« Sans le Juif, comment pourrait-on trouver une cause commune aux riches Libanais, aux habitants du Koweït, aux Bédouins des tribus, au roi hachémite, au Syrien marxiste ou au fellah égyptien combattant au Yémen dans une guerre sans objet ? L’unité arabe ne pouvait s’exprimer que par la négative : la destruction des Juifs ! Mais sans les Juifs, cette expression lui était refusée. Quant à la restauration de la Palestine, Jarrah savait mieux que quiconque que si jamais elle était restaurée, elle serait démembrée du jour au lendemain par ses voisins jaloux. »
Morris West, La Tour de Babel (1968).
Les différentes guerres israélo-arabes (1948, 1956, 1967 et 1973) ont démontré la supériorité écrasante de l’armée israélienne sur celles de ses voisins, dont aucune ne prétend plus, depuis plusieurs années déjà, rivaliser avec elle. De même, grâce à sa puissance aérienne et maritime, Israël est en mesure de s’assurer le contrôle total de l’espace aérien et des eaux territoriales du Proche-Orient en cas de besoin. Cette « domination » conventionnelle de Tsahal sur les autres armées de la région limite – sans les faire disparaître complètement – les risques d’un affrontement militaire classique.
Surtout, Israël dispose de l’arme nucléaire – bien que ne l’ayant jamais reconnu officiellement –, son arsenal étant estimé par les spécialistes à quelques centaines de têtes. Selon l’enquête publiée dans le journal allemand Der Spiegel, le 4 juin 2012, certains des sous-marins d’attaque Dolphin, achetés à l’Allemagne, ont été équipés de têtes nucléaires.
Mais cela ne veut évidemment pas dire qu’Israël ne risque rien, bien au contraire. Si l’époque où il devait livrer des guerres conventionnelles majeures contre ses voisins semble révolue – mais non totalement écartée –, l’État hébreu est désormais confronté à des menaces asymétriques accrues, tant sur son propre territoire, sur ses frontières, qu’à l’étranger. Israël doit faire face aujourd’hui à cinq types de menaces.
La première est représentée par les Palestiniens dont certains prônent encore la disparition de l’État juif. Ces groupes considèrent en effet la « lutte armée » comme leur seul moyen et voient dans chaque citoyen israélien – voire dans chaque Juif, où qu’il se trouve – un adversaire, donc une cible légitime. Ainsi, les plus radicaux se livrent à des actions terroristes contre l’État hébreu pour faire pression dans le cadre des négociations pour la reconnaissance d’un État palestinien ; ou comme mesure de rétorsion aux actions de l’armée ou des services secrets israéliens (occupation de la Cisjordanie, lutte contre le blocus de Gaza, assassinats ciblés, etc.) ; ou bien encore parce qu’ils ne sont pas toujours en mesure de contrôler leurs troupes.
La seconde menace provient du Hezbollah, mouvement libanais chiite officiellement inscrit sur la liste des mouvements terroristes par Washington et qui bénéficie du soutien de la Syrie et de l’Iran. La guerre de 2006 qui s’est déroulée au Liban démontre que ce mouvement dispose d’une organisation de type militaire, très disciplinée, bien équipée, capable d’infliger des pertes significatives à l’armée israélienne et même de frapper le territoire israélien.
Ces groupes palestiniens et libanais sont soutenus par les États ennemis d’Israël, lesquels, à défaut de pouvoir engager des opérations militaires contre lui, financent et appuient les actions terroristes, tout en menant leur propre guerre secrète contre l’État hébreu.
Troisième menace, Israël est depuis une décennie la cible d’Al-Qaïda. La lutte contre l’État hébreu tient en effet une place de choix dans la rhétorique et dans l’imaginaire du djihad développé par l’organisation fondée par Ben Laden, laquelle a multiplié les tentatives pour s’implanter dans les pays voisins d’Israël, avec plus ou moins de succès.
La quatrième menace, perçue comme la plus inquiétante par Tel-Aviv, réside dans l’intention probable de Téhéran de se doter de l’arme atomique. Pour les autorités israéliennes, le programme nucléaire iranien représente un redoutable danger, avant même le Hezbollah ou le Hamas.
La dernière menace est d’une autre nature : comme dans toutes les démocraties, des groupes radicaux contestent les fondements de l’État de droit en Israël, en l’occurrence des mouvements extrémistes religieux, souvent ouvertement racistes tel le Kach, qui considèrent que les frontières légitimes de l’État d’Israël sont celles de l’Israël biblique au faîte de sa puissance, c’est-à-dire l’ensemble de la Palestine mandataire mais également la Jordanie actuelle, ainsi que de territoires situés aujourd’hui au Liban et en Syrie. Ces groupes jugent donc « sacrilège » toute idée de rétrocession de territoires, notamment en Cisjordanie – qu’ils dénomment Judée-Samarie – aux Palestiniens. Ils ont aussi montré par le passé qu’ils étaient capables de perpétrer des attaques de type terroriste et se livrent encore de façon régulière à des exactions envers les Palestiniens, comme en témoigne actuellement la campagne dite « Prix à payer ». L’assassin du Premier ministre Yitzhak Rabin en 1995 faisait partie de groupes de ce type. Les individus susceptibles de mener des actions violentes se comptent probablement plus par centaines que par milliers, mais cette menace intérieure n’en est pas moins réelle et réapparaîtrait probablement de manière accrue si un accord était signé dans le cadre du processus de paix relancé en septembre 2013. Israël est donc également confronté à un véritable terrorisme juif.
