CHAPITRE XV
L’homme qui se faisait appeler Abu Salim arrêta son 4 x 4 Suzuki au coin d’Abdara Road, derrière une station de tongas, et revint à pied jusqu’au 80 Old Bara Road. Une plaque vissée sur le portail rouge annonçait « Islamic Relief Agency ». Il ouvrit et se glissa à l’intérieur. Le chowkidar, qui le connaissait de vue, ne prêta aucune attention à lui. Toute la journée, il y avait des allées et venues de gens venant demander un service à cette ONG musulmane. En plus, Abu Salim passait totalement inaperçu, avec son « uniforme » – cheveux longs, moustache et barbe soigneusement taillées, kamiz et charouar beiges, sandales de cuir – semblable à ceux de milliers de jeunes à Peshawar. Il pénétra dans le hall où une table disparaissait sous les plateaux de canapés et les bouteilles de boissons non alcoolisées. Un coordinateur posté près de la porte lui demanda :
– Vous venez pour la séance ?
– Oui.
La projection d’un film sur les réalisations de l’ONG en Afghanistan donnait lieu à un cocktail.
– Vous appartenez à quelle organisation ?
Abu Salim sourit.
– Aucune, je suis étudiant ; c’est Mir Amar qui m’a invité.
– Très bien, sourit son interlocuteur. Il est déjà dans la salle. Je crois que je vous ai déjà vu ici, non ?
– Oui, c’est possible, je viens parfois le voir. Choukrai.
Il se glissa dans la salle à moitié pleine et repéra aussitôt celui qu’il cherchait. Un homme plutôt corpulent, la barbe grisonnante, qui s’occupait du dispatching à l’Islamic Relief Agency. Il vint s’asseoir à côté de lui et les deux hommes bavardèrent quelques instants à voix basse.
Puis, la lumière s’éteignit et le film commença. Abu Salim essaya de s’y intéresser, pour se vider le cerveau. La vie qu’il menait depuis des années lui infligeait une telle tension nerveuse qu’il avait besoin de ces plages de détente. Né d’un père palestinien et d’une mère pakistanaise, il s’était toujours senti plus Palestinien que Pakistanais. Il n’avait jamais été particulièrement religieux, mais avait compris très vite l’importance de la religion dans sa lutte. Au nom d’Allah, on mobilisait plus facilement qu’au nom des Palestiniens. Depuis qu’il était en âge de penser, il haïssait les Israéliens, et surtout les Américains, leurs puissants protecteurs sans qui ils n’auraient pu survivre.
A ses yeux, il n’y avait qu’une solution au problème palestinien : jeter tous les juifs à la mer. Il vomissait Yasser Arafat et méprisait les anciens « durs » de la résistance palestinienne qui se laissaient dicter leur conduite par les Syriens.
Sa haine de l’Amérique était son moteur, et l’aidait à supporter les difficultés et les dangers de sa vie de clandestin, de sans-famille exilé. Parfois, il en arrivait à oublier son véritable nom, tant il utilisait d’alias... Il prenait des précautions extraordinaires pour se protéger. A Peshawar, aucun de ceux qui composaient son réseau ne savait où il demeurait, ni où il se déplaçait, ni où il utilisait son portable.
Quelques mois plus tôt, sa haine des Etats-Unis avait encore augmenté d’un cran, après le massacre de civils libanais à Canaa par l’artillerie israélienne. C’est en parlant
avec des gens qui partageaient ses haines qu’était né son projet.
Un projet dont il était la cheville ouvrière, dont il avait lui-même recruté les participants. Qui exigeait sa présence à Peshawar encore deux semaines. Il avait espéré pouvoir tout mener à bien sans être repéré, mais il y avait eu un grain de sable dans sa belle mécanique, et il sentait le danger se rapprocher de lui. Grâce à un appel d’Abdul Basin Karim le prévenant du contact « suspect » d’un de ses anciens camarades de combat qu’il savait inféodé aux services pakistanais, il avait pu réagir assez tôt en supprimant le traître. Mais la surveillance de celui-ci lui avait fait découvrir un péril beaucoup plus grand : les Américains.
