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Rentrer dans le rang


La France victorieuse peut-elle demeurer une grande puissance ? Sa vie intérieure n’est-elle pas largement modelée, désormais, par le contexte mondial ? Ces questions hantent sa politique internationale. La sourcilleuse susceptibilité gaullienne est certes flatteuse. Elle décharge de tous soucis une opinion plus préoccupée par les difficultés matérielles du lendemain et par les aléas de la politique intérieure. Mais elle n’apporte aucune solution durable aux problèmes posés : dans un monde de super-Grands, la France peut-elle user ses maigres forces dans la bataille pour le « rang » ? Et comment y associer l’Empire ?

La grandeur sans moyens

De Gaulle, lui, n’hésite pas, et toute sa politique est subordonnée à la grandeur. Ses buts sont triples : réinstaller la France en tous les lieux où elle exerçait sa souveraineté en 1939, participer à part entière à tous les règlements et plans d’organisation de l’après-guerre, imposer des garanties définitives pour mettre l’Allemagne hors d’état de nuire. Ses méthodes n’ont pas varié depuis Londres et Alger : compenser la faiblesse par la raideur, trancher seul, saisir le moindre incident pour dévoiler les objectifs à long terme. Sa diplomatie s’inspire du goût, fort classiquement bismarckien, des situations de fait où prime le rapport de force et d’une obstination sur les points essentiels qui ne néglige pas à l’occasion de finasser. Son rôle d’arbitre incontesté à l’intérieur dans les premiers mois lui permet d’imposer ses objectifs, de fixer les attitudes et d’engager l’avenir.

Sa lutte pour la reconquête du « rang » n’est, en outre, entravée par aucune force politique. Le programme du CNR conjugue allégrement puissance et grandeur avec la mission universelle de la France, tout en restant muet sur les moyens de leur exercice. L’antifascisme de la Résistance porte espoir d’une fraternité des peuples et d’une Europe démocratique où la France, comme en 1848, jouerait le rôle de guide. En compensation aux humiliations de la vie quotidienne, une poussée de nationalisme colore donc la période, à laquelle participent toutes les familles politiques, communistes compris. Ainsi s’explique que le départ du général n’infléchisse aucune orientation majeure en politique extérieure : l’héritage n’est pas discuté et, au Quai d’Orsay, Georges Bidault et le MRP maintiennent la continuité1. À une opinion bercée d’illusions sur la place réelle de la France dans le monde, à des parlementaires souvent novices et peu au fait des subtilités juridiques d’une négociation, à des partis dont les programmes restent particulièrement indigents en politique étrangère, les incantations et les petites revanches suffisent. Comme pour l’épuration, un pays frappé de myopie refuse de s’examiner en face2.

Quelques épisodes marquent d’entrée de jeu l’ampleur des ambitions et les limites de leur champ d’application. Le 11 novembre 1944, Churchill est chaleureusement accueilli par les Parisiens, mais son tour d’horizon avec de Gaulle ne dégage aucune volonté particulière de négocier un traité d’alliance chez les deux interlocuteurs. Par contre, si de Gaulle prend aisément son parti de ne pas nouer de relations privilégiées avec le plus européen et le plus faible des trois Grands, il place de grands espoirs dans un nouvel élan de l’alliance franco-russe, pour prendre définitivement à revers l’Allemagne et valoriser le poids de la diplomatie française face à Roosevelt et à Churchill : l’URSS n’a-t-elle pas reconnu la première la France libre aux heures sombres de septembre 1941 ? Le face-à-face de Gaulle-Staline à Moscou au début de décembre nourrira certes quelques pages d’anthologie dans les Mémoires de guerre3. Il ne fut peut-être pas sans effet sur la loyauté des communistes français. Mais le bilan diplomatique est maigre. Le pacte de sécurité paraphé le 10 reprend nombre de dispositions de ceux de 1892 et 1936. De Gaulle reconnaît les ambitions soviétiques à l’est de l’Europe, accepte tacitement la fixation de la frontière orientale de l’Allemagne sur la ligne Oder-Neisse tout en refusant de s’engager sur la question polonaise. Il n’a pourtant pas obtenu de soutien ferme de Staline pour sa politique allemande. Quelques semaines plus tard, à Yalta, Staline ne dissimule pas à Roosevelt qu’il avait trouvé de Gaulle « dépourvu de réalisme ». Mais ce dernier ne douta pas que le refus explicite de convier la France à la conférence de Crimée ne vînt exclusivement de Roosevelt. Aussi refuse-t-il sèchement en février 1945, on l’a vu, de le rencontrer à Alger : le chef du Gouvernement provisoire peut-il accepter « d’être convoqué en un point du territoire national par un chef d’État étranger4 » ? Réticente et tendue avec les Anglo-Saxons, ouverte sans garanties vers l’URSS, telle apparaît la politique française dans les premiers mois qui suivent la Libération.

