Il y a plus d’un demi-siècle, Émile Benveniste observait que les Grecs ne possédaient à l’origine aucun nom de la statue et que, s’ils ont fixé pour l’Occident les canons et les modèles de l’art plastique, il leur a cependant fallu emprunter à d’autres, faute de la posséder au départ, « la notion même de représen-tation figurée ».
La remarque est-elle encore valable aujourd’hui ? Pour en décider, il faudrait au moins être sûr de l’entendre correctement. Benveniste n’avait pas qualité pour intervenir dans le débat sur les origines de la grande statuaire grecque, telle qu’elle apparaît vers le milieu du VIIe siècle. Antécédents en Grèce même ou influence étrangère, proche-orientale spécialement ? Entre ces deux options, personne, s’il n’est archéologue, n’a compétence pour trancher. Et Benveniste n’entendait pas se substituer, sur ce terrain, aux spécialistes. D’autre part, affirmer, comme il le fait, que les Grecs ne possédaient pas à l’origine la notion de la représentation figurée n’implique d’aucune façon qu’ils aient dû, pour édifier une statuaire anthropomorphe, passer par une étape préliminaire aniconique. Qu’il s’agisse d’une pierre brute, d’un pilier ou d’une effigie pleinement humaine, un symbole divin peut avoir pour fonctions, plutôt que de figurer la puissance surnaturelle, de la localiser, de la présentifier et même, dans certains cas, de l’effectuer, de la réaliser dans le concret d’une forme. Aniconique, thériomorphe, anthropomorphe, la symbolique religieuse est tout autre chose qu’un catalogue d’images visant à représenter de façon plus ou moins ressemblante la figure des divinités. Autrement dit, une statue cultuelle, quelle que soit sa forme, même pleinement humaine, n’apparaît pas nécessairement comme une image, perçue et pensée comme telle. La catégorie de la représentation figurée n’est pas une donnée immédiate de l’esprit humain, un fait de nature, constant et universel. C’est un cadre mental qui, dans sa construction, suppose que se soient déjà dégagées et nettement dessinées, dans leurs rapports mutuels et leur commune opposition à l’égard du réel, de l’être, les notions d’apparence, d’imitation, de similitude, d’image, de faux-semblant. Cet avènement d’une pleine conscience figurative s’opère en particulier dans l’effort entrepris par les anciens Grecs pour reproduire dans une matière inerte, grâce à des artifices techniques, l’aspect visible de ce qui, vivant, manifeste d’emblée au regard sa valeur de beauté – de divine beauté – en tant que thauma idesthai, merveille à voir.
C’est en linguiste, examinant une tranche de vocabulaire pour en discerner les implications mentales, que Benveniste aborde le problème de la représentation figurée chez les Grecs. Or, sur ce plan, un constat s’impose en effet. Le vocabulaire grec des effigies divines apparaît tardif, multiple, hétéroclite, désarticulé. Divers par leur origine, leur portée, leurs orientations, les termes se juxtaposent et parfois se chevauchent sans constituer un ensemble cohérent faisant référence à une quelconque idée de représentation figurée. Certains d’entre eux ont un emploi strictement spécialisé, soit qu’ils concernent des divinités particulières – ainsi des dokana, les deux pieux verticaux réunis par des poutres transversales figurant les Dioscures, de l’hermès qui désigne à la fois le dieu et le pilier ithyphallique surmonté d’une tête qui lui est consacré, du palladion réservé à Athéna –, soit qu’ils se rapportent à des types bien délimités de représentation divine – depuis le baïtulos, simple pierre sacrée, les kiones et les stuloi, piliers coniques ou rectangulaires, jusqu’au kolossos, figurine anthropomorphe aux jambes soudées, en bois, argile ou pierre, pouvant faire usage de double rituel. D’autres termes, de signification plus large, ne concernent la représentation du dieu que secondairement : agalma s’applique à tout objet précieux, toute parure, avant de prendre le sens d’image divine ; hedos et hidruma désignent le siège, le séjour, puis, de façon dérivée, la statue où réside le dieu ; tupos a pour sens premier la marque, l’empreinte, la réplique, d’où accessoirement la forme que le sculpteur impose à une matière. Andrias – le petit homme – retient dans l’effigie non son caractère représentatif mais l’objet même qu’il donne à voir en échelle réduite. L’emploi de ce terme est ainsi conforme à l’usage, largement attesté dans les inscriptions et les textes littéraires, de désigner l’image cultuelle, plutôt que par un des noms de la statue, directement par celui du dieu figuré. Un seul exemple, qui est aussi le plus ancien dont nous disposons : l’unique allusion que comporte l’Iliade à une statue divine concerne celle d’Athéna dans son temple troyen (VI, 301-303). Hécube s’y rend, accompagnée de femmes âgées, pour y déposer l’offrande d’un beau voile brodé. Introduites dans le sanctuaire, « toutes tendent les bras vers Athéna ». Théanô, la prêtresse, « prend le voile et le met sur les genoux d’Athéna ». Sur les genoux de la statue, bien entendu, de cette statue qui figure la déesse trônant en majesté sur son siège. Mais le texte ne mentionne à aucun moment la statue comme telle ; il parle seulement d’Athéna.
