Jeanne s’avisa qu’elle voyait désormais le monde avec les yeux de Franz-Eckart. Et elle le trouva absurde.
La plus grande partie de l’Europe se déchirait en querelles sanglantes alors qu’un monde nouveau, qu’on appelait de plus en plus souvent le Nouveau Monde, se levait à l’horizon.
Des chouettes continuaient de se battre avec des rats sans s’apercevoir que le soleil s’était levé.
— Le Nouveau Monde changera l’Ancien, lui dit un jour Franz-Eckart.
Elle avait appris à le croire.
— Mais notre roi s’en moque comme d’une chantournelle. Nul besoin de consulter les astres pour savoir ce qu’il va faire, lui déclara Franz-Eckart d’un ton ironique. Il commencera par faire annuler son mariage et puis il reprendra les tentatives de conquête de l’Italie de son prédécesseur détesté.
Ainsi fut fait, car l’une des perfidies de la Ribaude aveugle est qu’elle se laisse parfois prévoir : vingt-trois jours après son accession au trône, Louis le Douzième dépêcha une ambassade à Alexandre Borgia, chef de la foi chrétienne, pour lui demander l’annulation d’un mariage qui n’avait jamais été consommé. Louis VII, Philippe Auguste, Charles IV avaient déjà entrepris pareilles démarches, sans succès. Mais le Borgia était plus conciliant que ses prédécesseurs, c’est-à-dire plus cupide ; il se fit payer : il requit pour son fils César la main de la fille de Frédéric de Naples, la princesse de Tarente, élevée à la cour de France. Puis, pour loger ces pauvres âmes errantes, le comté de Die ou le comté de Valence, avec une provision particulière : c’est que la province consentie serait élevée au rang de duché. De plus, César recevrait une compagnie de trois cents lances pour sa garde personnelle et une pension mensuelle de quatre mille écus. Et si le roi conquérait le Milanais, comme chacun savait qu’il en avait l’intention, la compagnie serait portée à trois cents lances.
Le qualificatif de simoniaque eût été trop doux : ce pape était un marchand de tapis.
Oui, oui, dit le roi, songeant que la vérole, le poison ou la dague nocturne auraient raison de César avant longtemps. Mais il se trompait : César en avait encore pour huit ans de vie.
La mascarade du jugement en annulation de mariage se tint à Tours ; elle fut bien plus longue et bien plus pénible encore que celle du mariage : quatre mois de déballages infâmes, de pressions et de compromissions. De surcroît, elle fut interrompue par une menace de peste. La France entière fut informée du menu détail, y compris les refus de Jeanne de France de se soumettre à un examen médical, ordonné par la Cour de justice.
Déchue de sa dignité de reine de France, qu’elle n’avait détenue qu’un peu plus de quatre mois, Jeanne, redevenue simple duchesse de Berry, entra au couvent1.
César obtint ses trois cents lances ainsi qu’un duché, le comté de Valence devenu Valentinois, mais la main qu’il reçut fut celle de Catherine d’Albret, sœur du roi de Navarre.
Le 8 janvier 1499, Louis le Douzième épousa la veuve de son prédécesseur, Anne de Bretagne. L’argument qui avait prévalu dans le procès de divorce de Jeanne de France, à savoir le fait qu’elle et son royal époux étaient parents au quatrième degré, ce qui selon le droit canon interdisait le mariage, fut opportunément oublié. Il était évident pour tous que le principal, sinon l’unique objet du mariage était la volonté royale de conserver la Bretagne dans le royaume de France. D’ailleurs, le roi précédent avait tout prévu : s’il mourait avant son épouse, celle-ci serait tenue d’épouser son successeur. C’était ainsi : les héritières se devaient de sacrifier leur corps aux intérêts de la couronne.
— Ces gens-là, ça n’a point le droit d’avoir du cœur, observa Ythier, venu remettre à Jeanne ses revenus de l’année.
En fin de compte, elle avait plus de chance que la reine de France. Comme le disait encore le commerçant :
— Cette reine, comme toutes les princesses, c’est comme une vache à laquelle on amène le taureau.
Jeanne songea qu’elle avait tôt pressenti l’horreur d’appartenir aux cercles royaux et que Franz-Eckart avait bien de la sagesse à cantonner ses ambitions aux conversations animales.
François vendit un autre millier d’exemplaires de Jehan de Paris. Les bourgeois sont toujours curieux des affaires de princes.
Quelques mois après son installation à la SanktJohanngass, en 1497, Franz-Eckart était devenu le maître de jeux et le précepteur non seulement de Joseph de l’Estoille, mais également de Françoise et de Jean de Beauvois. D’abord, les trois enfants étaient inséparables, ensuite Joseph ne pouvait se passer de Franz-Eckart, enfin la fille de François et le fils de Jacques-Adalbert s’étaient entichés du jeune homme.
