CHAPITRE 4

Que deviennent les jeunes Pagliari ? Que sait-on de leur enfance et des années difficiles qui suivirent les décès de Caterina et de Maria Anna ? Il faut revenir au début de l’année 1819. Anna, l’aînée, vient d’avoir vingt ans. Maria Annunziata fête en mars ses dix-huit ans. On aimerait penser que les deux jeunes filles reçoivent quelque gâterie : un châle de couleur vive, une paire de boucles d’oreilles, une bague ou un bracelet. Mais Girolamo ne travaille guère. Il a fait des dettes qu’il ne peut rembourser. La partie de la maison Rabotti qu’il habite avec les siens est exiguë. On y vit entassés. Il avouera plus tard qu’il avait été si démuni matériellement qu’il avait songé à s’en aller mendier.

Par quel miracle Girolamo va-t-il sortir sa famille de l’indigence ? Le voici qui dresse des plans concernant Anna et Maria. Ah ! S’il pouvait leur trouver un vieil époux fortuné qui ne serait point trop regardant au sujet de la dot, qui n’exigerait de sa femme que beauté, grâce et jeunesse, un tel mari recevrait de sa part un accueil favorable. Or, si Anna pour des raisons qu’on ignore, a moins de chances de trouver un mari, Maria Annunziata, en revanche, de par ses qualités physiques, serait en mesure de contracter un mariage au-dessus de sa condition, une alliance honorable qui redresserait les finances de son père et deviendrait peut-être même une voie d’enrichissement pour la famille Pagliari. Dotée de traits fins, d’une peau claire dont se détachent de grands yeux foncés et des cheveux noirs, la jeune fille invite les regards. Une lèvre supérieure légèrement retroussée donne à son visage une expression de sensualité, mais aussi de fragilité. Encore faut-il, pour donner corps à un tel projet, que se présente un riche parti. Cependant…

Malgré les guerres et l’occupation française, plusieurs patriciens romains ont conservé leur villa dans les Colli Albani. Certaines de ces habitations sont abandonnées, leurs immenses jardins négligés, les mauvaises herbes poussant dans les allées solitaires. D’autres sont occupées durant l’été, lorsque Rome devient étouffante. Leurs parcs sont alors entretenus, les arbres taillés de manière artistique et certaines de ces demeures accueillent une société élégante et vivante.

Maria a peut-être accompagné son père dans l’une de ces villas. Elle y aura été remarquée par un noble romain, le chevalier Cristiano Lepri. Mais on peut également supposer que la jeune fille ait rencontré Cristiano Lepri lors d’une célébration. Car elles sont nombreuses à Frascati. La fête du « Divin Amour » qui a lieu le lundi de la Pentecôte et qui est censée protéger les gens de l’assaut des chiens vagabonds. La fête de l’« Hébergement du Saint », lorsque la famille qui se l’approprie pour une année place le saint dans la salle à manger où brûle nuit et jour une lampe votive. La plus vénérée de toutes est la fête du « Corpus Domini » durant laquelle l’Eucharistie est portée à travers les rues sous un petit baldaquin, par les prêtres en robe blanche, précédés et suivis des diverses sociétés et confréries.

Il y avait aussi la célébration très ancienne de la « Lumacata », sorte de nuit des sorcières, cérémonie qui se pratiquait le soir de la Saint-Jean et se terminait par une orgie sans frein. Cette nuit-là, hommes et femmes sortaient des portes de la ville et s’en allaient goûter la rosée, loin du contrôle des gardes. Ou encore « A Somarata », cérémonie qui se déroulait au mois d’octobre et qui était fort prisée des habitants de tous les milieux sociaux. On louait des ânes, on se rendait à Tusculum, l’ancienne ville détruite par Rome. Si on avait assez d’argent on escaladait le mont Cavo pour voir le soleil se lever. C’était là une occasion pour les notables de Frascati de se mêler aux patriciens.

Enfin, on pourrait imaginer que Girolamo eût fait la connaissance de Cristiano Lepri en établissant à sa demande des actes notariés. Quoi qu’il en soit, le chevalier Lepri, âgé de soixante-six ans, s’enflamme en 1819 pour Maria Pagliari, jouvencelle sans dot et demande sa main qui lui est aussitôt accordée par le Signor Pagliari. Cristiano Lepri a déjà été marié, à une « Britannique » 61 décédée avant 1810, qui ne lui a point donné d’enfant. Il compte sur la toute jeune Maria Pagliari, âgée de dix-huit ans, pour lui assurer une descendance.