A la seconde où il avait découvert, grâce à la surveillance exercée par Mir Amar sur ses adversaires, que ceux-ci allaient rencontrer Bin Laden, il avait su qu’il était véritablement en danger. Le Saoudien ne connaissait pas sa véritable identité, mais il connaissait en partie son rôle. A Peshawar, il était difficile de garder un secret, avec l’inextricable enchevêtrement des réseaux et des groupes plus ou moins rivaux.
Il avait échoué à empêcher la rencontre avec Bin Laden et du coup, un nouveau risque avait surgi, cette fois beaucoup plus immédiat. Il allait, grâce aux précautions qu’il avait prises, retourner définitivement la situation à son avantage.
En éliminant ses adversaires les plus proches, il ne se faisait pas d’illusions : la CIA ne le lâcherait plus. Mais il avait seulement besoin de quelques jours de répit.
Il avait fallu que Malko menace d’en référer à Franck Capistrano pour que Joe Hickerson accepte de débloquer quarante-cinq mille dollars. Perverst devait effectuer l’aller-retour Peshawar-Islamabad pour aller les chercher.
Tout cela avait pris un peu de temps et la nuit allait bientôt tomber.
– On pourrait peut-être économiser tout cet argent, suggéra soudain Ralph McCarthy.
– Comment ?
– On a dit à Dorothy que le chowkidar à la barbe orange de l’Islamic Relief Agency travaillait désormais chez le patron de cette ONG, le mollah Shaikh. Ça vaudrait peut-être la peine de vérifier si c’est le vôtre ; et alors...
– Excellent, approuva Malko. Vous savez où habite ce mollah ?
– Non, mais il vient tous les jours travailler aux bureaux de Old Bara Road. Il doit en repartir vers sept heures du soir. Il n’y a qu’à le suivre. Je sais par Dorothy qu’il a une vieille Land Cruiser noire.
Embusqués au coin de Old Bara Road et de Chinar Road, Malko et Ralph McCarthy surveillaient l’entrée du 80 Old Bara Road. Il était 7 h 10, la nuit était tombée depuis longtemps. Enfin, le portail s’ouvrit pour laisser passer une Land Cruiser noire avec un gyrophare et une sirène sur le toit.
– Voilà le mollah Shaikh ! annonça l’Américain en lançant son moteur.
Grâce à l’obscurité, ils n’eurent aucun mal à la suivre. D’abord, la Land Cruiser rejoignit Jamrud Road et tourna à gauche, vers Hayatabad. Elle longea ensuite l’immense lotissement, tournant à gauche dans une avenue à deux voies montant vers le nord. Puis, elle franchit la rivière à sec serpentant au milieu d’Hayatabad et monta encore un peu, pour tourner ensuite à gauche. Malko aperçut un panneau bleu : Street n° 9.
La Land Cruiser avait stoppé devant une maison carrée, au milieu de la rue. Coup de klaxon. Ralph s’était arrêté à l’entrée de la rue. Ils virent le portail s’ouvrir, avalant
la Land Cruiser. L’Américain avait déjà démarré. Ils arrivèrent à la hauteur de la villa au moment où le
chowkidar refermait le portail. Les phares de la Nissan l’éclairèrent. Un grand type, un calot blanc sur la tête, avec un énorme nez de perroquet, des yeux protubérants et une incroyable barbe orange. Son bras gauche était en écharpe.
– Himmel Herr Gott ! C’est lui !
Ils continuèrent jusqu’au bout de la rue et revinrent par le même chemin.
– Nous sommes dans la phase 2, la zone J. 1, la rue 9. Juste en face de la mosquée Maraw, annonça l’Américain.
Il n’y avait plus rien à faire pour le moment. Ils reprirent le chemin d’University Town.
– Ça ne va pas être facile de le coincer, remarqua Ralph McCarthy, les chowkidar ne sortent pratiquement pas.
– Demain, c’est vendredi, fit Malko. Il ira peut-être à la mosquée. Il faut tenter de s’emparer de lui. Nous ne pouvons pas faire appel à la police pakistanaise.
– On va essayer ! promit Ralph McCarthy. Si on arrive à l’amener à la maison, on devrait en sortir quelque chose.
Au moins quelqu’un qui n’avait pas froid aux yeux... Il leur restait un jour et demi avant de revoir Ali Masood Afridi. Peut-être n’auraient-ils pas besoin de lui...