Il les emmenait souvent en forêt, leur faisant selon la saison cueillir des framboises ou des champignons, nommant les plantes et leur apprenant à les reconnaître par la forme des feuilles, par les fleurs et en les frottant dans les mains pour en humer l’odeur, organisant des jeux d’adresse l’été et des batailles de boules de neige l’hiver.
Il conduisait le matin le petit Joseph à l’étuve et le débarbouillait pour la journée, le frictionnant, lui apprenant à se tailler les ongles et lui coupant même les cheveux. Le garçonnet en fut tellement ravi qu’il en parla à ceux qu’il appelait ses cousins. Il ne fallut guère longtemps avant que Franz-Eckart devînt également maître d’étuve : il donnait désormais aux deux autres les mêmes leçons d’hygiène et leur apprenait à se laver tous les orifices.
Du même coup, d’ailleurs, les enfants donnaient des leçons aux parents. Ayant vite découvert l’existence de l’étuve, Odile y descendait quasiment tous les matins avec Jeanne, hantée par la menace des poux et des morpions ; elle se peignait interminablement la toison et les cheveux avec un peigne de son pays, dont elle ne s’était jamais séparée, une plaque d’os aux dents si fines qu’elles laissaient à peine passer un cheveu à la fois. Comme quoi les Mauresques étaient des gens civilisés. Pour Simonetta, c’était une autre affaire : elle estimait qu’un bain par mois était bien assez. Mais elle ne pouvait faire moins que son fils et finit par se soumettre au rite des ablutions.
François, qui partageait l’étuve avec Franz-Eckart et les enfants, car il y avait une heure pour les femmes et une autre pour les hommes, en était stupéfait : au même âge que son fils, Jacques-Adalbert était resté passablement négligent, sinon malpropre, jusqu’au jour où son père, excédé par sa saleté, avait dû faire preuve d’autorité et traîner le gamin à l’étuve, qui était celle de l’hôtel Dumoncelin à Paris. Les enfants répugnent naturellement aux soins de toilette, qui sont pour eux une corvée inutile ; mais là, ils se frictionnaient, se savonnaient et se peignaient comme s’il s’était agi d’un jeu.
Et quand Franz-Eckart donna ses premiers cours de lecture et d’écriture à Joseph, les deux autres, privés de leur compagnon, voulurent assister eux aussi aux leçons. Et la rivalité aidant, ils apprirent à lire et à écrire bien plus vite qu’ils l’eussent jamais fait à l’école.
Le père Stengel, qui avait eu vent de leurs progrès, vint assister à l’une des leçons.
— Ce garçon est fait pour être maître d’école, déclara-t-il ensuite à Jeanne. L’autorité qu’il exerce sur les enfants est incompréhensible. On croirait qu’il les a enchantés.
Et il obtint qu’un quatrième enfant, un orphelin à sa cure, nommé Josselin, assistât lui aussi à ces leçons, lesquelles d’ailleurs étaient devenues des classes.
Les parents, toutefois, furent empêchés d’y assister : leur présence troublait les élèves, ce qui était naturel, puisque leur autorité contrariait celle de Franz-Eckart.
— Mon Dieu, s’écria un soir Simonetta en riant, il semble que nous n’ayons rien eu d’autre à faire qu’engendrer ces enfants et les mettre au monde. Franz-Eckart est leur père, leur mère et leur professeur tout à la fois. S’il ne tenait qu’à mon fils, il dormirait même à SanktJohanngass !
L’astrologue de Gollheim se révélait en fait un éducateur-né.
Un soir, à souper, car Joseph soupait désormais avec Jeanne et Franz-Eckart, le jeune homme admonesta le garçonnet. C’était la première fois que Jeanne lui voyait prendre un ton sévère avec son fils ; elle comprit que lors d’une promenade en forêt, l’après-midi, Joseph n’avait cessé de crier qu’il voulait parler aux loups.
— Écoute, dit Franz-Eckart, les loups, c’est notre secret à nous deux. Il ne faut pas en parler aux autres. As-tu compris ?
Le gamin hocha la tête.
— Pourquoi ? demanda-t-il, les sourcils relevés au-dessus de ses yeux noirs.
— Parce qu’ils ne sauraient pas et qu’ils pourraient effrayer les loups. Ceux-ci les mordraient ou les mangeraient.
Joseph se tourna vers Jeanne, interrogateur ; approuvait-elle ? Elle devina les raisons de Franz-Eckart et les approuva ; Odile, déjà, s’était alarmée de certaines histoires de loups que les enfants racontaient de façon incohérente ; il convenait de ne pas ébruiter les pouvoirs qu’avait Franz-Eckart sur les animaux. Son propre procès en sorcellerie avait instruit Jeanne de l’efficacité venimeuse des ragots.