Qui est Cristiano Lepri ? Né à Rome en 1755, sixième des huit enfants de Francesco Antonio Lepri et de Margarita Morani, il appartient à une branche cadette de la noble famille Lepri, originaire de Bevagna dans la province de Perugia, petite cité médiévale qui se dresse au-dessus de l’ancienne via Flaminia et date probablement de trois siècles au moins avant le Christ. Pourquoi les parents de Cristiano ont-ils quitté en 1750 une région tant célébrée par les poètes de l’Antiquité et même par Virgile ? Pourquoi ont-ils abandonné leur ville entourée d’une plaine fertile, arrosée de nombreuses rivières ? Pourquoi ont-ils laissé leurs douces collines plantées d’oliveraies pour s’en aller à Rome où d’autres Lepri s’étaient déjà installés ? Est-ce parce qu’à Bevagna ils menaient une vie trop simple, trop rude ? Probablement. Car, même si leurs vignes produisaient un vin rouge encore prisé de nos jours, même s’ils possédaient certains droits comme le péage, les nobles familles de Bevagna vivaient chichement. Leurs maisons étaient rustiques, sans élégance. Il avait fallu attendre la fin du XVIIIe siècle pour que Benigno, frère aîné de Cristiano, puisse construire un modeste palais au centre de la cité62.

Après trente années passées dans la Ville éternelle, les parents Lepri avaient divisé leurs avoirs en cinq parts et en avaient proposé le choix à leurs fils. L’aîné, Benigno, retourné vivre au pays natal, avait pris possession de la maison familiale, de certains biens mobiliers et immobiliers et d’un avoir en banque. Faute de dot, deux des trois filles Lepri avaient pris le voile dans un couvent de Viterbe. Seule la troisième avait eu droit au mariage à condition que les fils Lepri remboursent sa dot. Contrairement à ses frères, Cristiano avait renoncé à la quasi-totalité de son patrimoine en terrains et biens immobiliers et avait demandé à recevoir de la part de ses aînés, pour sa vie durant, une rente annuelle de 800 écus.

Au chevalier Cristiano Lepri, on ne connaît pas de villa à Frascati mais, à Rome, un gracieux palais du XVIe siècle donnant sur le fameux Corso d’un côté, sur la jolie piazza Colonna63 de l’autre. Cristiano l’avait acheté au marquis Leopoldo Niccolini, le 9 octobre 181564. Une année après son acquisition, le chevalier Lepri avait vendu la moitié de l’édifice aux frères Francesco et Gabriele Brancadoro afin de se libérer d’une partie de sa dette. Il s’était également débarrassé de quelques boutiques donnant sur le Corso, situées au rez-de-chaussée du bâtiment. L’une d’elles abritait le Bureau des Lotos, institution quasi officielle en Italie65. Cependant, le palais n’ayant pas encore été payé dans son entier, Cristiano Lepri avait offert aux frères Torti une autre partie de l’édifice que ces derniers avaient accepté de régler directement aux Brancadoro.

Au moment de son mariage avec Maria Annunziata, le chevalier Lepri habite une portion du premier étage de sa résidence romaine, l’autre étant louée. Orné de splendides peintures murales sous de hauts plafonds, l’appartement possède des lieux d’aisance, innovation bienvenue en un temps où chacun fait ses besoins où bon lui semble : dans la rue, sous les porches, dans les cours des maisons et des palais.

On sait Cristiano Lepri fort riche puisqu’il prête d’importants montants. Lui-même emprunte au taux de 8 %, ce qui explique qu’on lui fasse volontiers crédit. Au comte Camillo Borgia66, il avait avancé une somme en 1798. Incapable de rembourser son créditeur, Camillo Borgia l’avait dédommagé par des biens immobiliers qu’il possédait à Velletri, cité voisine de Frascati. Mais Cristiano avait aussi prêté des sommes conséquentes au Signor Camillo Mariscotti qui, n’ayant pu s’acquitter de ses dettes, lui avait remis un appartement à Rome, à la via Pigna, face au palais de sa famille67. Enfin, une partie de sa rente n’ayant pas été versée par son frère Benigno, Cristiano avait fait hypothéquer les terres de son aîné. Il est strict, le chevalier. Sérieux. Doué d’une grande force de caractère. Plein de rigueur et d’austérité. Pour lui, il y a des choses que l’on fait et d’autres qui sont inacceptables. Un sou est un sou. Ceux à qui il prête n’ont qu’à le savoir.

