Introduction

Évolution du scénario

À l’origine enchaînement de quelques lignes, assemblage de scènes ou plans, le scénario prend rapidement des allures d’aide-mémoire et de document préparatif au tournage. Ainsi, dès l’avènement des premiers courts-métrages (l’Américain D. W. Griffith, Les Aventures de Dollie, 1908 ; Edgar Allan Poe, 1909 ; Cœur d’apache, 1912 ; Three friends, 1913 ; ou encore le Français Georges Méliès, Le Voyage dans la lune, 1902 ; Voyages à travers l’impossible, environ 600 très courts-métrages – de une à quelques minutes seulement – réalisés de 1896 à 1914), quelle que soit leur forme, les tout premiers scénarios tendaient à expliquer un plan ou une scène ou encore une séquence de scènes, parfois même leur utilité dramatique dans le récit.

L’arrivée du parlant a naturellement impliqué l’écriture de dialogues et donc, d’une mise en page (indications scéniques) pouvant faciliter le travail de l’acteur. Certains ne suivront en aucun cas ces indications proposées par le scénariste (de mouvement, de placement, d’émotions, d’attitudes) quand d’autres s’y cantonneront. Tout dépend du désir du réalisateur, fidèle ou non aux diverses descriptions du scénariste. À moins que le réalisateur ne soit lui-même le scénariste du film en question, rien ne l’oblige à respecter les propositions énoncées, à suivre à la lettre les choix en termes de placement, mouvement, etc.

L’histoire a en tous les cas ceci d’intéressant qu’il nous faut remonter à l’Antiquité pour comprendre la structure du scénario telle qu’elle est enseignée aujourd’hui. Le théâtre antique et son illustre concept des trois actes, toujours aussi efficace, toujours aussi vivace, est effectivement encore employé de nos jours.

Définition

Par définition, le scénario est un document écrit par un ou plusieurs professionnels. Original ou adapté d’une œuvre déjà existante, sa première fonction est de raconter une histoire. Plus ou moins étoffé au niveau des descriptions de mise en scène, il indique, et c’est là sa toute première utilité, quoi faire aux comédiens et techniciens sur un plateau de tournage.

Les connaisseurs s’accorderont pour dire que le découpage technique s’avère davantage l’outil de référence sur le plateau de tournage. Ceci est indéniable sachant que le scénario (continuité dialoguée) n’est en aucun cas un document technique. Dénué d’indication d’axe, de valeur de plan, de focale ou encore de mouvements de caméra, il cède sa place à un outil expliquant la vision du réalisateur : cet outil est, vous l’aurez compris, le fameux découpage. Toujours plus axé sur la technique donc, toujours plus concis puisque visant à aller droit au but, il permet un gain de temps supplémentaire face au scénario encore trop littéraire.

Le scénario demeure néanmoins la base, le point de départ et d’aboutissement pour le comédien entre deux prises. En résumé, cet outil de travail permet d’expliquer l’action à mettre en scène (lieux, décors, agissements, réactions et déplacements des comédiens) ainsi que le contenu narratif à proprement parler (dialogues, narration). Le scénario suggère – décrit – ce que l’on voit et entend. Sa seule lecture doit donc suffire à se projeter visuellement dans le récit.

Il est important de préciser que la complexité du scénario varie selon la plume – clavier – de son auteur, selon son style donc, et les méthodes de travail du réalisateur avec lequel il collabore (nécessité ou non d’un scénario saturé de précisions/suggestions). Ainsi, certains rédigeront un support très fouillé (propositions de descriptions physiques et de lieux, ambiances, etc.) quand d’autres choisiront la simplicité, optant non pas pour un travail bâclé mais pour un écrit offrant le strict minimum, le nécessaire à leur yeux donc (descriptions succinctes, dialogues vifs, etc.). Par conséquent, détaillé ou expéditif, l’aspect descriptif du document ne lésine pas sur le verbe. Le plus-que-parfait du subjonctif n’est pas le bienvenu ! Le présent de l’indicatif transporte quant à lui le sang dans les veines de cette entité on ne peut plus vivante puisqu’en constante évolution et bouleversements, parfois même jusque sur le plateau de tournage.

Le scénario comme référence, c’est évident. Le scénario vivant, absolument.

Cinéma vs télévision

L’éternelle rivalité cinéma-télévision… Nos grands-parents ont été témoins de l’intérêt décroissant (pour inversement croître à nouveau les décennies suivantes) de la radio au profit du téléviseur noir et blanc. Nos parents ont après cela osé introduire la couleur au salon avant de commettre l’irréparable en nous emmenant au cinéma, salles obscures intimistes propices à l’évasion. Irréparable oui, car il était déjà trop tard pour faire machine arrière…

Lumière tamisée, épais rideaux de velours, sièges poussiéreux et popcorn à gogo ; d’ores et déjà, nous étions tous accros ! Lieu propice aux galanteries, rencontres avec soi-même, sorties du dimanche en famille, moments partagés entre amis, le cinéma reste, au-delà du simple divertissement, un art de vivre pleinement. À travers l’écran d’une part, au sein de la société d’autre part, tant le cinéma est culture tout autant qu’aventure.

Sous la loupe de la scénarisation, le cinéma et la télévision offrent un contraste saisissant. Qu’on ne s’étonne donc plus de voir uniquement le nom du réalisateur dans le générique d’un film au grand écran à l’heure où on accorde beaucoup plus d’importance au scénariste et à ses textes dans une série télé. Les premières critiques lues dans les journaux ressembleront souvent à « on aime la finesse et la justesse des dialogues de l’auteur…» pour une série quand côté grand écran, nous aurons droit au traditionnel « as-tu vu le dernier film de tel réalisateur ? »

Ainsi, le scénario de séries, jusque dans sa forme, répond à plusieurs critères spécifiques à la télévision. Le scénariste écrit pour un télédiffuseur et sa « ligne éditoriale » en termes de contenu et de genre, ce pour un auditoire bien précis. La contrainte la plus évidente – et la plus redoutée – du scénariste apprenti est sans contredit la durée (format). Non seulement la grille horaire place l’auteur dans un étau temporel mais l’oblige à découper en fonction d’une réalité envahissante, quoique bien réelle et nécessaire : la pause publicitaire.

Intrusion destructrice et diminutive ? Non. Voyons le problème autrement. Le fait d’écrire n’est-il pas une course contre la montre ? Sans limite temporelle imposée, le scénariste se doit tout de même de bâtir chacune de ses scènes comme s’il n’avait que quelques instants pour expliquer au spectateur (télé) où il veut en venir. C’est ainsi qu’une vérité inébranlable plane sur tous les scénarios : chaque scène ayant un rôle à jouer, elle doit signifier, appuyer le développement et les personnages. À l’inverse de quoi, poubelle : « merci mais non merci ! ».

L’écriture télévision a par conséquent ceci de formateur (quel que soit le genre : doc, pub, fiction) qu’elle contraint à la concision, au rythme et à la rigueur des idées. La pause publicitaire intervenant après une punch line devient de fait salvatrice puisqu’elle lance un clin d’œil à l’auteur ayant réussi son pari. Heureux est celui qui maintient le suspense, titille ou émeut, juste avant les réclames ! Non plus seulement bienheureux mais comblé si alors son public reste fidèle à la série, au mieux au prochain épisode, idéalement à la saison suivante !

Demandez à n’importe quel scénariste de confirmer que les contraintes ne sont pas constructives tout en freinant la créativité… S’il nie, autant dire alors qu’il viendra de vous mentir droit dans les yeux.