— Non, Joseph, déclara-t-elle avec autorité. Ne parle plus jamais des loups si tu nous aimes.
Il se jeta dans ses bras. Non, promit-il, il n’en parlerait pas.
Jeanne comprit aussi que Franz-Eckart réservait à son fils le privilège des conversations avec les loups.
Un rêve qui s’obstine est comme une maladie : il ôterait presque le goût de la réalité.
À l’été 1499, Ferrando revint avec des nouvelles qui chauffèrent le sang de Jacques-Adalbert et de Déodat. Devant la famille réunie au souper pour la circonstance, à SanktJohanngass, il annonça que les Rois Catholiques s’étaient finalement laissé convaincre de l’existence d’un véritable continent au-delà des îles où Colomb s’enlisait ; ils projetaient de charger deux frères originaires des Açores, Gaspar et Miguel Corte Real, de découvrir et gouverner toutes les îles et terres des hautes latitudes. Et des amis, banquiers génois, pouvaient persuader les frères Corte Real d’embarquer deux ou trois hommes de plus, à la condition que ceux-ci participassent aux frais de l’expédition.
Des cris d’enthousiasme jaillirent.
— Combien ? demanda Jacques-Adalbert.
— Je pense que trois cents écus par personne représentent la somme qu’ils ont en tête, répondit Ferrando. Cela leur ferait un millier d’écus en plus de la somme consentie par les Rois Catholiques, qui ne me semble pas excessive.
— J’y vais ! s’écria Jacques-Adalbert.
— Comment résister ? demanda Déodat, moins emphatique.
— As-tu rencontré ces Corte Real ? s’enquit Jacques-Adalbert.
— Oui. J’ai trouvé deux gaillards de bon sens, qui semblent avoir examiné beaucoup de cartes et écouté beaucoup de gens. Ils ont entendu parler de Behaïm. Ils sont de son avis et pensent que les îles qu’a découvertes Colomb n’appartiennent pas aux Indes, mais sont riveraines d’un continent inconnu.
— Qu’est-ce qui les anime, selon toi ? demanda Franz-Eckart.
Ferrando sourit à moitié, et haussa les épaules.
— Je ne sais pas vraiment. Ce n’est pas la soif de l’or, ni l’ambition de découvrir un chemin plus court vers la route des épices. Ils sont certains de trouver quelque chose, même s’ils ne savent pas quoi.
— Ah, voilà enfin des gens raisonnables ! s’écria Franz-Eckart.
Tout le monde rit, à l’exception de Jeanne : elle venait de surprendre le regard que la Mauresque Odile attardait sur les deux frères, Jacques-Adalbert et Franz-Eckart, côte à côte. Le premier avec ses traits doux, son teint coloré, ses yeux bleus, sa chevelure châtain et fine, son nez droit aux ailes délicates, et le second avec sa crinière noire, ses traits forts, ses yeux noirs et sa pâleur d’albâtre. On n’eût pu rêver plus dissemblables : le mélange du sang normand et berrichon d’une part et le Vlaque de Transylvanie de l’autre. Son cœur battit ; elle devina les pensées de sa bru et plus encore quand le regard d’Odile dériva successivement sur Joseph, qui commençait à ressembler à son vrai père de façon éclatante, sur Jean, blond comme les blés et sur sa fille Françoise, naturellement hâlée avec des yeux de miel. Les yeux des deux femmes se croisèrent. Jeanne crut percevoir comme un sourire dans l’expression de l’autre. Cela n’avait duré que trois instants, mais ce fut assez pour agiter Jeanne de l’Estoille, déjà troublée par le sujet de la conversation. Mais elle se dit qu’elle saurait faire tenir sa langue à Odile.
— Quand partent-ils ? demanda François.
— Au printemps prochain.
Le silence se fit ; même les trois enfants l’observaient, sans pourtant comprendre un mot de la conversation, mais devinant l’importance du débat au ton des adultes.
— Sais-tu de quelle carte ils se serviront ? demanda Franz-Eckart.
— Oui, d’une carte qui ressemble beaucoup à celle de Jacques-Adalbert. Mais elle date d’un siècle.
— Un siècle !
— Elle a été établie par deux frères vénitiens, les Zeno et elle montre certaines des terres découvertes par Cabot, dont le continent du nord évoqué et dessiné par Behaïm. Les frères Corte Real savent qu’il existe beaucoup de cartes différentes. Ils sont réalistes : ils les estiment toutes plus ou moins fausses. Ils ont déclaré avec franchise à mes amis génois qu’il serait dangereux de trop se fier à des documents réalisés dans des conditions précaires. Pour eux, ces cartes ne peuvent constituer que des indications.
Franz-Eckart hocha plusieurs fois la tête.
— Cela rappelle les observations de Behaïm, observa François, sur les erreurs commises par Colomb dans l’interprétation de ses cartes.
