Scène 3

MONSIEUR REMY, DORANTE

MONSIEUR REMY

Bonjour, mon neveu ; je suis bien aise de vous voir exact. Mademoiselle Marton va venir, on est allé l'avertir. La connaissez-vous ?

DORANTE

Non, monsieur, pourquoi me le demandez-vous ?

MONSIEUR REMY

C'est qu'en venant ici, j'ai rêvé à une chose… Elle est jolie, au moins*.

DORANTE

Je le crois.

MONSIEUR REMY

Et de fort bonne famille : c'est moi qui ai succédé à son père ; il était fort ami du vôtre ; homme un peu dérangé* ; sa fille est restée sans bien ; la dame d'ici a voulu l'avoir ; elle l'aime, la traite bien moins en suivante qu'en amie, lui a fait beaucoup de bien, lui en fera encore, et a offert même de la marier. Marton a d'ailleurs une vieille parente asthmatique dont elle hérite, et qui est à son aise ; vous allez être tous deux dans la même maison ; je suis d'avis que vous l'épousiez : qu'en dites-vous ?

DORANTE

Eh !… mais je ne pensais pas à elle.

MONSIEUR REMY

Eh bien, je vous avertis d'y penser ; tâchez de lui plaire. Vous n'avez rien, mon neveu, je dis rien qu'un peu d'espérance. Vous êtes mon héritier ; mais je me porte bien, et je ferai durer cela le plus longtemps que je pourrai, sans compter que je puis me marier : je n'en ai point d'envie ; mais cette envie-là vient tout d'un coup : il y a tant de minois qui vous la donnent ; avec une femme on a des enfants, c'est la coutume ; auquel cas, serviteur* au collatéral12. Ainsi, mon neveu, prenez toujours vos petites précautions, et vous mettez13 en état de vous passer de mon bien, que je vous destine aujourd'hui, et que je vous ôterai demain peut-être.

DORANTE

Vous avez raison, Monsieur, et c'est aussi à quoi je vais travailler.

MONSIEUR REMY

Je vous y exhorte. Voici Mademoiselle Marton : éloignez-vous de deux pas pour me donner le temps de lui demander comment elle vous trouve.

(Dorante s'écarte un peu.)