Sujet traduisant

2174.

« Dis-moi qui tu es, je te dirai comment tu traduis… » (Françoise Wuilmart, « L’auteur et son double, le texte et sa lecture », dans Awaiss, 2002 : 78)

2175.

« Dis-moi qui tu traduis et je te dirai qui tu es. » (Valery Larbaud, 1946 : 95)

2176.

Je me vois mal traduisant un ouvrage qui ne me plairait point. Je ne puis traduire fidèlement que les seuls livres que j’eusse aimé écrire. Des livres qui me tiennent à cœur, à l’égal des miens. Que je fais miens, en quelque sorte – par osmose. (Jean Simard, 1975 : 12)

2177.

Un grand traducteur ne frappe pas ses traductions à son effigie ; il n’empêche que le revers de l’œuvre porte son empreinte. (Jean Delisle)

2178.

Il y a autant de traductions qu’il y a de traducteurs, même si toutes ressemblent au texte source, à des degrés variables. (Claire Placial, 2012 : n. p. En ligne)

2179.

Il est impossible d’apprécier le style d’un écrivain à la seule lecture de son œuvre traduite. Malgré ses efforts de dépersonnalisation, le traducteur suit la pente de son esprit et parfois de son talent. (François Vermeulen, 1976 : 21)

2180.

Moins le traducteur abdique sa propre personnalité, plus il parvient à rendre celle de l’original. (Carlos Batista, 2003 : 87)

2181.

Tout traducteur subit, qu’il le veuille ou non, l’influence secrète du goût propre à sa nation ; malgré lui, il fait passer dans sa version ses propres habitudes intellectuelles, ses façons de sentir : ainsi l’image qu’il donne d’un auteur étranger ne saurait être qu’inexacte. (Paul Hazard, 1921, I : 46)

2182.

Les gens ne lisent pas une traduction, contrairement à une opinion fort répandue, mais un traducteur. (Claude Bleton, dans Abou Fadel et Awaiss, 2005 : 34)

2183.

Le traducteur a si souvent l’impression qu’il est tu par le texte qu’il traduit… (François Xavier Jaujard, dans Actes des quatrièmes Assises…, 1988 : 24)

2184.

Le traducteur est un sujet historique, influencé par son époque. (Amparo Hurtado Albir, 1990 : 153)

2185.

Le traducteur subit son milieu. Le traducteur a pour collaborateur le moment donné. (Victor Hugo, 1973 [c1864] : 429)

2186.

Traduire n’est jamais neutre. C’est l’acte d’une subjectivité à l’œuvre dans un contexte socio-politique précis. Le je qui traduit inscrit son savoir, ses choix, ses intentions, ses convictions dans le texte qui se réécrit. La traduction peut donc être un véritable outil politique. (Susanne de Lotbinière-Harwood, 1991 : 27)

2187.

L’individualité du traducteur ne se manifeste pas par ce qu’il rajoute « de son propre chef » à l’original, elle se manifeste par sa manière de sentir, de comprendre l’œuvre et par les moyens concrets qu’il choisit pour arriver au bout de sa tâche. (Pavel Toper, 1979 : 10)

2188.

Traduire, c’est indiscutablement imposer sa propre interprétation du modèle et substituer sa propre écriture, dans une autre langue, à celle de l’auteur. (Claude Tatilon, 2003 : 115)

2189.

Chaque nouvelle traduction proposée représente le point qu’a pu atteindre le traducteur, avec les moyens dont il dispose. (Madeleine Santschi, « Ce bruit de rochers qui dévalent », dans Graf, 1998 : 116)

2190.

Mon hypothèse est qu’il doit exister un traducteur impliqué, c’est-à-dire une instance présente dans le texte-traduction qui incarne la voix du traducteur réel. (Arno Renken, 2002 : 98)

2191.

Le traducteur traduit non seulement avec ses connaissances, mais aussi, et surtout, avec son tempérament. (Charles Michaud, 1945 : 137)

2192.

Autant les traductions de Nerval étaient Nerval, celles de Baudelaire, Baudelaire, les traductions de Guillevic sont Guillevic22. (Henri Meschonnic, 1999 : 311)

2193.

La traduction dit aussi qui traduit et quand, de même que l’écriture écrit celui qui écrit. (Henri Meschonnic, 1973 : 410)

2194.