On ne s’étonnera donc pas de voir la question allemande passer au premier plan5, être volontiers exposée devant l’opinion comme le problème central de l’univers6 à l’heure de Yalta et d’Hiroshima. La position française est toute nourrie de souvenirs fixés en 1815 ou en 1919. L’Allemagne, postule-t-elle, doit renoncer à un Reich centralisé et soumis aux tentations expansionnistes. La puissance française s’imposera naturellement sur la rive gauche du Rhin et en Sarre. L’internationalisation de la Ruhr et de solides réparations compléteront, pour le charbon, les machines et les crédits, ces gages de puissance territoriale arrachés à l’ennemi héréditaire. La présence des armées françaises sur les territoires en jeu donnera du poids aux propositions diplomatiques.

Cette politique qui vise à démembrer un pays pour le démocratiser tout en l’exploitant économiquement, qui voit dans le nazisme le fruit naturel de toute son histoire, rend la position française fort délicate au procès des criminels de guerre nazis de Nuremberg, malgré l’entregent de ses juristes : comment punir un peuple entier sans lui donner les moyens physiques de son repentir moral ? En revanche, son réalisme s’accommode bien d’une occupation militaire dans une petite zone détachée des territoires initialement attribués aux Anglais et aux Américains, à Berlin, en Sarre, au Palatinat, en Rhénanie méridionale, puis en pays de Bade, au Wurtemberg et dans les Hesses. Au mépris des réalités historiques des Länder du Sud, les Français s’installent dans les morceaux de territoires qu’au vu de l’impétuosité des troupes de De Lattre seuls les Alliés anglo-saxons ont bien voulu leur concéder. Staline, lui, dont les gains à l’Est ne sont pas contestés, a refusé de céder une part de sa zone berlinoise : en Realpolitik, on trouve toujours plus rusé que soi. Mais ces gages territoriaux, assortis de compensations économiques et financières à la conférence de Paris de novembre-décembre 1945, qui prévoit 20 % du montant global des réparations pour la France, sont les dernières concessions faites par les Alliés. De conférences des Quatre en séances difficiles de la Commission de contrôle de Berlin, ils ne cèdent rien sur les questions de fond, Reich décentralisé, internationalisation de la Ruhr et détachement des provinces rhénanes. Dès septembre 1946, les Américains qui supportent de lourdes charges matérielles pour éviter le chaos en Allemagne, qui craignent son glissement dans l’orbite soviétique, poussent à la reconstruction politique et économique du pays vaincu : à la conférence de Moscou en mars 1947, les Français devront s’incliner.

Comment, au reste, s’étonner que cette politique ait échoué ? Sans le bon vouloir des Anglo-Saxons, nos divisions auraient-elles suffi à assurer à la France une si haute place dans le concert international ? La légitimité que de Gaulle donne à la politique française dès la Libération ne doit pas être sous-estimée. Mais il suffit de rappeler la chronologie. En octobre 1944, à Dumbarton Oaks, les bases de l’Organisation des nations unies sont jetées sans que la France ait été conviée à la discussion, mais les Alliés veulent bien lui réserver un siège au Conseil de sécurité. Le 11 novembre à Paris, Churchill annonce à de Gaulle que son pays pourra siéger au Comité consultatif européen qui vient d’achever ses premiers travaux, définissant les trois zones et un statut pour Berlin. Absente aux conférences décisives de 1945, Yalta, San Francisco et Potsdam, la France n’a aucune prise sur les décisions de principe qui engagent l’Europe entière et doit son statut de puissance occupante en Allemagne à l’obstination de Churchill à y plaider sa cause. Le bilan peut certes paraître très positif. La France participe dès l’automne 1945 aux conférences régulières des ministres des Affaires étrangères des Quatre. Elle siège avec droit de veto à l’ONU. Mais ce statut de super-Grand est un habit taillé un peu large pour elle.

Car la pauvreté fait loi et il faut en passer par les exigences de la diplomatie du dollar. Dès le 21 août 1945, les États-Unis ont résilié les contrats de prêt-bail. Les accords de Bretton Woods imposent aux pays démunis de contracter des emprunts auprès d’un Fonds monétaire international et d’une Banque internationale pour la reconstruction et le développement où la domination du dollar est incontestée. La France peut certes arracher le rattachement de la Sarre à la zone franc ou le paiement dans sa monnaie du pétrole irakien. Mais, dès décembre 1945, son gouvernement sollicite un prêt de 550 millions de dollars à l’Export-Import Bank pour financer les commandes minimales en matières premières et machines, ses techniciens et ses industriels peupleront des missions qui vont parcourir d’un œil envieux le pays du big business. En retour il fallut bien faire les premières concessions sur la question d’une administration centrale en Allemagne7. Au printemps de 1946, le gouvernement de Félix Gouin charge Léon Blum, Emmanuel Monick et Jean Monnet de plaider l’ensemble du dossier monétaire, économique et social français à Washington. Les accords Blum-Byrnes du 28 mai s’en tiennent formellement à la liquidation gracieuse des dettes de guerre, dont le montant, complété par des prêts, pourra être affecté à la reconstruction. Mais, en contrepartie à cette aide exceptionnelle, les négociateurs français doivent promettre de laisser entrer les produits américains8 et laissent échapper des remarques fort peu socialistes sur le rôle des nationalisations. Est-il si sûr, quoi qu’en ait dit Blum, qu’ils n’annoncent pas un alignement diplomatique et économique de grande envergure ? La politique de grandeur a cédé le pas à une négociation financière et économique fort inégale. La France pauvre rentre dans le rang.