Bretas et xoanon posent des problèmes plus complexes. Bretas est un mot préhellénique, non indo-européen, sans étymologie ; xoanon un nom grec, dérivé de xuō ou xeō, « racler, gratter, polir ». A la suite de Plutarque et de Pausanias, les modernes ont eu tendance à associer les deux termes pour y voir la désignation de la forme la plus primitive d’effigie divine : grossièrement taillés dans le bois, de petite taille, objets d’une ferveur religieuse particulière, bretê et xoana constitueraient, dans leur archaïsme, la première ébauche de représentation anthropomorphe de la divinité. Ils marqueraient ainsi, dans l’hypothèse d’une évolution génétique, le maillon reliant l’ancien aniconisme à la nouvelle figuration humaine du divin. L’étude exhaustive de A.A. Donohue1, sur les emplois et les valeurs de xoanon, de la fin du Ve siècle avant notre ère jusqu’à l’époque byzantine, a remis les pendules à l’heure. De son enquête, on ne retiendra que les quelques points qui intéressent directement notre propre recherche. L’archaïsme d’abord. Ni bretas, ni xoanon, ni aucun mot apparenté ne sont attestés en linéaire B. On ne les rencontre ni chez Homère, ni chez Hésiode, ni chez les plus vieux poètes de la Grèce. Si bretas figure, à côté d’autres termes, chez Eschyle, le premier emploi incontestable de xoanon se trouve dans un fragment du Thamyras de Sophocle, qu’on peut dater des environs de 468. En ce sens, agalma et andrias sont présents dans les textes avant bretas et xoanon, et ces deux « témoins », aux yeux des modernes, de la figuration la plus ancienne « semblent absents de la vie et de la littérature de la Grèce archaïque », pour reprendre la formulation de A.A.Donohue.
La signification ensuite. Elle n’est pas univoque ; les sens sont multiples ; ils ont varié en fonction des lieux, des époques, du contexte. Dans leurs emplois les plus anciens, ni bretas ni xoanon n’apparaissent exclusivement liés au vocabulaire de la statue. Chez Euripide, bretas s’applique au cheval de Troie et à une sorte de trophée2. Chez Sophocle, dans ce fragment du Thamyras où xoanon figure pour la première fois, le mot désigne un instrument de musique « mélodieux3 ». Une conclusion paraît bien s’imposer. Là où l’étymologie est transparente, comme pour xoanon, les emplois confirment ce que déjà elle indiquait : pas plus que les autres noms de la statue, xoanon ne fait directement référence à la notion de représentation figurée. Le mot se rapporte à un type d’opération technique – gratter, polir – dont les produits peuvent ne pas être une effigie.
A cette série disparate, il faut ajouter les deux noms qui ont spécialement retenu l’attention de tous ceux – hellénistes, historiens, philosophes – dont l’ambition était de définir le statut de l’image dans la culture grecque : eidôlon et eikôn. Trois ordres de raison justifient la place centrale qu’occupent ces deux termes dans l’enquête sur « la notion de représentation figurée ». Par leur étymologie d’abord, ils se rattachent, contrairement au reste du vocabulaire, à la vision et à la semblance. Leur portée ensuite est générale : dès l’âge classique, ils peuvent être utilisés l’un et l’autre pour désigner, à côté des images naturelles (reflets dans l’eau ou sur un miroir), toutes les formes d’images artificiellement fabriquées par les hommes, qu’elles soient en ronde-bosse, gravées ou peintes, qu’elles figurent des dieux, des hommes, des bêtes ou tout autre chose ; ils s’appliquent même, en dehors des effigies plastiques, aux figures que nous avons dans l’esprit, aux images que nous dirions aujourd’hui mentales. Ils se sont enfin imposés, tout au long de la tradition grecque jusqu’à l’époque byzantine où, comme le note Suzanne Saïd : « L’eidôlon a fini par s’appliquer à des dieux qui n’existent que par leur image, tandis qu’eikôn finissait par être réservé aux représentations de Dieu4. »
Idole-icône. D’où vient le privilège que nous sommes tentés d’accorder à ce couple, et dans quelle mesure pouvons-nous, à partir de lui, retrouver les significations que comportaient, dans l’esprit des Grecs, les faits de représentation figurée ? Si nous associons les deux termes pour les opposer l’un à l’autre comme les deux formes contraires que la figuration peut revêtir5, est-ce seulement parce qu’aux premiers siècles de notre ère la polémique chrétienne contre les cultes païens s’en est servie pour différencier deux types d’images et tracer une ligne de démarcation nette entre les statues des fausses divinités et la figure du vrai dieu ? L’opposition idole-icône serait alors liée à un contexte historique particulier et ne ferait pleinement sens que par rapport à lui. Ne faut-il pas au contraire remonter plus haut pour repérer dans le vocabulaire grec de l’image la présence dès l’origine et la permanence tout au long de la culture antique d’une tension se manifestant par la dualité de ces termes dont chacun ferait, dès le départ, référence a des fonctions différentes de l’image et à des attitudes mentales distinctes en face d’elle ? C’est cette dernière thèse que S. Saïd a exposée dans l’étude déjà citée.
