Scène 2

DUBOIS, MARTON

MARTON, d'un air triste

Je te cherchais.

DUBOIS

Qu'y a-t-il pour votre service, Mademoiselle ?

MARTON

Tu me l'avais bien dit, Dubois.

DUBOIS

Quoi donc ? Je ne me souviens plus de ce que c'est.

MARTON

Que cet intendant osait lever les yeux sur Madame.

DUBOIS

Ah ! oui ; vous parlez de ce regard que je lui vis jeter sur elle. Oh ! jamais je ne l'ai oublié. Cette œillade-là ne valait rien. Il y avait quelque chose dedans qui n'était pas dans l'ordre.

MARTON

Oh ça, Dubois, il s'agit de faire sortir cet homme-ci78.

DUBOIS

Pardi ! tant qu'on voudra ; je ne m'y épargne pas. J'ai déjà dit à Madame qu'on m'avait assuré qu'il n'entendait pas les affaires.

MARTON

Mais est-ce là tout ce que tu sais de lui ? C'est de la part de Madame Argante et de Monsieur le Comte que je te parle, et nous avons peur que tu n'aies pas tout dit à Madame, ou qu'elle ne cache ce que c'est. Ne nous déguise rien, tu n'en seras pas fâché.

DUBOIS

Ma foi ! je ne sais que son insuffisance*, dont j'ai instruit Madame.

MARTON

Ne dissimule point.

DUBOIS

Moi ! un dissimulé ! moi ! garder un secret ! Vous avez bien trouvé votre homme ! En fait de discrétion, je mériterais d'être femme79. Je vous demande pardon de la comparaison : mais c'est pour vous mettre l'esprit en repos.

MARTON

Il est certain qu'il aime Madame.

DUBOIS

Il n'en faut point douter : je lui en ai même dit ma pensée à elle.

MARTON

Et qu'a-t-elle répondu ?

DUBOIS

Que j'étais un sot. Elle est si prévenue80

MARTON

Prévenue à un point que je n'oserais le dire, Dubois.

DUBOIS

Oh ! le diable n'y perd rien81, ni moi non plus ; car je vous entends.

MARTON

Tu as la mine d'en savoir plus que moi là-dessus.

DUBOIS

Oh ! point du tout, je vous jure. Mais, à propos, il vient tout à l'heure d'appeler Arlequin pour lui donner une lettre : si nous pouvions la saisir, peut-être en saurions-nous davantage.

MARTON

Une lettre, oui-da ; ne négligeons rien. Je vais de ce pas parler à Arlequin, s'il n'est pas encore parti.

DUBOIS

Vous n'irez pas loin. Je crois qu'il vient.