— Après ce que j’ai entendu de sa bouche, en effet, je trouve que nos Portugais sont des gens de bon sens.
— C’est bien beau de savoir qu’on se lance à l’aventure, remarqua Déodat. Mais enfin, ces Portugais doivent bien avoir un mode d’orientation, à part cette carte séculaire ?
— Oui, répondit Ferrando. Ils se fondent sur deux principes. Le premier est qu’il est possible de naviguer en s’orientant sur les constellations et le second, que ce sont des températures à peu près égales qui règnent sur toutes les latitudes. Ainsi, les gens qui ont accompagné Colomb ont rapporté que les températures qui règnent dans les îles de l’ouest sont à peu près égales à celles que décrivent les navigateurs portugais pour l’Afrique occidentale. Ils pensent donc qu’en se dirigeant vers le nord-ouest, ils devraient atteindre des terres où le climat serait à peu près semblable à celui de la France et de l’Angleterre.
— On peut, en effet, naviguer en s’orientant sur les constellations, observa Franz-Eckart. Mais l’ennui est qu’elles sont souvent cachées par les nuages.
— C’est bien ce que j’ai fait remarquer, dit Ferrando. Miguel Corte Real m’a répondu que, entre les orientations sur le soleil, obtenues de jour par le sextant, et les orientations sur les constellations, recueillies de nuit, on pouvait, grâce à la boussole, suivre un parcours à peu près rectiligne.
Franz-Eckart réfléchit et hocha la tête.
— Oui, convint-il à la fin, c’est possible. Et combien de temps durerait le voyage, selon eux ?
— Le voyage proprement dit, vers le nord-ouest, durerait quatre semaines, selon les vents. Mais ils ignorent combien de temps ils consacreraient à l’exploration des terres.
— C’est-à-dire trois mois au moins, calcula Franz-Eckart.
Jeanne grignota une prune confite. Odile semblait rêver. Simonetta paraissait anxieuse. Les enfants somnolaient. Jeanne appela Frederica pour emmener Joseph se coucher.
— Non, je veux que Franz me mette au lit ! protesta Joseph.
Franz-Eckart prit l’enfant dans ses bras et le monta à l’étage, sous le regard pensif de François et sous celui envieux de sa fille Françoise.
— Tu peux t’engager pour moi sur trois cents écus, dit Jacques-Adalbert. Si mon père y consent.
— Si je n’y consentais pas, dit François, tu me le reprocherais le reste de ta vie.
Déodat n’osait se déclarer. Il regarda sa mère.
— Tu as envie de partir, dit-elle. Je préfère que ce soit dans la compagnie de Jacques-Adalbert. À deux, vous vous défendrez l’un l’autre si besoin en est.
Il se leva et se jeta au cou de sa mère.
— Cela fait donc trois avec moi, conclut Ferrando. Il tourna le visage vers François, qui fit non du doigt.
— Je ne peux abandonner l’imprimerie.
Franz-Eckart redescendit prendre sa place et se versa du vin. Tout le monde le regarda alors : serait-il du voyage ? Il réagit en narguant les convives du regard.
— Moi, je ne pars pas.
Son insoumission naturelle était désormais familière à tout le monde ; on attendit son explication. Il tourna le pied du verre dans ses doigts et répondit d’un ton détaché :
— Je n’ai même pas fait le tour de cette pièce, dit-il. J’ignore ce que pensent de moi les araignées au plafond. Et les renards dans la forêt.
Odile fut prise d’une crise de fou rire. Sans doute communicative, car Simonetta l’imita aussitôt.
— Je ne vends pas d’épices, poursuivit-il. Je n’ai pas envie de chier au bout d’une planche dans la mer. Je n’ai pas envie de découvrir des continents que s’approprieront des rois mal élevés et mal lavés. Et je n’ai pas trois cents ducats à compromettre dans une aventure qui me tiendrait trois mois à disputer aux rats du navire mon pain rassis et de la viande boucanée.
La crise d’hilarité fut générale. Elle réveilla Françoise et Jean que leurs parents se décidèrent à aller coucher. L’on se dispersa. Frederica était partie dormir. Franz-Eckart loqueta la porte et moucha les chandelles. Ils montèrent.
— Qu’est-ce donc qui a fait ce monstre irrésistible que tu es ? demanda Jeanne en enfilant sa chemise de nuit et en se glissant dans les draps.
Comme à son habitude, il se rinçait la bouche à l’eau vinaigrée, qu’il crachait ensuite dans le pot de chambre.
— Les loups et les étoiles, répondit-il en rejoignant Jeanne.
Il est lui-même cela, se dit-elle, loup et étoile.
1. Elle y fonda l’ordre de l’Annonciade, fut déclarée bienheureuse après sa mort et, canonisée au XXe siècle, devint la vingtième des Jeanne saintes ou bienheureuses.