Scène 8

ARAMINTE, DORANTE, MARTON, ARLEQUIN, UN DOMESTIQUE

ARLEQUIN

Me voilà, Madame.

ARAMINTE

Arlequin, vous êtes à présent à Monsieur ; vous le servirez ; je vous donne à lui.

ARLEQUIN

Comment, Madame, vous me donnez à lui ! Est-ce que je ne serai plus à moi ? Ma personne ne m'appartiendra donc plus ?

MARTON

Quel benêt !

ARAMINTE

J'entends qu'au lieu de me servir, ce sera lui que tu serviras.

ARLEQUIN, comme pleurant

Je ne sais pas pourquoi Madame me donne mon congé : je n'ai pas mérité ce traitement ; je l'ai toujours servie à faire plaisir.

ARAMINTE

Je ne te donne point ton congé, je te payerai pour être à Monsieur.

ARLEQUIN

Je représente à Madame que cela ne serait pas juste : je ne donnerai pas ma peine d'un côté, pendant que l'argent me viendra d'un autre. Il faut que vous ayez mon service, puisque j'aurai vos gages ; autrement je friponnerais22, Madame.

ARAMINTE

Je désespère de lui faire entendre raison.

MARTON

Tu es bien sot ! quand je t'envoie quelque part ou que je te dis : fais telle ou telle chose, n'obéis-tu pas ?

ARLEQUIN

Toujours.

MARTON

Eh bien ! ce sera Monsieur qui te le dira comme moi, et ce sera à la place de Madame et par son ordre.

ARLEQUIN

Ah ! c'est une autre affaire. C'est Madame qui donnera ordre à Monsieur de souffrir mon service, que je lui prêterai par le commandement de Madame.

MARTON

Voilà ce que c'est.

ARLEQUIN

Vous voyez bien que cela méritait explication.

UN DOMESTIQUE

Voici votre marchande qui vous apporte des étoffes, Madame.

ARAMINTE

Je vais les voir et je reviendrai. Monsieur, j'ai à vous parler d'une affaire ; ne vous éloignez pas.