CHAPITRE 13

Dans l’après-midi du dimanche 21 août 1831, le général Ostermann-Tolstoï quitte Munich, accompagné d’un aide de camp, de deux médecins, de trois domestiques et d’un certain Fallmerayer. Qui est cet homme qui, peu à peu, deviendra le confident et l’éminence grise du comte ? Né en 1790, Jakob Philipp Fallmerayer est le quatrième d’une famille paysanne de sept enfants. Il a grandi dans un petit hameau du Tyrol et, fort tôt, a montré un grand zèle pour les études, en particulier pour la théologie, les langues sémitiques, l’histoire et le droit. Puis en 1812, il est entré dans l’armée bavaroise où il est devenu officier. Ayant participé à la bataille de Hanau et servi en France dans l’armée d’occupation, il avait eu l’occasion de s’initier au français, langue qu’il parlera avec le général. En 1818, de retour en Bavière, le professeur tyrolien a enseigné le latin au lycée d’Augsbourg et trois ans plus tard le français, l’italien et le latin au collège de Landshut. Son livre consacré à L’histoire de l’empire de Trebizonde lui a valu un prix182, et en 1830 paraît le premier tome de son Histoire de la presqu’île de Morée au Moyen Age.

On commence à parler de Jakob Philipp Fallmerayer dans les cercles intellectuels. Or, à cette époque, il existe non seulement une société aristocratique mais aussi une élite intellectuelle qui se rencontre, se lit et se critique. Ostermann-Tolstoï, qui aspire à combler les lacunes de son éducation militaire, qui lit avec avidité et apprend les langues, cherche à rencontrer ces grands esprits. C’est peu de temps avant son départ pour l’Orient, en 1831, qu’il tombe sur le professeur Fallmerayer. Répondant à l’un de ses habituels mouvements spontanés, il offre au gelehrte Professor un poste d’accompagnateur, de conférencier et d’historien pour le périple à venir.

Le 28 août, après plusieurs étapes, Alexandre Ivanovitch et sa suite arrivent à Trieste et prennent logement à l’Osteria Grande, proche de la mer, là où soixante ans auparavant, un certain Winckelmann183 a été assassiné. Le soir même, Alexandre Ivanovitch, allongé sur son lit d’hôtel, ne dort pas : la bora s’est levée et souffle son air terrible dont on dit qu’il rend fou. Alors le comte songe à sa famille à Florence. La reverra-t-il ? Va-t-il rentrer de ce voyage en Orient ? Maria aura-t-elle des couches normales ? Saura-t-elle se débrouiller avec les intérêts de son palais ?

Heureusement le lendemain la bora est tombée, la mer est calme, comme nettoyée. La ville a pris des teintes d’or et de gris. Au loin, de sévères montagnes pierreuses encerclent le golfe qui s’ouvre sur une mer brillante, d’une lumière aveuglante. Les voyageurs se mettent à la recherche d’un bateau pour traverser la Méditerrannée. On croit voir le comte arpenter le port de la ville où règne une grande agitation. Aidé de sa canne au pommeau formé d’une tête de mort, suivi de Fallmerayer, il se fraie un passage à travers les enchevêtrements d’êtres humains, évitant les nombreux chiens squelettiques qui se disputent en grondant quelques morceaux de poissons avariés. Le port s’étend au fond d’une rade protégée des vents. Des hommes presque nus ou vêtus de hardes souillées chargent sur diverses barques des caisses de vivres : salaisons, vins, bonbonnes de rhum et d’eau. Leur peau ressemble à du parchemin tant le soleil, les embruns et le sel l’ont mordue. De ce fourmillement humain montent des cris, des réparties, des vociférations gutturales prononcées dans plusieurs langues. Peuplée d’Italiens, de Slaves, d’Allemands, de Grecs, de Juifs, de Turcs reconnaissables au fez rouge qu’ils portent sur la tête, Trieste est un fouillis de races.

Fallmerayer se plaint de la chaleur qu’il trouve insupportable : « Que sera-ce en Egypte ? » maugrée-t-il. A quoi Ostermann-Tolstoï réplique : « Moi je crèverai peut-être là-bas ».184

Ironique, cynique, Fallmerayer écrit à son ami Johann Nepomuk Anton Mayr :

« Chaque soir, après le coucher du soleil nous allons sur le port, nous rendant en barque d’un bateau à l’autre, examinant les cabines, le confort, demandant les prix, les trouvant trop haut, nous en allant et revenant le jour suivant, pour faire la même chose que précédemment. A la richesse et à la notoriété on paie un lourd tribut à Trieste parmi les commerçants […] parce que le comte est arrivé à Trieste avec 6 chevaux de poste, et passe pour extraordinairement riche. Si dans ces circonstances nous allons pouvoir partir dans deux ou trois jours, comme il a été prévu, je ne pourrais pas le dire car le temps propice au voyage est utilisé de manière inutile dans le port ».185

Finalement, le comte arrête son choix sur un bateau autrichien. Il est conduit par un certain capitaine Premuda, pèse 382 tonnes et se nomme La Gara186. Avant d’embarquer, le général dicte une lettre pour maître Lamporecchi, lettre qu’il remet à Girolamo Pagliari venu lui apporter deux plis, l’un de Maria et l’autre de son fidèle avocat :

« Illustre Monsieur,

Je m’embarque sur un bâtiment qui se nomme la Gara. Je ne peux pas vous dire vers où [nous nous dirigeons], car abandonné à l’élément capricieux on ne sait pas où on touchera la terre, mais je peux assurer le cher tuteur des Osterfeld, qu’Ostermann sur les lointains rivages des Africains, de même que sur les heureux bords de l’Arno, ne perdra pas de vue tout ce qui est nécessaire à ses Pupilles. J’ai [tout] arrangé avec ma sœur et ses enfants, de l’aîné desquels vous avez une lettre. Le troisième a reçu de ma part l’ordre de faire de même. Dans tous les cas, il me semble que vous pouvez être tranquille et puis j’espère que vers le mois de janvier tout sera en ordre, à savoir les sommes nécessaires déposées, les lettres de change faites [à un taux] même plus fort que celles qui sont déposées à Florence.

Durant mon absence je crois de mon devoir de recommander encore une fois la Signora Maria à vos conseils, en vous prévenant que tout changement concernant ceux qui côtoyent les Enfants, telles les gouvernantes, les médecins et les maîtres, dépendra de la Signora. Il me semble que la chose est juste. Sachant que V.S. a l’honneur de voir Mr. Le Comte Fossombroni187 je la prie de lui présenter mes hommages et de lui apporter le buste d’Alexandre Premier, mon bienfaiteur, [buste] que j’envoie au vénéré Comte comme gage de ma vénération ».

Le reste de la lettre est écrit de la main d’Ostermann :

« Je viens à vous redire très estimé avocat Lamporecchi que tout ce que vous pourrez faire pour favoriser et tranquilliser la Signora Maria (première génitrice de mes enfants) sera comme venant de moi.

Votre affectionné Ostermann-Tolst… » 188

Enfin, le soir du 12 septembre, les voyageurs dorment sous les voiles qui claquent dans le vent du soir, comme impatientes de prendre le large. Une immense quantité de bagages a été déposée dans la cabine du général. A côté du buste de son bien-aimé tsar Alexandre Ier, le comte emmène en Orient une partie de sa bibliothèque composée de cinq cents livres et plusieurs tableaux, parmi lesquels un grand Christ en croix. Il est fort probable qu’il emporte aussi le portrait de Maria entourée de leurs trois enfants. Rien n’est impossible au général Alexandre Ivanovitch Ostermann-Tolstoï !

