oui. Les gris de la litho de couverture seront plus denses que ça.
Ton nom, je n’ai pu le réaliser autrement qu’en sceau, vu la violence des autres taches, il restera donc à la limite du lisible.
L’étui, tous les étuis seront identiques comme aspect général mais, étant donné que je fais cela moi-même, tu auras forcément une variante des empâtements et des reliefs passés à l’agate, et cirés parce que je n’ai rien pu imaginer de mieux.
Enfin, si. On pourra imprimer la litho sur cuir blanc et faire l’étui en cuir noir, ayant précédemment mis à la forme du relief le cuir qui servirait à cela, je pense que quelques amateurs réaliseront cela d’eux-mêmes tout naturellement. Tu peux d’ailleurs leur proposer toutes les variantes, sur ce plan-là, que tu voudras de ma part.
Voilà, René, j’arrive au bout, un peu sur le tranchant des nerfs, parce que tu devrais avoir tout le livre fait depuis hier, c’est-à-dire, alors que je t’écris, je devrais roupiller en paix et tu m’écrirais, toi ce que tu en penses.
Mon temps, à moi, limite c ’était hier.
Ceci dit, je ne te dirai jamais assez ce que cela m’a donné de travailler pour toi. Tu m’as fait retrouver d’emblée la passion que j’avais, enfant, pour les grands ciels, les feuilles en automne et toute la nostalgie d’un langage direct, sans précédent que cela entraîne. J’ai ce soir mille livres uniques dans mes deux mains pour toi, je ne les ferai peut-être jamais, mais c’est rudement bon de les avoir.
Bonsoir René, Françoise fabrique un manteau d’hiver pour Jérôme18 et te salue.
À bientôt.
De tout cœur.
Nicolas.