En quoi consiste, selon cet auteur, le clivage entre eidôlon et eikôn ? C’est que le rapport de l’image à ce qu’elle représente est tout autre dans chaque cas. Idole et icône, écrit S. Saïd, sont différentes « parce qu’elles constituent des modes de représentation différents ». L’eidôlon est une simple copie de l’apparence sensible, le décalque de ce qui s’offre à la vue, l’eikôn est une transposition de l’essence. Entre l’eidôlon et son modèle, l’identité est toute de surface ; entre l’eikôn et ce à quoi elle renvoie, la relation se noue « au niveau de la structure profonde et du signifié ». En tant que simulacre, l’eidôlon s’adresse au seul regard ; il le capte, le fascine et lui fait oublier le modèle auquel il se substitue au point de prendre sa place à la façon d’un double. En tant que symbole, l’eikôn repose sur une comparaison entre des termes différenciés ; elle mobilise l’intelligence dont elle a besoin, dans sa fonction même d’image, puisque la relation qu’elle établit n’est pas une ressemblance extérieure, mais une communauté ou une parenté – de nature, de qualité, de valeur – qui ne relève pas de l’évidence sensible, mais que l’esprit appréhende en posant, entre des éléments hétérogènes, une similitude cachée.
Si, entre l’eidôlon et l’eikôn, la distance se creuse, dans l’Empire byzantin, lors de la querelle des images qui, au-delà de l’opposition entre iconophiles et iconoclastes, consacre la valeur toute négative d’idole, et celle toute positive d’icône, cet écart était déjà inscrit dans l’étymologie des deux termes. Ils sont bien l’un et l’autre construits à partir d’une même racine *wei-. Mais, note S. Saïd, « seul eidôlon relève de la sphère du visible, car il est formé sur un thème *weid-, qui exprime l’idée de voir (cf. latin video, grec idein et eidos). Eikôn se rattache au thème *weik-, qui indique un rapport d’adéquation et de convenance (cf. eiskō, eikazō, eikelos) ».
L’emploi différentiel, dès l’épopée, des termes apparentés à eidôlon et à eikôn viendrait confirmer cette double nature de l’image suivant qu’elle assume les fonctions de simulacre ou celles de symbole. Dans sa parfaite ressemblance, l’eidôlon est toujours, chez Homère, posé comme inconsistant, trompeur, plus ou moins obscur ; dans la mesure même où il ne retient de ce dont il est la copie que le paraître, il en laisse échapper l’essence. Il faudrait ajouter, en suivant S. Saïd, qu’entre les deux formes de représentation figurée l’opposition se marque en toute netteté quand on confronte les passages où les dieux sont assimilés aux hommes et ceux où les hommes sont comparés aux dieux : « Dans le premier cas, cette assimilation est toujours exprimée par des mots de la famille d’eidôlon. Dire qu’un dieu est à l’image de l’homme, c’est dire qu’il en est le double. Dans le second cas, la ressemblance, qui est toujours exprimée par eoikōs (ou ses équivalents, homoios ou enaligkios), se situe à un autre niveau. Si un être humain est à l’image du dieu, ce n’est pas parce qu’il en reproduit l’apparence physique mais parce qu’il détient une qualité que les dieux pos-sèdent à un degré suprême6. » Résumons : des temps archaïques au monde byzantin, deux lignes, qui divergent jusqu’à s’opposer entièrement, se développent l’une et l’autre de façon continue, sans rupture ni modification profonde.
Si l’icône a pu apparaître, au terme, comme « une porte ouverte sur l’au-delà », si l’idole a pu être condamnée parce qu’elle emprisonne l’homme dans l’apparence et l’ici-bas, c’est qu’au départ déjà l’eidôlon veut se faire passer pour son modèle et cherche à se confondre avec lui, quand l’eikôn se reconnaît distincte de celui-ci et ne revendique qu’une parenté de relation. Ou encore : l’idole fait du visible qui est tout son être une fin en soi. Elle arrête le regard qui s’abîme en elle et lui interdit d’aller plus loin. L’icône, au contraire, porte d’emblée en elle son propre dépassement7.