Les groupes palestiniens qui poursuivent leurs actions violentes contre Israël sont au nombre de sept : le Fatah, les Brigades des martyrs d’Al-Aqsa, le Front populaire de libération de la Palestine, le Front démocratique populaire pour la libération de la Palestine, le Hamas, le Djihad islamique palestinien et les Brigades d’Allah1.
Le Fatah (« Conquête ») a été créé en 1959 au Koweït par cinq jeunes Palestiniens en exil, dont Yasser Arafat. À l’origine, ce mouvement prône la lutte armée. En 1967, le Fatah devient la principale composante de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), organisation fondée en 1964 dont l’objectif est de fédérer l’ensemble des mouvements palestiniens, et, dès lors, les destins des deux organisations seront imbriqués. Si, dans le cadre des accords d’Oslo, OLP et Israël se sont reconnus mutuellement, son bras armé appelé par Tel-Aviv les Tanzim (« Organisation ») n’a pas abandonné la violence. En fait, il s’agit des « Panthères noires » qui agissent en Cisjordanie et des « Faucons », rebaptisés Brigades Abou Rish, opérant dans la bande de Gaza. Aujourd’hui, cette branche militaire continue à jouer un double jeu : d’une part, elle participe à la constitution des forces de sécurité de l’Autorité palestinienne ; d’autre part, elle mène parfois des actions terroristes.
Les Brigades des martyrs d’Al-Aqsa (Kataeb Shuhada Al-Aqsa) sont apparues juste après le début de la seconde Intifada, en 2000. Il s’agirait en fait d’une branche secrète des Tanzim créée par Marwan Ben Hatib Barghouti, secrétaire général du Fatah en Cisjordanie et chef de l’appareil militaire du Fatah, actuellement en prison. Une grande partie du financement de cette organisation transiterait aujourd’hui par l’intermédiaire de Mounir Mouqdah, membre du Fatah résidant au camp d’Ain al-Hiloué, au Liban. Selon certaines rumeurs, cet homme entretiendrait des relations étroites avec la Syrie et l’Iran. Les Brigades des martyrs d’Al-Aqsa bénéficient d’une très grande autonomie au sein du Fatah. Pour leurs opérations, elles agissent désormais en coordination étroite avec les branches armées du Hamas et du Djihad islamique. En dehors des attentats classiques anti-israéliens, elles se livrent également à l’élimination de « traîtres » ou de « corrompus » palestiniens comme celle de Hisham Miki, le directeur de la télévision palestinienne, assassiné en janvier 2001.
Le Front populaire de libération de la Palestine (FPLP), mouvement d’obédience marxiste-léniniste a été créé en 1967, par Georges Habache, un Palestinien de confession chrétienne. Membre de l’OLP depuis 1968, le FPLP s’est fait connaître par de nombreuses actions terroristes spectaculaires dont des détournements d’avions au cours des années 1970-1980. C’est en particulier ce mouvement, qui, en coopération avec la bande Baader-Meinhof, a détourné un appareil sur l’aéroport d’Entebbe, en Ouganda, en 1976. La prise d’otages avait alors été réglée par une opération commando israélienne audacieuse*1. Le FPLP est opposé aux accords d’Oslo. En conséquence, il n’est pas présent au sein de l’Autorité palestinienne.
La branche armée du FPLP est composée des Brigades Abou Ali Moustafa : elles se livrent à de nombreux attentats-suicides contre les intérêts israéliens. Le secrétaire général du FPLP, Abou Ali Moustafa, a été victime d’un assassinat ciblé israélien en août 2001. En réponse, le bras armé du FPLP a assassiné le ministre du Tourisme israélien Rehavan Zeevi. Pour ce fait, Ahmed Saadat, le nouveau secrétaire général, est incarcéré par l’Autorité palestinienne au début 2002, à Jéricho, d’où il continue à diriger son mouvement. Cependant, le FPLP a perdu beaucoup de son importance au profit du Fatah et des mouvements islamiques palestiniens.
Le Front démocratique populaire pour la libération de la Palestine (FDLP) est un mouvement d’obédience marxiste-léniniste né en 1969 d’une scission au sein du FPLP. Son chef était alors Nayef Hawatmeh. Longtemps, ce mouvement a eu une politique ambiguë, prônant la destruction d’Israël mais acceptant également de négocier avec l’État hébreu à partir de 1971. Aujourd’hui, sa position n’est toujours pas claire. Il a renoué avec l’Autorité palestinienne mais poursuit ses activités anti-israéliennes dans les territoires occupés.