Durant la traversée de l’Adriatique et de la Méditerranée, puis pendant toutes leurs pérégrinations, le professeur Fallmerayer tient un journal. Ecrit en allemand, italien, français, grec et latin, le tout en style télégraphique, il donne beaucoup d’informations sur le voyage et sur les humeurs du comte, mais aussi sur la présence et l’absence des vents qui poussent ou immobilisent les embarcations, mettant les nerfs des voyageurs à vif. A son arrivée à Alexandrie, voici ce qu’il écrit à un ami :

« La traversée a duré 33 jours, elle a été démontée, souvent insupportable, pénible […] du premier jusqu’au dernier jour j’ai été malade et j’ai, comme Ulysse, parcouru 1300 miles marins, en dormant, en rêvant, sans manger et sans boire. Ostermann n’a été écrasé par rien et nous a tous confondus ».189

Finalement le 15 novembre 1831, les passagers de La Gara entrevoient au loin une forêt de mâts : le port d’Alexandrie ! Quelle joie de toucher terre après un mois de calmes plats, de bourrasques tempétueuses, de roulis, de tangage et de dérive ! Le comte jure qu’il ne passera pas une nuit de plus sur le bateau. Pourtant, une mauvaise nouvelle attend les voyageurs : le choléra-morbus a éclaté et fait des ravages dans le pays. Il n’est guère prudent de quitter l’embarcation. Mais pourquoi La Gara est-elle tout à coup entourée de bateaux de guerre d’où montent les accents d’une marche russe ? N’est-ce pas le salut de la flotte turque au héros de la bataille de Kulm ? Cela même. Dès lors le général se montre d’humeur fort joyeuse. Le consul de Russie Titoff monte à bord, accompagné d’un secrétaire. On partage un repas plein de gaieté. On oublie le choléra. On boit à flots. Depuis longtemps Alexandre Ivanovitch n’a pas été si vif. Tard dans la soirée, il quitte le bateau, le professeur Fallmerayer sur les talons, cherchant l’auberge recommandée par le consul. Malgré les instructions de Titoff, les deux hommes se perdent dans la vieille ville arabe où ils errent, morts de fatigue. Par bonheur le consul, qui les a suivis de loin, les emmène à ladite auberge, où il passeront leur première nuit africaine.

Au cours des jours qui suivent, Ostermann visite Alexandrie et ses environs. Partout il est reçu avec de grands honneurs. A plusieurs reprises, le pacha Mehmet-Ali, chef du pays et vice-roi de l’empire ottoman, le reçoit dans son palais aux murs blancs, proche de la mer. Les entretiens durent près de deux heures. On échange des pipes et des propos.

Ostermann-Tolstoï ne semble pas avoir une haute opinion du gouverneur du pays :

« L’Egypte est dirigée par l’eau, un point de l’organe de l’état est gonflé, les autres membres sont épuisés, morts. La tête d’Ali est enflée, le reste est mort, peu à peu mort ».190

A la fin du mois d’octobre, le général exprime le désir de se rendre à Aboukir, lieu de la terrible bataille entre Français et Anglais. Mehmet-Ali donne aussitôt l’ordre à son futur ministre du Commerce et des Affaires étrangères, Boghos Youssoufian, d’organiser l’excursion191.

Le 29 octobre 1831, Boghos Youssoufian met à disposition du comte son magnifique cheval. Derrière lui vient un serviteur du pacha, monté sur un mulet, puis Fallmerayer et le dragoman russe192, muni d’une lettre officielle à remettre à Ahmed-Aga, commandant de la forteresse d’Aboukir. Ce dernier reçoit Ostermann avec la plus grande courtoisie, lui offre un festin abondant composé de colombes rôties, de poissons, de riz et de pain trempé. Pour la nuit, chacun des voyageurs se voit attribuer dans la forteresse une modeste chambre garnie d’une natte de jonc. Cependant, il n’y a pas moyen de dormir : le fossé de la citadelle est rempli d’hommes et de femmes qui chantent, qui dansent, et qui… forniquent !

Le comte s’est-il glissé au lever du jour hors de la forteresse ? A-t-il longé la baie pour se diriger vers le nouveau phare reconstruit après la sanglante bataille d’Aboukir ? A cet endroit, a-t-il fait halte ? Il est tentant d’imaginer sa haute silhouette luttant contre le vent chaud du rivage africain, puis s’immobilisant, le regard fixé sur de lointaines frégates. Comme médusé par une vision. Il croit distinguer l’escadre française devant lui. Cinq vaisseaux. Parmi eux l’Orient, l’immense bateau amiral. Avec ses trois ponts et cent vingt canons. Un bâtiment magnifique, chargé de peintures et de décorations. A gauche de l’escadre française sont alignés neuf bateaux anglais, et, au large, encore cinq de plus. Trois d’entre eux se glissent entre la flotte française et la côte. Vont-ils s’ensabler ? Non ! Leurs voiles se gonflent sous les vents favorables, leurs pièces se préparent à tirer. Soudain tonne la canonnade. La flotte de l’amiral Nelson se déploie autour des bâtiments français, cernés entre deux lignes de navires anglais en nombre supérieur. Maintenant, l’Orient est devenu la cible de l’amiral qui fait charger avec quatre de ses bateaux. Le combat est terrible, les marins français font preuve d’un courage inouï. Soudain, une épaisse fumée voile le spectacle. Chargé de goudron et d’huile, le navire s’est enflammé. D’une minute à l’autre il peut exploser. Les Anglais redoublent leurs attaques. Pauvres marins ! Ils tentent de juguler l’incendie, mais leurs efforts sont inutiles. Ils ne peuvent que se jeter à l’eau où beaucoup d’entre eux meurent, ne sachant pas nager. Sur la côte, le général croit voir les forces arabes attendant les naufragés pour les massacrer. Il entend les cris déchirants des blessés et des mourants. Et toujours, le bruit de la canonnade et des tirs d’artillerie. Soudain l’Orient explose, répandant une lueur qui se voit à des lieues à la ronde. La détonation est celle de cent canons. Le général soupire et songe à Borodino où tant de valeureux soldats russes et français ont été exterminés. Finalement il tourne le dos à la mer pour rejoindre ses compagnons inquiets de son absence. Sous la terre qu’il foule reposent des crânes et des ossements, derniers vestiges de la bataille d’Aboukir.

Quelques jours plus tard on retrouve Ostermann au Caire où, dans la vieille ville, il assiste au service religieux orthodoxe. C’est le patriarche d’Alexandrie qui officie, portant une chasuble de toute splendeur et une couronne sertie de pierres précieuses. La messe terminée, Sa Sainteté converse longuement avec le comte, exprimant librement sa haine envers les coptes qu’il juge pervers et ridicules. Cela n’empêchera pas le général de visiter quelques jours plus tard l’église copte, accompagné de deux moines venant du Sinaï193. Le comte est frappé par le misérable habillement de l’archevêque.

Durant son premier séjour dans la capitale égyptienne, Alexandre Ivanovitch reçoit beaucoup de visites. Dont celle du patriarche d’Alexandrie, chef d’une Eglise fondée par le père de Pierre le Grand. Jusqu’il y a cent ans, l’Eglise recevait 500 roubles tous les cinq ans, mais la subvention a cessé. Que faire, demande le patriarche au comte Ostermann-Tolstoï, en lui montrant la bulle établie autrefois par le tsar ? Nul doute que le général, avec sa prodigalité habituelle, a versé une importante obole au patriarche.

