380. |
Traduire est une chose vile, & la traduction en ceux qui la professent présuppose une bassesse de courage & un ravalement d’esprit. Les généreux en dédaignent l’exercice. (Jean Chapelain, « Au lecteur » [c1619], 1633, I : V) |
381. |
La traduction, ce crime de gens malhonnêtes qui, ne connaissant ni l’une ni l’autre langue, entreprennent avec audace de remplacer l’une par l’autre. (Jules Renard, « Journal, 5 avril 1894 », 1990 : 169) |
382. |
Charge d’un député à la Chambre des communes contre les traducteurs des lois : « Ils sont fous, et je dis cela au sujet des traducteurs de la législation qui est soumise à la Chambre des communes. Comment se fait-il que certains traducteurs que je décrirai comme des abrutis, des moches, des mabouls, il ne peut y avoir d’expression plus forte, essayent de découvrir des mots qui ne sont compris de personne ? Quelle sorte de maladie ont-ils dans le cerveau ? Ils sont abominables. » (Jean-François Pouliot, 1951 : 1581) |
383. |
À l’égard de la traduction et des traducteurs, il semble n’y avoir que deux attitudes possibles : l’admiration ou le dénigrement. (Jean Delisle, 1983 : 163) |
384. |
La carrière de traducteur, c’est du valetage. (Léa Pétrin, 1961 : 57) |
385. |
On engage des gens, me semble-t-il, pour démolir des génies sous un masque de traducteur. (William Blake, « Annotations to Boyd’s Dante » [c1800], 1978, II : 1448. Traduction) |
386. |
Même chez de bons écrivains on tombe sur des passages mal écrits. […] Le traducteur a toujours peur que ce soit à lui que l’on impute le mauvais style. (Céline Zins, dans Actes des premières Assises…, 1985 : 56) |
387. |
Dans presque tous les domaines je ne rencontre que des gens qui croient savoir et qui ne savent pas. Rien n’est pire que de s’imaginer connaître. Je pense ici particulièrement aux traducteurs qui se contentent de l’illusion de comprendre. (Emil Michel Cioran, 1997 : 387) |
388. |
La traduction venait mal. Il méprisait ce tatillonnage de seconde main sur des romans infâmes. (Henri Troyat, 1938 : 45) |
389. |
Le grand avantage d’une traduction est que personne ne vous en saura gré et que cet acte de poésie sera oublié, ou tout au moins jugé compromis ou équivoque ; les beautés toujours viendront du poème traduit, les faiblesses toujours du traducteur. (Armand Robin, 1992 : 48) |
390. |
Le géomètre au traducteur : — J’ai une grande nouvelle à vous apprendre, s’écrie un traducteur. Je viens de donner mon Horace au public. — Comment dit le géomètre, il y a deux mille ans qu’il y est. — Vous ne m’entendez point, reprit l’autre, c’est une traduction de cet ancien auteur que je viens de mettre à jour : il y a vingt ans que je m’occupe à faire des traductions. — Quoi ! monsieur, dit le géomètre, il y a vingt ans que vous ne pensez pas ! Vous parlez pour les autres et ils pensent pour vous. (Charles de Montesquieu, « Lettre 128 de Rica à Usbek » [c1721], 1975 : 269) |
391. |
On est presque toujours porté, quand on lit une traduction, à mettre sur le compte du traducteur des obscurités qui tiennent souvent au style de l’auteur ou aux sujets qu’il traite. (Louis Ménard, 1867) |
392. |
De toutes les professions dites « libérales », le métier de traducteur est peut-être celui qui jouit – si l’on peut dire ! – du plus profond discrédit. (Robert Le Bidois, 1961 : 5) |
393. |
Je dis que le traducteur ne peut acquérir que du blasme pour si bien qu’il face : car s’il veut traduire selon la phrase de son langage, il n’expliquera pas bien le sens de l’autheur, & s’il le traduict mot à mot, la traduction n’aura point de grace. (Pierre de Laudun d’Aigaliers, 1971 [c1598] : 240) |
394. |
Le traducteur n’a point d’honneur : car si il prent un bon autheur, & qu’il le traduise bien, l’on dira qu’il n’avoit garde de faillir veu qu’il avoit pris un si bon autheur : & si il ne faict du tout bien l’on dira qu’il est un sot d’entreprendre quelque chose sans en pouvoir venir à son honneur. (Pierre de Laudun d’Aigaliers, 1971 [c1598] : 239) |
395. |