Quel salut pour l’Empire ?

L’Empire ne satisfera pas davantage ses appétits de grandeur. Son rôle, pourtant, fut essentiel dans la victoire. Comment oublier l’ampleur de la mobilisation de ses hommes, Européens et indigènes mêlés, ses contributions financières et économiques à l’effort de guerre, l’importance de ses bases aériennes et navales dans la stratégie alliée ? Nul ne songe donc à disputer sur son apport fondamental à la nouvelle bataille, celle du « rang ». La mystique impériale est même portée à un degré rarement égalé dans l’histoire de la colonisation française. Mais l’évolution outre-mer est trop profonde, l’exploitation économique et financière des territoires dominés trop forte, les rapports mondiaux qui préludent à la décolonisation générale trop bouleversés, pour que ce mythe compensateur fasse longtemps illusion9. Le réveil est triste, après beaucoup de temps perdu et d’occasions manquées.

Pour comprendre cette évolution, un rapide retour en arrière est cependant nécessaire. Face à l’active propagande de Vichy qui posait l’Empire en recours pour l’avenir, de Gaulle, symétriquement, avait condamné l’armistice en arguant avec une particulière insistance que le domaine colonial pouvait offrir des forces décisives au camp des Alliés dans un conflit qui deviendrait mondial. De son côté, l’antifascisme fort jacobin de la Résistance intérieure — communistes compris — a cimenté un bloc de la liberté : l’extension outre-mer des vertus républicaines reconquises par le peuple en métropole, y soutient-on volontiers, suffira à veiller au salut d’un Empire rénové. La notion de communauté de peuples y est rarement évoquée. En revanche, elle exalte une France démocratique aux 100 millions d’habitants égaux en droits.

Toutes ces intentions, plus libérales qu’émancipatrices, ont été solennellement exposées à la Conférence de Brazzaville qui rassembla à la fin de janvier 1944 des gouverneurs des colonies, des administrateurs du Maghreb et des représentants de l’Assemblée consultative d’Alger10. La voix de colonisés n’y fut pas entendue pour elle-même : seul était en jeu l’avenir des rapports entre la métropole et son Empire. En Afrique française, y déclare de Gaulle, il n’y aurait aucun progrès si les hommes « ne pouvaient s’élever peu à peu au niveau où ils seront capables de participer chez eux à la gestion de leurs propres affaires ». Mais les travaux témoignent d’hésitations et de contradictions qui engagent l’avenir. La conférence s’est hardiment soustraite aux pressions de milieux d’affaires et des lobbies coloniaux en préconisant la suppression du travail forcé, l’industrialisation, des réglementations douanières diversifiées, la scolarisation massive. Elle heurte nombre de fonctionnaires et de colons en envisageant une assemblée fédérale respectueuse de la vie et des libertés locales, en renonçant à toute conception unitaire et centralisée de la gestion de l’Empire. Elle fait lever de forts espoirs chez les colonisés. Mais ses participants flottent entre le vieux rêve de l’assimilation et la nouvelle chimère de la fédération. Ses recommandations progressistes dissimulent mal un postulat posé dès le début des travaux : « Les fins de l’œuvre de civilisation accomplie par la France dans les colonies écartent toute idée d’autonomie, toute possibilité d’évolution hors du bloc français de l’Empire ; la constitution éventuelle, même lointaine, de self-governments dans les colonies est à écarter. » Plus que jamais, « le pouvoir politique de la France s’exerce avec précision et rigueur sur toutes les terres de son Empire ».

Elle a néanmoins accrédité les termes d’Union fédérale ou de Fédération française, auxquels de Gaulle se réfère vigoureusement à Washington le 10 juillet suivant. Nombre de hauts fonctionnaires coloniaux, les ministres Pleven puis Giacobbi admettent dès mars 1945 que, sous réserve d’obligations communes, États et territoires colonisés s’intégreront dans une « Union française », entité souveraine au sein de laquelle « chacun jouera son rôle ». Le ferment de cette Union est la projection outre-mer des grands principes fondateurs de la République française. Un train de mesures juridiques en prépare l’édification. Dès le 7 mars 1944, une ordonnance affirme le principe de l’égalité pour tous les emplois publics entre Français et musulmans en Algérie ; ouvre à quelque 70 000 musulmans le premier collège électoral, celui des Français ; inscrit tous les Algériens âgés de 21 ans, soit 1 500 000 électeurs, dans un second collège qui désigne les assemblées locales au sein desquelles la proportion des musulmans est portée aux deux cinquièmes. Cette formule d’un double collège remanié est étendue en septembre 1945 à tous les territoires d’outre-mer. Suivent, un peu pêle-mêle, le principe de la représentation de toutes les colonies à la Constituante (août 1945), l’assimilation juridique totale en Océanie (mars), la départementalisation pour la Martinique, la Guadeloupe, la Guyane et la Réunion (19 mars 1946), l’abolition du travail forcé, la promesse d’une refonte du droit colonial : les droits de l’homme et du citoyen semblent préparer, au gré des majorités du moment, à l’assimilation autant qu’à l’émancipation.