Le consul de Prusse, Herr Guebhardt, le consul de Russie Walmas et un docteur français nommé Dussap rencontrent les voyageurs. Etabli depuis vingt-cinq ans dans le pays, Dussap ne tarit pas d’anecdotes et de récits. N’a-t-il pas assisté au massacre des mamelouks dans la citadelle ?

« Qu’adviendra-t-il après la mort de Mehmet-Ali ? lui demande le comte.

– Tout ce que Mehmet bâtit tombera en ruines après sa mort, répond Dussap, parce qu’Ibrahim, son fils, n’est pas capable de mener à bien l’œuvre commencée.

La voix du docteur devient à peine audible :

– Aujourd’hui même, un lieutenant colonel turc et le plus zélé des serviteurs de Mehmet-Ali ont été fusillés. » 194

Une expression de mépris fronce le visage d’Ostermann.

A la fin de novembre, on apprend par un journal parisien que l’armée russe a écrasé l’insurrection polonaise. Varsovie a été prise, la Constitution et la Diète supprimées. En Angleterre, un projet de réforme a été refusé à la Chambre des lords. Ostermann en conclut avec le professeur qu’il vaut mieux se trouver en Egypte. D’ailleurs, les préparatifs avancent. Dans quelques jours, sans trop s’arrêter en chemin pour profiter du vent arrière, on remontera le Nil jusqu’en Nubie, vers la seconde cataracte. On visitera les lieux antiques au retour, portés par le courant descendant.

Enfin, le 14 décembre, après avoir assisté à une dernière messe dans l’église orthodoxe grecque du Vieux Caire, le général donne l’ordre du départ. Le temps est maussade, avec une alternance de vent du nord et de calme plat. Les hameaux défilent. A Bibeh, le comte souhaite visiter l’église copte mais le village n’est qu’un ensemble de cabanes en torchis peuplées d’êtres sales et miséreux. Des habitants pleurent sur un tombeau frais. Sans mot dire, bouleversés, Ostermann et ses compagnons regagnent les bateaux.

Des années plus tard, le comte fera à ses enfants le récit de ses aventures en Orient. Il évoquera les dahabiehs, ces deux barques à fond plat qu’il a louées, la première pour lui-même et ses compagnons, la seconde pour les serviteurs, pour la cuisine et les animaux vivants : lapins, oies, poules, pigeons, dindes, et même des moutons qu’on doit emmener pour la nourriture journalière.

Saura-t-il décrire le changement que produit dans l’atmosphère une tempête de sable ? Le vent d’est impétueux qui se lève et empêche les bateaux d’avancer, le brouillard jaune à l’horizon, l’air qui se remplit de poussière ? Et les collines au loin qui disparaissent tandis que le soleil se transforme en une lueur trouble remplissant l’âme d’une sourde angoisse ? Et les vagues pleines de rage qui déchirent le Nil ? Le sable fin qui se glisse dans les cabines des barques, remplissant les yeux, les cheveux, la bouche, les oreilles, se faufilant partout : dans les livres, les papiers, les ustensiles de cuisine, les vêtements ? Parlera-t-il du vent qui soudain tombe, de la tempête qui cesse, des mendiants qui plongent dans le fleuve depuis les rochers de la rive pour monter sur les dahabiehs et réclamer une aumône ?

Ostermann-Tolstoï racontera-t-il sa visite dans la pyramide de Mykerinos, à la lueur d’une bougie tenue par un jeune mamelouk ? Dans une chaleur oppressante, le silence effrayant brisé de temps en temps par une pierre qui se détache des parois et vient frapper le sarcophage, faisant un bruit « de grosse cloche » ?

Dira-t-il que près du village de Gostambi, en Nubie, il a vu son premier crocodile, gros, hideux, d’une longueur qui n’en finissait pas, somnolant sur une langue de sable ? Le Nil à cet endroit ressemble à un beau et large canal, le ciel est d’une douceur de fin de journée tandis qu’à l’ouest une lueur dorée éclaire le désert.

Aux siens, le général relatera sans doute le retour vers le Caire pour lequel il avait engagé dix rameurs de plus, lassé de naviguer sur un fleuve imprévisible. Même qu’un jour, à Biba al Kubra, il s’en fallut de peu que les deux barques aillent se jeter contre les récifs et se retrouvent au fond de l’eau. Le Nil peut se fâcher et le vent se lever au milieu d’un ciel serein et jusque-là sans brise.

Peut-être parlera-t-il de cette nuit du 4 août 1833 dans la mer Marmara, lorsque après avoir pénétré dans le détroit jusqu’à Gallipoli et passé au milieu d’une flotte anglo-française, un violent vent du sud s’était levé, obligeant le capitaine et les matelots à veiller. A l’aurore, les marins fatigués s’étaient assoupis sans observer que le bateau, toutes voiles dehors, se laissait entraîner. Alors ce fut le drame : le ciel était devenu noir, la mer et la côte plongées dans l’obscurité. Le tonnerre roulait, grondait, et, autour de l’embarcation les éclairs tombaient. Une énorme bourrasque venant de l’Hellespont avait amené une pluie torrentielle. Tout le monde sur le bateau se faisait tremper par des vagues gigantesques. Dans un vacarme assourdissant, le capitaine avait hurlé ses ordres. Les matelots avaient tenté d’obéir mais aucun d’entre eux n’avait eu la force de rouler la toile des gabiers. O horreur ! L’embarcation s’était couchée, les bômes et les espars affaissés dans l’eau tandis que les domestiques gémissaient, que les marins vociféraient. La pluie était entrée à flots dans les cabines et dans la cale. Le vent, qui mugissait de manière terrifiante, semblait annoncer une fin proche, inévitable. Il n’avait que vingt-cinq ans, le capitaine Philocristi. Pourtant, il avait été le seul à garder sa présence d’esprit. Se démenant comme un beau diable, il avait attrapé un couteau, fendu la voile et coupé les drisses. Aussitôt la grande voile s’était déchirée sous la violence des rafales tandis que le capitaine redressait le bateau à l’aide du gouvernail. Tout l’épisode n’avait duré que vingt minutes. Après l’orage, de nombreux bateaux avaient souffert, perdu leurs voiles, cassé leur mât. Oui, Alexandre Ivanovitch racontera tout cela aux Osterfeld médusés.

Cependant, il y a beaucoup de choses qu’il taira à ses enfants et à Maria. S’il leur répétera à maintes reprises combien le courrier reçu à Assouan l’avait transporté de joie, comme tous les courriers qui le suivirent en Orient, il ne parlera point de son malaise à Kalapsche195, lorsqu’il refusa de quitter la barque et resta plusieurs jours sans manger et sans boire. Etait-ce l’effet d’une subite nostalgie causée par la lettre de l’avocat, qui lui annonçait que les Osterfeld se portaient à merveille ? Etait-ce une soudaine et furieuse jalousie, Lamporecchi évoquant également la « période puerpérale très heureuse » de la Signora Cresci, après la naissance au mois d’octobre du petit Gustavo ?