Les analyses de S. Saïd ont le très grand mérite de ne pas traiter l’image comme une réalité simple, allant de soi et dont la nature ne ferait pas question. Elles cherchent précisément à répondre au problème de ce qu’étaient les images dans l’esprit des Grecs : quelles fonctions étaient les leurs, quelles opérations mentales mettaient-elles en œuvre, comment étaient-elles vues et pensées, en quoi consistait le rapport de « semblance » qu’elles entretenaient avec leur modèle ?
L’enjeu est de taille. Il ne s’agit pas seulement de savoir s’il y a eu dans la culture grecque, des temps homériques à l’époque byzantine, continuité par maintien d’une structure polaire de l’image ou si, au contraire, il faut faire une place dans l’histoire de la représentation figurée à des moments de crise, de rupture, de renouvellement. Derrière cette première question s’en profile une seconde, qui lui est liée et qui concerne directement le statut psychologique de l’image. A quel moment a-t-elle acquis les caractères qui permettront à Platon de la définir comme une fiction, un non-être, qui n’a pas d’autre réalité que cette « similitude » avec ce qu’il n’est pas : en bref, quand l’image a-t-elle été appréhendée comme un faux-semblant, produit illusoire d’un artifice imitatif ?
A cet égard, S. Saïd ne prend pas en compte, dans son étude, ce fait majeur : dans le couple eidôlon-eikôn, les deux termes ne sont pas contemporains. Eikôn n’est pas en usage avant le Ve siècle. Cette innovation semble d’autant plus significative qu’elle se produit en même temps que fait son apparition une autre tranche de vocabulaire, pour exprimer les valeurs de simulation et d’imitation : mimos, mimēma, mimeisthai, mimesis – termes qui s’appliquent aux figures plastiques, à la poésie et à la musique, mais qui sont spécialement liés à l’instauration d’un nouveau type d’œuvre littéraire, le spectacle dramatique, dont l’originalité consiste à rendre présents aux yeux du public, pour qu’il les voie directement sur la scène, les personnages et les événements « fictifs » que l’épopée relatait sous forme de récit, en style indirect. Eikôn, mimeisthai, tragédie – la simultanéité de ces trois ordres de faits paraîtra d’autant moins fortuite que, si Platon est le premier philosophe à élaborer une théorie générale de l’image comme imitation de l’apparence, le spectacle tragique constitue, selon lui, le prototype par excellence de ces techniques illusionnistes mises en œuvre par la mimesis.
De ce décalage dans le temps entre eidôlon, présent dans nos plus anciens textes, et eikôn, plus tardif, quelle conclusion tirer quant à ce que les Grecs entendaient par représentation figurée ? On pourra, bien entendu, pour diminuer l’impact de cet écart de trois siècles, observer qu’à défaut du mot lui-même on trouve, en même temps qu’eidôlon, l’ensemble des termes auxquels eikôn se rattache et sur lesquels S. Saïd a fait porter son analyse : le parfait eoika, « il convient, il semble », le participe eikōs, eoikōs (fém. eikuia), « à la semblance de », les verbes eiskō, eikazō, « rendre semblable, assimiler, conjecturer », eikelos ou ikelos, « semblable, comparable ». Mais c’est précisément sur ce point que l’interprétation de S. Saïd semble rencontrer la plus grande difficulté : entre les deux champs sémantiques qu’elle a distingués, l’opposition n’apparaît pas aussi rigoureuse qu’elle le dit. Il n’est pas exact, en particulier, que dans les cas où les dieux sont assimilés aux hommes, contrairement à ceux où les hommes sont comparés aux dieux, « cette assimilation est toujours exprimée par des mots de la famille d’eidôlon ». Quelques exemples parmi d’autres : quand, dans l’Iliade, Arès (V, 604), Poséidon (XIII, 357), Poséidon et Athéna (XXI, 285) prennent pour agir la semblance d’un être humain, cette assimilation du dieu à l’homme s’exprime par eoikōs ou eiktēn ; de même, dans l’Odyssée (VIII, 194 ; XIII, 222, 288), quand Athéna intervient sous les traits d’un homme ou d’une femme, elle le fait andri demas eikuia, ou demas d’ēikto gunaiki. Si l’on compare Iliade, XXII, 227 à Odyssée, II, 267, l’opposition s’efface entre ce qui relève de l’aspect extérieur visible (eidôlon, eidos) et de la comparaison intellectuelle (eoikōs, eikōs). Dans l’Iliade, Athéna va trouver Hector, en ayant pris la stature et la voix de Deiphobe, eikuia demas kai phōnēn ; dans l’Odyssée, elle aborde Télémaque avec la stature et la voix de Mentor, eidomenē demas kai audēn. Loin de s’opposer, eikuia et eidomenē sont interchangeables, de la même façon qu’en Iliade, XVII, 323, Apollon stimule Énée sous les traits de Périphas, demas Periphanti eoikōs. Et cette « semblance de relation » dans le registre de eoika est confirmée trois vers plus loin (326) : tōi min eeisamenos, par une semblance de vision dans le registre de idein et eidos.
