« Quand ? Ce n’est pas nous qui le décidons, dit le capitaine. Le Premier ministre prend sa décision à Jérusalem avec son cabinet et le haut état-major. Nous proposons des renseignements, des estimations, une opinion sur les conséquences probables… Et nous prions le ciel de ne pas trop nous tromper. »
Morris West, La Tour de Babel (1968).
L’État hébreu se différencie des autres acteurs internationaux par un trait particulier : la majorité de ses dirigeants gouvernementaux, ainsi qu’une part non négligeable de sa classe politique, toutes tendances politiques confondues, sont issus des services de renseignement ou des unités spéciales, ou y ont fait un passage. Quelques exemples méritent d’être cités :
– Chaïm Herzog, sixième président d’Israël (1983-1993), a commencé sa carrière pendant la Seconde Guerre mondiale, comme officier de renseignement dans l’armée britannique, avant de rejoindre la Hagannah. Par la suite, il sera deux fois directeur du renseignement militaire (1949-1950 et 1959-1962) et ambassadeur d’Israël auprès des Nations unies.
– Yitzhak Shamir, qui fut Premier ministre à deux reprises (1983-1984 et 1986-1992) est l’ancien leader du groupe Stern, qui conduisit de nombreux actes terroristes en Palestine, avant la création de l’État hébreu. Il rejoindra ensuite le Mossad où il opérera pendant dix-sept ans.
– Ariel Sharon, ancien ministre (Agriculture, Défense) et ancien Premier ministre, a dirigé l’Unité 101, une formation spéciale impliquée dans les opérations d’« élimination physique » des ennemis d’Israël.
– Tzipi Livni, ministre des Affaires étrangères (2006-2009), ministre de la Justice chargée des négociations avec les Palestiniens (depuis 2013), candidate à la succession d’Ehud Olmert au poste de Premier ministre (2009), a appartenu au Mossad entre 1980 et 1984, et fut en poste à l’étranger.
– Ehud Barak, ancien ministre (Défense et Affaires étrangères) et ancien Premier ministre, a servi dans les services spéciaux, commandé la sayeret Matkal, le renseignement militaire (Aman), puis l’état-major général avant d’entrer en politique. Sa riche carrière opérationnelle lui vaut d’être actuellement le soldat le plus décoré de l’histoire d’Israël.
– Benyamin Netanyahu, qui a été désigné comme Premier ministre pour la seconde fois en 2009, est un ancien officier de Matkal.
Par tradition, les officiers issus des forces spéciales et des parachutistes ont, en règle générale, tous joué un rôle significatif dans la vie politique nationale. La majorité des grands commandants israéliens sont issus des troupes aéroportées : Ariel Sharon, Dany Matt, Rafael Eitan, Yitzak Mordechaï, etc. Cette tendance est encore plus marquée en ce qui concerne les officiers ayant appartenu à la sayeret Matkal : Uzi Dayan, Ehud Barak, Shaul Mofaz, Benyamin Netanyahu, Amiran Levine, etc. Les deux grands partis israéliens (le Likoud et le parti travailliste) ont été régulièrement dirigés par des hommes issus de cette unité. Cela explique que les services et l’armée jouissent d’un soutien sans faille de la part des milieux politiques. Le cas israélien est tout à fait atypique puisque cela reviendrait à ce que les principales autorités politiques et militaires françaises soient issues du service action de la DGSE ou du commandement des opérations spéciales.
Mais le fait que les dirigeants gouvernementaux disposent d’une expérience directe du renseignement ou des opérations spéciales est plutôt un avantage que les étrangers envient à l’État hébreu et qui place ce métier, peu pris en considération ailleurs, au premier rang des priorités nationales, comme le rappelle Ephraïm Halevy, qui dirigea le Mossad de 1998 à 2002 : « Tous les Premiers ministres ont manifesté une forme de “sentiment” à l’égard du Mossad, qu’ils tenaient en grande estime. Tous sauf un, Shimon Peres, qui n’a jamais caché son mépris pour la plupart de nos réalisations. Je me rappelle avoir accompagné mes chefs de division à des entretiens avec le Premier ministre, où il leur faisait clairement comprendre qu’il ne s’intéressait guère à notre métier et encore moins aux personnes engagées dans ce sacerdoce. Seul réconfort, les différents services secrets souffraient de la même morgue et, au cours des années, le dédain de Peres pour le renseignement est devenu notoire1. » Par ailleurs, l’antagonisme latent qui oppose souvent officiers de renseignement et diplomates dans la plupart des pays occidentaux n’existe pas en Israël. Au contraire, la synergie étroite entre les services secrets et le ministère des Affaires étrangères contribue à favoriser l’essor du renseignement. Les passerelles entre ces deux univers sont d’ailleurs fréquentes.
Mais les liens entre les services, les unités spéciales et le pouvoir sont parfois ambigus car ceux-ci sont un outil de choix à la disposition de l’exécutif. Ainsi, cette « consanguinité » rend-elle le contrôle démocratique des services d’autant plus indispensable. En effet, la proximité des modes de raisonnement des politiques et des chefs de services explique certaines décisions, et parfois certains excès, de la part des autorités israéliennes dont la rationalité échappe aux observateurs extérieurs.