Alexandre Ivanovitch ne racontera pas non plus qu’à Louxor, sa santé ne s’étant guère améliorée, le séjour dans la dahabieh lui était devenu insupportable. On lui avait trouvé une hutte en argile sans fenêtre avec une natte sur laquelle il somnolait, les yeux clos, tandis que sous le toit de sa masure en branches de palmier bourdonnaient de gigantesques frelons énervés par le soleil. Alors Fallmerayer écrira à son ami :

« La santé du comte était si affaiblie, que la course au Sinaï était impensable. Sans une grande prudence il ne reviendra sûrement pas en Europe, ce Hadschi russe ».

Peu à peu, cependant, le général s’est senti mieux. Sans doute a-t-il rencontré le docteur Angelin, médecin-chirurgien d’une équipe française qui depuis plusieurs mois se trouvait à Louxor sous le commandement du chevalier Raymond Verninac de St. Maur, pour transporter en France un obélisque. On attendait la montée des eaux pour commencer le périlleux voyage vers Paris. Le chevalier, entouré d’officiers français, était ô combien désireux de faire la connaissance du héros de Kulm et de le guider à travers l’antique monde de Karnak. Le 14 mars 1832, miraculeusement remis, Alexandre Ivanovitch souhaita s’y rendre à pied sous un soleil brûlant. Comme il fut ému en découvrant l’immense salle hypo-style avec sa forêt de colonnes ! Il a décrit ces moments à Maria et aux Osterfeld. Revenu au coucher du soleil, accompagné de toute une suite, il a pris appui contre une pierre dans la gigantesque halle éclairée par la lune, et il a fermé les yeux. Un hibou lové quelque part en haut d’un pilier colossal a lancé un appel auquel un second hibou a répondu.

Et le lendemain, pour la troisième fois, Ostermann se rendit dans la grande salle. Plein de forces. Ressuscité ! Mais alors, quelle idée saugrenue lui est venue de grimper dans le sanctuaire intact et de graver sur une colonne, non sans peine et sans poussière, le nom d’Alexandre Ier ?

En réalité, peu de moments dans le voyage en Egypte ont été dépourvus d’événements. On aurait pu croire qu’enfin arrivés au Caire, les navigateurs, épuisés ou convalescents, allaient pouvoir se reposer. Il n’en est rien. Ostermann a loué une splendide maison à une jeune arménienne native de Constantinople :

« La dame de la maison est très belle, assez bien élevée mais grande putain. Cette femme, quoique jeune encore, n’aime ni les jeunes gens, ni même les beaux, ni Francs, ni Turcs, ni Arméniens. Elle donne la préférence uniquement aux Arabes qui sont robustes, barbus, entre la quarantaine et la cinquantaine. Elle est insatiable dans les jouissances et couche maintenant avec son premier domestique, Arabe à la barbe noire et touffue, tout à fait à son goût ».196

A peine installés dans la capitale égyptienne, les voyageurs sont réveillés à quatre heures du matin par un gigantesque tumulte. Dans tous les quartiers de la ville, on entend les gémissements et les lamentations des femmes : des soldats sont en train de se saisir des vieux et des jeunes hommes, mariés, non mariés, appartenant à la classe des domestiques, pour les traîner devant la commission de recrutement, sous la présidence d’un ministre. Les souks et les bazars sont déserts. Aucun domestique arabe n’ose s’aventurer hors de son lieu d’habitation. La conscription est le plus grand cauchemar de la population égyptienne ; mais Ibrahim, fils de Mehmet-Ali, a besoin d’hommes pour sa campagne en Syrie.

Depuis le début du mois de juin 1832, la rumeur court que Damas aurait été prise et que Saint-Jean-d’Acre aurait capitulé devant le brillant général égyptien. On dit aussi que la peste a éclaté à Damiette, en Syrie et en Palestine. Aussitôt, le comte écrit au consul de Russie, à Jaffa, pour demander des renseignements sur l’épidémie. On lui répond que oui, la maladie s’est déclarée depuis quelques semaines à Bethléem où elle fait de grands ravages. Faut-il renoncer à la visite du lieu de naissance du Christ, se demandent les accompagnateurs d’Ostermann ? Impossible ! Pour Alexandre Ivanovitch, Jérusalem et Bethléem sont le but principal du voyage.

Alors, après deux jours de navigation depuis Damiette, le groupe arrive à Jaffa, la ville aux mille jardins. Le consul de Russie, le gouverneur turc, le chef de bataillon de l’armée en place et plusieurs jeunes reçoivent le comte qui est suivi par toute une escorte jusqu’à Ramallah. Là, les voyageurs passent la nuit avant d’aller voir le lever du soleil au pied des collines puis chevaucher neuf heures durant jusqu’à Jérusalem.

Jérusalem ! Ses jardins, le tombeau de Marie, le mont des Oliviers, le tombeau du roi David sur le Mont-Sion, la piscine de Siloé ! Jérusalem avec ses bazars, ses ruines, sa saleté, sa pauvreté, Alexandre Ivanovitch veut tout voir. Même la place devant la mosquée d’Omar. Et encore les alentours de la Ville sainte : la mer Morte, Jéricho, les gorges du Cedron, la vallée du Jourdain. Distribuant de riches aumônes et des cadeaux à l’archevêque, aux moines et au couvent lui-même, le comte assiste avec Fallmerayer à la grand-messe dans l’église du Saint-Sépulcre qu’ils visitent plusieurs fois et dont ils parcourent tous les points remarquables avant de dîner avec les archevêques.

« Ce ne fut pas l’un des spectacles les moins saisissants, que de voir le soldat de Borodino et de Kulm à genoux sur le Golgotha à la place où s’était dressée la croix du Sauveur des hommes ».197

Pour Alexandre Ivanovitch, il y a deux leviers capables de changer le monde : la religion et la liberté. Avec Fallmerayer, il a de fréquentes querelles :

« Durant l’heure du soir, dispute fugitive avec le comte, comme d’habitude on s’est beaucoup disputé à propos du vrai christianisme, de la Sainte Ecriture, des prêtres catholiques et des pouvoirs séculiers ».198

« Il voyage et vit avec un luxe oriental, prie et se signe d’innombrables fois ici dans les églises grecques, rend visite aux capucins, leur jolie église, prend plaisir à leur petite cloche ».199

« Un jour le comte m’a dit : ‘Je sais […] pourquoi vous n’allez jamais à l’église. Vous haïssez les grands de cette terre et ne pouvez pas manifester votre rage à la Divine Providence qui accepte le bien-être des grands pervers et la répression de tant de bonnes personnes. A cause de cette situation humaine vous exécrez le culte de l’Etre Suprême, qui, bien que tout-puissant, n’aidera pas tant d’infortunés parmi les hommes’ ».200

Et Fallmerayer de commenter :

« Ibodonkali [le comte] a du talent ! »

Alexandre Ivanovitch est habitué à commander. Il a le sens de la discipline, acquise par sa formation militaire. Il se plaît à l’imposer aux autres. On ne saurait lui résister sans le mettre dans de terribles colères. Fallmerayer, lui, se soumet à la volonté du général, tel un caméléon. A la fois admiratif et horrifié devant les largesses du général, le professeur aux origines modestes voit dans la générosité de son bienfaiteur l’expression d’une arrogance d’aristocrate et de nanti. Fallmerayer tient les comptes. Devant les sommes dépensées en aumônes, il rechigne, mais on n’arrête pas les élans d’Ostermann. Son caractère est dominé par une grande générosité, à côté d’une aptitude aux déraillements et aux excès irrationnels. Même si les excentricités et la conduite despotique du comte l’exaspèrent de plus en plus durant ce périple, Fallmerayer reste poli. Cependant, il y a divorce entre les flatteries, la déférence qu’il exprime au général et les propos qu’il tient dans son journal, ironiques, méprisants, critiques à l’égard de son bienfaiteur.