Le Hamas (Harakat Al Moukawama Al Islamiya – « Mouvement de la résistance islamique ») est issu du mouvement sunnite Al-Moujamma al-Islami, créé en 1967 par le cheikh Ahmed Yassine, qui servait de couverture aux activités des Frères musulmans dans les territoires occupés. Le Hamas voit officiellement le jour le 14 décembre 1987, lors de la première Intifada, et se positionne depuis lors comme le principal rival de l’OLP. Il réclame la création d’un État palestinien islamique couvrant Israël et les territoires palestiniens et se définit aussi comme anti-occidental. Il prône la lutte armée, y compris les attentats kamikazes. Il s’ingénie à monter une structure socio-politique puissante et efficace dans les territoires occupés et dans la bande de Gaza, ce qui lui vaut un soutien populaire important. Après la première guerre du Golfe (1991), le Hamas s’étant publiquement déclaré contre le régime de Saddam Hussein – à la différence de Yasser Arafat –, une grande partie des financements saoudiens qui allaient jusque-là à l’OLP lui sont attribués. Après les accords d’Oslo de 1993 – qu’il rejette –, des affrontements particulièrement sanglants ont lieu avec l’OLP. Après l’attaque perpétrée par un Israélien, Baruch Goldstein, qui assassina vingt-neuf fidèles priant dans la mosquée d’Ibrahim du Caveau des Patriarches (Hébron), le Hamas déclenche de nombreuses opérations terroristes en Israël, dont l’attaque kamikaze d’un bus à Haïfa (seize tués), revendiqué par la Brigade des martyrs de Jénine, qui en réalité, n’est qu’une appellation de plus destinée à brouiller les pistes. Le chef historique du Hamas, le cheikh Yassine, libéré par Israël suite à l’assassinat manqué de Khaled Mechaal en 1997, en Jordanie*2, est victime d’une « élimination ciblée » en 2004. Son successeur, Abdel Aziz Al-Rantissi, connaît le même sort quelque temps plus tard. Pour cette raison, le mouvement ne livre plus l’identité de ses responsables.
La branche militaire du Hamas est composée de cellules indépendantes qui comptent un millier de combattants aguerris, dont les combattants des Brigades Ezzedine al-Qassam et du Djihad Aman, le service de sécurité du mouvement, notamment chargé de l’élimination des « traîtres ». Deux branches politiques se partagent la propagande, le recrutement, l’instruction, les finances et la coopération : l’A’Alam et la Dawa. Très actives dans les zones occupées – en particulier dans la ville d’Hébron – et dans la bande de Gaza, elles tendent à supplanter les représentants de l’OLP dont beaucoup de dirigeants sont perçus par la population comme totalement corrompus. Bien qu’il soit considéré comme un mouvement infréquentable par Washington et que l’Union européenne l’ait inscrit sur la « liste noire » du terrorisme, le Hamas a participé à certains processus électoraux palestiniens. Le 26 janvier 2006, il remportait la majorité des sièges à l’Assemblée palestinienne et s’emparait du pouvoir. Depuis lors, il se considère, non sans base légale, comme le gouvernement légitime de l’Autorité palestinienne, le mandat du président Abu Mazen ayant de surcroît expiré en 2009. Depuis le mois de juin 2007, le Hamas contrôle seul l’intégralité de la bande de Gaza et bénéficie d’une indépendance de fait par rapport à l’Autorité palestinienne. Le désordre qui règne localement favorise l’implantation de terroristes djihadistes liés à Al-Qaïda. Ils s’infiltrent depuis l’Égypte voisine, où ils ont déjà commis plusieurs attentats sanglants dans les stations balnéaires du Sinaï.
Le Djihad islamique palestinien (Harakat al-Djihad al-Islami al-Filastini) est issu, comme le Hamas, des Frères musulmans. C’est un mouvement sunnite créé en 1981 par des étudiants de l’université islamique de Gaza, emmenés par le cheikh Assad Bayoub al-Tamini, aujourd’hui emprisonné en Israël. Ce dernier reste, malgré son incarcération, le leader spirituel du Djihad islamique. Sous la pression internationale, son secrétaire général, le docteur Ramadan Abdallah Shallah, a dû quitter Damas pour le Qatar, en 2004. L’objectif de ce mouvement très violent est la destruction d’Israël et la création d’une Palestine islamique. Ses quelques centaines d’activistes ont été rejoints par des dizaines de chiites.
Très actif dans la bande de Gaza et dans les villes les plus radicales de Cisjordanie (Naplouse et Jénine), le Djihad islamique a été le premier mouvement à se livrer à des attentats-suicides après le début de la deuxième Intifada à travers son bras armé : les Brigades de Jérusalem. Ayant des bureaux à Amman (Jordanie), ce mouvement entretient, sur le terrain, des relations opérationnelles étroites avec le Hamas. Il est soutenu directement par le Hezbollah libanais et par Téhéran, qui lui fournit des moyens logistiques et des facilités en Iran même. Contrairement aux autres mouvements palestiniens, le Djihad islamique palestinien ne se livre pas à des actions politico-sociales destinées à gagner le soutien populaire. D’ailleurs, il ne participe pas aux élections législatives.
En mai 2005, les Israéliens ont fait état de l’apparition d’un nouveau groupe qui dépend d’Al-Qaïda et qui opère au sud de la bande de Gaza. Les Brigades d’Allah (Jund Allah) regrouperaient des activistes radicaux ayant quitté le Hamas et le Djihad islamique palestinien car ils refusent toute idée de cessez-le-feu. Ils auraient commis leur première attaque à Rafah à la mi-mai 2005. Al-Qaïda aurait apporté son aide financière à ce nouveau mouvement.