En revanche – et c’est là un élément paradoxal –, les anciens du renseignement devenus politiques ont une fâcheuse tendance à faire preuve des mêmes défauts que les dirigeants non passés par ce métier dès lors qu’ils sont arrivés au pouvoir : absence d’écoute, certitudes ancrées qu’aucun renseignement ne peut remettre en question, défiance à l’égard des services, etc. Le plus souvent, tout se passe comme si le politique effaçait totalement l’homme du renseignement, dès lors que les uns et les autres luttent pour leur propre avenir et leur survie électorale. Une illustration édifiante en a été donnée par six anciens directeurs du Shin Beth, à l’occasion d’un documentaire télévisé auquel ils ont accepté de participer (The Gatekeepers).
Bien qu’Israël ne dispose que de trois services de renseignement, il est rapidement apparu nécessaire de coordonner leur action et de régler les rivalités qui peuvent les opposer parfois. Trois organismes contribuent à cette mission : le Comité des chefs des services secrets (Varash), le Bureau du contre-terrorisme et le Conseil national de sécurité.
La coordination des services de renseignement est assurée par Varash (Va’adat Rashei Hasheroutim). Il a été créé par Reuven Siloé, le premier directeur du Mossad en 1949. Le comité réunit, au moins deux fois par mois, les directeurs des différentes agences de renseignement nationales (Aman, Shin Beth, Mossad), ainsi que les conseillers spéciaux du Premier ministre pour les questions de renseignement, de terrorisme et les affaires militaires. Auparavant, l’inspecteur général de la police, le directeur du Centre de recherches politiques du ministère des Affaires étrangères étaient également membres de Varash. C’est le directeur du Mossad qui préside le comité, car il possède le titre de Memuneh (« celui qui a la charge », sous-entendu des services secrets) et dépend directement du ministre. Si Varash gère les opérations en cours, parallèlement a lieu chaque année une réunion des services de renseignement militaires et civils appelée Tsiach. Son but est la rédaction d’un document décrivant les priorités en matière de renseignement pour l’année en cours, véritable plan national de recherche.
Varash est un organe de coordination, mais aussi de débats, parfois intenses. Durant les semaines qui précédèrent le déclenchement de la guerre de juin 1967, le comité Varash ne savait trop comment interpréter l’attitude égyptienne. S’agissait-il d’un bluff gigantesque destiné à saper la crédibilité de l’État hébreu, mais aussi à provoquer sa ruine économique en le forçant à mobiliser l’ensemble de ses réservistes ? Ou bien Nasser avait-il véritablement l’intention de passer à l’attaque ? Aussi, le comité hésita longtemps avant de prendre clairement position2. Dans ces circonstances, les responsables des différents services mirent de côté leurs traditionnelles rivalités pour confronter de manière constructive leurs analyses. Finalement, le 2 juin 1967, le général Aharon Yariv, chef d’Aman, imposa son point de vue contre celui de Meïr Amit, son homologue du Mossad, qui considérait l’attitude belliqueuse de l’Égypte comme une gesticulation destinée à dissuader l’État hébreu d’agir contre la Syrie. Yariv convainquit le Premier ministre Levi Eshkol de la nécessité urgente de passer à l’action compte tenu de l’attitude belliqueuse de Nasser : retrait des casques bleus du Sinaï, transfert de forces dans la péninsule, blocus du détroit de Tiran et rétablissement d’un commandement militaire unique avec la Jordanie.
Un second organisme joue également un rôle central : le Bureau du contre-terrorisme. Il a été créé en 1996 par le gouvernement israélien suite à la vague d’attaques terroristes déclenchée par le Hamas et d’autres groupes palestiniens hostiles aux accords d’Oslo. Le bureau est officiellement chargé d’assurer la coordination des différentes administrations civiles et militaires en matière de lutte contre le terrorisme, afin d’améliorer les réponses d’Israël aux menaces. Dans ce cadre, il centralise les renseignements provenant des différents services, coordonne la lutte contre le financement international des réseaux terroristes et anime la collaboration internationale en matière de lutte contre le terrorisme. Il supervise également les dispositifs civils de sécurité, notamment dans les ports et les aéroports et la protection des infrastructures sensibles. Il coordonne les programmes de recherche visant à doter Israël des technologies les plus avancées en matière de lutte antiterroriste. En 1999, lors de la création du Conseil national de sécurité, le Bureau de contre-terrorisme est rattaché à cette nouvelle institution. Depuis janvier 2012, il est dirigé par Eytan Ben-David3.
Créé en mars 1999 par Benjamin Netanyahu, le Conseil national de sécurité (CNS) supervise la politique de défense et de sécurité nationale d’Israël et joue notamment un rôle central de coordination en matière antiterroriste. Son chef – Joseph M. Cohen depuis novembre 2013 – est placé directement sous l’autorité du Premier ministre. Le CNS centralise les informations et les renseignements provenant de tous les ministères, services et bureaux gouvernementaux chargés de la sécurité nationale. Sur cette base, il procède à des évaluations de tendances afin d’informer le gouvernement et les commissions spécialisées de la Knesset de l’évolution des enjeux et des menaces. Au moins une fois par an, il produit une analyse de la situation sécuritaire et diplomatique du pays à court et moyen terme et propose des scénarios alternatifs à ceux des services et ministères. Le CNS a également pour tâche de planifier à long terme la politique nationale de sécurité et de superviser la mise en œuvre des décisions prises par le gouvernement en la matière. Il prépare les discussions budgétaires du Premier ministre avec les ministres du Budget et de la Défense, en fonction des priorités pour la sécurité nationale et pilote aussi le Centre national de gestion de crise. Il joue enfin un rôle en matière de relations internationales en entretenant des liens avec les organismes ayant des missions similaires aux siennes à l’étranger. Afin de répondre à ces missions, le CNS est organisé en cinq départements : politique étrangère, politique de sécurité, affaires stratégiques, ressources humaines et logistique, et Bureau du contre-terrorisme.