Fallmerayer est attiré par les garçons dans la fleur de l’âge. Perceptif, le comte observe ce penchant et lui dit chaque soir :

« Vous couchez avec les jeunes selon la coutume des professeurs allemands ».201

Il y a plus d’un an que le général est en route. A Maria, l’absence d’Alexandre Ivanovitch pèse. Quatre années ont passé depuis qu’ils se sont arrachés l’un à l’autre, deux années depuis qu’il lui a fait ses adieux, à elle-même et aux mineurs. Entièrement responsable de Nicolas, de Catherine et d’Agrippine, de leur entretien, de leur instruction et des finances de sa nouvelle famille, la Signora Cresci souffre parfois de solitude. En même temps elle se reconnaît libre de prendre ses décisions comme elle l’entend, sans entrer dans de fastidieuses négociations avec le père des Osterfeld, sans craindre qu’il s’emporte à la moindre contradiction. N’empêche qu’elle se tourmente pour le paiement de ses dépenses. Même si les pensions mensuelles de 200 écus pour ses aînés et de 300 écus pour elle-même sont touchées régulièrement par Girolamo chez le banquier Borri de Florence, l’entretien du palais est coûteux. Les locataires des petites maisons règlent avec retard leurs différents loyers et les salaires de la nombreuse domesticité attachée aux pupilles ne cessent de s’élever, malgré le renvoi du docteur Nespoli. Maria prend alors une décision. Les Osterfeld vont aller habiter un appartement moins cher que celui de la maison Fabbrini, qui lui coûte 32 écus le mois. Situé au n° 3788 de la via Palazzuolo, le nouveau logement comporte un rez-de-chaussée avec un jardin ainsi qu’un premier étage de neuf chambres. Tout cela pour la somme de 9 écus par mois. La Signora Cresci est fière d’avoir pris cette décision. Elle le sera plus encore quand Lamporecchi lui annoncera avoir reçu de la maison du comte à Saint-Pétersbourg la somme de 12 000 roubles, correspondant aux 10 000 écus devant être placés en Toscane pour les Osterfeld.

Si avant d’entreprendre son voyage en Orient, le comte s’était arrêté à Florence, que se serait-il passé entre lui et Maria ? L’engouement d’Ostermann-Tolstoï pour la Signora Cresci aurait-il repris ? Auraient-ils transgressé les règles implicites qu’elle leur avait imposées à tous les deux ? Aurait-elle cédé au tempérament impétueux de son ancien amant ? Ou, au contraire, aurait-elle résisté aux assauts du général, incapable en quoi que ce soit de modération ? Mais aux confins de l’Orient, se demande-t-elle parfois, que fait-il des femmes qu’il rencontre ?

Voici ce qu’on en sait par le journal de Fallmerayer. Quelques détails. A soixante-trois ans, le comte possède encore un bel appétit sexuel. Malgré son bras manquant. Malgré ses anciennes blessures, malgré les fatigues du voyage :

« Comes [le comte] veut pendant 8 jours, selon la coutume dans l’Eglise grecque, ne vivre que de riz et de petits pois à l’huile, de poisson, de patates et aller tous les midis au service religieux ; il dit que seuls les incroyants ne respectent pas le carême. Parallèlement au jeûne et à la messe il pense sérieusement à commencer à rendre visite aux belles femmes de Tripoli ».202

Et plus tard à Zakyntos, l’île couverte d’amandiers en fleurs, d’orangers et de forêts d’oliviers, le séjour du comte sera marqué par un violent et subit embrasement pour une jouvencelle :

« Comes [le comte] est dompté et fasciné par les beaux yeux d’une jeune fille, il fait des cadeaux, se rend tous les jours sur les jolies routes vers les maisons de campagnes des riches habitants de l’île, accompagné des deux jeunes Sandrini qui lui montrent le chemin, [il] reste assis du matin au soir en face des beaux yeux, fait le don de grandes sommes aux églises et aux domestiques, dépense avec magnificence en 20 jours plus de 500 colonnatis ».203

Mais bien sûr, tout cela, le comte le taira à la Signora Cresci.

Dans leur parcours en Orient, les voyageurs rencontrent l’Histoire et ceux qui l’ont faite. Ainsi, quand le groupe se remet en route après les visites aux Lieux saints, la ville de Saint-Jean-d’Acre vient d’être prise au pacha Abdallah par Ibrahim, fils de Mehmet-Ali204, après un siège de six mois. Les voyageurs font le tour de la citadelle, admirent l’épaisseur de ses murs bâtis au temps des croisades et se tiennent à cheval sur la colline où Napoléon s’est retiré lors des tentatives pour s’emparer de la cité. Il a été dit qu’Ostermann avait partagé ses connaissances de stratège avec Ibrahim et qu’il aurait encouragé son père Mehmet-Ali à se rendre indépendant du sultan Mahmoud II, mais que le fanatisme non déclaré de Mehmet pour la religion de Mahomet l’en aurait empêché.

Au Liban, Ostermann et sa suite sont invités par l’émir Béchir dans son château de Beiteddine, sur les hauteurs d’un éperon rocheux. Depuis quarante-cinq ans, l’émir dirige le pays de manière presque indépendante de l’autorité ottomane. Même si plusieurs de ses membres se sont livrés à de constantes querelles et de multiples assassinats, voilà cent cinquante ans que sa famille détient le pouvoir. Béchir lui-même, qui à un moment donné avait dû fuir en Egypte, s’était lié avec Mehmet-Ali, avant de revenir au Liban. Les voyageurs sont reçus dans la salle d’audience par Béchir en personne, assis sur un divan d’une place tandis que le général et ses compagnons sont installés sur des canapés et des ottomanes. Agé de soixante-dix ans, l’émir a un visage plein et toutes ses dents. Le jour où Ostermann lui rend visite, il porte sur le côté un poignard en bois d’ébène garni de diamants. Son fils, énorme, frappé de strabisme mais fort instruit, se tient auprès de lui. Au sol s’étalent de magnifiques tapis, tandis qu’au mur un parapluie ouvert est suspendu !

C’est à Alep, où il se rendra avec ses compagnons après Laodicée et Antioche, que le comte entendra parler d’une armée russe qui, venant du Caucase et de Trébizonde, se dirige vers la Syrie, suscitant de grosses inquiétudes chez les officiers égyptiens mais une grande joie parmi les partisans du sultan Mahmoud II. Il est certain qu’Ostermann n’approuve guère les démarches militaires du tsar Nicolas Ier, qui a décidé d’aider le sultan contre Mehmet-Ali, trop progressiste à son goût.

Plus tard, en Méditerranée, les voyageurs jetteront l’ancre dans l’île de Chios. Les cyprès, les orangers, les figuiers et les vignes ne feront pas oublier les horreurs qui y ont été commises par les troupes ottomanes, dix ans auparavant, lors de la guerre d’indépendance des Grecs. Maisons incendiées, villages dévastés, habitants grecs massacrés avec tous les enfants en-dessous de trois ans, les jeunes garçons de douze ans et plus, les femmes au-dessus de quarante ans. Ostermann et ses compagnons écoutent les récits du Sieur Pasqua, cet homme courtois qui loge les navigateurs dans sa grande maison. Dans toute l’île, on reconstruit.