Le traducteur est aussi – est d’abord – un citoyen et les textes qu’il réécrit pour de nouveaux lecteurs ne sont pas neutres. (Charlotte Melançon, 2000 : 5)

2195.

Les traductions ne sont pas faites dans le vide. Les traducteurs vivent dans une culture donnée et à une époque donnée. L’opinion qu’ils ont d’eux-mêmes et de leur culture est un des facteurs qui influent sur leur manière de traduire. (André Lefevere, 1992a : 14. Traduction)

2196.

Les traducteurs n’attachent pas tous la même importance aux contraintes sociales, puisque leur position sociale diffère au sein même de leur propre culture. (André Lefevere, dans La traduction dans l’enseignement…, 1983 : 27-28. Traduction)

2197.

Le traducteur est forcément partial, qu’il ait travaillé pour un médiocre salaire ou, ce qui est plus fréquent, par admiration. (René Lalou, dans « L’enquête des Cahiers du Sud », 1927 : 282)

2198.

Ce qui est sûr, c’est que le traducteur, aussi intensément, aussi profondément et aussi totalement qu’il adhère à l’original, reste toujours tributaire de ses propres solutions. (Hanno Helbling, « Cordonnier ou poète ? », dans Graf, 1998 : 77. Traduction : Marion Graf)

2199.

On traduit de tout son corps. Traduire, c’est une façon d’être. (Dominique Grandmont, 1997 : 127)

2200.

En traduisant les poèmes de Saint-Denys Garneau23, j’ai adopté une façon de faire qui a abouti à une intrusion de ma personnalité dans son œuvre. Cette coloration personnelle, même si je ne la désirais pas et tentais de l’éviter, est inévitable. (John Glassco, 1961. Traduction)

2201.

Un traducteur est contraint d’imprimer sa marque dans la langue d’arrivée. C’est, au reste, le propre de la traduction de toute grande œuvre. (Philippe di Meo, dans Treizièmes Assises…, 1997 : 210)

2202.

S’il est vrai qu’un auteur verse son expérience personnelle, entendue au sens large, dans le texte qu’il écrit, il est tout aussi vrai que le traducteur infuse lui aussi sa propre expérience dans sa traduction. En le marquant de son empreinte, il lui donne son historicité. (Jean Delisle, 2001 : 214)

2203.

Le créateur est indissociable de sa création, le traducteur, de ses traductions. (Jean Delisle, 2002a : 2)

2204.

Le traducteur est femme, même si celle-ci est parfois un homme. (Suzanne Jill Levine, 1991 : 183. Traduction)

2205.

Une traduction est toujours le reflet du traducteur, mais aussi le reflet d’un mode de pensée, d’une sensibilité. (Claude-Michel Cluny, dans Huitièmes Assises…, 1992 : 71)

2206.

Le piège que le traducteur évitera rarement sera de s’interposer, lui et sa culture, entre l’œuvre originale et sa traduction. S’il le fait, il devient un miroir déformant et, sous des prétextes multiples, il trahit. (André Chouraqui, 1990 : 457)

2207.

Le traducteur est entraîné par le mouvement public de son temps, il en reçoit l’impression, et son travail en réfléchit une image plus ou moins fidèle. (Jean-Louis Burnouf, 1933 : xx)

2208.

En traduction, on ne peut pas, on ne doit pas être neutre. La neutralité n’est pas le correctif du dogmatisme. (Antoine Berman, 1995 : 63)

2209.

Une des tâches d’une herméneutique du traduire est la prise en vue du sujet traduisant. (Antoine Berman, 1995 : 73)

2210.

On dira qu’un peintre, médiocre dans ses tableaux, peut exceller dans les copies ; mais il n’a besoin pour cela que d’une imitation servile ; le traducteur copie avec des couleurs qui lui sont propres. (Jean d’Alembert, « Observations sur l’art de traduire » [c1763], 1967, IV : 34)

22. Eugène Guillevic (1907-1997), poète français, honoré de nombreuses distinctions, dont le prix Goncourt de la poésie en 1988.

23. Hector de Saint-Denys Garneau (1912-1943), poète et écrivain québécois, arrière-petit-fils de l’historien François-Xavier Garneau et petit cousin de la poète et romancière Anne Hébert.