Toutefois, le CNS souffre d’une certaine instabilité. En effet, onze responsables se sont succédé à sa tête depuis sa création en 1999, soit une durée moyenne de présence d’à peine quinze mois. Son premier directeur, le général David Ivri, a occupé ce poste pendant dix mois et son successeur, Gideon Shefer, pendant huit mois. Puis le général Uzi Dayan restera en fonction deux ans, avant d’être remplacé par l’ancien directeur du Mossad, Ephraïm Halevy, qui occupera le poste pendant une année seulement. Son successeur, le général Giora Eiland, a pris ses fonctions en janvier 2004 et, bien qu’il ait présenté sa démission au Premier ministre Ariel Sharon dès août 2005, restera à son poste jusqu’à l’été 2006. Cette instabilité traduit les difficultés que rencontre le CNS à se faire une place à part entière au sein de la communauté du renseignement israélien. Alors même que son directeur est, sur le papier, le conseiller à la sécurité nationale du chef de gouvernement, aucun des titulaires du poste n’a réellement réussi à s’imposer comme tel vis-à-vis du Premier ministre et de son cabinet, lesquels sollicitent prioritairement d’autres responsables du renseignement. Ainsi, malgré son nom et sa position officielle dans l’organigramme gouvernemental, le CNS semble n’être qu’une coquille vide et non un organe de centralisation. La seule mission pour laquelle son rôle semble reconnu est la coordination de la lutte contre les armes de destruction massive.
Parallèlement, en Israël, les centres académiques spécialisés sur les questions stratégiques (défense, affaires étrangères, terrorisme, renseignement) jouent également un rôle important dans le débat sur la sécurité nationale, par leurs réflexions, leurs analyses et leurs publications. Les plus célèbres de ces think tanks sont : le Centre Begin-Sadate (BESA) d’études stratégiques de l’Université Bar Ilan ; l’Institut international de politique de lutte contre le terrorisme (TIC) du Centre interdisciplinaire (IDC) Herzliya ; le Centre d’études stratégiques de Jaffa (JCSS) ; le Centre Moshé Dayan pour le Moyen-Orient (université de Tel-Aviv) ; et le Jerusalem Center for Public Affairs (JCPA).
En complément de la mission gouvernementale de coordination des services, la démocratie israélienne a confié au Parlement la mission de contrôler les activités des agences de renseignement et de sécurité, d’enquêter sur leurs échecs et leurs dérives, et d’édicter de nouvelles lois encadrant leur action. Le contrôle parlementaire du renseignement s’effectue à travers la commission des Affaires étrangères et de la Sécurité et du sous-comité sur le Renseignement de la Knesset (l’Assemblée nationale israélienne). La commission est considérée comme l’un des organes les plus prestigieux et les plus discrets de l’Assemblée et ses membres font partie des parlementaires les plus expérimentés. Traditionnellement, l’opposition y envoie ses dirigeants, ce qui explique la présence d’anciens ministres dans ce groupe de six hommes. Généralement, la sous-commission se réunit à huis clos et ne publie aucun rapport. Toute information transmise à la commission bénéficie d’un régime de confidentialité. Ainsi, les directeurs des agences peuvent librement « briefer » ses membres. En de rares occasions, la commission se transforme en commission d’enquête parlementaire4. La Knesset a par ailleurs toute latitude pour mettre en place des commissions d’enquête ad hoc lorsqu’un échec ou une dérive grave du renseignement israélien survient, afin d’étudier la question, de déterminer les causes du phénomène, les responsabilités des acteurs, et de proposer des mesures correctives. Depuis la création d’Israël, une douzaine de commissions d’enquête se sont penchées sur les défaillances du renseignement.
Après l’affaire Lavon (1954), qui a vu plusieurs ministres se rejeter la responsabilité de la mise en place d’un réseau de saboteurs en Égypte, quatre comités ont été désignés pour établir la vérité, la commission Ulshan/Dori (1955), la commission Amiad (1958), suivie de la commission Cohen (1960) et du Comité des Sept, la même année. En 1963, toujours dans le sillage de cette affaire, mais aussi dans celui de l’opération Damoclès, au cours de laquelle le directeur du Mossad, Isser Harel, avait, sans l’accord du Premier ministre Ben Gourion, entrepris de mener jusqu’en Europe des opérations contre des ressortissants allemands travaillant sur un programme de construction d’un site de lancement des missiles en Égypte, la commission Yadin/Sherf obtint la démission d’Harel et recommanda une restructuration complète de la communauté du renseignement israélien, afin de clarifier la répartition des compétences entre les services, mais ses demandes ne furent pas entendues.