Cette ambiguïté ne sera pas levée et l’Union française qu’instaure la Constitution de 1946 en porte la trace. La forme juridique et politique de cet agrégat fort complexe dans la mouvance de la France a été abondamment discutée, retouchée, en particulier après le rejet du premier projet constitutionnel le 5 mai 1946. Elle constitue un enjeu majeur du débat de politique intérieure11. Les 64 élus d’outre-mer participent activement aux travaux préparatoires, n’affichent aucun nationalisme violent, mais ne peuvent empêcher la réunion d’« états généraux de la colonisation française » à l’été 1946, où paradent les représentants des forces conservatrices de métropole et des grands intérêts d’outre-mer. Et dans la seconde Constituante qui vote le projet présenté par le socialiste Marius Moutet, la gauche n’est plus majoritaire12. À une union dont le contenu aurait pu être défini par une assemblée d’outre-mer élue au suffrage universel — Bidault, alors président du Conseil, l’a refusé —, on préfère donc la charte octroyée.

Le Préambule de la Constitution13 affirme que la France n’emploiera jamais sa force contre la liberté d’aucun peuple. Mais ses trois derniers alinéas consacrés à l’Union française sont confus et contradictoires. Définissent-ils une égalité entre des collectivités ou entre des individus ? Annoncent-ils le statut de citoyen français pour tous les colonisés ou une fédération de peuples égaux ? L’égalité des droits peut-elle cohabiter avec une « mission traditionnelle » de la France rappelée en termes que n’aurait pas désavoués Jules Ferry et qui comblent d’aise modérés et radicaux ? Le titre VIII du texte constitutionnel lève un peu l’équivoque mais introduit à son tour de singulières distinctions. La République française « indivisible » constitue le premier élément de l’Union. Elle rassemble la métropole, l’Algérie (promise à un statut particulier), les départements et les territoires d’outremer (les anciennes colonies), qui élisent des représentants au Parlement français et sont dans la souveraineté du gouvernement de la République. États et territoires associés en forment le second. Leurs ressortissants ne sont pas citoyens français mais citoyens de l’Union française, leur statut dans l’Union est « régi par l’acte qui définit leurs rapports avec la France » : en Tunisie, au Maroc, dans la péninsule indochinoise, dans les territoires sous mandats de l’ONU, rien n’est changé en fait. Les organismes centraux de l’Union française — un président qui est de droit le président de la République française, un Haut Conseil et une Assemblée14 — reçoivent de maigres attributions d’assistance ou de consultation : le vrai pouvoir législatif demeure le Parlement français, au sein duquel les élus d’outre-mer préféreront à juste titre déployer leurs efforts. Ni fédération, ni self-government, ni émancipation : sous couleur de rénovation et d’évolution prévue à l’article 75, l’Union française, création unilatérale de la métropole, intègre à la France ses anciennes colonies et propose aux autres États de l’ancien Empire une association fictive. Enserrée dans le carcan constitutionnel, elle risque une stérilité précoce pour vouloir figer une réalité en rapide évolution.

Le drame se noue lorsque ces dispositions se heurtent à la volonté affichée d’indépendance nationale qui transgresse les échafaudages juridiques. À la différence de la Grande-Bretagne et des Pays-Bas, la France semble déjà en retard d’une réforme. C’est que la lutte contre l’Axe avait sa logique : l’antifascisme s’accommode trop du cadre des patriotismes nationaux pour ne pas éveiller des aspirations hardies chez certains sous-officiers et des hommes des troupes coloniales engagées sans ménagement. La défaite de 1940, le conflit de souveraineté entre Vichy et la France libre sur les territoires africains et au Levant, les heurts triangulaires entre de Gaulle, Giraud et les Américains en Afrique du Nord, l’isolement de l’Indochine, les visions d’avenir divergentes entre Français libres, fidèles du maréchal ou attentistes à chaque niveau de l’administration, tout a contribué à disloquer l’unité de l’Empire et à affaiblir l’image de sa métropole. Ouvertement encouragés par les Américains qui, dès juillet 1940, militent pour l’installation d’un trusteeship collectif sur les colonies européennes et posent en mai 1942, avec l’accord des Soviétiques, le principe de leur internationalisation, séduits par les possibilités d’évolution rapide qu’ouvre la présence des troupes étrangères sur des territoires possédés par la France, les nationalismes indigènes prennent une belle vigueur.

En Afrique noire, le cheminement est discret avant les débats électoraux et constitutionnels de 1945 et 1946. Mais les déceptions devant le statut de l’Union française provoquent la naissance d’un Rassemblement démocratique africain, lancé par Houphouët-Boigny, qui rassemble la plupart des élus indigènes et manifeste, dès son premier congrès à Bamako en octobre 1946, un refus de l’assimilation, une acceptation purement tactique de l’Union française et qui prépare un combat démocratique de rassemblement africain. Dans les mêmes circonstances, le Mouvement démocratique de rénovation malgache assied sa puissance.

