A la via Ghibellina, tout est prêt. On imagine l’excitation des enfants à qui on a tant parlé de leur père, tant raconté d’histoires décrivant ses exploits militaires d’autrefois. En ce jour de retrouvailles, la Signora Cresci a veillé elle-même au choix de leurs vêtements. Les Osterfeld ont beaucoup changé. Nicolas est un splendide garçonnet de dix ans. Il a des yeux châtains, des cheveux foncés et ondulés, une bouche bien dessinée semblable à celle de Maria. Catherine n’a rien perdu de son ravissant visage pensif, mais elle a beaucoup grandi. Quant à la petite Agrippine, moins jolie que sa sœur, elle charme par sa vivacité, sa volubilité et des propos fort amusants.
Le 7 avril à l’heure de midi, la berline du général Ostermann-Tolstoï pénètre majestueusement dans Florence par la Porta Romana. Elle emprunte le borgo San Piero in Gattolino, la via dei Mori, la via Romana, la via Maggio jusqu’au pont San Trinita qu’elle traverse avant de longer le quai de l’Arno. Au pont delle Grazie, elle s’engage sur la gauche en direction de la via Ghibellina qu’elle remonte avec lenteur pour s’arrêter devant le palais de Maria. Cette dernière est sur les marches de la résidence, entourée des Osterfeld, de Gustavo, âgé de deux ans et demi, et d’une domestique portant la petite Giulia, venue au monde l’année précédente. La Signora Cresci n’a guère changé. Ses traits fins se sont affirmés durant ces quatre dernières années. Sa taille s’est élargie après les naissances d’Alessandro, de Gustavo et de Giulia. Le général ne cache pas son émotion. Ni Maria.
Pourtant, le retour d’Ostermann pose un problème à la Signora Cresci. Que faire de cet ancien amant qui, après quatre ans d’absence, surgit à nouveau dans sa vie ? Veut-il loger au palais ? Amener ses propres domestiques ? Donner ses ordres ? Partager avec elle une certaine intimité ? D’une part elle en serait heureuse, d’autre part elle s’y refuse. Pourquoi ? Elle ne s’était guère encombrée de préceptes moraux lorsque mariée à Cristiano Lepri, elle avait accepté de quitter son époux pour le héros de Kulm. Mais cette fois-ci, Maria entend rester maîtresse de son cœur et de ses actions. Par ailleurs, elle a besoin d’Antonio, père de ses trois derniers enfants, présence masculine continue à ses côtés. Y aurait-il des sollicitations de la part d’Alexandre Ivanovitch qu’elle s’efforcerait de n’y point céder, raison pour laquelle la Signora Cresci a réservé une luxueuse demeure à la via Scala, de l’autre côté de la cité, pour Ostermann-Tolstoï et Fallmerayer. Ce dernier note dans son journal que toutes les chambres et les corridors sont couverts de tapis tandis qu’aux murs pendent de somptueux miroirs. Les lits sont larges et moelleux. Les fenêtres donnent sur un gracieux jardin orné de bassins. Quel luxe après l’inconfort des nuits orientales !
Dès lors et à plusieurs reprises, la Signora Cresci accueille pour des repas à la via Ghibellina le général et le professeur. Fallmerayer est impressionné par l’élégance des lieux, la délicatesse des mets. Au-dessus de la salle de musique, des tréteaux en bois supportent d’immenses candélabres qu’on descend par une ouverture dans le plafond, tout comme au palazzo Vecchio. L’effet est des plus décoratifs et majestueux219. Par la suite, et dans chacune de ses lettres au comte, Fallmerayer saluera avec respect « Madame ».
Voici que le 30 avril 1834, Girolamo Pagliari, qui depuis quatre ans habitait un petit appartement dans le palais, s’éteint. On ne sait de quelle manière. On dirait qu’il a choisi le retour du comte pour disparaître, lui dont la présence auprès de sa fille n’avait guère cessé depuis le premier mariage de Maria. Malgré son caractère égocentrique, rigide et colérique, cet homme, qui n’avait jamais vraiment trouvé sa place dans l’existence et qui avait souvent gâté celle des autres, s’était mis vers la fin de sa vie à rendre toutes sortes de petits services. Curieusement, dans aucune de ses lettres à Lamporecchi, Maria n’évoque le décès de son père ou n’exprime de sentiment de tristesse. Autre chose étonnante : en annonçant ou en faisant annoncer la mort de son père à l’église de San Giovanni, la Signora Cresci semble ignorer le nom et le prénom de Costanza Grilli, sa grand-mère paternelle. Quoi qu’il en soit, Girolamo est enseveli à côté de sa fille Anna dans le cloître de l’église Santo Spirito, où se trouvent encore aujourd’hui les deux plaques funéraires.