Le Hezbollah (« Parti de Dieu ») est un mouvement islamique chiite créé en 1982 par le cheikh Fadlallah, un Libanais chiite né en Irak. Avec l’aide financière et surtout logistique de l’Iran, où l’ayatollah Khomeiny a pris le pouvoir après le renversement du régime pro-occidental du Shah en 1979, le Hezbollah va progressivement supplanter la milice Amal, jusqu’alors la principale organisation chiite libanaise, qui, tout en entretenant la solidarité chiite, avait réussi à conserver une assez large autonomie par rapport Téhéran. L’appui apporté par l’Iran au Hezbollah s’explique par la volonté, en pleine guerre avec l’Irak (1980-1988), d’allumer un « deuxième front » susceptible de détourner les Occidentaux de leur soutien au régime de Saddam Hussein. Il permet également à Téhéran de bénéficier du prestige de la lutte contre Israël, qui a occupé le Sud-Liban de 1982 à 2000, et de s’ériger en champion de la cause palestinienne, atouts non négligeables pour se ménager les sympathies de la « rue arabe » et faire oublier sa spécificité chiite dans un monde musulman majoritairement sunnite.
Dès sa naissance, le Hezbollah a entrepris des actions violentes au Liban. Le 11 novembre 1982, il revendique son premier attentat-suicide contre le quartier général des forces israéliennes à Tyr (141 morts). Puis, le 18 avril 1983, une voiture piégée fait 64 morts à l’ambassade des États-Unis à Beyrouth. Le 23 octobre 1983, deux attentats du même type visent les Français et les Américains de la Force multinationale dans la capitale libanaise : 58 parachutistes français et 241 Marines sont tués. Ces opérations terroristes sont alors revendiquées par un Djihad islamique (à ne pas confondre avec le mouvement palestinien du même nom) qui n’est qu’une couverture du Hezbollah.
Après les accords de Taef, qui mettent fin au conflit libanais et avalisent la tutelle syrienne sur le pays du Cèdre, signés le 22 octobre 1989, le Hezbollah s’affirme comme un acteur socio-politique majeur de la scène libanaise tout en conservant ses armes*3. En effet, ces accords ne mettent pas fin à l’occupation israélienne, qui durera jusqu’en 2000, et le Hezbollah s’autoproclame fer de lance de la « résistance ». Parallèlement à la guerre que cette organisation mène contre Israël, elle se livre à de nombreuses actions sociales, palliant les carences de l’État libanais dans ce domaine. Cette manière d’opérer est fondamentale pour tous les mouvements islamiques car elle leur permet généralement d’obtenir un large soutien populaire au sein des classes les plus défavorisées. Depuis les élections de 1992, l’influence du Hezbollah n’a ainsi cessé de croître au sein du Parlement libanais et les dernières élections (2009) lui ont conféré un rôle central dans la vie politique libanaise. Néanmoins, depuis avril 2001, le mouvement est inscrit par Washington sur la liste des organisations terroristes.
Le parti chiite est dirigé par le cheikh Hassan Nasrallah, son secrétaire général. L’homme est auréolé d’un grand prestige – même les chrétiens libanais et syriens reconnaissent son charisme personnel – car il est considéré comme celui qui a « vaincu Israël » en obligeant ses forces à évacuer le Sud-Liban en 2000, et qui a réussi à faire libérer quatre cent trente-six prisonniers en échange d’un civil israélien et les dépouilles de trois soldats, le 29 janvier 2004.
Le prestige du Hezbollah a été grandement renforcé par l’affrontement avec Israël au cours de la guerre de l’été 2006. Ce résultat a été obtenu grâce à la nouvelle tactique du mouvement. Sur le plan opérationnel, les combattants chiites étaient répartis en unités de petite taille, d’une dizaine à une trentaine d’hommes. Ils ont reçu un entraînement intensif au combat urbain et à l’emploi des armes antichars, avec l’aide de conseillers iraniens et nord-coréens. Leur capacité de combat de nuit a été renforcée grâce à l’acquisition d’appareils de vision nocturne. Ils opéraient depuis des bunkers, des caches d’armes, des souterrains de communication et des réseaux de transmissions sophistiqués qui avaient été aménagés très discrètement au Sud-Liban. Surtout, le commandement militaire du Hezbollah a accordé une grande autonomie aux unités combattantes, divisant le Sud-Liban en plusieurs zones militaires et déléguant l’autorité aux plus bas échelons. Cette décentralisation a permis une grande flexibilité et une réactivité extrêmement rapide au cours des affrontements.
En cette occasion, sur le plan du renseignement, Israël a été tenu en échec. Ses services ne semblent pas avoir réussi à pénétrer les cellules opérationnelles du Hezbollah en raison des mesures de sécurité imposées par le chef du mouvement, Nasrallah. De plus, ce mouvement bénéficiait d’excellents renseignements fournis par la population chiite du Sud-Liban qui lui était totalement favorable. Toutefois, l’Iran, principal soutien du Hezbollah, a tancé le mouvement libanais, considérant que cet affrontement a été une erreur. En effet, devant l’échec qu’a connu Tsahal, les Israéliens se sont totalement remis en cause et ont revu leurs tactiques. Ce conflit les a finalement « réveillés », leur permettant de bâtir un appareil militaire plus adapté aux nouvelles conditions d’engagement et neutralisant ainsi, en partie, la stratégie iranienne2.
Le Hezbollah présente aujourd’hui deux risques majeurs pour Israël. En premier lieu, une menace militaire puisqu’il menace le nord de l’État hébreu avec son impressionnant arsenal de roquettes, missiles et mortiers. En second lieu, un risque terroriste classique avec un emploi intensif des kamikazes de la « Résistance islamique », le bras armé du mouvement. Ces militants sont rompus à toutes les méthodes de combat irrégulier par de longues années d’expérience.