Les échecs du renseignement israélien à l’occasion de la guerre du Kippour ont fait l’objet d’une enquête de la commission Agranat (1973-1974). Celle-ci a obtenu le limogeage du directeur de l’Aman et de son adjoint, du chef d’état-major de l’armée de terre, du commandant du front Sud et du chef du renseignement du commandement Sud. Elle a, par ailleurs, réitéré la préconisation de la commission Yadin/Sherf, d’une architecture du renseignement plus claire et pluraliste. Ses recommandations ont cette fois été suivies, notamment à travers la création de nouvelles unités de recherche au sein du Mossad et du Shin Beth – dans le but de contrebalancer l’influence d’Aman –, d’une cellule d’analyse contradictoire au sein du renseignement militaire (les « avocats du diable ») et par le rétablissement du Département politique du ministère des Affaires étrangères.
Suite aux massacres de 1982 dans les camps de réfugiés palestiniens de Sabra et Chatila à Beyrouth – événements au cours desquels l’armée israélienne laissa agir les phalanges libanaises qui tuèrent plusieurs centaines de civils palestiniens –, le gouvernement israélien mit sur pied la commission d’enquête Kahan. Concluant à la responsabilité indirecte de plusieurs ministres et hauts responsables du renseignement, elle se solda notamment par les démissions d’Ariel Sharon, alors ministre de la Défense, et du directeur d’Aman, Yehoshua Saguy.
En 1984, la commission Zorea est chargée d’enquêter sur l’affaire du bus 300 au cours de laquelle deux terroristes palestiniens avaient été froidement abattus par le Shin Beth après avoir été interpellés. Sur la foi de son témoignage à la police, la commission Zorea avait initialement blanchi Ehud Yatom, cadre de haut rang du Shin Beth, mais deux ans plus tard, celui-ci reconnut avoir tué les deux terroristes. Yatom échappa pourtant aux poursuites en bénéficiant d’une grâce présidentielle qui fit grand bruit et continua sa carrière au sein de l’appareil sécuritaire israélien. Nommé conseiller pour le contre-terrorisme par Ariel Sharon, alors Premier ministre, il dut néanmoins démissionner suite à une décision de la Cour suprême. Yatom a malgré tout été élu depuis à plusieurs reprises à la Knesset.
En 1986-1987, la commission Eban est mise en place afin de déterminer les responsabilités de l’affaire Pollard et ses conséquences.
En 1987, la commission Landau est chargée d’enquêter sur les méthodes d’interrogatoire des services de sécurité israéliens, suite à l’affaire Nafso, nom d’un israélien issu de la minorité circassienne condamné à dix-huit ans de prison pour espionnage sur la foi d’une « confession » qu’il avait fini par signer après plus de quarante jours de torture*1. Toutefois, la commission a considéré que dans certaines situations extrêmes, devant être strictement établies au cas par cas, les « pressions physiques modérées » pouvaient devenir indispensables et devaient donc être autorisées dans un cadre précis, compte tenu des menaces que la torture – puisque c’est bien de cela qu’il s’agit – fait peser sur le système démocratique.
La commission Shamgar (1996), mise en place pour enquêter sur les responsabilités des services de sécurité israéliens dans l’assassinat du Premier ministre Yitzhak Rabin (1995), a dénoncé un « double échec » du Shin Beth, tant dans son système d’organisation interne que dans le dispositif de sécurité autour du Premier ministre lors du meeting au cours duquel il a été assassiné.
En 2002, les recommandations de la commission Landau (1987) ont été transposées dans la loi sur le Shin Beth du 16 novembre 2002, qui a donné un cadre légal à la pratique des « pressions physiques modérées » et qui a instauré un comité gouvernemental de cinq membres afin de contrôler l’activité du service de sécurité israélien. De plus, depuis cette date, le directeur du Shin Beth doit présenter un bilan périodique à une sous-commission secrète du Parlement.
En 2003, Yuval Steinitz, le nouveau président de la sous-commission de la Knesset chargée du renseignement désigne une commission chargée d’enquêter sur les « défaillances » du renseignement israélien durant la deuxième guerre du Golfe (2003). L’état-major de Tsahal et le directeur du renseignement militaire ont alors protesté contre l’utilisation du terme « défaillance » qui impliquait, avant même le début des investigations, qu’il y ait eu des manquements, d’autant qu’Israël n’avait pas été directement impliqué dans ce conflit5. La commission reprocha aux services de renseignement d’avoir annoncé que l’Irak disposait de missiles dotés de têtes chimiques – que Saddam Hussein n’utilisa finalement pas –, ce qui conduisit le gouvernement israélien à ordonner aux citoyens d’ouvrir leurs kits de protection personnelle de masque à gaz (un coût estimé de 22 millions de dollars) et à maintenir l’armée de l’air en alerte permanente pendant plusieurs semaines. Ce débat sur la responsabilité du renseignement a entraîné une série de controverses avec les plus hautes instances militaires et les dirigeants des services qui ont fait croître leur défiance à l’égard des parlementaires.