Seule, de fait, l’Afrique du Nord concentre l’attention. Observateurs attentifs de la « pétaudière algéroise15 », le bey et le sultan y tentèrent de recouvrer une part de souveraineté et prirent le risque de fortifier les mouvements d’indépendance sous l’œil bienveillant des Américains. En Tunisie, tandis que le Néo-Destour, bien que privé de Bourguiba emprisonné, se renforce, le bey Moncef, devant le refus de toutes réformes opposé par le résident général Esteva, a formé, le 31 décembre 1942, un gouvernement de « nationalistes pacifiques » présidé par Chenik et tente de résister aux pressions des Italiens et des Allemands. Son audace lui valut d’être destitué en mai 1943 par les autorités d’Alger, avec accord des Alliés, en violation des accords de La Marsa. Son successeur fut docile aux injonctions françaises, au reste fort contradictoires et sans efficacité. Mais l’épisode a engagé l’avenir : pas plus que celle de Vichy, la France combattante n’est digne de confiance. Les nationalistes du Néo-Destour, qui ont retrouvé un leader, Bourguiba, libéré en avril 1943 et qui n’a pas succombé aux pressions italiennes visant à le présenter comme un « allié » de Mussolini, en prennent acte. Repoussant les timides réformes de février 1945, ils plaident leur cause au sein de la Ligue arabe et devant l’ONU, tout en renforçant leur influence dans les masses par la création d’une puissante centrale syndicale à recrutement musulman, l’Union générale du travail tunisien (UGTT). Au Maroc, tout autant, l’entrevue du sultan Ben Youssef avec Roosevelt à Anfa en janvier 1943 a cautionné le réveil national et l’appétit de réformes. Dès janvier 1944, tous les nationalistes sont rassemblés dans le parti de l’Istiqlāl, qui réclame hautement la fin du protectorat. En février, après des affrontements sanglants, ses chefs sont emprisonnés, mais rien n’est réglé. Les évolutions prudentes sont refusées par l’Istiqlāl comme par les colons européens.

En Algérie, les impératifs de la mobilisation font accepter du bout des lèvres en mars 1943 par les autorités françaises un Manifeste du peuple algérien rédigé dans un souci de modération par Ferhat Ἁbbās et qui subordonne l’effort de guerre à la réunion d’une Assemblée musulmane et à l’engagement de négocier un statut fédéral. Ce texte minimal témoigne des vertus unifiantes de la guerre sur un nationalisme algérien historiquement divisé entre les partisans du Parti du peuple algérien (PPA) de Messali Hadj, urbain et ouvrier, les ulémas qui réveillent un nationalisme islamique et des élus de la bourgeoisie indigène longtemps séduits par l’assimilation et que regroupe Ferhat Ἁbbās. En juin, des notables et des élus musulmans lui adjoignent un additif plus virulent qui exige « la reconnaissance de l’autonomie politique de l’Algérie en tant que nation souveraine ». À cette offensive, le général Catroux, installé au gouvernement général par le CFLN, de Gaulle, par son discours de Constantine du 12 décembre, opposent des réformes substantielles qui débouchent sur l’ordonnance du 7 mars 1944. Trop tard : dès le 14 mars, l’Association des amis du Manifeste et de la liberté tente de fédérer tous les nationalistes derrière Ἁbbās. Désormais, grâce au dynamisme des militants du PPA, c’est « une République algérienne autonome fédérée à une République française rénovée » qui est à l’ordre du jour.

Dans un climat économique fort dégradé, avec une vive hausse des prix et une floraison du marché noir, dans le décompte des sacrifices humains de la guerre, pour la première fois les thèses nationalistes pénètrent les masses, plus vite séduites au reste par le radicalisme du PPA, qui réclame un gouvernement algérien, que par le fédéralisme d’un Ferhat Ἁbbas. Cette évolution en profondeur n’est guère perçue par les autorités françaises qui prennent le risque de déporter Messali Hadj devenu un leader incontesté et charismatique, le 25 avril 1945. Pour le 1er mai, des manifestations s’ébauchent. Celles légalement autorisées le 8 mai pour célébrer la victoire contre l’oppression fasciste tournent à l’émeute en plusieurs endroits. 10 000 manifestants musulmans environ, arborant des banderoles nationalistes et le drapeau vert à croissant, résistent à la police et exécutent 29 Européens dans les rues de Sétif, avant de se répandre dans la campagne environnante, massacrant, attaquant fermes, fonctionnaires et bâtiments publics, faisant environ 100 tués. Cette agitation rassemble certes moins de 5 % de la population du Constantinois, ces ruraux massacreurs ne sont pas tous des militants nationalistes, mais il y eut bien complot, et ce sang versé révèle que la rupture est possible. La férocité de la répression du côté français la rend inévitable dans l’esprit de nombreux Algériens. Sous couvert de la loi martiale, Sénégalais, légionnaires et milices européennes, soutenus par la marine et l’aviation, ravagèrent la région et laissèrent de 6 000 à 8 000 morts16, dont le souvenir ne sera pas perdu dans les deux communautés, mais sur lesquels l’opinion métropolitaine fut mal informée, malgré les cris d’alarme de Camus17. Ils ruinent les efforts à venir du libéral gouverneur Chataigneau. Ils expliquent par un réflexe d’humiliation et de peur l’âpreté du débat que suscite encore plus d’un an après à la Constituante, le 22 août 1946, ce texte d’une Constitution de la République algérienne qu’osent faire mettre en discussion les élus de la jeune Union démocratique du Manifeste algérien fondée après la répression et l’arrestation pour un temps des chefs nationalistes. Ferhat Ἁbbās croit encore mener le jeu. Mais le Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques (MTLD), nouvelle mouture du messalisme, et le parti communiste algérien ont retrouvé sans peine une solide audience. Le dialogue en Algérie devient difficile. Car nul ne peut y oublier Sétif, cette authentique « tentative manquée d’insurrection nationale18 ».