Les traducteurs en France sont ou bien de misérables anonymes aux gages d’un négrier, ou des gens de lettres de seconde zone qui sans compétence ni conscience obtiennent, par leur entregent à servir d’intermédiaire entre l’éditeur et l’auteur, la sinécure de traducteur attitré d’un grand homme et exploitent sans vergogne le filon, vivant en parasites sur la fourrure de leur auteur. (Georges Lafourcade, Confluences, 1945 : 306) |
396. |
Voltaire ne pouvait souffrir que le traducteur d’un chef-d’œuvre présentât sa traduction comme un titre donnant droit à certains honneurs littéraires, et un académicien n’ayant fait que des traductions lui paraissait souverainement ridicule. (Pierre Larousse, 1866-1890, XV : 389) |
397. |
Épigramme contre Charles Perrault : D’où vient que Cicéron, Platon, Virgile, Homère, Et tous ces grands auteurs que l’univers révère, Traduits dans vos écrits nous paroissent si sots ? P**, c’est qu’en prêtant à ces esprits sublimes Vos façons de parler, vos bassesses, vos rimes, — Vous les faites tous des P** (Nicolas Boileau, « Épigramme contre Perrault » [c1692], 1860 : 149) |
398. |
Je trouve légitime de grouper en une même catégorie de linguicides tous les traducteurs et interprètes. (Jacques Olivier Grandjouan, 1971 : 201) |
399. |
Il y a beaucoup de personnes qui croient que la traduction est indigne d’un homme courageux, et […] qu’un esprit ne doit s’adonner à expliquer les autres, que lorsqu’il se reconnoît incapable de produire quelque chose de lui-même. (Antoine Godeau, « Discours sur les œuvres de M. de Malherbe » [c1630], dans Malherbe, 1862, I : 368) |
400. |
……………………… L’impertinent auteur ! L’ennuyeux écrivain ! Le maudit traducteur ! (Nicolas Boileau, Satire IX, « À son esprit » [c1667], 1860 : 34) |
401. |
Telle est notre fierté, notre folie ou notre destin. Seuls traduisent ceux qui sont incapables d’écrire. (John Denham, « To Sir Richard Fanshaw upon his Translation of Pastor Fido » [c1648], dans Steiner, 1975 : 63. Traduction) |
402. |
La traduction a souvent la prétention de s’égaler aux arts de la création intellectuelle ; mais on la relègue vite parmi les basses besognes de l’esprit. (Pierre Daviault, 1938, I : 431) |
403. |
Volontairement, le traducteur actuel se ravale au rang d’un miroir aux alouettes. (Edmond Cary, 1949 : 91) |
404. |
Le traducteur littéraire est loin d’être toujours perçu comme l’auteur d’une transfiguration de l’œuvre originale, comme celui qui lui donnerait un surplus de sens. Il continue d’être le plus souvent considéré comme celui par qui la défiguration de l’œuvre arrive, celui qui, à tout le moins, lui fait écran et empêche le lecteur d’en apercevoir le vrai visage. (Patricia Godbout, 2005 : 89) |
405. |
Pour certains, les traducteurs sont d’heureux mortels étalant sous les lustres d’un prestige héraldique, leur brillante inutilité. (Hector Carbonneau, s. d.-2, CRCCF, fonds P 14/7/5 f.25) |
406. |
Quand le livre traduit est bon, le mérite en revient entièrement à l’auteur, quand il est mauvais, c’est forcément la faute du traducteur… (Jean-Claude Capèle, 1999 : n. p. En ligne) |
407. |
À propos des traducteurs en langue vulgaire : « Tout ce que le lecteur n’entend point s’appelle un galimatias, dont le traducteur tout seul est responsable. On lui impute jusqu’aux fautes de son auteur, et il faut en bien des endroits qu’il les rectifie, sans néanmoins qu’il ose s’en écarter. » (Nicolas Boileau, « Préface du traducteur », Traité du sublime [c1674], 1860 : 242) |
408. |
Je compris que je ne serais jamais un auteur et que la meilleure solution était encore de recopier ce que les autres avaient écrit. Le début d’une vraie vocation de paresseux : je serais traducteur. (Claude Bleton, 2004 : 11) |
409. |
Toute qualité chez l’écrivain est considérée comme un défaut chez le traducteur : si le traducteur est original, on le traite de présomptueux ; s’il est audacieux, on dit qu’il est infidèle ; respectueux, on le prend pour un larbin ; humble, on le trouve plat. (Carlos Batista, 2003 : 97) |