Il y a plus grave. L’eidôlon « simule » bien l’aspect extérieur de ce dont il est le double et S. Saïd a pleinement raison sur ce point (encore qu’à la taille, l’allure, les traits du visage, la carnation, les vêtements, les armes, il faille ajouter la voix, qui n’est pas de l’ordre du visible, mais fait partie de la façon dont un individu se présente à autrui, de son « apparaître ») ; cette « similitude » extérieure de l’eidôlon devrait, dans la perspective de S. Saïd, s’écarter des formes d’analogie auxquelles répond le vocabulaire apparenté à eikôn. C’est le contraire qui est vrai. La « semblance » de l’eidôlon s’exprime par les termes mêmes dont eikôn est un dérivé. Les champs sémantiques de ces deux familles de mots, s’il leur arrive de se dissocier, loin de s’opposer, se recoupent dans nos textes les plus anciens.
Le point est assez important pour qu’on s’y arrête quelque peu. En observant qu’il faudrait traduire eidôlon par double ou fantôme plutôt que par image, nous avons à plusieurs reprises indiqué que ce terme est employé de façon exclusive pour désigner trois types de phénomènes : l’apparition surnaturelle, phasma, le songe, oneiros (onar), l’âme-fantôme des défunts, psuchē8. Dans les trois cas, l’eidôlon revêt une complète simi-litude – le texte y insiste – avec l’être humain dont il est le double. Ainsi de l’eidôlon qu’Apollon fabrique « pareil à Énée lui-même (Aineia ikelon) et tel quant à ses armes » (Il., V, 449-450). Autour de ce fantôme, Grecs et Troyens se combattent comme s’il s’agissait d’Énée en personne. Ainsi encore du songe – oneiros – envoyé par Zeus à Agamemnon, et qui ressemblait tout à fait à Nestor, angkhista eōikei (Il., II, 58), comme de l’eidôlon qu’Athéna a fabriqué pour apparaître en songe devant Pénélope et qui est d’aspect semblable à une femme, Iphtimé : demas d’ēikto gunaiki (Od., IV, 796-797, 824, 835). Ainsi enfin de la psuchē de Patrocle, qui se présente devant Achille endormi sous sa forme d’eidôlon ; en tout elle est semblable à Patrocle, pour la taille, les beaux yeux, la voix : pant’ eikuia ; elle lui ressemblait prodigieusement : eikto de theskelon autōi (Il., XXIII, 66 et 107).
Mais s’il n’existe aucune incompatibilité entre eidôlon et le vocabulaire d’eoikōs, si au contraire la semblance du premier s’exprime chaque fois par les mots de la famille du second, l’opposition idole-icône n’est plus pertinente pour l’époque archaïque ; elle ne peut plus servir de cadre à une enquête sur le statut de l’image, ses fonctions, sa nature. On ne trouve pas d’un côté une image-idole simulant l’apparence, de l’autre une image-icône orientée vers l’essence.
Au reste, les études d’A. Rivier auxquelles S. Saïd fait référence pour souligner « le caractère intellectuel de l’opération décrite par les verbes eiskō et eikazō9 » ont eu le grand mérite de montrer que, comme dokeō, dokos, doxa, ce vocabulaire demeure, dans ses emplois anciens, étranger à ce que Rivier appelle « la problématique de l’être et du paraître », problématique qui, pour être centrale dans la pensée du IVe siècle, n’en a pas moins émergé très lentement à la conscience philosophique du Ve, sous l’impulsion de l’école éléate. Et, de fait, l’eidôlon, qu’il soit simulacre ou rêve fabriqué par un dieu, qu’il soit âme-fantôme, ne fait, sous aucune de ses formes, référence à ces catégories. Il se situe en dehors du couple paraître-être. Sans traduire l’essence, il n’est pas non plus simple apparence. L’eidôlon-psuchē de Patrocle, l’eidôlon-songe en forme d’Iphtimé sont bien davantage que l’aspect extérieur de ces deux individus ; ils en ont la voix, c’est-à-dire qu’ils échangent des propos et communiquent avec leur vis-à-vis dans un dialogue animé comme le feraient des personnes réellement présentes en chair et en os. Ni apparence ni essence – deux termes dont chacun n’a de signification que par rapport à l’autre –, l’eidôlon se manifeste, pourrions-nous dire en utilisant le moins mauvais mot dont nous disposons, comme l’« apparaître » de quelqu’un. Par là il n’est pas, au premier abord, différent de tous les autres « phénomènes », c’est-à-dire de tout ce dont la présence se manifeste (phainō) en se faisant voir aux yeux des humains. L’eidôlon s’en distingue cependant, parce qu’en lui l’apparaître est équivoque, déroutant : il comporte un double et contra-dictoire aspect. D’une part, en tant que simulacre, il est à ce point précis, concret, complet qu’on ne peut que s’y laisser prendre. Mais il est en même temps insaisissable : il se dérobe et se