Scène première
ARAMINTE, DORANTE
DORANTE
Non, Madame, vous ne risquez rien ; vous pouvez plaider en toute sûreté. J'ai même consulté plusieurs personnes, l'affaire est excellente ; et si vous n'avez que le motif dont vous parlez pour épouser Monsieur le Comte, rien ne vous oblige à ce mariage.
ARAMINTE
Je l'affligerai beaucoup, et j'ai de la peine à m'y résoudre.
DORANTE
Il ne serait pas juste de vous sacrifier à la crainte de l'affliger.
ARAMINTE
Mais avez-vous bien examiné ? Vous me disiez tantôt que mon état51 était doux et tranquille ; n'aimeriez-vous pas mieux que j'y restasse ? N'êtes-vous pas un peu trop prévenu contre le mariage, et par conséquent contre Monsieur le Comte ?
DORANTE
Madame, j'aime mieux vos intérêts que les siens, et que ceux de qui que ce soit au monde.
ARAMINTE
Je ne saurais y trouver à redire. En tout cas, si je l'épouse, et qu'il veuille en mettre un autre ici à votre place, vous n'y perdrez point ; je vous promets de vous en trouver une meilleure.
DORANTE, tristement
Non, Madame, si j'ai le malheur de perdre celle-ci, je ne serai* plus à personne ; et apparemment que je la perdrai ; je m'y attends.
ARAMINTE
Je crois pourtant que je plaiderai : nous verrons.
DORANTE
J'avais encore une petite chose à vous dire, Madame. Je viens d'apprendre que le concierge d'une de vos terres est mort : on pourrait y mettre un de vos gens ; et j'ai songé à Dubois, que je remplacerai ici par un domestique dont je réponds.
ARAMINTE
Non, envoyez plutôt votre homme au château, et laissez-moi Dubois : c'est un garçon de confiance, qui me sert bien et que je veux garder. À propos, il m'a dit, ce me semble, qu'il avait été à vous quelque temps ?
DORANTE, feignant un peu d'embarras
Il est vrai, Madame ; il est fidèle, mais peu exact. Rarement, au reste, ces gens-là parlent-ils bien de ceux qu'ils ont servis. Ne me nuirait-il point dans votre esprit ?
ARAMINTE, négligemment
Celui-ci dit beaucoup de bien de vous, et voilà tout. Que me veut Monsieur Remy ?