Le 6 juin 1819, dans la basilique de San Pietro à Frascati, Maria Annunziata, fille de Girolamo Pagliari, devient l’épouse du chevalier Cristiano Lepri. Ce dernier porte une perruque à la mode ancienne. C’est Joseph Rabotti, l’oncle de la mariée, qui bénit le mariage. Maria prend la communion, mais non Cristiano. L’Eglise s’y est opposée du fait de son premier mariage avec la Britannique Marta Adolfi, probablement de religion anglicane. Mais il y a une autre raison : quelques années auparavant, le chevalier Lepri avait sans doute offert ses services aux Français. En outre, il avait prêté d’importantes sommes au comte Camillo Mariscotti, qui avait lui-même collaboré avec les bonapartistes. Enfin, il possédait des peintures de grande valeur qu’il avait échangées en 1812 à un marchand d’art, contre une vigne en dehors des murs68. D’où Cristiano tenait-il ces tableaux, puisqu’ils ne semblaient point faire partie de l’héritage reçu de ses parents en 1781 ? Les aurait-il acquis de ceux qui avaient pillé tant d’œuvres d’art dans les Etats pontificaux ? Probablement. Il faut préciser cependant que le chevalier Lepri n’a rien d’un bandit. Tout ce qu’il choisit, dit et fait l’est par conviction personnelle. S’il avait été favorable au gouvernement napoléonien, ce n’était pas vraiment par opportunisme mais parce qu’à la suite d’une profonde réflexion, il avait estimé qu’il s’agissait là du meilleur régime.

En accordant Maria à Cristiano Lepri, Girolamo avait certes pensé qu’une telle alliance pouvait offrir à sa fille une position honorable dans la société romaine et lui assurer une sécurité financière, à elle comme à toute la famille Pagliari. Peut-être Cristiano allait-il même procurer aux sœurs de Maria des facilités pour se trouver un mari ? Et qui sait, à Antonio Pagliari, frère de Maria, une bonne position à Rome ? Le chevalier semble disposer de beaucoup d’argent liquide, ce qui, en cette période de dénuement, est une rareté. Il va de soi que cette union n’a rien d’un mariage d’inclination de la part de Maria, mais de tels arrangements sont alors chose courante.

« En Italie, quand on célèbre un mariage dans une église, cette idée d’inviolabilité et de fidélité éternelle n’entre dans la tête de personne. Comme le mari sait cela d’avance, comme c’est une chose reçue et convenue, à moins qu’il ne soit épris lui-même, ce qui le placerait dans la situation d’un amant à l’égard de sa maîtresse, il ne s’inquiétera guère de la conduite de sa femme. »69

En réalité, Cristiano est fier de sa jeune épouse, qui, si elle ne lui apporte aucune dot, est à ses yeux parée de vertu, de beauté, de dignité et d’une clairvoyance étonnante chez une personne d’une telle jeunesse. Venant d’une famille matériellement démunie, se dit le chevalier, les exigences de la jeune femme seront modestes et sa gratitude infinie. A Rome, où règne une liberté générale des mœurs ainsi qu’une pratique courante du sigisbéisme70, où beaucoup de femmes se choisissent un amant pour se protéger, se défendre contre les autres et se voir entourer de mille attentions, où même dans la bourgeoisie et dans le peuple, il est de bon ton qu’une épouse se montre avec un cavalier, une jeune mariée ignorante ne manquera pas de rester fidèle à son conjoint.

Qu’éprouve la toute jeune Signora Lepri dans cette grande ville si différente, si éloignée aussi de la petite cité des collines albaines ? Car pour atteindre Frascati, il faut traverser l’Agro Romano, région désertique tristement célèbre pour ses miasmes et son mal aria. Durant l’été 1819, ce « mauvais air » des marais pontins se respire jusqu’à Rome où nombre de marchands, affaiblis par l’atmosphère malsaine, sont juste bons à rester vautrés au fond de leur boutique sur le Corso.

Pour Maria le changement est immense. Quittant une maison lovée contre les remparts de Frascati, foyer d’une famille élargie et bruyante, elle se retrouve dans un palais austère et monumental. Tout l’écrase : les immenses salons, sa chambre à coucher à peine moins grande qui communique avec celle du chevalier, gigantesque elle aussi. A son époux, elle doit accorder certaines nuits ses faveurs, se laisser étreindre par le vieil homme dont les bonnets de nuit sont usés ou défraîchis71, les mains sèches et froides la rebutent. La journée, Maria déambule dans les hautes pièces du palais. Elle n’a pas de travail ménager à fournir, le chevalier ayant à son service une certaine Maddalena Ricci et son mari Giuseppe Sommaschi, dont la fille Eugenia, n’est guère moins âgée que Maria.