Depuis 2006, le mouvement chiite libanais renforce constamment son arsenal et ses infrastructures le long de la frontière nord d’Israël, dans la perspective d’un nouvel affrontement avec Tsahal. Les forces du Hezbollah, principalement concentrées au Sud-Liban, sont aujourd’hui estimées à environ 30 000 activistes – contre un peu moins de 15 000 en 2006 – assistés et instruits par les pasdarans iraniens (corps des Gardiens de la Révolution), qui ont leur QG dans la région de Baalbek. L’objectif principal de ces combattants est d’empêcher une invasion terrestre israélienne, mais ils sont également chargés de la mise en œuvre de leur arsenal de roquettes et de missiles afin de frapper Israël3.
Le Hezbollah a renforcé significativement son stock de lance-roquettes4. Ceux-ci sont tous d’origine iranienne et peuvent transporter plusieurs milliers de kilos d’explosifs. Israël estime que le Hezbollah dispose aujourd’hui de près de soixante mille roquettes et missiles de différents types pouvant atteindre presque n’importe quel point de l’État hébreu, y compris la centrale nucléaire de Dimona, située dans le sud du pays5. C’est-à-dire qu’il a quadruplé ses capacités en sept ans. Selon les experts, ces armements ne sont actuellement équipés que de têtes classiques, mais pourraient être dotés d’armes chimiques.
Si une nouvelle guerre s’engageait contre le Hezbollah, les services de renseignement israéliens estiment que Tsahal ferait face à des défis encore plus grands qu’en 2006. À l’occasion de ce conflit, le Hezbollah avait tiré en moyenne cent cinquante roquettes par jour. Dans un futur conflit, le nombre de tirs serait probablement trois fois plus important et les combattants chiites seraient susceptibles d’utiliser des missiles antichars de dernière génération ainsi que des armes antiaériennes capables de compromettre gravement les vols de l’armée de l’air israélienne au-dessus du Liban6.
Enfin, le Hezbollah s’efforce actuellement d’améliorer les capacités de son unité de drones. Selon des responsables militaires israéliens, l’organisation chiite dispose, depuis 2002, de drones de type Ababil produits par l’Iran, ainsi que d’autres types d’appareils, dont certains peuvent être équipés de charges explosives de plusieurs dizaines de kilos7. Ces drones ne nécessitent pas une longue formation de leurs utilisateurs, et il est difficile de les repérer pour les détruire en vol en raison de leur petite taille. Pour le moment, ils n’ont été utilisés qu’à des fins de « guerre psychologique » – plusieurs ont survolé le territoire israélien8.
Parallèlement au renforcement de son arsenal paramilitaire, le Hezbollah poursuit ses actions terroristes contre les Israéliens. La branche renseignement et actions spéciales du mouvement est appelée « Appareil de sécurité spéciale ». Elle était dirigée par Imad Fayez Mughniyeh, jusqu’à son élimination par Israël en 2008*4. Tout au long des années 1980 et 1990, le mouvement a organisé des enlèvements, des détournements d’avion et des attentats – à Buenos Aires, Paris, etc. En 1996, il a participé à l’attaque des tours Al-Khobar en Arabie saoudite, provoquant la mort dix-neuf Américains. Avec le soutien des Iraniens, le Hezbollah multiplie ses tentatives pour enlever des Israéliens à l’étranger. Il s’agit pour l’organisation de venger la « liquidation » de Mughniyeh et c’est dans ce but que ses membres parcourent le monde à la recherche d’une proie israélienne. Depuis 2011, le groupe a lancé diverses opérations contre des intérêts israéliens à Chypre, en Thaïlande et au Kenya, mais qui ont presque toutes échoué. Enfin, selon le ministère bulgare de l’Intérieur, le mouvement serait responsable de l’attaque contre un car transportant des touristes israéliens (sept morts), le 18 juillet 2012, à l’aéroport de Burgas.
Au milieu des années 1970, alors qu’il poursuit ses études à l’université du roi Abdelaziz, à Djeddah (Arabie saoudite), Oussama Ben Laden a comme professeur en religion le Palestinien Abdullah Azzam. Ce dernier, dégoûté par la corruption au sein de l’OLP a quitté le mouvement pour se rapprocher des Frères musulmans. Il deviendra vite le mentor du jeune Saoudien, mais les deux hommes cesseront toute relation en 1988, suite à un différend.
La cause palestinienne a longtemps été secondaire dans les préoccupations du créateur d’Al-Qaïda. Toutefois, à partir de 2002, Ben Laden commence à accorder une certaine attention à la situation dans les territoires occupés, car la cause palestinienne est « porteuse ». Cependant, les différents groupes armés palestiniens refusent son aide car ils redoutent que leur image au plan international – à la suite des attentats du 11 septembre 2001 – ne soit ruinée par un tel soutien.
La prise du pouvoir par le Hamas à Gaza en 2007 a toutefois modifié cette situation. Avant son élimination (2011), Ben Laden considérait en effet cet événement comme une opportunité pour étendre le djihad international à l’État hébreu : jusqu’à ce que l’Égypte resserre son contrôle sur sa frontière avec la bande de Gaza, les tunnels construits pour rompre le blocus instauré par Israël permettaient de faire rentrer, en même temps que d’autres produits de contrebande, des armes à destination du Hamas ou de groupes salafistes affiliés à Al-Qaïda.