« Doc Lâp », ce mot intraduisible.

En Indochine, le dialogue est déjà rompu. Les atermoiements et les incohérences de la politique impériale y sont portés au seuil critique. La guerre s’ensuivra, prise en charge par la IVe République. Pourtant, l’affaire, mal perçue par l’opinion, a constamment retenu l’attention des responsables, et la presse a « couvert » ses rebondissements. Dès décembre 1943, le CFLN ambitionnait d’y accorder des institutions propres, et la Conférence de Brazzaville adressait son premier message à « l’Indochine captive ». Mais, le 8 décembre 1945, Jean Sainteny, commissaire de la République au Tonkin, écrivait : « … Il faut se battre sans rien, sans soutien, sans directives, sans but19. » Dur manquement qui conduisit à jeter des peuples dans une guerre sans fin et, avant l’Algérie, à discréditer les pères fondateurs d’un régime.

Le coup de force japonais du 9 mars 1945 a noué les données d’un problème dont Paris perçoit mal la complexité. En quelques heures, les Nippons ont éliminé l’armée et l’administration françaises maintenues depuis 1940 dans la mouvance de Vichy par l’amiral Decoux. Ils laissent volontiers Bao-Daï et Sihanouk proclamer, le 11 mars, l’indépendance du Vietnam et du Cambodge : à quelques semaines de la destruction d’Hiroshima, les militaires japonais transmettent aux nationalistes de la péninsule le soin d’éliminer l’homme blanc. Le gouvernement provisoire réagit à contretemps par une déclaration du 24 mars 1945 qui, dans l’esprit de Brazzaville, mais très en deçà des vœux des combattants indigènes, promet des libertés locales dans le cadre d’une Union française à construire tout en maintenant un gouvernement général sur place : vœux platoniques, puisque Paris n’a aucun moyen d’intervention, et qui trahissent une forte myopie. Car, derrière les Japonais et Bao-Daï, il eût fallu distinguer la poussée des forces nationalistes qui ont entamé un difficile processus de rassemblement dès 1941 avec la formation d’un Front de l’indépendance (ou Viêt-minh), au sein duquel les communistes menés par Hô Chi Minh exploitent le thème patriotique contre « le fascisme japonais et français ». Sur le terrain, dans la lutte contre les Japonais et les vichystes, les maquisards du Viêt-minh, soutenus par les Américains et la Chine de Chang Kai-chek, renforcent une guérilla animée par Giap et tiennent solidement toutes les montagnes du Tonkin frontalières de la Chine : le Kouo-min-tang chinois joue la carte des nationalistes non communistes mais ne peut guère discuter la force de rassemblement qu’incarne « l’oncle Hô ». D’habiles tractations, menées par Sainteny avec le Viêt-minh et laissant entendre qu’une indépendance est possible dans quelques années, isolent Bao-Daï à l’été 1945, au moment où le Japon s’effondre. En août, les troupes viêt-minh deviennent l’Armée de libération nationale, l’insurrection générale est déclenchée, des comités populaires s’installent dans les campagnes, Bao-Daï abdique le 25 : le 2 septembre à Hanoi, au nom des principes de 1789 et de la Charte de San Francisco, le Viêt-minh proclame l’indépendance du Vietnam et la République démocratique. Le front uni a vaincu : démocrates, nationalistes, catholiques et bouddhistes côtoient les communistes dans un gouvernement d’union nationale que forme Hô Chi Minh et qui reçoit l’appui d’un « conseiller », Bao-Daï, et de la Chine, dont les armées désarment partout les Japonais et soutiennent des nationalistes vietnamiens conservateurs.

On pouvait croire que la France imposerait alors ses ambitions. Il n’en est rien. Car les Alliés, à Potsdam, ont décidé sans elle que l’Indochine serait partagée sur le 16e parallèle : les Chinois recevront la reddition nippone au Nord, les Britanniques au Sud. La France est hors jeu. De Gaulle ne peut que dépêcher sur place dès la fin des hostilités en Allemagne la 2e DB de Leclerc, sans remettre en question un projet de Fédération indochinoise intégrée dans l’Union française visiblement dépassé par les événements. Le 16 août 1945, Leclerc est placé à la tête des maigres forces terrestres d’Indochine, et, le 17, un autre gaulliste, moine botté et amiral, Thierry d’Argenlieu, est nommé haut-commissaire : ils doivent ignorer les autorités de fait, rétablir celle de la France par tous les moyens et s’en tenir à la déclaration du 24 mars.