En l’absence d’Alexandre Ivanovitch, Maria avait eu bien des soucis avec son palais. Encore obligée d’en payer les intérêts sans pouvoir en régler la totalité, le Tribunal n’ayant pas encore classé l’affaire des créanciers, elle avait décidé de le mettre en vente. Les choses en sont là au moment du retour d’Ostermann, à qui Maria parle de son désir de vendre l’édifice. Soudain une solution est trouvée : Alexandre Ivanovitch achète le palais avec ses petites maisons attenantes pour le compte des Osterfeld. Il acquiert de la sorte un bien immobilier à Florence ainsi que le stipulait le décret de 1830, et les mineurs seront logés près de leur mère qui aura un meilleur contrôle sur leurs gouvernantes et leurs précepteurs. De plus, on économisera un loyer. Finalement le comte et Maria, s’ils le souhaitent, pourront se rencontrer quotidiennement puisqu’Alexandre Ivanovitch habitera le premier étage du palais avec les Osterfeld tandis que la famille Cresci en occupera le second.
Qui a eu cette brillante idée ? Le général ? La Signora Cresci ? Certainement l’avocat. Le comte rêve-t-il à de vraies retrouvailles avec Maria ? Probablement. On sait qu’il existe, entre les deux étages, un passage secret.
L’achat du palais Spinelli par le comte Ostermann-Tolstoï va nécessiter de la part de l’avocat d’innombrables échanges de lettres et de documents. Pour le comte, Lamporecchi établit non sans peine dans cette affaire compliquée de nouveaux contrats. Le 12 juillet 1834, devant le notaire Cosimo Vanni, Ostermann-Tolstoï s’engage à verser pour le palais et les maisons annexes la somme de 15 000 écus dont il remet immédiatement 3845 écus à la Signora Cresci. Le reste, déposé à Florence auprès du banquier Borri et Cie, sera versé à Maria après le classement des créanciers Spinelli.
Reste à faire estimer les lieux par un expert. Ce dernier observe qu’il faut réparer les terres cuites sur le toit du palais, entreprendre plusieurs réfections dans les trois petites maisons et surtout, de toute urgence, nettoyer le puits de la maisonnette de la via del Fico :
« Sur le peu d’eau qu’il y a maintenant flotte une bête morte qui pourrit l’eau. Il faudra vider le puits rapidement, ôter le vieil écoulement et en faire un nouveau ».
Enfin, les dix-huit documents concernant la vente du palais de Maria aux enfants du général Ostermann-Tolstoï sont prêts à être signés. Le Signor Bentinck-Golverton, locataire du premier étage, reçoit son congé. Il n’y a pas d’indication qui laisse penser à une opposition de sa part.
A la fin du mois de mai, le général quitte la demeure de la via della Scala pour occuper une villa220 sur les hauteurs de Florence221. Il emmène avec lui les Osterfeld, leur nouveau médecin Gustavo Höffler, leurs domestiques et gouvernantes, de même qu’un certain Carlo Meyer, théologien allemand et précepteur. Loin de la chaleur et des miasmes de la cité, les pupilles se livrent à toutes sortes de jeux et de promenades dans le parc rempli de dénivellations, d’à-pics, de gouffres, de sentiers, de ponts suspendus et de grottes. Une citerne qui surplombe la villa au sommet de la colline, fournit de l’eau aux habitants du « Boschetto ».
Curieusement, dans la grande villa du Monte Olivetto, le comte emmène également Maria et Antonio Cresci, leurs deux enfants et plusieurs domestiques. Quel genre de relations le général et Maria reprennent-ils ? On l’ignore. Toutefois, si Antonio ne dit rien et accepte une situation chargée d’ambiguïtés, il en est tout autrement de la domesticité. Un violent affrontement a lieu dans les cuisines entre le cuisinier du comte, un certain Settimio Casprini, et la femme de chambre de Maria, Maddalena Magnelli. Cette dernière se voit giflée par Casprini qui est congédié sur l’heure. Il ne manquera pas de se plaindre, exigeant une indemnité que le général lui refusera, la jugeant trop importante. Si de pareils tiraillements ont lieu dans les cuisines, on imagine qu’ils pourraient être le reflet d’autres frictions et malaises existant entre la Signora Cresci, Antonio et le comte. Celui-ci n’a guère perdu l’habitude de commander. Maria tient tête. Il se met en colère. Elle obtempère, fait preuve de douceur et d’habileté. Il finit par céder.
Combien de temps le général séjourne-t-il en Toscane ? Des bruits courent qu’il va se rendre en Russie afin de retirer de ses avoirs certaines sommes pour les Osterfeld. Plus tard, la chronique dira222 que pour subvenir à leurs besoins, il fera couper une partie des forêts séculaires qu’il possède à Illinskoïe, aux environs de Moscou. Si le comte s’appuie volontiers sur le tuteur, sur le médecin au service des pupilles et sur la mère de ses enfants, on ne peut pas dire qu’il ne se préoccupe pas des mineurs. A sa manière ardente et non-conformiste, il les chérit. Plus que d’autres pères de son temps. Lui-même ayant été séparé de sa famille dès son jeune âge, il ne comprend pas la nécessité d’être auprès d’eux. Pour lui qui avait adoré sa mère Agrippina Bibikova, c’est le maternage et la tendresse d’une mère qui importent, comme le soleil sur une plante. Et parce qu’Ivan M. Tolstoï, son propre géniteur, vieux Russe sans fortune, n’a laissé que des souvenirs pénibles et douloureux dans le cœur de son fils, Alexandre Ivanovitch doute de sa capacité à être un bon père.