Malko, en entrant dans sa chambre, aperçut, glissée sous la porte, une enveloppe fermée qui n’était pas un message de la réception. Il l’ouvrit. Elle ne contenait qu’un rectangle de bristol avec quelques mots : « Venez demain à trois heures à l’exposition du premier étage. Saba »
Depuis quarante-huit heures, une exposition de fabricants de bijoux et de marchands de pierres précieuses et semi-précieuses se tenait dans l’hôtel, drainant un monde fou. Tous les marchands du Pakistan et d’Afghanistan étaient là.
Pourquoi Saba Afridi rompait-elle son serment de ne
pas le revoir ? Il ne voulait pas croire à une simple pulsion sexuelle, flatteuse pour son ego. Il y avait forcément autre chose de plus sérieux... Il s’efforça de ne pas y penser. Avant Saba Afridi, il y avait le barbu orange.
La mosquée Maraw était la réplique minable de la grande mosquée de Lahore, au dixième de sa taille... Elle n’en attirait pas moins beaucoup de gens d’Hayatabad, éloignés des belles mosquées de Peshawar. Depuis un quart d’heure, ses haut-parleurs psalmodiaient l’appel à la grande prière du vendredi.
Stationnés juste après l’entrée de la rue numéro 9, Ralph et Malko attendaient dans la Nissan, observant les fidèles déposer leurs chaussures à l’entrée avant de s’entasser à l’intérieur. Le muezzin continuait à leur vriller les oreilles et les retardataires se hâtaient.
Pas de barbu orange.
Quelques jeunes gens distribuaient des tracts devant la mosquée, ou vendaient des journaux. Enfin, une silhouette déboucha de la rue numéro 9.
– Le voilà, fit Malko.
– On y va, proposa Ralph McCarthy.
Le barbu n’était plus qu’à quelques mètres de la mosquée.
– Il vaut mieux attendre la sortie et le coincer dans sa rue, suggéra Malko. S’il se met à hurler maintenant, nous aurons en un clin d’œil tous les excités de la mosquée sur le dos.
Le barbu orange venait d’y disparaître. Ralph poussa la clim. Il faisait un bon petit 37 degrés...
Malko ne quittait pas des yeux la mosquée. Il avait une partie de la vérité à portée de la main.
Le flot des croyants se répandait à nouveau sur l’esplanade en face de la mosquée. Une heure environ s’était écoulée. Le barbu orange sortit parmi les derniers. Mais, au lieu de repartir chez lui, il s’éloigna vers le pont enjambant la rivière à sec, en direction de Jamrud Road.
– Superbe ! exulta Ralph McCarthy, on va le piquer tranquillement un peu plus loin.
– C’est son jour de repos, commenta Malko, il va se promener.
Ce serait facile de le faire monter de force dans la Nissan, sur le parcours menant à Jamrud Road. Il n’y avait jamais personne dans les rues d’Hayatabad. Hélas, vingt mètres plus loin, il monta dans un tonga qui passait !
Suivre la carriole à cheval n’était pas facile tant elle allait lentement. Ralph McCarthy prit le parti de passer devant, s’arrêtant puis repartant. Ils arrivèrent ainsi à Jamrud Road. Le manège recommença jusqu’à University Town.
– Il va à Peshawar, dit Malko. C’est intéressant de voir qui il va rencontrer.
Mais tout à coup le tonga s’arrêta et le barbu orange en sauta, détalant aussitôt vers un rickshaw ! Il avait repéré la Nissan. Deux minutes plus tard, ils filaient dans les rues calmes d’University Town. Impossible de doubler. Le rickshaw effectua un parcours compliqué, sûrement dans l’espoir de les semer. Ils revenaient vers Jamrud Road quand soudain, en arrivant à Abdara Road, le barbu orange jaillit du rickshaw et courut derrière un fourgon bourré de navets qui démarrait. Une douzaine de barbus, trimbalés pour quelques roupies, étaient déjà accrochés à l’arrière ou installés sur les navets. Le barbu orange réussit à se glisser au milieu d’eux. S’il comptait semer la Nissan, il se trompait, celle-ci était infiniment plus rapide. Les deux véhicules s’approchaient du carrefour avec Jamrud Road. Lorsque le fourgon l’atteignit, le feu était au rouge. Le barbu orange se retourna et vit la Nissan qui se rapprochait.
