Scène 15
DORANTE, ARAMINTE
ARAMINTE, un moment seule
La vérité est que voici une confidence44 dont je me serais bien passée moi-même.
DORANTE
Madame, je me rends à vos ordres.
ARAMINTE
Oui, Monsieur ; de quoi vous parlais-je ? Je l'ai oublié.
DORANTE
D'un procès avec Monsieur le comte Dorimont.
ARAMINTE
Je me remets* ; je vous disais qu'on veut nous marier.
DORANTE
Oui, Madame, et vous alliez, je crois, ajouter que vous n'étiez pas portée à ce mariage.
ARAMINTE
Il est vrai. J'avais envie de vous charger d'examiner l'affaire, afin de savoir si je ne risquerais rien à plaider ; mais je crois devoir vous dispenser de ce travail ; je ne suis pas sûre de pouvoir vous garder.
DORANTE
Ah ! Madame, vous avez eu la bonté de me rassurer là-dessus.
ARAMINTE
Oui ; mais je ne faisais pas réflexion que j'ai promis à Monsieur le Comte de prendre un intendant de sa main ; vous voyez bien qu'il ne serait pas honnête* de lui manquer de parole ; et du moins faut-il que je parle à celui qu'il m'amènera.
DORANTE
Je ne suis pas heureux* ; rien ne me réussit, et j'aurai la douleur d'être renvoyé.
ARAMINTE, par faiblesse
Je ne dis pas cela ; il n'y a rien de résolu là-dessus.
DORANTE
Ne me laissez point dans l'incertitude où je suis, Madame.
ARAMINTE
Eh ! mais, oui, je tâcherai que vous restiez ; je tâcherai.
DORANTE
Vous m'ordonnez donc de vous rendre compte de l'affaire en question ?
ARAMINTE
Attendons ; si j'allais épouser le Comte, vous auriez pris une peine inutile
DORANTE
Je croyais avoir entendu dire à Madame qu'elle n'avait point de penchant pour lui.
ARAMINTE
Pas encore.
DORANTE
Et d'ailleurs, votre situation45 est si tranquille et si douce.