Malgré son amitié pour Ibrahim Pacha et son mépris pour les Turcs, Alexandre Ivanovitch ne manquera pas de rencontrer le sultan Mahmoud lors de son passage à Constantinople. Face au pacha d’Egypte qui marchait sur sa capitale, le sultan avait appelé à l’aide Nicolas Ier et le tsar avait envoyé la flotte russe dans le détroit du Bosphore. Mehmet-Ali s’était alors retiré tandis que les Turcs signaient un traité favorable à la Russie. Ostermann rendra visite au chef de l’empire ottoman et sera reçu avec munificence. Il le verra se rendre à la mosquée avec son état-major et sa garde, vêtu d’habits chamarrés, le visage maquillé et rougi par l’excès de vin.

A Nauplie, sur le chemin du retour, le général aura une nouvelle fois rendez-vous avec l’Histoire lorsqu’il sera reçu par le jeune roi de Grèce Othon Ier 205 et le comte d’Armensberg206, un des trois Bavarois qui assument la régence jusqu’à la majorité du souverain. Très bel homme, cet Othon, avec des traits fins et d’immenses yeux ! Il pose au général une multitude de questions sur son voyage. Ostermann, touché par la jeunesse et la naïveté du monarque, lui prodigue nombre de conseils sur la politique et le comportement d’un roi. N’a-t-il pas lui-même été proche du tsar Alexandre Ier ? Ne lui a-t-il pas souvent donné un avis sur les stratégies politiques ou militaires à adopter ? Et pourtant, il se fait du souci pour le jeune monarque. Quelques mois plus tard, il fera cette remarque :

« Les Bavière sont posés en Grèce comme une enseigne, comme un falot, un souffle peut les éteindre ».207

Il faut revenir à Beyrouth en cette fin d’année 1832. Beyrouth où, déposés à une heure du matin sur le port, le comte et ses compagnons errent dans les rues avant de trouver des chambres à l’hôtel Europe. On ne les sait pas encore arrivés dans la ville. Bientôt le soleil se lèvera. Bientôt on se pressera autour du général, on lui proposera quelque marchandise, on le harcèlera de demandes et de questions. Comme ce commodore américain accompagné de ses serviteurs, qui insistera pour lui rendre visite à son hôtel. Tout à coup, ce sera le drame. Le petit esclave maltais du commodore a disparu ! Ce dernier rugit des ordres. Se précipite en dehors de l’hôtel, regarde de tous côtés à travers une foule curieuse qui ne cesse d’enfler. Rien. Pas d’esclave maltais. Effondré, le commodore pleurniche : « On l’avait si aimablement volé pour me le vendre ! » Dehors on s’agite, on s’interroge, on se donne des explications, on cherche vaguement l’enfant disparu. Alors un homme fend l’attroupement. Il pousse devant lui l’enfant maltais retrouvé. Il ne dit rien. Empoche une liasse de billets que lui tend le commodore aux anges. Ostermann, fatigué et dégoûté, demande à se retirer.

Le moment est aussi venu d’évoquer le long séjour du comte à Tripoli, où il est convenu de rester durant le mois de décembre. S’arrêter, se reposer, les voyageurs n’aspirent qu’à cela. A la Saint-Nicolas, Ostermann commande au patriarche d’Antioche, qui séjourne alors à Tripoli, un service religieux solennel pour son fils Nicolas. Et puis, à la veille de Noël, il ordonnera un autre service solennel pour feu l’Empereur Alexandre Ier.

« Pour cela, il paie à sa Béatitude 300 piastres en or, 50 piastres pour l’assistant, et, tout autant pour le local, pour les cierges et les récipients, aux procurateurs de l’Eglise de Tripoli. En outre, pendant le service, 7 assiettes à offrande sont passées à la ronde, dont une est toujours pour le patriarche, et ceci en plus des deux [personnes] qui, à la porte de l’église, se préoccupent de la charité des croyants. Sucre, café, confitures, tissus pour l’habillement, or, argent, sont offerts au Nouvel An, à Noël, à Pâques, à sa Béatitude d’Antioche » 208.

A Tripoli, le séjour du comte se prolonge. Il espère encore se rendre sur le mont Liban pour voir les fameux cèdres, Arz el-Rab, l’arbre sacré mentionné si souvent dans la Bible, mais le temps est déplorable pendant l’hiver 1833. Comment le général occupe-t-il ses journées ? Il reçoit de nombreuses visites. Lit avec deux mois de retard les journaux de Paris, apprend par eux la prise d’Anvers. Il écrit à Maria qui, de son côté, rapporte les nouvelles de Florence. Les enfants vont bien, ce que corrobore une des lettres de Lamporecchi au comte :

« Ils sont en parfaite santé et grandissent en âge et en beauté et leur instruction s’améliore chaque jour un peu plus sous la direction de Madame Maria, leur très affectionnée Mère, [et] des gouvernantes et Précepteurs que V.E. leur a procurés ».

Il ajoute :

« Son Excellence le comte Fossombroni, auquel, après son retour à Florence en mars, j’ai donné le buste de l’Empereur Alexandre, a admiré la beauté de l’œuvre et apprécié la gentillesse du Donneur ».209

Maria a-t-elle informé son ancien amant de sa nouvelle grossesse ? Certes. Le 3 avril, Ostermann annonce à la Signora Cresci qu’il sera auprès d’elle en hiver 1834210. En même temps, il fait envoyer à son banquier de Livourne un important crédit pour ses enfants. Sait-on jamais ce que lui réserve la dernière partie de son odyssée ?

A la mi-février, durant trois soirs, « dans une velléité d’humeur particulièrement bonne, le comte a parlé des circonstances dans lesquelles s’est déroulée la bataille de Kulm, pour démontrer quelle part de la gloire de cet événement mémorable était dû au hasard et à la chance ».211 Fallmerayer écoute attentivement le récit du général. Il prend des notes. Vingt ans plus tard, il s’en servira pour son article sur la bataille de Kulm.

A Tripoli, au début du mois de mars, les abricotiers sont en fleurs et l’air devient plus chaud, amenant des senteurs de terre. Sur le mont Liban, il y a encore de la neige, du brouillard et souvent le khamsin, ce vent chaud, sec, étouffant et chargé de sable, qui vient du Sahara. Il faut donc attendre pour se rendre aux cèdres. Le 14 avril, après un long jeûne, Alexandre Ivanovitch prend part aux Pâques orthodoxes qui durent jusqu’à deux heures du matin. C’est le patriarche qui conduit la grand-messe. On peut baiser la main de sa Béatitude contre une offrande laissée à la porte de l’église sur une assiette tenue par un caissier. Le professeur est outré des montants versés par le comte et agacé par les aumônes distribuées dans la rue « à ceux qui ne demandent rien ».

En avril, l’air se charge de senteurs. Les roses fleurissent dans les jardins, l’eau ruisselle dans les canaux. Mais vers le soir souffle un vent violent. Une nouvelle couche de neige apparaît sur le mont Liban tandis que les rivières enflées charrient des eaux tumultueuses, compromettant l’excursion aux cèdres. Ostermann-Tolstoï s’impatiente. En finir avec ce voyage, en finir avec les imprévus, les surprises amenées par les éléments ou les êtres humains ! Il se voudrait déjà en Turquie puis en Grèce. A vrai dire, il se souhaite en Italie, craignant soudain de ne jamais revoir Nicolas, Catherine, Agrippine et Maria. Cette dernière vient d’accoucher d’une fille212. Ostermann est inquiet pour la santé de la jeune femme. Pourquoi son époux ne peut-il la laisser en paix ?