Le fourgon stoppa. Soudain, Malko vit le barbu sortir de son charouar un énorme couteau et se mettre à gesticuler en hurlant ! Terrifié, le chauffeur grilla le feu, coupant la circulation de Jamrud Road. Il parvint à éviter le premier flot de véhicules venant de Peshawar et tourna à droite.
Sans voir un énorme Flying Coach lancé à toute vitesse, toutes antennes dehors, des rubans noirs accrochés un peu partout, peinturluré comme une vieille hétaïre. Le bus n’eut pas le temps de freiner et heurta le fourgon chargé de navets par l’arrière, avec une violence inouïe.
Le fracas de la collision dut s’entendre jusqu’à Peshawar... Imbriqués l’un dans l’autre, les deux véhicules parcoururent quelques mètres puis, perdant sa direction, le chauffeur du fourgon alla s’écraser contre un poteau en ciment. Pris en sandwich, le fourgon explosa !
Un policier en chapeau de toile et masque à gaz anti-pollution était en faction au carrefour. Il se précipita.
Du fourgon, il ne restait qu’une purée de barbus aux navets.
Les malheureux accrochés à l’arrière avaient été broyés par le choc et gisaient sur la chaussée, morts ou agonisants, sur un lit de navets.
Au milieu de cette horreur, la barbe orange ressortait comme un beau fruit tropical. Son propriétaire n’égorgerait plus personne. Une mousse rosâtre aux lèvres, il hoquetait, la cage thoracique défoncée, les yeux encore plus hors de la tête. Seul son énorme nez de perroquet était intact.
Lorsque Malko, jouant des coudes, parvint enfin près de lui, il ne respirait plus. La pagaïe était à son comble, les deux voies vers Peshawar coupées. Ralph McCarthy et Malko battirent en retraite, vers University Town.
–
Tough luck laissa tomber l’Américain.
– Il nous reste le mollah Zaid Ghulam Shaikh, remarqua Malko. S’il a aidé ce type, c’est très probablement qu’il fait partie du complot.
Ralph McCarthy émit un sifflement ironique.
– Peut-être ! Mais il est intouchable. Zaid Ghulam Shaikh est une autorité morale et religieuse. Si vous touchez un cheveu de sa barbe, c’est l’émeute.
Malko ne fit aucun commentaire. Il pensait déjà à son rendez-vous avec Saba Afridi. Pourvu qu’elle n’ait pas que des mauvaises nouvelles. Dès qu’ils semblaient toucher au but, tout s’évanouissait. D’abord Abdul Basin Karim, puis Hedjaz Rahim, et maintenant le mystérieux barbu orange.
Le temps de déjeuner à l’infâme buffet du Pearl Continental, l’heure du rendez-vous arriva très vite. Pour faire passer le goût de son déjeuner, Malko alla avaler rapidement une vodka Petrossian au poivre, au seul bar. Ensuite, il gagna le premier étage et se promena parmi les stands offrant les lapis, les topazes, les bijoux, toute la production locale. Il était en train de négocier la réplique d’un char T.34 en lapis-lazzuli avec un barbu bougon lorsqu’il la vit. Saba Afridi était toujours aussi appétissante, avec un voile blanc aux fils d’or sur sa chevelure noire et une tenue pakistanaise améliorée qui suivait les lignes de son corps. Elle était accompagnée par une autre femme, nettement moins belle. Son regard croisa celui de Malko, et elle eut un imperceptible sourire. Il la suivit à distance, tandis qu’elle flânait le long des stands. Sa copine ne la lâchait pas d’une semelle. Dans la cohue, Malko arriva plusieurs fois à se rapprocher d’elle sans trouver l’occasion de lui parler.
Leur tour accompli, les deux femmes ressortirent de l’exposition, gagnant le couloir menant aux ascenseurs. Elles s’arrêtèrent devant. Après un bref conciliabule, elles
se séparèrent, l’une prenant l’ascenseur et Saba Afridi, revenant sur ses pas, vers Malko.
– Vite, dit-elle dès qu’elle fut à sa hauteur, allons dans votre chambre. Je lui ai dit que je voulais aller aux toilettes, elle m’attend dans la voiture.
– Qui est-ce ?
– Une cousine de mon mari. Elle ne se doute de rien.
Ils arrivèrent à la porte de la chambre de Malko. Il la fit entrer. Il n’y avait personne dans les parages. Elle se retourna, tendue, serveuse.