Malgré l’élimination de son leader par les Américains, Al-Qaïda, désormais dirigée par l’Égyptien Ayman al-Zawahiri, poursuit cette stratégie. L’organisation djihadiste a lancé une véritable opération d’encerclement d’Israël, profitant de la situation chaotique qui règne actuellement chez les voisins de l’État hébreu (Liban, Syrie, Gaza, Cisjordanie, Sinaï, etc.). En effet, les mesures de sécurité existant en Israël interdisent toute implantation locale d’un groupe terroriste islamique. Les opérations ne peuvent donc être déclenchées que depuis l’extérieur.
L’instabilité politique qui règne en Égypte offre un contexte favorable aux groupes liés à Al-Qaïda implantés dans le désert du Sinaï, qui tiennent tête depuis plusieurs années à l’armée égyptienne. Ils se sont renforcés depuis le « printemps arabe » (2011) et la destitution du gouvernement des Frères musulmans dirigés par Mohamed Morsi (2013). Les principaux groupes armés implantés dans cette zone sont :
– Al-Qaïda dans la péninsule du Sinaï et son bras armé, Ansar al Jihad, apparu en décembre 2011. Ce groupe a saboté l’oléoduc entre l’Égypte et Israël plus d’une quinzaine de fois au cours des dernières années ;
– Mujahideen al Shura (« Les Moudjahiddines du Conseil consultatif ») ;
– Jund al Shura (« Les soldats de la loi islamique ») ;
– les Brigades Abdullah Azzam de l’organisation Al-Qaïda au pays du Levant et en Égypte ;
– Al-Tawhid Wal Jihad (« Unité et guerre sainte ») – ou Jahafil Al-Tawhid Wal-Jihad fi Filastin (« Les armées du Dieu unique et du Jihad en Palestine ») – est un groupe connu pour avoir fait allégeance à Ben Laden. Ce mouvement, officiellement apparu en novembre 2008, daterait toutefois de 2006. Il aurait en effet participé aux attentats à la bombe du 24 avril 2006 dans la station balnéaire de Dahab, sur le golfe d’Aqaba*5. Le 5 février 2011, le cheikh al-Maqdissi, l’autorité morale dont s’inspire cette formation, a émis une fatwa autorisant le meurtre de civils juifs et catholiques, car considérés comme des « combattants agressifs […] fondamentalement pas innocents ». Le 5 août 2012, un commando d’une dizaine de membres de ce groupe tente de pénétrer en Israël via le poste frontière égyptien de Rafah avec un blindé chargé d’explosifs pris à l’armée égyptienne.
Tous ces mouvements, soutenus par les populations bédouines qui ont été délaissées depuis des années par le pouvoir central du Caire, menacent directement les intérêts israéliens, mais aussi égyptiens, américains et plus généralement occidentaux dans la zone.
Parallèlement, de nombreuses armes provenant des stocks de l’armée libyenne et du Soudan transitent régulièrement par le Sinaï pour rejoindre la bande de Gaza. En effet, les nouvelles autorités politiques égyptiennes ne sont pour l’heure pas parvenues à éradiquer ces trafics qui traversent le pays. Des fusils d’assaut russes AK 103/2 et belges FN-2000, qui avaient été vendues à Tripoli, ont été retrouvés dans la bande de Gaza.
L’année 2012 a ainsi vu une augmentation du nombre d’attaques lancées (onze) contre Israël depuis le Sinaï, par rapport à 2011. Aussi, Israël a autorisé l’entrée de sept bataillons égyptiens dans la zone démilitarisée du Sinaï afin de permettre au Caire de tenter de maîtriser la situation dans la région. Toutefois, les autorités égyptiennes tardent à reprendre le contrôle de l’ensemble de la péninsule, ce qui suscite, aux yeux de Tel-Aviv, des interrogations sur la volonté politique des Égyptiens. En effet, les frappes aériennes sur les campements de nomades s’avèrent peu efficaces et risquent même de pousser un peu plus les Bédouins dans la rébellion et dans le soutien à Al-Qaïda. Il est donc à craindre que la situation sécuritaire se dégrade considérablement au Sinaï, provoquant une forme de « somalisation » de la région, à travers laquelle divers chefs de guerre vont pouvoir lancer des actions en direction d’Israël tout en se livrant à de juteux trafics criminels dans les territoires qu’ils contrôlent.
L’Égypte est également le pays par lequel des combattants de toutes origines peuvent s’introduire dans la bande de Gaza. Ce phénomène s’est développé à la suite du renversement du régime de Moubarak, même si les nouveaux dirigeants égyptiens prennent garde de ne pas laisser la situation se dégrader. Déjà, début mars 2005, le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas avait déclaré : « Nous avons des indications au sujet de la présence d’Al-Qaïda à Gaza et en Cisjordanie […]. C’est la première fois que j’évoque le sujet. Il s’agit d’un problème grave. »
Pourtant, cela fait des années que des groupuscules salafistes ayant fait allégeance ou clamant leur admiration pour Al-Qaïda ont vu le jour à Gaza. Le Hamas les a laissés prospérer malgré quelques affrontements avec ces groupes. Les Iraniens – qui soutenaient le Hamas et le Djihad islamique palestinien jusqu’à ce que ces deux mouvements se rangent du côté des opposants syriens – ont tout fait dans le passé pour qu’Al-Qaïda n’infiltre pas la résistance palestinienne.
