Scène 11
DORANTE, MARTON
DORANTE
Cette mère-là ne ressemble guère à sa fille.
MARTON
Oui, il y a quelque différence ; et je suis fâchée de n'avoir pas eu le temps de vous prévenir sur son humeur brusque. Elle est extrêmement entêtée de31 ce mariage, comme vous voyez. Au surplus, que vous importe ce que vous direz à la fille, dès que la mère sera votre garant ? Vous n'aurez rien à vous reprocher, ce me semble ; ce ne sera pas là une tromperie.
DORANTE
Eh ! vous m'excuserez : ce sera toujours l'engager à prendre un parti qu'elle ne prendrait peut-être pas sans cela. Puisque l'on veut que j'aide à l'y déterminer, elle y résiste donc ?
MARTON
C'est par indolence.
DORANTE
Croyez-moi, disons la vérité.
MARTON
Oh ça, il y a une petite raison à laquelle vous devez vous rendre ; c'est que Monsieur le Comte me fait présent de mille écus32 le jour de la signature du contrat ; et cet argent-là, suivant le projet de Monsieur Remy, vous regarde aussi bien que moi, comme vous voyez.
DORANTE
Tenez, Mademoiselle Marton, vous êtes la plus aimable fille du monde ; mais ce n'est que faute de réflexion que ces mille écus vous tentent.
MARTON
Au contraire, c'est par réflexion qu'ils me tentent : plus j'y rêve, et plus je les trouve bons.
DORANTE
Mais vous aimez votre maîtresse : et si elle n'était pas heureuse avec cet homme-là, ne vous reprocheriez-vous pas d'y avoir contribué pour une si misérable somme ?
MARTON
Ma foi, vous avez beau dire : d'ailleurs, le Comte est un honnête homme, et je n'y entends point de finesse. Voilà Madame qui revient, elle a à vous parler. Je me retire ; méditez sur cette somme, vous la goûterez aussi bien que moi. (Elle sort.)
DORANTE
Je ne suis plus si fâché de la tromper.