– Il fallait que je vous voie, commença-t-elle.
Malko lui cloua la bouche d’un baiser, l’étreignant brutalement. En la revoyant, tout son désir était revenu. Au diable les problèmes, pour quelques instants. Elle gémit, tenta de se dégager, mais il était décidé à parvenir à ses fins. Ils oscillaient dans l’entrée et il gardait sa bouche soudée à la sienne. Il souleva sa tunique, atteignit la taille de son charouar, écarta l’élastique, et tira le vêtement vers le bas. Saba Afridi parvint à dégager sa bouche et cria :
– Arrêtez ! Je ne suis pas venue pour ça.
Malko n’avait cure de ses protestations. Déchaîné, il la poussa vers le lit. Achevant de faire glisser son charouar jusqu’à ses chevilles, il le lui ôta, ainsi que ses sandales.
Il ne lui restait qu’un triangle de dentelle noire à la jointure des cuisses charnues, mais Saba Afridi continuait à se défendre, à plat dos sur le lit, les jambes dans le vide, donnant des ruades violentes. Malko se laissa tomber à genoux devant elle, parvint à arracher la culotte de dentelle noire et enfouit son visage dans l’astrakan noir. Ce fut comme un coup de baguette magique. La jeune femme poussa un petit cri, se débattit encore quelques instants, puis ses cuisses s’ouvrirent, elle poussa un profond soupir et ses doigts se refermèrent sur les cheveux de Malko. Il la caressa longtemps, s’ingéniant à faire monter son plaisir. Puis, quand il sentit son orgasme près de se déclencher, il l’abandonna et se ficha en elle d’un seul coup, lui arrachant un cri violent. Il la prit à grands coups de reins,
s’enfonçant violemment au plus profond de son ventre inondé jusqu’à ce qu’il explose. A peine avait-il joui que Saba se redressa, affolée.
– Elle va me chercher ! Ameuter tout le monde...
Malko lui tendit son charouar qu’elle enfila à toute vitesse. Essoufflée, elle lui lança :
– Ali Masood Afridi m’a appelé, fou furieux. Il a appris, je ne sais pas comment, que vous n’étiez pas des trafiquants de pierres, mais des agents des Américains. Faites très attention.
– Qui l’a prévenu ?
Elle secoua la tête en remettant ses chaussures.
– Il ne me l’a pas dit. Si je n’étais pas la femme d’Ayub, il m’aurait tuée. Je lui ai juré que vous m’aviez menti.
Comme une folle, elle se rua vers la porte.
– Ne me suivez pas, surtout... ! lança-t-elle.
– Quand vais-je vous revoir ? insista Malko.
Saba Afridi se retourna et lâcha :
– Jamais !
Resté seul, Malko se demanda s’il n’avait pas rêvé. Quel dommage qu’une femme aussi séduisante ne vive pas dans un pays normal.
Il repensa à ce qu’elle lui avait dit. Le lendemain, ils devaient aller récupérer leur Nissan. Cela risquait de se passer très mal. Le choix était simple : y aller ou pas.
En tout cas, elle avait rompu sa promesse de ne pas le revoir pour lui sauver la vie... Finalement, la nuit au Khan Klub lui avait peut-être laissé un très bon souvenir.
Il redescendit sur terre, une seule question en tête. Qui pouvait avoir averti Ali Masood Afridi de sa véritable personnalité ? Abu Salim ? Mais comment était-il au courant ? Il repensa à ce qu’Osama Bin Laden lui avait dit du nid de cobras de Peshawar. Beaucoup d’éléments lui échappaient encore. Mais, chaque heure qui passait crédibilisait les révélations du Saoudien.
Abu Salim ne semblait pas être un fantôme.
Malko n’avait pas encore voulu parler à Franck Capistrano.
Il attendait d’avoir des preuves concluantes de l’innocence de Bin Laden. Si cela s’avérait être le cas, le Spécial
Advisor for National Security de la Maison-Blanche allait passer des moments difficiles. Contraint d’abandonner ses certitudes concernant le Saoudien.
Le rendez-vous avec Ali Masood Afridi, le « logisticien » du mystérieux Abu Salim allait être crucial. Et risqué. Malko avait beau être sur ses gardes, grâce à Saba Afridi, il ignorait d’où viendrait le coup.