Mais le contrôle des services de renseignement connaît ses limites. Si les missions du Shin Beth sont encadrées, en revanche, il n’existe pas de loi qui régisse les activités du Mossad : le Premier ministre en est seul responsable. C’est pourquoi, après l’assassinat de Mahmoud al-Mabbouh, à Dubaï, en 2010, ce service a fait l’objet de virulentes critiques des médias qui ont dénoncé la trop forte autonomie dont il bénéficie puisqu’il ne rend de comptes qu’au chef du gouvernement. D’autant que celui-ci n’est pas obligé de se justifier auprès de son cabinet ou de la Knesset lorsqu’il donne son feu vert à une opération, notamment pour les « traitements négatifs ». Le danger, c’est qu’en cas de « problèmes », les dégâts sont loin d’être limités au seul Mossad. Lorsque des agents israéliens se sont fait arrêter à Amman, en 1997, après avoir tenté d’empoisonner Khaled Mechaal, c’est l’accord de paix signé trois ans plus tôt entre Israël et le royaume hachémite qui a failli être remis en cause. Bref, le pays paie les conséquences des actes d’un service qui agit sans avoir à rendre de comptes à quiconque. La presse critique également le pouvoir discrétionnaire du Premier ministre quant au choix du chef du Mossad et la possibilité dont il dispose de prolonger son mandat, comme cela a été le cas à deux reprises pour Meïr Dagan.
Pour remédier à cette situation, des commentateurs estiment que les règlements qui régissent le Shin Beth devraient être appliqués au Mossad. La nomination et l’éventuel limogeage du chef du Shin Beth sont soumis au cabinet sur recommandation du Premier ministre. Son directeur doit aussi présenter son bilan périodiquement à une sous-commission spéciale du Parlement, dont les délibérations sont secrètes. Pour le moment, le Mossad s’est refusé à se soumettre à un tel traitement en invoquant des risques de « fuites » pour ses agents et ses taupes. Jusqu’ici, cet argument l’a emporté.
Même si la situation n’est pas parfaite, les mesures prises au cours de la dernière décennie mettent en lumière les changements majeurs intervenus en Israël quant à l’encadrement des services de renseignement dans une société démocratique. Un long chemin a en effet été parcouru. Ainsi, malgré des échecs, des abus et quelques dérives, la communauté israélienne du renseignement demeure sous le contrôle de son gouvernement. Des sanctions ont été exigées par les commissions d’enquête parlementaires chaque fois qu’un service était pris en défaut. Certes, des progrès restent à faire, car Israël est un pays en guerre où le seuil de violence accepté dans les opérations n’est pas celui de démocraties en paix. Mais la mobilisation des défenseurs des droits de l’homme dans le pays porte peu à peu ses fruits et laisse entrevoir des évolutions vers un plus grand respect de la légalité et des règles démocratiques. Ces évolutions n’empêchent nullement les services de bénéficier d’une image extrêmement positive et de jouir d’un soutien sans faille de la population qui se considère en état de siège permanent et voit en eux les premiers garants de sa sécurité. Pour les Israéliens, les membres des services – et particulièrement du Mossad – sont « des hommes et des femmes qui risquent leur vie, qui vivent loin des leurs sous de fausses identités, menant à bien des opérations audacieuses dans des pays ennemis, là où la moindre erreur pourrait être synonyme d’arrestation, de torture ou de mort. Pendant la guerre froide, tout ce que risquait un agent secret capturé à l’Ouest ou dans le bloc communiste, c’était d’être échangé contre un autre agent sur un pont brumeux et froid, quelque part à Berlin. Russe ou américain, britannique ou est-allemand, l’agent savait toujours qu’il n’était pas seul, qu’il y aurait toujours quelqu’un pour le ramener chez lui. Alors que pour les combattants solitaires du Mossad, il n’y a pas d’échange sur un pont brumeux. Leur audace, c’est de leur vie qu’ils la payent6. » Mais si les services bénéficient toujours d’une importante aura et du soutien de la population, il est à noter toutefois que les mentalités évoluent.
En juillet 2012, un documentaire cinématographique sort en salles pendant la campagne des législatives en Israël. Il fait aussitôt l’effet d’une bombe et suscite d’intenses débats, dans les médias comme dans l’opinion, car il donne une vision inédite du renseignement israélien et éclaire trente ans de lutte antiterroriste et d’errements sur la question palestinienne*2. The Gatekeepers, du réalisateur israélien Dror Moreh, qui s’appuie sur de nombreuses images d’archives et des reconstitutions, est surtout basé sur les témoignages des six anciens chefs du Shin Beth : Avraham Shalom, Yaakov Péri, Carmi Gillon, Ami Ayalon, Avi Ditcher et Yuval Diskin.
Ces professionnels du renseignement et de l’action clandestine s’expriment pour la première fois devant des caméras. Leurs témoignages constituent un document exceptionnel qui va à l’encontre de beaucoup d’idées reçues. Ces anciens chefs du Shin Beth n’ont jamais laissé de scrupules moraux interférer avec leurs décisions et n’ont jamais reculé devant l’emploi de méthodes expéditives pour lutter contre le terrorisme palestinien. Mais ils reconnaissent que la répression face aux Palestiniens mène à l’impasse. La franchise avec laquelle s’expriment ces six anciens responsables est très rare, y compris dans les démocraties occidentales. Qu’il s’agisse des ravages de l’occupation, des méthodes d’interrogatoire des prisonniers palestiniens, de la technique des assassinats ciblés, ou du manque de vision à long terme des autorités politiques, leur liberté de ton est déconcertante.