Les six principaux groupes salafistes nés à Gaza sont :
– le Tawid al Jihad du cheikh Ahmad’Abd al-Karim al Sa’idani ;
– le Masada al Mujahideen d’Abou Omar al-Ansari ;
– l’Armée de l’Islam ou Jaish al Islam de Mumtaz Dughmush ;
– Jund Ansar Allah (« Les combattants de Dieu »), dont le chef a été tué en août 2009 par le Hamas car il remettait en cause la suprématie du mouvement palestinien sur la bande de Gaza ;
– Jaish al Ummah (« L’Armée de la Nation »), groupuscule apparu récemment, très hostile aux chiites iraniens ;
– Jaish al Mu’minun (« L’Armée des croyants »), groupuscule qui ne limite pas ses ambitions à la Palestine mais entend participer au djihad mondial.
La bande de Gaza recèle de nombreuses installations de stockage de lance-roquettes, de centaines de tunnels de contrebande et d’entrepôts d’armes contre lesquels les services et l’armée israélienne interviennent régulièrement. En 2012, une augmentation de 33 % du nombre d’attaques terroristes en provenance de Gaza a été observée, par rapport à 2011 (2 327 au lieu de 4199).
Si l’hypothèse d’un conflit conventionnel majeur avec ses voisins semble peu probable, les menaces étatiques n’ont pas totalement disparu.
La Syrie a longtemps été l’ennemi juré d’Israël. Depuis des dizaines d’années, le régime a apporté son aide financière et offert des facilités logistiques importantes à tous les mouvements terroristes engagés dans le combat contre Israël. Toutefois, l’assistance de Damas aux groupes armés a diminué d’année en année du fait de ses difficultés économiques et de la pression internationale qui a contraint Bachar el-Assad à plus de retenue et à se retirer du Liban (cf. résolution 1559 du Conseil de sécurité de l’ONU du 2 septembre 2004). De plus, après une période d’hésitation, le Hamas s’est rangé du côté des rebelles syriens qui se sont soulevés contre Damas. Le mouvement a dû quitter précipitamment la capitale syrienne pour le Qatar (2012).
Au plan conventionnel, l’État syrien ne représente plus une menace sérieuse pour Israël. En effet, ses capacités d’action sont aujourd’hui sérieusement entamées. Ses armements, qui datent de l’époque de l’URSS, sont désormais obsolètes, mal entretenus – faute de pièces de rechange – et les personnels qui les servent ne bénéficient plus de l’entraînement nécessaire. Surtout, depuis l’été 2011, le pays est confronté à une véritable guerre civile. Le régime, menacé dans son existence même, n’a plus le temps ni les moyens de planifier des actions contre son voisin israélien, car sa priorité est la lutte pour sa survie contre une opposition dépourvue d’unité et qui compte en son sein des combattants étrangers formés et financés par les monarchies du golfe Persique, la Turquie et les États occidentaux, dont la France. Par un étonnant paradoxe de l’histoire, le régime syrien est aujourd’hui directement confronté, sur son sol, aux djihadistes liés à Al-Qaïda qui menacent également Israël. En vertu de la solidarité chiite et d’intérêts partagés, l’Iran et le Hezbollah libanais sont aujourd’hui engagés aux côtés de l’armée syrienne dans la guerre civile. La lutte contre l’État hébreu n’est donc pas le sujet de préoccupation première de ces formations mais elles n’hésiteraient vraisemblablement pas à mener des attaques contre Israël et à s’engager dans une stratégie de déstabilisation du Liban si cela pouvait servir les intérêts du régime El-Assad ou en retarder la chute, quelles que soient les conséquences pour les populations de la région.
C’est aujourd’hui l’Iran qui est l’ennemi conventionnel numéro un d’Israël. Cela n’a pas toujours été le cas puisque l’Irak de Saddam Hussein était considéré par l’État hébreu comme l’adversaire le plus redoutable. C’est pour cette raison que lors du conflit Iran-Irak, Israël a discrètement approvisionné le régime des mollahs en pièces de rechange d’origine américaine. En effet, un embargo décrété par l’ONU empêchait Téhéran d’entretenir ses armements, particulièrement ceux de l’armée de l’air, exclusivement composés à l’époque de matériels américains. Bagdad ne constituant plus aujourd’hui une menace crédible à moyen terme, Téhéran est devenu l’ennemi numéro un d’Israël. Si la menace d’une attaque terrestre par l’État iranien est au mieux théorique étant donné l’éloignement géographique des deux pays, d’autres restent d’actualité.
La première est la menace atomique. Israël craint que l’Iran ne se dote à court ou moyen terme d’une capacité nucléaire militaire, d’autant que les vecteurs capables d’emporter de telles charges sont déjà opérationnels. En effet, l’Iran développe des missiles sol-sol d’une portée de 1 300 à 1 500 kilomètres (Shahab-3), aptes à emporter une charge utile d’une tonne. À terme, Téhéran devrait posséder 150 missiles de ce type, dérivés du Nodong-1 construit par la Corée du Nord. Au début des années 2000, le pays a également acquis – illégalement – douze missiles de croisière en Ukraine. Ils seraient capables d’emporter des charges nucléaires sur une distance d’environ 3 000 kilomètres.