Ils réinstallent certes rapidement la présence physique de la France. Les Anglais lâchent la Cochinchine sans difficulté, Leclerc entre à Saigon le 5 octobre, une brillante chevauchée de ses blindés nettoie le Sud, tandis que le Cambodge et le Laos s’empressent de renouer avec la France. D’Argenlieu, convaincu que le Viêt-minh est disloqué au Sud, se retourne contre colons et administrateurs vichystes accusés sans pitié de « collaboration », ressuscite des comités de notables indigènes du plus pur style colonial. Déjà le malaise s’installe entre les Français d’Indochine et leurs libérateurs. Mais, au Nord, Leclerc a bien senti que les blindés ne suffisent pas pour prendre pied, qu’il faut négocier avec Hô Chi Minh et les Chinois et, cette fois, répondre clairement aux revendications essentielles des nationalistes : l’indépendance nationale et l’unité territoriale des trois Ky (Annam, Tonkin, Cochinchine). Ce que Paris accepte, pour gagner du temps et sans trop penser aux conséquences. Le 28 février 1946, moyennant l’abandon par la France de ses concessions à Shangai, T’ien-tsin, Han-k’eou et Canton, la Chine accepte la relève de ses troupes par les hommes de Leclerc au Tonkin, tout en appuyant en sous-main Hô Chi Minh qui négocie dans le même temps avec Sainteny. Le 6 mars, l’accord intervient. Sainteny et Leclerc ont su exploiter le retournement de situation offert par les succès de la 2e DB et convaincu le gouvernement Gouin de leur laisser les mains libres pour gagner de vitesse leur interlocuteur et conclure une paix qui remettra en selle les non-communistes au Nord avant que Giap ait le moyen de déclencher l’insurrection communiste généralisée. Hô a choisi la paix française contre la présence chinoise, pour gagner lui aussi du temps. Le gouvernement vietnamien accueillera « aimablement » l’armée française, qui s’engage à évacuer le pays dans cinq ans. Un référendum doit régler la question des trois Ky. Et le « Doc Lâp » vietnamien, que l’on pouvait transcrire au gré du rapport de force en « liberté » ou « indépendance », se glisse dans la formule d’un « État libre » du Vietnam inscrit dans la Fédération indochinoise, elle-même partie de l’Union française : sur ces deux points cruciaux, Hô a cédé. L’avenir s’éclaircit.

En quelques mois, cette ouverture est condamnée, sur l’initiative de Thierry d’Argenlieu, soutenu par les gaullistes et qui ne reçoit aucun désaveu du général. L’amiral considère l’accord du 6 mars comme un nouveau Munich. Sa manœuvre consiste à soutenir que la Cochinchine, ancienne colonie, purgée des communistes, ne peut être mise sur le même pied que l’Annam et le Tonkin. Suivie d’un œil attendri par les grands intérêts économiques et financiers, ostensiblement approuvée dans la presse « apolitique » de métropole, elle séduit vite la droite et le MRP, fait des ravages dans la SFIO et ébranle le ministre Marius Moutet : en divisant pour régner — vieux principe colonial —, la métropole tiendra mieux la Fédération indochinoise ; en installant un gouvernement de notables sûrs à Saigon, ajoutent les plus déterminés, on disposera d’une plate-forme utile pour une reprise en main totale de la péninsule. Le 1er juin 1946, d’Argenlieu fait proclamer une République autonome de Cochinchine et installe un gouvernement dévoué : la nouvelle surprend Hô Chi Minh le lendemain, dans l’avion qui le conduit en France pour suivre une négociation dont l’enjeu principal est l’union des trois Ky ! Le 12, Gouin démissionne après le rejet du premier projet constitutionnel, mais sans avoir eu le courage de désavouer d’Argenlieu. Bidault, qui lui succède le 19, est décidé à ne plus rien céder au Viêt-minh après le texte du 6 mars : une lettre de Leclerc à Maurice Schumann, qui affirme que la partie est gagnée par la France et qu’on peut désormais considérer Hô comme « un grand ennemi20 », a achevé de le persuader. La conférence de Fontainebleau court donc fatalement à l’échec : son modus vivendi final du 14 septembre, signé par Moutet et Hô Chi Minh, se contente de ne pas claquer la porte.