dissipe dès qu’on veut mettre la main sur lui. Il est inconsistant, évanescent, vide, à la façon d’une ombre, d’une fumée, d’un rêve. Il est bien l’apparaître, mais de qui n’est pas là ; sa présence est celle d’un absent. Mais l’absence que l’eidôlon porte en lui n’est pas toute négative ; elle n’est pas l’absence de ce qui n’existe pas, d’un rien, mais celle d’un être qui n’est pas d’ici-bas ; si on ne peut le joindre ni l’étreindre, c’est qu’il appartient à l’au-delà, dont il n’a surgi que pour y faire bientôt retour ; alors même qu’il se montre à nos yeux et jusque dans sa présence ici-bas, il porte la marque de cet ailleurs où il réside. Pour le dire d’un mot, l’eidôlon est apparition. Il tranche sur l’aspect ordinaire et commun de ce qui se manifeste à la lumière du jour ; il s’en démarque à la fois en plus et en moins. Il est plus, par le caractère « divin » dont il est parfois expressément qualifié et qui marque sa dimension « surnaturelle » ; il est moins, parce que l’absence, la vacuité dont sa présence est le signe le rapprochent de ces reflets illusoires, affaiblis, obscurcis qui se forment sur la surface sombre des miroirs, quand on s’y regarde et qu’on s’y voit, tout en sachant bien qu’on n’y est pas et que ce « soi-même » est un leurre10.
Figure de l’invisible, l’eidôlon archaïque est à la fois présence de celui dont on reconnaît l’identité en le voyant planté devant soi et complète absence d’un être qui a quitté la lumière du jour (la psuchē) ou qui d’origine lui est étranger (l’oneiros et le phasma). Dans l’histoire de la représentation figurée, ce point de départ donne la mesure des changements qui, du VIIIe au IVe siècle, ont affecté le statut de l’image pour aboutir, chez Platon, à une théorie générale faisant de toutes les formes d’eidôla, qu’il s’agisse d’eikones ou de phantasmata, des faux-semblants produits d’une même activité « mimétique », fabricatrice d’un monde d’illusions par son aptitude à simuler, comme en un jeu de miroir, l’apparence extérieure de tout ce qui existe de visible dans l’univers11.
Du double à l’image, de la présentification de l’invisible à l’imitation de l’apparence, cette métamorphose de l’eidôlon pose une nouvelle et difficile question. Si l’eidôlon n’imite pas l’apparence de ce dont il est le fantôme, il se présente cependant comme son double, son simulacre. En quoi consiste alors sa « semblance » avec ce dont il manifeste ici-bas la présence-absence, et comment cette similitude pourrait-elle être autre chose que la ressemblance physique entre la copie et son modèle – leur identité d’aspect ? L’objection ne serait valable que si l’effet de semblance produit par l’eidôlon était strictement confiné au domaine visuel ; or ce n’est pas le cas, pour une double raison. D’abord, la voix a sa place et tient son rôle dans l’apparition de l’eidôlon au même titre que l’aspect extérieur ; ensuite et surtout, la similitude de forme corporelle, de stature, de démarche, de regard, de vêtements, au lieu de s’exprimer, comme on pourrait s’y attendre et comme S. Saïd le suppose, par un vocabulaire du « voir » (idein, eidos), le fait par des termes apparentés à eoikōs, traduisant une « adéquation » d’un autre type que la conformité par imitation de l’apparence extérieure. Au-delà du simple aspect physique, ce que simule l’eidôlon, c’est l’identité d’un individu ou, pour reprendre la formule même d’A. Rivier, le rapport à son type, « à l’image exemplaire de sa nature propre12 ».
Certes le corps est un élément de cette identité, mais il n’y entre pas à la façon dont un peintre en tracerait le portrait exact ; le corps est perçu comme un témoin de ce que sont, socialement et personnellement, un homme ou une femme. Sur le mode d’un emblème où s’inscriraient les qualités, les vertus, les dignités de chacun, il rend manifestes aux yeux d’autrui le statut et le rang d’un individu, sa timē, c’est-à-dire ce qu’il vaut et les honneurs qui lui sont dus. Dans ce que nous appelons l’aspect physique d’une personne, le corps apparaît, pour les Grecs, porteur de valeurs : beauté, noblesse, force, agilité, élégance, éclat de la charis. La conformité à ces valeurs – que seuls les dieux possèdent dans leur plénitude13 et dont le corps des mortels ne peut briller que d’un éclat affaibli, obscurci, passager –, cette convenance par rapport à un modèle instituent, pour l’individu, une première forme de ressemblance, la simi-litude à soi, l’adéquation de l’« apparaître » à ce qu’on est réel-lement, c’est-à-dire à ce qu’on vaut14.