Enfin, le 11 mai à sept heures du matin, les voyageurs finissent par se rendre aux cèdres du mont Liban. En quatre heures de chevauchée, ils atteignent le pied de la montagne, traversant la vallée de Qadisha. Il faut encore trois heures pour atteindre le village d’Ehden situé dans un environnement idyllique où le comte est accueilli dans la maison du cheik Karam. Un narghilé en argent diffuse un parfum d’eau de roses. On fume des pipes, on boit du café. Le lendemain on se remet en route jusqu’au village de Bscharré213. Sur sept kilomètres, on monte à travers des terrasses de pommiers en fleurs pour arriver, au sommet de la montagne, à une chapelle dédiée à la Madone. Cinq cents arbres se dressent à l’extrémité de la haute vallée : tout ce qui reste d’une immense forêt de cèdres dont certains sont vieux de plusieurs millénaires. Sur un autel fait de roche, Ostermann dépose une plaque de marbre avec une inscription :

« Alexandre Ier Empereur des Russes. Gloire et bonheur de la patrie214 C’est Ostermann qui le dit en 1833 ».

Finalement, le 18 mai 1833, à quatre heures de l’après-midi, on embarque. Il y a peu de vent. Un brouillard flotte au loin sur les montagnes. Beaucoup sont venus jusqu’au port prendre congé du général et de ses amis. Il faudra quatre jours pour accoster à Larnaca, sur l’île de Chypre, où l’on passera une dizaine de jours avant de monter sur un nouveau bateau : la martigane Demosthenes, conduite par le capitaine Basilius Philocristi, qui transportera Ostermann et sa suite à Smyrne, à Constantinople, à Athènes. Après avoir visité et longé d’innombrables îles, ils se rendront vers le Péloponnèse. Fallmerayer note :

« La curiosité d’Ostermann et sa vanité m’ont été tout spécialement profitables en Attique parce que cela nous a conduit pour ainsi dire dans tous les endroits de cette région et par conséquent nous a donné une connaissance des lieux que pas tous les voyageurs acquièrent et à laquelle ma paresse à moi m’aurait fait renoncer ».

Corfou ! Patrie du comte Ioannis Capodistria assassiné deux années plus tôt à Nauplie. Corfou, une des sept îles ioniennes formant une République placée sous la protection du Royaume-Uni de Grande-Bretagne. A l’arrivée d’Alexandre Ivanovitch, Lord Nugent, Gouverneur des îles ioniennes, envoie un bateau à rames pour conduire à terre le général et l’inviter à déjeuner. Ce dernier décline la proposition avec la plus grande indifférence. Il refuse également de saluer la garnison britannique. Décidément, le comte n’aime pas les Anglais qu’il tient pour responsables de l’assassinat du comte Ioannis Capodistria. Il a connu cet homme remarquable alors qu’il était ministre des Affaires étrangères de Russie entre 1816 et 1822 et, par la suite, premier chef d’Etat de la Grèce indépendante215. Pour l’heure, Ostermann-Tolstoï se rend au tombeau de Capodistria et y fait dire une messe.

Le 8 février, jour de pluie, les voyageurs quittent l’île de Corfou et s’embarquent dans un bateau marchand du nom d’Hercules. Hélas ! L’atmosphère est sombre. Menaçante. Les vents glacés. On tourne en rond au nord de Corfou. Le comte en a plus qu’assez de toute cette navigation. Qu’on se hâte de traverser la mer Adriatique ! D’être à Brindisi ! C’est lui qui dirige la manœuvre, malgré les avertissements du commandant. Les vents soufflent de tous côtés à la fois, la goélette se balance de manière dangereuse. Finalement, le capitaine arrache le gouvernail des mains d’Ostermann, crie ses ordres, revient en arrière et dirige le bateau vers un golfe abrité. Pour une fois, le général est contraint d’obéir.

Enfin, après neuf jours de navigation, on aperçoit, se détachant dans la grisaille matinale, la ville de Brindisi. Sur le rivage, de petites tours en bois attendent les voyageurs étrangers pour les soumettre à une quarantaine, une épidémie de choléra ayant éclaté. Le sous-intendant Mango et le vice-consul de Russie Don Antonio Balsamo, jeune homme de dixneuf ans que Fallmerayer trouve fort beau, reçoivent le comte, accompagnés d’inspecteurs et d’un nombreux personnel.

« Ils tiennent de longs discours, se félicitent de recevoir sur leurs rivages un homme si célèbre, déplorent la sévérité et la nécessité des règles de santé, promettent tous les égards possibles, font des offres et des politesses de toutes sortes. Au milieu de leurs phrases le comte se tourne vers un de ses accompagnateurs et dit en allemand : ‘ce sont des arlequins’ ».216

Cela ne ressemble pas au général de répondre si mal à des paroles de bienvenue. Mais il est épuisé. La traversée de Corfou à Brindisi a été calamiteuse. Il ne pense qu’à se mettre dans un lit et à dormir. Vite ! Qu’on apporte dans les tours de la literie, qu’on amène des meubles, des chaises, une batterie de cuisine ! En une heure tout est prêt. Pourtant vers le soir, une tempête se lève. Les vagues déferlent jusque dans le port. Ostermann ne les entend pas. Dans sa tour de bois, proche de son médecin ordinaire et de ses deux domestiques, il s’est endormi. Le lendemain les quatre hommes ont de la fièvre et gardent le lit. Tourmenté par des hallucinations, le comte délire :

« Les marins ne connaissent rien à leur métier, il y en a un qui est beaucoup trop jeune, un autre beaucoup trop vieux, trop faible, trop vilain. Ils ne connaissent pas le chemin, ils sont trop audacieux, ils naviguent aveuglément dans le lointain sans savoir comment marche la boussole, les mâts de l’embarcation ne peuvent résister au souffle du vent, les flancs du bateau au choc des vagues ».217

L’image la plus terrible qui persécute le général est celle d’un bateau qui sombre. Malgré les soins dévoués de plusieurs médecins, cet état dure. Que faire, se demandent ses compagnons ? Fallmerayer est d’avis qu’il faut prévenir la Signora Cresci de l’indisposition du comte ; il prend la liberté de lui écrire. Quelques jours plus tard, une lettre arrive de Florence de la part de Maria. Soudain égayé, Ostermann est sur le chemin de la guérison. Pendant sa maladie, l’aimable Giorgio Balsamo, vice-consul de Russie à Brindisi, avait écrit de toute urgence au prince de Carruso, secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères à Naples, afin d’obtenir une réduction de durée de la quarantaine. La demande du vice-consul est appuyée par celle du comte de Stackelberg, l’envoyé extraordinaire à Naples, ministre plénipotentiaire de Sa Majesté l’Empereur de toutes les Russies :

« il m’en tient on ne saurait davantage à cœur, l’individu en faveur duquel je sollicite une diminution de quarantaine ayant mérité de l’Europe en général, lorsqu’il battit le général Vandamme en 1813 à Kulm, où mon brave compatriote perdit un bras ».