Déjà, de part et d’autre, les partisans de la guerre sont à pied d’œuvre. D’Argenlieu fait cavalier seul, tisse autour de sa Cochinchine un projet de fédération qui exclut le Nord ; l’administration, les colons et l’armée enregistrent les progrès des maquis nationalistes et parlent de donner une « dure leçon » aux Viêt-minh ; à Hanoi, les prochinois s’effacent et les éléments communistes les plus durs installent la guérilla contre les troupes françaises. À Paris, à l’automne 1946, une forte campagne de presse se déchaîne contre une « politique d’abandon » qui mettrait en cause tout l’édifice de l’Union française : le MRP et les radicaux suivent, les socialistes semblent frappés de paralysie, les communistes se taisent. Dans un climat de confusion, l’inévitable est ainsi soigneusement préparé. En réplique aux attentats contre les garnisons françaises et aux premiers meurtres d’Européens, les militaires, couverts par les autorités locales et par Bidault, bombardent et nettoient le port stratégique d’Haiphong, au prix d’environ 6 000 morts, le 23 novembre. Un télégramme d’Hô Chi Minh expédié le 15 décembre à son ancien camarade de parti, Léon Blum — devenu président du Conseil dans l’entrefaite et qui plaide pour des négociations franches sur la base de l’indépendance21 —, est retenu à Saigon par l’entourage de Thierry d’Argenlieu et ne parvient à son destinataire que le 26. En vain. Le 19, les hommes de Giap ont frappé dans Hanoi, laissant plus de 200 victimes. Hô Chi Minh retourne à la clandestinité et y annonce qu’il faut chasser les Français « par tous les moyens ». Blum, aussi douloureusement frappé qu’à l’été 1936 devant les événements d’Espagne, cautionne l’envoi des renforts français et la mise en place d’un engrenage fatal, qu’on retrouvera à l’heure de l’Algérie : pas de négociation avant la victoire militaire sur le terrain22.

N’ayant pas su clairement choisir entre la fermeté et la négociation, endossant un héritage gaullien de présence française qui ne tirait pas les conséquences des nouveautés liées à la guerre et de la profondeur du fait national, incapable de ramener sur place au sens de l’obéissance ses représentants civils et militaires, la République se laisse entraîner dans une guerre qu’elle prétendait éviter. Elle affronte un peuple qui ne trouvera bientôt d’autre recours que le Viêt-minh. En métropole et dans le monde, ce qui deviendra « la sale guerre » ouvre le premier chapitre de « son affaire Dreyfus23 ».


1.

Voir J. Chauvel (178), p. 147 sq.

2.

Voir les analyses assez solitaires de R. Aron, l’Age des empires et l’Avenir de la France, op. cit., p. 337 sq. en particulier.

3.

(68), p. 60 sq.

4.

(68), p. 88.

5.

En Syrie et au Liban, en proie à une poussée nationaliste soutenue par la Ligue arabe constituée en mars 1945, surveillée par les Britanniques, la France est bien vite isolée, malgré un ostentatoire envoi de renforts : le 31 mai, de Gaulle recule ; en décembre, l’évacuation commence, qui s’achèvera à l’automne 1946. Le Proche-Orient est désormais inséré dans une stratégie mondiale dominée par les États-Unis et l’URSS, débattue avec fièvre à l’ONU, dans laquelle la France ne peut guère intervenir. Ses intérêts pétroliers en Irak sont dilués dans un consortium où les sociétés américaines font la loi. Dans les préliminaires de la naissance d’Israël, malgré une certaine mobilisation de l’opinion dans l’affaire de l’Exodus, elle ne peut guère peser sur la détermination des Britanniques.

6.

Sauf exception : voir J. Rovan, « L’Allemagne de nos mérites », Esprit, novembre 1945 et décembre 1946.

7.

Voir A. Grosser (44), p. 216.

8.

Les accords prévoient — détail significatif — une diffusion massive des films américains, ce qui réjouit les cinéphiles longtemps sevrés et accélère l’américanisation d’une culture de masse naissante, à l’heure de la « Série noire » et du Reader’s Digest. Sur les conséquences politiques, voir la lettre de Robert Blum dans G. Elgey (19), p. 140-141.

9.

Voir Ch.-R. Ageron (183), p. 259-292.

10.

Voir Ch.-R. Ageron, « De Gaulle et la Conférence de Brazzaville », dans (119), p. 243-251.

11.

Voir chap. 7.

12.

Moutet inaugure dans le cabinet Gouin en janvier 1946 le ministère de la France d’outre-mer, qui succède au vieux ministère des Colonies qu’avaient conservé les cabinets de Gaulle.

13.

Voir J. Julliard (21), p. 89.

14.

Composée pour moitié de représentants de la métropole (art. 66), ce qui est en contradiction avec les principes d’égalité collective proclamés par ailleurs dans le texte.

15.

Voir J.-P. Azéma (13), p. 277 sq.

16.

Ch.-A. Julien (188), p. 263 et 379, R. Aron et al. (192), p. 91-169, Ch.-R. Ageron (191), p. 564-575, s’en tiennent à ces chiffres. Les autorités civiles annoncent 1 500 morts au plus, des sources américaines avancent imprudemment au moins 35 000 victimes.

17.

Voir ses articles dans Combat du 13 au 23 mai 1945, en partie repris dans Actuelles III, Gallimard, 1958.

18.

Ch.-R. Ageron (191), p. 587, et « les troubles du Nord-constantinois en mai 1945. Une tentation insurrectionnelle ? », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, n° 4, octobre 1984, p. 23-38.

19.

Cité par G. Elgey (19), p. 152.

20.

Cité par G. Elgey (19), p. 161-162.

21.

Voir le Populaire, 11 décembre 1946.

22.

Sur l’embarras des socialistes, voir D. Le Couriard, « Les socialistes et les débuts de la guerre d’Indochine, 1946-1947 », Revue d’histoire moderne et contemporaine, avr.-juin 1984, p. 334-353.

23.

Voir Ph. Devillers (199), p. 359.