Personne ne comprend mieux le conflit entre Israël et les Palestiniens que ces six hommes qui se sont succédé à la tête du Shin Beth de 1980 à 2011. Tous reconnaissent que la politique sécuritaire israélienne dans les territoires occupés n’est pas viable à long terme. « Ce n’est que de la tactique, pas de la stratégie », résume l’un d’entre eux. Ils savent d’autant mieux de quoi ils parlent qu’ils ont été depuis trente ans les principaux responsables de sa mise en œuvre. Yuval Diskin*3 décrit un processus autodestructeur où, sous prétexte de lutter contre le terrorisme, la vie de plusieurs millions de Palestiniens devient insupportable. « Moi qui connais très bien les Palestiniens, je peux dire qu’on ne fait pas la paix avec des relations militaires, mais avec de la confiance. Il faut parler avec tout le monde et, s’ils répondent mal, il faut continuer à parler. Il n’y a pas d’autre choix. » Chacun leur tour, ils racontent trois décennies de lutte antiterroriste et de gestion désastreuse de la question palestinienne. Une suite d’aveux précis, circonstanciés et d’analyses d’une sidérante lucidité. Ils expliquent comment, depuis la guerre des Six Jours – dont la victoire vaut à l’État hébreu d’occuper Gaza et la Cisjordanie et de devoir « gérer » un million de Palestiniens vivant dans ces territoires –, les responsables politiques n’ont jamais vraiment cherché à construire la paix. Ils abordent aussi la grave crise traversée par leur service dans les années 1990, lorsque celui-ci n’a pu prévenir l’assassinat du Premier ministre Yitzhak Rabin.
Ces hommes portent un regard froid de professionnels sur leurs propres actions et n’occultent rien de leurs méthodes – manipulations d’informateurs, emploi de techniques d’interrogatoire relevant de la torture, assassinats ciblés –, qu’ils considèrent comme justifiées par leur mission. Tous ont été confrontés aux questions éthiques de la guerre secrète : la torture, l’arbitraire, les éliminations, etc. « Dans la guerre contre le terrorisme, il n’y a pas de morale », souligne Avraham Shalom*4. « Des gens peuvent mourir lors d’un attentat et la personne que vous interrogez le sait. Lors de ma première semaine à la tête du Shin Beth, en 1996, nous avons perdu 57 Israéliens, auxquels s’ajoutent 115 blessés. Jamais l’État d’Israël n’avait connu autant de morts dans des attentats terroristes. Alors, quand vous faites face à un suspect, vous employez les méthodes à votre disposition pour le faire parler : privation de sommeil, absence de lumière, menottes ». Shalom a dû démissionner, après le scandale du bus 300 lorsque la presse avait révélé que deux des Palestiniens ayant détourné le car avaient été froidement abattus par le Shin Beth. « Le problème, c’était qu’il y avait des journalistes », dit-il seulement.
Les assassinats ciblés, avec les dommages collatéraux qui les accompagnent parfois, sont également au cœur du documentaire. La stratégie d’Israël est de cibler les cadres dirigeants et intermédiaires des organisations engagées dans la lutte armée et qui commettent des attentats. Conformément à la doctrine militaire israélienne, il est légitime de conduire des actions préventives contre ces menaces et de frapper avant que l’ennemi ne le fasse. Si un assassinat permet d’éviter un attentat, il est moralement justifié. « Les hommes politiques préfèrent des choix binaires », explique Yuval Diskin, présenté comme le concepteur des assassinats ciblés, au début des années 2000, au commencement de la deuxième Intifada. « Mais à mon poste, rien n’est noir ou blanc. Par exemple, le type qu’on cible n’est pas seul dans sa voiture, et on ne sait pas si ce sont des hommes de son réseau qui sont avec lui. Alors, on tire ou on ne tire pas ? Le temps est compté, c’est une course contre la montre et on attend le feu vert du Premier ministre. On fait sauter la voiture. Après on se dit qu’on a pris la bonne décision, que ces gens s’apprêtaient à commettre des attentats, et pourtant quelque chose vous dérange : le pouvoir de décider de leur mort. »
Diskin et ses prédécesseurs rappellent qu’ils avaient demandé, dès les années 1990, que les autorités politiques judiciaires définissent un cadre d’emploi, qui ne verra le jour qu’en 2002. La Cour suprême israélienne a finalement statué sur le sujet en 2005 : son président a attendu le terme de son mandat pour autoriser de telles actions, partant du principe que quelqu’un qui prend les armes ne bénéficie plus de la protection qui échoit aux civils. Mais, ces « exécutions extrajudiciaires » posent de redoutables problèmes à une démocratie. Les Américains sont en train de le découvrir avec l’usage qu’en fait le président Obama – pourtant prix Nobel de la paix –, en Afghanistan, au Pakistan, en Irak, au Yemen et ailleurs, via les drones ou les raids de forces spéciales. Ainsi, ce type d’opération continue de diviser juristes et philosophes israéliens. D’autant que l’efficacité de ces actions reste difficile à démontrer. Tous les directeurs interrogés ont constaté les limites des assassinats ciblés qu’ils ont eux-mêmes ordonnés : « C’est immoral et en plus c’est inefficace », dit Ami Ayalon*5. D’ailleurs, l’un des arguments avancés, en 2003, par les pilotes de l’armée de l’air israélienne refusant d’exécuter de telles missions était que ces éliminations ciblées, destinées à empêcher un attentat, débouchaient sur des représailles souvent plus meurtrières encore. L’assassinat à Gaza du chef spirituel du Hamas, cheikh Yassine, en 2004, en fut malheureusement un bon exemple.
