Style

2152.

Le sublime se traduit toujours, presque jamais le style. (Jean d’Alembert, « Réflexions sur l’éloquence » [c1754], 1967, IV : 306)

2153.

La plûpart des Traducteurs prêtent leur stile à l’Auteur qu’ils traduisent. (Jean-Baptiste Morvan de Bellegarde, « Des règles de la traduction » [c1695], 1706 : 445)

2154.

Un livre de vous qu’on a traduit n’est plus le vôtre : c’est principalement celui de votre traducteur, puisqu’il vous a imposé son style. Il faudrait donc le signer avec lui, et le présenter comme un ouvrage écrit en collaboration. (Emil Michel Cioran, 1997 : 489-490)

2155.

La personnalité du traducteur finit par transparaître s’il a déjà un style. C’est bien évident. (Michel Tremblay, entrevue à Radio-Canada, 8 juin 2001, dans Whitfield, 2005 : 54)

2156.

Pour bien traduire, quand on traduit longtemps, il faut un style un peu mou et qui puisse tout exprimer avec plus de facilité que de force. (Joseph Joubert, 1938, II, « 3 juin 1806 » : 554)

2157.

Toute traduction dont le style a du nombre21 et un rythme fixe, suspecte d’infidélité. À moins que l’ouvrage traduit n’ait aussi un rythme de la même espèce et de la même fixité. (Joseph Joubert, 1938, II, « 2 avril 1808 » : 652)

2158.

On ne peut traduire que les auteurs sans style. D’où le succès des médiocres, ils passent facilement dans n’importe quelle langue ! (Emil Michel Cioran, 1997 : 525)

2159.

Dans toutes les langues le style noble, élevé se traduit ; & le délicat, le léger, le simple, le naïf est presqu’intraduisible. (Jean-François Marmontel, 1751, IV : 953)

2160.

L’autorité suprême, pour un traducteur, devrait être le style personnel de l’auteur. Mais la plupart des traducteurs obéissent à une autre autorité : à celle du style commun, du « beau français » (du bel allemand, du bel anglais, etc.). (Milan Kundera, 1993 : 133)

2161.

Ce n’est rendre un Autheur qu’à demy, que de luy retrancher son éloquence. Comme il a esté agreable en sa langue, il faut qu’il le soit encore en la nostre, et d’autant que les beautez et les graces sont differentes, nous ne devons point craindre de luy donner celles de nostre pays, puis que nous luy ravissons les siennes. Autrement nous ferons une meschante copie d’un admirable original. (Nicolas Perrot d’Ablancourt, « Préface », L’Octavius [c1637] de Minucius Felix, dans Zuber, 1972 : 111)

2162.

Une traduction trop bonne se caractérise par une tonalité ou une élégance de style absente de l’original. (Elsa Gress, 1970 : 60. Traduction)

2163.

Le plus grand mérite d’une traduction seroit de vous laisser par rapport au stile la même impression qu’a fait l’original. Rien de plus difficile que de conserver l’attitude, si je puis parler ainsi, et la physionomie d’un mode d’expression. (Étienne Dumont, s. d. : « Sur l’art d’écrire », manuscrit inédit, Bibliothèque de Genève)

2164.

L’art du traducteur consiste dans une large mesure à se laisser guider par son sens vital du style. (Korneï Tchoukovski, 1984 : 97. Traduction)

2165.

Que celui qui est insensible au style se garde de traduire : il tenterait de reproduire un opéra qu’il a vu, mais sans en avoir entendu la musique. (Korneï Tchoukovski, 1984 : 97. Traduction)

2166.

Le traducteur peut faire du neuf. Il recycle du style, comme on recycle de l’eau en vue de sa réutilisation. (Aline Schulman, dans Dix-septièmes Assises…, 2001 : 91)

2167.

Traduire, ce n’est pas tant faire passer une langue dans une autre que faire passer un style dans un autre, une singularité linguistique dans une autre singularité linguistique. (Olivier Rolin, « Écriture et traduction », dans Awaiss, 2002 : 54)

2168.

Le traducteur, autant que l’écrivain, doit éviter tout usage lexical qui ne soit pas pour lui d’emploi courant, et il doit fuir la stylisation, ce mensonge littéraire. (Boris Pasternak, « Remarques sur les traductions de Shakespeare » [c1946], 1990 : 1361. Traduction : Hélène Henry)

2169.

Ce qui passe le plus malaisément d’une langue dans une autre, c’est le mouvement du style. (Friedrich Nietzsche, 1978 : 73. Traduction : Geneviève Bianquis)

2170.

Les effets les plus subtils et les allusions les plus difficilement saisissables d’un style offrent presque toujours une traduction. Le style est traduisible aussi. (Georges Mounin, 1994 [c1955] : 53)

2171.

Au sujet de Raimond Sebond : « Il faict bon traduire les autheurs comme celuy-là, où il n’y a guiere que la matiere à representer ; mais ceux qui ont donné beaucoup à la grace et à l’elegance du langage, ils sont dangereux à entreprendre : nommément pour les rapporter à un idiome plus foible. » (Michel de Montaigne, 1962 [c1580], II : 416)

2172.

La traduction d’une œuvre au style éblouissant est une effronterie. (Helen Tracy Lowe-Porter, 1973 [c1924] : XXV. Traduction)

2173.

Si le traducteur a un style littéraire qui lui est propre, il doit l’oublier complètement : les stylistes sont incapables de traduire. (José María Valverde, 1993 : 603. Traduction : Brigitte Lépinette)

21. V. la note 10, p. 181.