Cette semblance première à travers laquelle se fait reconnaître pour chacun son identité n’est pas de l’ordre d’une imitation trait pour trait, mais d’une congruence par rapport à une norme, d’une évaluation par rapport à un modèle exemplaire. Similitude à soi donc, constitutive de l’identité et dont l’eidôlon présente comme un duplicata, au même titre que les enfants par rapport au père qui, pour les engendrer, imprime son modèle, son tupos, dans la matrice de l’épouse, afin qu’ils soient « semblables à lui », eoikota tekna (Trav., 182, 235), ou que Pandora, façonnée dans la glaise par Héphaïstos à la semblance d’une parthenos15, c’est-à-dire de ce qu’elle sera, dès lors que la similitude avec elle-même se trouvera en elle effective ; et cette identité féminine qu’assume Pandora en s’assimilant au modèle de la parthenos renvoie à son tour à une autre semblance : par la beauté de son jeune corps de vierge, de ses vêtements, de ses parures, de sa couronne, par la charis, la puissance de séduction qui en émane, la parthenos est elle-même « à l’image des déesses immortelles » (Trav., 62)16. Si Pandora peut être ainsi tout à la fois la première jeune fille, d’où est issue la race des femmes en son entier, et une image façonnée à la semblance d’une parthenos qui est, en tant que telle, semblable aux déesses immortelles, on comprend mieux qu’il n’y ait pas encore, dans nos plus anciens textes, d’opposition radicale, ni même de coupure nette, entre l’identité d’une créature vivante et la semblance d’une effigie fabriquée par la main experte d’un artisan : les innombrables daidala, les ciselures que, tout autour du diadème d’or de Pandora, Héphaïstos façonne « à l’image des bêtes que nourrissent la terre et les mers », sont tous « semblables à des êtres vivants » ; et cette semblance à des créatures en chair et en os vient de ce que, thauma idesthai, merveille à voir, le bijou prolonge l’effet que produit sur ceux qui la regardent la personne de la vierge : le charme infini, charis pollè, illuminant le diadème, se mêle et se confond avec les puissances de vie, de beauté, de séduction qui, à la semblance des déesses immortelles, rayonnent du corps de la femme (Théog., 578-584).
Dernière remarque : pour qu’un homme soit pleinement lui-même, pour qu’il atteigne sa propre identité par conformité au type authentique du kalos kagathos, il faut et il suffit qu’il apparaisse « semblable aux dieux », de la même façon que les images figurant des hommes ou des bêtes, pour s’animer et provoquer la même stupeur admirative que si elles étaient réelles, doivent apparaître « semblables à des êtres vivants ». Le rapprochement entre ces deux ordres de semblance dépasse la simple comparaison. Assimiler un homme aux dieux, c’est reconnaître, chez ce personnage, une entière restauration de sa figure dans la plénitude et l’intégrité des valeurs qu’elle doit manifester. Cette restauration de l’identité suppose que la divinité y mette un peu du sien, en accordant à un mortel un surplus de cette grâce, cette force, cette beauté qui sont l’apanage des Immortels.
Rappelons comment s’y prend Athéna pour qu’Ulysse se présente devant Nausicaa dans sa majesté héroïque. Le fils de Laërte s’est déjà lavé aux eaux d’un fleuve, il a purifié son corps, sa tête, son visage des impuretés et de la crasse qui lui souillaient la peau ; frotté d’huile il a caché sa nudité dans les vêtements déposés près de lui : « Et voici qu’Athéna, la fille du grand Zeus, le faisant apparaître et plus grand et plus fort, déroulait de son front des boucles de cheveux aux reflets d’hyacinthe ; tel un artiste habile, instruit par Héphaïstos et Athéna de toutes leurs recettes, coule en or sur argent (peri-kheuetai) un chef-d’œuvre de grâce (kharien ta erga), telle Athéna versait (katekheue) la grâce sur la tête et le buste d’Ulysse. Il était rayonnant de grâce et de beauté quand il revint s’asseoir à l’écart sur la grève » (Od., VI, 229-236). La « semblance aux dieux » par le rayonnement de la charis est versée sur l’homme vivant, comme la « semblance aux hommes vivants » est versée par la main de l’habile artisan sur les images qu’il confectionne.