Comment remplit-elle ses journées ? Elle inspecte son trousseau qui se compose de draps brodés à ses initiales et de plusieurs couverts en argent portant son monogramme. Elle passe du temps à regarder ce qui se déroule sur le Corso, cette allée sublime qui, nous dit Stendhal,

« dégage une odeur de chou pourri qui l’empoisonne […] Dans la journée il y a eu douze enterrements. Ces corps sont enterrés dans une petite cour intérieure de l’église [de San Lorenzo in Lucina] et il fait aujourd’hui un vent de sirocco très chaud et très humide. Cette idée, à tort ou à raison, augmente le dégoût que me cause la mauvaise odeur des rues et le gouvernement de ce pays ».72

De la fenêtre du grand salon qui donne sur la piazza Colonna, Maria observe autour de la gigantesque colonne de Marc-Aurèle les fidèles qui se rendent à l’église des Santi Bartolomeo e Alessandro dei Bergamaschi. En face, de l’autre côté de la place, se trouve la résidence de l’illustre famille Chigi devant laquelle sont groupés plusieurs mendiants qui devisent et jouent aux cartes. Jamais la Signora Lepri n’en a vu autant qu’à Rome.

Certains jours, le chagrin d’avoir quitté Frascati et les siens est si violent qu’elle finit par s’en ouvrir à Cristiano. Il promet d’y réfléchir mais ne propose aucune solution. Finalement une idée surgit, amenée on ne sait par qui : Anna sera invitée à Rome pour tenir compagnie à Maria. Dès lors, tout devient joyeux pour la Signora Lepri et la Signorina Pagliari. Ensemble, les deux soeurs ont la permission de fréquenter le fameux café Ruspoli dont les salles donnent sur un jardin rempli d’orangers. Elles peuvent se rendre aux marionnettes du palais Fiano ou marcher jusqu’au célèbre Pincio, cet îlot de verdure dont les Français avaient commencé à agrémenter la ville.

Somme toute, quelques mois après son mariage, Maria prend goût à sa nouvelle vie. Toujours accompagnée d’Anna et quelquefois de Cristiano, elle prend part aux célébrations qui se déroulent tout au long de l’année à Rome puisque le cycle sanctoral, ces fêtes mi-chrétiennes et mi-profanes, marquent le rythme de la vie sociale. Fastueuses, elles se déploient dans les églises et dans les processions publiques tandis que les Romains et les nombreux étrangers en visite dans la Ville éternelle se massent sur le parcours des cortèges. La fête la plus spectaculaire est sans doute le Carnaval73 dont l’ultime scène est une course de chevaux sans cavalier, qui galopent sur toute la longueur du Corso. Ces jours-là, les masques et les déguisements sont permis. La foule se presse sur les trottoirs tandis que d’interminables files de carrosses, de voitures et de modestes véhicules défilent sur la chaussée. Les boutiques du Corso se transforment en magasins de costumes, pris d’assaut par la population romaine et touristique. Balcons, fenêtres des maisons et palais s’ornent de longues draperies et de spectateurs. Au coucher du soleil, le canon donne le signal de la course. Alors les bruits cessent et de la porte du Peuple jusqu’à la place de Venise, les chevaux, rendus fous par les hurlements et les coups de fouet, sont lâchés. Les cris, les applaudissements, les clameurs accompagnent leur course qui soulève une immense poussière tandis que partout volent confettis et poignées de farine. Le tumulte est indescriptible. Soudain, vers minuit, toute rumeur cesse tandis que le Corso se remplit de chandelles, les « moccolis », tenus par des milliers de mains et prêtant à la rue un aspect mystique.

Les fêtes et les célébrations ne sont pas les seuls spectacles que peut suivre Maria des yeux depuis les fenêtres du grand salon. L’église de San Lorenzo in Lucina est proche de la piazza Colonna ; la jeune Signora Lepri voit passer d’innombrables ensevelissements le long du Corso puisque, à en croire Stendhal, « tous les enterrements de bon ton viennent y passer à la nuit tombante (à vingt-trois heures et demie) »74.