Mais à Naples, où le superintendant général de la Santé a été sollicité, la réponse est négative. On est tout au plus disposé à raccourcir de trois jours la quarantaine. Le 28 février, von Stackelberg réitère sa demande en faveur du comte. Ce dernier est prêt à donner sa parole qu’il n’a pas eu de contact avec d’autres bateaux que l’Hercules. Un nouveau refus émane du superintendant général de la Santé : les neuf jours de traversée ne peuvent faire partie de la quarantaine car la navigation a eu lieu sur un bateau marchand. Fort déçu, le comte von Stackelberg, avec la copie d’une lettre pleine de fureur émanant d’Ostermann-Tolstoï, fait parvenir un courrier au prince de Carruso :

« Je ne doute pas du sentiment pénible qu’elle fera naître en vous, mon Prince, à l’instar de ce que j’ai éprouvé moi-même. J’ose espérer que l’humanité, le Décorum de Votre Auguste Cour et l’intérêt bien entendu de Votre gouvernement dans un meilleur accueil des étrangers, surtout quand ils sont de marque feront aviser le Ministère de SA MAJESTE le Roi Votre AUGUSTE MAÎTRE à des moyens tels à les voir mettre à l’abri de vicissitudes semblables à celles encourues par mon malheureux et respectable compatriote ».218

Enfin, après dix-huit jours de quarantaine, Alexandre Ivanovitch peut enfin dire adieu aux petites tours de bois gorgées d’humidité et s’installer dans la somptueuse villa de Don Balsamo, pour préparer la suite du voyage.

Le 8 mars, on quitte Brindisi pour se rendre à Tarente, en suivant la belle route construite par Murat au temps où il était roi de Naples. En chemin, le comte tient à s’arrêter près de Manduria pour visiter un cloître de femmes. Deux nonnes et leur mère répètent indéfiniment et d’une seule voix : « Si Signore, si Signore ». Curieux, le comte pose des questions aux trois femmes :

« Pourquoi êtes-vous entrées dans ce cloître ?

– Pour sauver leur âme », répond à la place des nonnes le pieux serviteur du monastère.

Trani, Barletta, Cerignola, Foggia, Arriano, Avellino, Caserta, Capoue, Venafro, Sulmona, Popoli se succèdent. On traverse les Apennins, encore recouverts de neige et de glace, évitant de justesse quelques précipices. Cependant, peu avant Pescara, les voyageurs ont une aventure dramatique. Les chevaux, qui avaient été placés sur des barques pour traverser l’impétueux ruisseau de Pescara, deviennent intraitables et s’emballent sur un étroit chemin entre un long mur d’appui et un profond courant bourbeux. Il fait nuit, une pluie mêlée de neige transperce cochers et chevaux. La voiture est poussée contre le vide. Tout à coup, le timon se rompt. Deux roues cassent et s’effondrent, faisant entendre une suite de croassements. La scène est horrible. L’oreille du comte saigne. Finalement, tous arrivent à Pescara où il faut rester deux jours pour se remettre de ses frayeurs, regagner des forces et réparer la voiture. On reprend la route et on traverse Termo, Tolentino. En arrivant sur un col juste avant Serravalle, la neige et la lassitude contraignent voituriers et chevaux à s’arrêter et à se réfugier dans une auberge. Alexandre Ivanovitch est tellement déçu ! Il pourrait déjà être en Toscane au lieu de traîner en Ombrie. Il a même une violente altercation avec son médecin. Deux jours plus tard, le temps s’étant amélioré, on quitte les hauteurs et on traverse Foligno, Assise, Cortona, on longe le lac Trasimène. Encore une halte à Arezzo pour déjeuner avant de s’arrêter, dans la soirée, à Monte Varchio d’où le comte enverra un courrier rapide à Maria, pour annoncer son arrivée à Florence le lendemain 7 avril. Sera-t-il attendu, accueilli, reçu ? Et comment ?


182 En réalité, il était le seul candidat !

183 Johann Joachim Winckelmann, célèbre archéologue allemand, défenseur passionné de l’art grec, qui a effectué de nombreuses fouilles en Italie. Il fut assassiné dans son lit à Trieste par un repris de justice.

184 Tagebücher de Fallmerayer, conservés au Musée Ferdinandeum d’Innsbruck. Les deux premiers cahiers relatent son premier voyage en Orient avec le comte Ostermann-Tolstoï.

185 Lettre du 1er septembre 1831 à son ami J. N. A. Mayr tirée des lettres de Fallmerayer, édition Miterrutzner, 1887, 9f.

186 « La course ».

187 Voir la note 145, chapitre 9.

188 Lettre du 10 septembre 1831.

189 Edition Mitterrutzner.

190 Tagebücher, erste Band, 19 décembre 1831.

191 Cet Arménien originaire de Smyrne est un miraculé. A la suite d’un échange un peu vif avec le chef du pays, il avait encouru la disgrâce de son maître qui avait hurlé : « qu’on le traîne par le pied » ! Cela signifiait la mort de Boghos Youssoufian, qui, fort heureusement, tomba sur un garde à qui il avait rendu service. Celui-ci fit semblant de le conduire au fleuve où son cadavre devait être jeté, puis le cacha durant une semaine. Quelques jours après avoir condamné son premier ministre, MehmetAli, embrouillé dans ses comptes, se plaignit amèrement : « Ah !, si Boghos était là, il me tirerait d’embarras » ! Alors le garde prit le risque d’avouer au vice-roi toute la vérité, et ce dernier, enchanté, lui ordonna d’aller immédiatement chercher Boghos, « s’il ne voulait pas être découpé en morceaux ».

192 Traducteur entre les consulats et la puissance ottomane. Le dragoman a beaucoup de pouvoir et gagne passablement d’argent.

193 Probablement du monastère de Sainte-Catherine.

194 Tagebücher.

195 En Nubie.

196 Tagebücher, le 13 juin 1832.

197 « Le Comte Ostermann-Tolstoï » tiré du Journal de Genève, le 6 avril 1857, article de Gustave Revilliod.

198 Tagebücher, 23 novembre 1832.

199 Lettre à Mayr d’Alexandrie, le 23 octobre 1831.

200 Tagebücher, 12 décembre 1832.

201 Tagebücher, 10 décembre 1832.

202 Tagebücher, 24 février 1832.

203 Tagebücher, 28 janvier 1834.

204 L’armée égyptienne, sous la conduite d’Ibrahim, s’était déjà emparée de Gaza, Jaffa, Haïfa. Damas s’était rendue. Plus tard les Turcs enverront de nombreuses troupes contre l’armée égyptienne mais seront vaincus et la Syrie sera laissée à l’Egypte.

205 Prince royal de Bavière, devenu roi de Grèce en 1832.

206 Membre de la Régence, Premier ministre du nouveau gouvernement grec.

207 Tagebücher, 2 février 1833.

208 Tagebücher, 20-31 décembre 1832.

209 Lettre du 29 mars 1832. On se souvient que le comte avait fait envoyer au ministre des Affaires étrangères Fossombroni le buste d’Alexandre Ier sculpté par Rauch. Le ministre avait répondu au comte.

210 Lettre de Maria à Lamporecchi, le 15 juin 1833.

211 Tagebücher, 17-23 février 1833.

212 Giulia Dionisia, née le 18 avril 1833.

213 Où sera plus tard enseveli le poète Khalil Gibran.

214 En latin. Journal de Fallmerayer.

215 Ostermann avait été favorable à l’émancipation de la Grèce et partisan d’un gouvernement s’appuyant sur une constitution.

216 Tagebücher, 17 février 1833.

217 Tagebücher, 18-28 février 1833.

218 Lettre du comte de Stackelberg au prince de Carruso, le 18 mars 1834.