Surtout, ces professionnels du renseignement déplorent l’absence de vision stratégique des dirigeants de l’État hébreu sous les ordres desquels ils ont servi, à l’exception notable d’Yitzhak Rabin, Premier ministre de 1974 à 1977, puis de 1992 à 1995. Pendant les six ans qu’il a passés à la tête du Shin Beth, Yaakov Péri*6 estime n’avoir reçu aucune consigne des gouvernements successifs : « Nous ne savions pas dans quelle direction aller. C’était toujours de la tactique, jamais de la vision stratégique. » Tous les anciens chefs de ce service ont constaté le vide de la pensée politique, la lâcheté des dirigeants qui refusent d’assumer leurs erreurs, et le développement de la lutte antiterroriste comme une fin en soi. Aussi, leur mission leur apparaît sans fin, toujours à recommencer et elle amplifie la haine de l’occupé. Comme le dit Ami Ayalon : « La plupart des batailles que nous remportons ne mènent nulle part, car nous perdons la guerre. » À l’opposé, ils stigmatisent le laxisme des autorités face à l’extrémisme juif qui anéantira, avec l’assassinat de Yitzhak Rabin, la seule réelle lueur de paix. Ils évoquent leur désarroi devant la clémence dont ont bénéficié les activistes d’extrême droite de la Jewish Underground, dont l’idéologie a inspiré l’assassin de Rabin, et qui projetaient de faire exploser le Dôme du Rocher à Jérusalem.
Il est fascinant de voir ces anciens directeurs de la lutte antiterroriste s’en prendre aussi frontalement aux dirigeants politiques. Et pourtant ce n’est pas un phénomène nouveau. Les deux derniers directeurs du Mossad, Ephraïm Halevy et Meïr Dagan, ont battu en brèche la doxa gouvernementale, le premier sur la relation avec le mouvement palestinien Hamas, le second sur la stratégie israélienne vis-à-vis de l’Iran. Mais l’effet produit par les six témoignages reste impressionnant. En regardant le film, Ami Ayalon n’en revient pas de cette convergence de points de vue. « Nous avons des origines différentes, ce n’est pas comme si nous passions notre temps ensemble dans le même club. Nous ne sommes d’ailleurs pas forcément d’accord sur l’analyse. En revanche, nous le sommes sur le diagnostic. La plupart des Israéliens ne côtoient pas les Palestiniens, les militaires non plus et, si c’est le cas, c’est en tant qu’ennemis. Au Shin Beth, c’est différent. Vous rencontrez les Palestiniens pour les interroger, les comprendre, pour recruter des informateurs. Vous vous trouvez en face d’individus, même lors d’un interrogatoire, et l’idée est de saisir leurs motivations. »
Ainsi, ces hommes, qui ont passé toute leur carrière à rassembler, analyser et exploiter tous les renseignements possibles sur les Palestiniens et à monter des opérations clandestines visant à décapiter les groupes terroristes, arrivent tous à la même conclusion : « La répression n’est pas la solution. […] Nous nous contentons de maintenir les flammes au plus bas niveau possible, afin de permettre au gouvernement de prendre des décisions. Mais nous n’avons jamais réglé le problème », déclare Carmi Gillon*7. À leurs yeux, jamais Israël n’a su créer une situation politique favorable à un début d’évolution. Avraham Shalom, le plus ancien d’entre eux, compare même l’action israélienne dans les territoires palestiniens à celle de l’Allemagne en Europe, pendant la Seconde Guerre mondiale. Au final, tous font le même constat, celui d’une désespérance politique des Palestinens qui ne pourra se résoudre qu’en parlant avec tout le monde : le Fatah, le Hamas, le Hezbollah et… l’Iran. Ils sont en faveur de négociations, sans exclure personne : « On doit discuter avec tout le monde, c’est un principe de base dans notre métier », selon Avi Ditcher*8.
Aucun n’a une vision très optimiste du futur, et tous admettent continuer à réfléchir depuis leur départ du Shin Beth. « Quand vous quittez le Shin Beth, vous devenez gauchiste… », déclare avec ironie Yaakov Péri. À leurs yeux, la poursuite de l’occupation des territoires palestiniens corrompt et déshumanise la société israélienne et menace de destruction l’État hébreu. Les conclusions que tirent ces six anciens « durs » du renseignement intérieur convergent toutes : Israël a négocié trop peu, trop tard, et de manière trop procédurale par rapport à la hauteur des enjeux. L’un d’eux déclare : « On ne fait pas la paix avec des méthodes militaires. La paix repose sur des relations de confiance. Avec les Palestiniens, ça ne devrait pas être si difficile à construire. » Certains ont tiré les enseignements de leur expérience et de leurs réflexions. Ainsi, Ami Ayalon a, en 2002, en pleine Intifada, élaboré un plan de paix avec l’intellectuel palestinien Sari Nusseibeh. Plus récemment, Yuval Diskin s’est opposé aux préparatifs d’action militaire de Netanyahou contre l’Iran et a donné plusieurs interviews où il décrit le Premier ministre comme un dangereux irresponsable.