Mais assez de défunts, de mourants, de peines et de larmes ! Maria veut savourer l’existence, porter de jolies toilettes, se faire admirer, décider autant que possible de son sort. Dans quels cercles de la société romaine se meut-elle au bras du chevalier Lepri ? Ont-ils des relations parmi la haute bourgeoisie dont font partie quelques mercanti di campagna ? Ayant réussi durant la République à devenir propriétaires de biens de l’Eglise, ces marchands ont acquis une position sociale supérieure à celle de leurs parents. Vers 1820, ils forment une classe respectable et besogneuse. Les rares événements sociaux qui existent à ce moment-là à Rome ont lieu dans leurs demeures, aux escaliers propres et bien éclairés. Il est possible que le chevalier et la gracieuse Signora Lepri soient admis chez le banquier Torlonia qui a acheté autrefois son titre de « duc de Bracciano » et dont l’hospitalité est immense. Ou chez la princesse Pauline Borghèse qui offre des dîners d’une grande opulence75. Ou encore dans la maison de la duchesse de Devonshire qui, apprenant l’arrivée de quelque éminent voyageur, l’invite aussitôt avec la meilleure société de Rome. Plusieurs indices révéleront par la suite que la Signora Lepri possède des manières courtoises et une grande bienséance. Elle manifeste un goût du paraître qui ne manque pas d’inquiéter son grave et sérieux mari ; mais ce dernier, hélas pour lui, est épris. Fasciné, même. Son rôle auprès de son épouse est celui d’un protecteur chargé de transmettre certains principes moraux et sans doute Maria lui en est-elle reconnaissante, tout au moins au début de son mariage. Peu à peu, cependant, elle doit se rendre à l’évidence : le chevalier Lepri n’est pas facile à vivre. Conventionnel, solennel, il devient de plus en plus acariâtre, se montre exigeant avec son entourage, décline les invitations sous prétexte que sa digestion est mauvaise. Il ne rit pas et apprécie moins encore les fous rires que partage sa jeune femme avec Anna. De plus en plus souvent, cette dernière séjourne à Rome. Maria s’en veut parfois d’avoir trouvé un conjoint avant sa sœur aînée dont tous, à Frascati, s’accordent à dire qu’elle a le cœur bien placé et une bonté d’âme inégalée. A la mort de sa mère, n’a-t-elle pas été chargée de tâches qui ont altéré ses forces ? La Signora Lepri s’en inquiète en l’entendant tousser. Alors, elle se met en tête de lui trouver un époux. Le plus rapidement possible. On verra comment.


61 Marta Adolfi.

62 Actuellement le palais communal de Bevagna ou palais Lepri.

63 Au n° 355.

64 Précis, il avait demandé qu’un plan et la description détaillée du bâtiment soient enregistrés comme actes publics, ce qui en permet la connaissance deux cents ans plus tard.

65 Durant la semaine qui précédait le tirage, les gens achetaient, pariaient, vendaient, combinaient, calculaient et faisaient d’insensés projets. Les bénéfices du loto permettaient d’offrir quelques dots à d’honnêtes et pauvres filles.

66 Descendant d’une vieille famille de Velletri, le comte Camillo Borgia fit une carrière militaire, et parcourut différents pays. D’abord capitaine des dragons du pape, il se rallia aux idées républicaines, travailla dans l’administration française puis devint aide de camp de Joachim Murat. A la mort de ce dernier, il fut obligé de s’exiler en Tunisie où il effectua d’importantes fouilles.

67 Le comte Camillo Mariscotti avait collaboré avec l’administration française. Il avait également joué le rôle d’un Judas lors de l’enlèvement du pape Pie VII.

68 Parmi ces huiles se trouvaient :

Une Sainte Famille par le Parmigianino.

Plusieurs paysages par Salvator Rosa.

Un portrait par Van Dyck.

Une Sainte Famille par Domenichino.

69 Stendhal, Voyages en Italie, La Pléiade, Gallimard, Ier octobre 1817, p. 583.

70 Sigisbéisme : pratique du chevalier servant fréquentant la maison dans laquelle habite sa maîtresse déjà mariée.

71 La chose sera mentionnée dans l’inventaire des biens de Cristiano après son décès.

72 Stendhal, Voyages en Italie, 10 octobre 1828, p. 992.

73 Qui succède à la fête des Rois.

74 Stendhal, Voyages en Italie, 16 décembre 1827, p.731.

75 A la Villa Paolina, à l’extrémité du Corso.