A l’opposé, la bassesse et l’indignité d’un être humain transparaissent dans la détérioration ou même la totale dégradation de sa figure. Comment s’exprime cette disgrâce ? Par la négation de la semblance, de la convenance. A eoikōs, eikelos font pendant, en négatif, l’aikia, l’action d’aeikizein : outrager le corps de l’ennemi abattu, c’est, en livrant sa dépouille aux chiens et aux oiseaux, en déchirant sa peau, en meurtrissant sa face, en le laissant pourrir et se décomposer, mangé des vers, en plein soleil, chercher à ramener sa figure au degré zéro du convenable et du ressemblant, à détruire entièrement son identité, sa valeur, pour le réduire à n’être rien. Évoquant la métamorphose d’Ulysse, d’abord hideux au sortir du sommeil, puis rayonnant de grâce et de beauté, Nausicaa confie à ses servantes : « Je l’avoue, cet homme tout à l’heure me semblait aeikelios, maintenant theoisi eoike, il ressemble aux dieux » (Od., VI, 242-243). A un pôle, la « semblance aux dieux » qui confirme aux yeux de tous votre identité de noblesse en vous faisant briller d’un éclat plus qu’humain ; à l’autre, la non-similitude, l’inconvenance qui, vous rejetant de l’humain, vous réduisent à un état de non-personne.
Xoana and the Origin of Greek Sculpture, Atlanta, Géorgie, 1988.
Troyennes, 12 ; Héraclides, 936-937 (bretas Dios tropaiou) ; Phèdre, 1250 et 1473.
Xoan’ hēdumelê, fr. 238 Radt [217 Nauck2] = Athénée, XIV, 637 a.
S. Saïd, « Deux noms de l’image en grec ancien : idole et icône », Comptes rendus de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, avril-juin 1987, p. 309-330.
« Que l’idole ne puisse s’aborder que dans l’antagonisme qui l’unit immanquablement à l’icône, il n’en faut sans doute pas discuter », écrit Jean-Luc Marion : « Fragments sur l’idole et l’icône », Revue de Métaphysique et de Morale, 4, 1979, p. 433.
S. Saïd, art. cit., p. 322.
Cf. J.-L. Marion, art. cit. : « Le regard seul fait l’idole » (p. 435) ; « Idole – ou le point de chute du regard […]. Quand l’idole apparaît, le regard vient de s’arrêter : l’idole concrétise cet arrêt » (p. 436) ; « Si le regard idolâtrique n’exerce aucune critique de son idole, c’est qu’il n’en a plus les moyens : sa visée culmine sur une position qu’occupe aussitôt l’idole et où s’épuise toute visée » (p. 437). Et contra, sur l’icône : « Tandis que l’idole résulte du regard qui la vise, l’icône convoque la vue en laissant le visible peu à peu se saturer d’invisible […]. Icône, non du visible, mais bien de l’invisible, ce qui implique donc que, même présenté par l’icône, l’invisible demeure invisible » (p. 440) ; « L’icône ne rend visible l’invisible qu’en suscitant un regard infini […]. Le regard humain, loin de fixer le divin en un figmentum, aussi figé que lui, ne cesse, envisagé par l’icône, d’y voir advenir la marée de l’invisible » (p. 444).
Quand un dieu se présente à la vue des humains en revêtant l’aspect d’un mortel, le terme eidôlon n’est jamais utilisé. En ce sens, il faut distinguer du problème de l’image ceux que posent les épiphanies et métamorphoses divines.
S. Saïd, art. cit., p. 311, note 12.
Le même eidôlon peut être qualifié d’obscur, amauros, et de divin, theoio, comme en Odyssée, IV, 831. En Iliade, II, 56, l’oneiros qui vient, tout à fait semblable à Nestor, visiter Agamemnon à travers la nuit sainte est divin, theios. Dans le cas du phasma et de la psuchē, l’appartenance à l’au-delà va de soi, contrairement au cas du rêve : il y a en effet des rêves qui ne sont pas divins.
Cf. J.-P. Vernant, « Image et apparence dans la théorie platonicienne de la mimésis », Journal de Psychologie, 2, 1975 (reproduit, sous le titre « Naissance d’images », dans Religions, histoires, raisons, Paris, 1979, p. 105-137).
A. Rivier, « Sur les fragments 34 et 35 de Xénophane », Revue de Philologie, 30, 1956, p. 48, note 1. Cité par S. Saïd, art. cit., p. 322.
Plénitude si intense, si aveuglante, que le regard humain ne peut les contempler. En ce sens, les valeurs que le corps reflète s’enracinent dans un au-delà invisible.
D. Saintillan écrit justement : « Pour un mortel, venir au jour, apparaître, c’est toujours pour lui revêtir une semblance – laquelle doit être alors la sienne propre –, celle qu’il transmettra par la voie de la génération aux enfants qui devront lui ressembler » (« Les grâces de Pandora », texte inédit présenté au colloque de Lille sur Hésiode. Nous remercions Daniel Saintillan de nous l’avoir communiqué).
Parthenōi… ikelon : Travaux, 71 ; Théogonie, 572.
Zeus commande à Héphaïstos de « former, à l’image des déesses immortelles, un beau corps aimable de vierge ».