À l’image des anciens dirigeants du Shin Beth, il convient de rappeler que, contrairement aux idées reçues, les services de renseignement ont souvent eu un rôle modérateur dans les grands événements internationaux depuis la fin du XXe siècle. La « diplomatie secrète » est en effet l’une de leur mission. Par exemple, l’implication de la CIA, comme garante des accords passés entre Israéliens et Palestiniens (Wye Plantation, 1998), a été très importante, même si l’agence de renseignement a été très vivement critiquée aux États-Unis, beaucoup considérant qu’elle sortait de son rôle. D’autant que c’est à la demande des deux parties qu’elle est entrée dans le processus de négociation.
Depuis le début des années 1950, la CIA entretient des contacts soutenus avec les services israéliens, essentiellement dans le cadre de la lutte antiterroriste au Proche-Orient. Mais aussi avec les Palestiniens puisque les liens entre Langley et l’OLP ont débuté en 1976. La CIA avait alors identifié le rôle central d’Arafat et de son organisation, et entrepris de les soutenir. Ainsi, l’agence américaine a pu faciliter l’évacuation de l’OLP du Liban au début des années 1980. Sous les administrations Reagan et Bush, les relations avec l’OLP se sont affaiblies, pour reprendre sous l’administration Clinton. La CIA assiste le Service des renseignements généraux et le Service de sécurité préventive palestiniens, en matière d’instruction et d’organisation, mais aussi en matière d’infiltration des réseaux terroristes. Pour de nombreux observateurs, ce rôle de « négociateur de l’ombre » pourrait être un nouveau créneau d’emploi pour les services de renseignement dans la mise en place de processus démocratiques.
*1. Izzar Nafso a été réhabilité par la Cour suprême et libéré après sept ans de prison.
*2. Le documentaire de Dror Moreh a obtenu les récompenses suivantes :
– Nomination à l’Oscar du meilleur documentaire 2013.
– Meilleur documentaire 2012 : Los Angeles Film Critics.
– Meilleur documentaire 2012 : New York Film Critics Circle Awards.
– Top 5 des meilleurs documentaires 2012 : National Board of Review, USA.
– Meilleur film de non-fiction 2013 : National Society of Film Critics Awards.
– Mention spéciale au FIPA 2013.
– Nomination pour le titre de Producteur de l’année : Guilde des producteurs américains 2013.
*3. Directeur du Shin Beth de 2005 à 2011. Chargé de la région de Naplouse pour le Shin Bet en 1978, il découvre, dans les camps de réfugiés, les réalités du conflit israélo-palestinien. De 1993 à 1997, il établit des liens clandestins avec les dirigeants des organes de sécurité palestiniens et avec ceux des services de renseignement jordaniens et égyptiens. Puis, il participe à l’élaboration d’une doctrine antiterroriste visant à repousser les assauts kamikazes. À sa retraite, en 2011, il attire l’attention des médias en critiquant vivement la politique du gouvernement actuel envers les Palestiniens.
*4. Directeur du Shin Beth de 1980 à 1986. Son mandat est marqué à la fois par le terrorisme palestinien et par celui des colons radicaux de Cisjordanie qui cherchent à détruire le Dôme du Rocher, acte qui aurait soulevé la fureur du monde arabe. En 1984, il ordonne l’exécution sommaire de deux terroristes capturés vivants après le détournement du bus 300. L’enquête conduira à sa démission forcée en 1986.
*5. Directeur du Shin Beth de 1996 à 2000. Après l’assassinat de Rabin, il a pour mission de restaurer la réputation du Shin Beth. Direct, voire parfois acerbe, il a été choisi pour son image de dur et son passé au sein de la shayetet 13. Durant son mandat, sous trois Premiers ministres très différents : Shimon Peres, Benjamin Netanyahou et Ehud Barak, il mène une guerre incessante contre la terreur. Il est considéré comme le dirigeant le plus à gauche qu’ait jamais eu le Shin Beth.
*6. Directeur du Shin Beth de 1988 à 1994, il doit faire face à la première Intifada qui le surprend. Il a pourtant passé plusieurs années dans la division des affaires arabes, jouant un rôle important dans la mise en place de réseaux d’informateurs. Ce confident du Premier ministre Itzhak Rabin met aussi en place les changements nécessaires pour une nouvelle politique, dans la perspective des accords d’Oslo.
*7. Directeur du Shin Beth de 1994 à 1996, Carmi Gillon est l’un des moins préparés à diriger le Shin Beth. Son bref mandat est marqué par le plus grand échec de l’agence : l’assassinat le 4 novembre 1995 du Premier ministre Yitzhak Rabin par un extrémiste juif.
*8. Directeur du Shin Beth de 2000 à 2005. Peu de temps après sa nomination, il est aux prises avec la seconde Intifada. Avi Dichter remporte des succès et connaît son apogée quand Ariel Sharon devient Premier ministre. C’est un adepte de la politique d’assassinats ciblés, qui est controversée. Il sera aussi l’un des initiateurs du Mur de séparation.