Parallèlement à cette menace apocalyptique pour l’État hébreu, Téhéran soutient depuis des dizaines d’années des mouvements terroristes qui s’attaquent régulièrement à Israël. Toutefois, le fait qu’une partie d’entre eux ait choisi d’entrer en conflit avec Damas a immédiatement conduit Téhéran à leur retirer son soutien. Les Iraniens concentrent donc leur aide sur le Hezbollah.
L’unité responsable de la formation du Hezbollah – et des terroristes – est la Force Al-Qods. Appartenant au corps des Gardiens de la Révolution (pasdarans), cette unité, composée de quelques milliers de combattants, a été créée dans les années 1990 pour exporter la révolution islamique au-delà des frontières de l’Iran. Sa fonction principale est la formation et le soutien aux groupes tels que le Hezbollah et le Djihad islamique. C’est aussi elle qui est chargée des opérations clandestines anti-israéliennes dans le monde. Ainsi, sur une base secrète non loin de Téhéran, la Force Al-Qods entraîne simultanément plusieurs mouvements terroristes. La formation couvre tous les différents domaines qu’un terroriste moderne doit connaître : explosifs, tir, communications, reconnaissance, utilisation du mortier, guerre psychologique, etc. La base était divisée jusqu’à il y a peu en quatre quartiers qui accueillaient le Hezbollah, le Hamas, le Djihad islamique et des combattants irakiens ou talibans. Le soir venu, ces apprentis terroristes se retrouvaient autour d’un feu de camp, partageant leur repas en échangeant des idées sur les diverses façons d’attaquer Israël10.
En raison de la mondialisation de la terreur, Israël observe une fusion des idées et des capacités opérationnelles des mouvements terroristes opérant contre lui. « Les Palestiniens apprennent du Hezbollah qui apprend des Iraniens qui développent des moyens supplémentaires contre Israël sur la base des expériences réalisées par les organisations qui luttent contre Israël11. » Sur le plan opérationnel, le Hamas a fait des progrès significatifs. Il a commencé à développer ses unités spécialisées : tireurs d’élite, spécialistes antichars, experts du renseignement de combat, creuseurs de tunnels, fantassins, spécialistes antiaériennes et même commandos de marine travaillant en collaboration avec la Garde côtière. Il a ensuite divisé la bande de Gaza en cinq secteurs, chacune disposant d’une brigade, composée de divers bataillons et d’unités spécialisées.
La situation s’assombrit notablement pour l’État hébreu qui, s’il n’est pas confronté à une menace d’attaque militaire classique comme ce fut le cas dans le passé, doit faire face à une insécurité latente et volatile de plus en plus importante. En effet, de nombreux groupes, palestiniens, chiites ou salafistes – s’inspirant de la pensée d’Oussama Ben Laden – rêvent d’en découdre avec les « sionistes ». La menace qui visait jusqu’à présent d’abord les intérêts d’Israël à l’étranger, a tendance à se déplacer vers le territoire national. Il convient d’ajouter à cela l’accession probable de l’Iran à la puissance nucléaire qui reste un sujet d’inquiétude majeur pour Tel-Aviv.
Surtout, l’instabilité du monde arabe, consécutive au « printemps arabe », renforce les adversaires d’Israël. Les renversements de régime en Tunisie, en Libye et en Égypte, ainsi que la guerre civile en Syrie ont entraîné la multiplication des territoires incontrôlés où fleurissent de nombreux groupes radicaux islamistes, pour lesquels Israël est une cible. L’absence de contrôle militaire ou policier sur ces zones permet la création de camps d’entraînement et la libre circulation de ses éléments dans tout le Moyen-Orient. Enfin, le pillage des arsenaux à l’occasion des révolutions a permis à ces groupes de renforcer considérablement leurs moyens militaires.
Les services de renseignement et de sécurité israéliens mènent une lutte sans relâche contre les flux d’armements destinés à leurs ennemis immédiats : le Hamas, le Djihad islamique palestinien et le Hezbollah libanais. Et parmi ces armes, tout ce qui peut représenter une menace contre les aéronefs, civils et militaires, a logiquement la priorité puisque les aéroports internationaux israéliens sont tous à portée de tir missiles sol/air portatifs (Manpads). Si l’ordre en était donné, des activistes équipés de telles armes pourraient se livrer à des actions terroristes particulièrement spectaculaires et sanglantes. De plus, en cas de conflit de grande intensité, au nord, contre le Hezbollah, et au sud, contre le Hamas et le Djihad islamique palestinien, la menace que feraient peser des armements anti-aériens sophistiqués est totalement inacceptable pour l’État hébreu. En effet, Tsahal ne pourrait plus utiliser librement son arme première : les feux air/sol délivrés par des hélicoptères, des chasseurs bombardiers et des drones.
Les services de renseignement israéliens sont parvenus jusqu’ici à faire échec aux tentatives d’enlèvement ou d’assassinat de leurs ressortissants à l’étranger par les groupes terroristes, principalement par le Hezbollah qui bénéficie de soutiens au sein des communautés chiites libanaises émigrées en Afrique, en Amérique et en Asie. Pour autant, ils ne cessent de mettre en garde les hommes d’affaires et les touristes voyageant à travers le monde.
Nul doute que les dirigeants israéliens ont pleinement conscience qu’il est impossible de baisser la garde car ils doivent être en mesure d’assurer la protection effective de leur population.