En attendant son départ de Florence, le comte a encore des choses à régler à son ancien domicile de la via della Scala. Ayant trouvé à son retour d’Egypte un perroquet, il avait hébergé l’oiseau qui avait causé d’importants dégâts au mobilier de la maison. Puisque Ostermann a coutume de quitter chaque domicile en y laissant ses affaires, ce perroquet avait été ensuite gardé et nourri en son absence par un certain Signor Carraresi, propriétaire de la maison. Celui-ci exige d’être dédommagé pour les dégâts causés par l’oiseau, ce que Lamporecchi règle pour la somme de 40 lires. Satisfait, le bonhomme s’engage à ne plus avancer d’autres prétentions et signe un accord devant l’avocat, devant témoins et devant le comte.
Toujours soucieux de l’éducation de ses pupilles, Ostermann-Tolstoï charge Fallmerayer, dès son retour à Innsbruck après le voyage en Orient, de trouver une institutrice pour enseigner l’allemand aux filles. Le professeur n’agissant pas assez vite aux yeux du comte, ce dernier se tourne vers le médecin Gustavo Höffler pour lui confier la délicate mission d’engager une gouvernante. Dès que possible ! Höffler, avec l’aide de sa sœur habitant Munich, trouve une institutrice en la personne de l’Allemande Frédérique Fahrer223.
Qui est le Dr. Höffler ? Originaire de Memmingen, entre Constance et Munich, âgé de vingt-cinq ans, il est tout le contraire d’Enrico Nespoli. Doté d’une personnalité terne, apathique, il ne prend guère d’initiative et montre peu de volonté. Il fait ce qu’on lui dit, sans remarquer les problèmes qui pourraient surgir à propos des mineurs. Certes, il est calme ; mais ni Alexandre Ivanovitch ni Maria ne semble se rendre compte que le Dr. Höffler est peu fiable, peu rigoureux, et que sa relation avec Nicolas, Catherine ou Agrippine pourrait devenir équivoque. A la Signora Cresci, il convient parce qu’il obéit à ses ordres sans la contredire. Le comte l’apprécie parce qu’il peut lui dicter ses lettres. Aveuglé par l’obéissance et le respect qu’on lui témoigne, Alexandre Ivanovitch est parfois naïf ; il ne voit que trop tard les failles chez les autres. Alors il s’emporte.
Tous ces médecins, gouvernantes, instituteurs et institutrices autour des jeunes pupilles ! A Florence, on s’étonne. Il faut savoir que dans les maisons des nobles russes, les enseignants étrangers sont comme des meubles de salon, en particulier dans la première partie du XIXe siècle, avant l’abolition du servage. Souvent isolés à la campagne, les enfants des familles aristocratiques ne fréquentent pas l’école. Les tuteurs, précepteurs, éducateurs et éducatrices sont importés de France, d’Allemagne, d’Angleterre ou de Suisse. Entre leurs employeurs et les domestiques, ils occupent une position difficile.
Depuis son retour d’Orient, le comte s’intéresse particulièrement à l’instruction de Nicolas. Ce dernier est un petit gaillard vif, plein d’entrain, peu intéressé par l’étude. Toujours de bonne humeur, farceur, il enjôle son entourage. Alexandre Ivanovitch est sous le charme de ce fils unique. Cependant, il lui tient à cœur de lui faire donner une meilleure instruction que celle que reçoit Nicolas à Florence. Le moment est venu d’envoyer le garçon à l’étranger. C’est alors qu’Ostermann se tourne vers le Genevois Moïse Droin, qui vient d’être nommé pour remplacer le pasteur Demole comme titulaire de la chaire de l’église évangélique allemande de Florence. Depuis quelques semaines, Moïse Droin vient enseigner l’histoire et le français aux jeunes Osterfeld. Le comte est sensible au charisme de l’homme. Il subit son emprise et se laisse influencer par la force de persuasion du pasteur lorsqu’il décrit les nouvelles méthodes d’éducation en Suisse. Moïse Droin a travaillé à Vernier, près de Genève, comme professeur à l’institut bien connu de François Naville. Il évoque les noms de Johann Heinrich Pestalozzi à Yverdon, de Philipp Emanuel von Fellenberg à Hofwyl, près de Berne, du père Grégoire Girard et de la Genevoise Catherine Mathilde Calandrini qui a diffusé à Pise une éducation populaire enfantine224. Il parle de L’Education progressive ou l’Etude du cours de la vie, ouvrage d’Albertine Necker de Saussure devenu célèbre dans toute l’Europe et réédité fréquemment entre 1828 et 1838. Ostermann a probablement une connaissance floue des systèmes préconisés par ces différents pionniers, mais il est gagné par l’enthousiasme du pasteur et par son absolue certitude de connaître la bonne voie pour Nicolas. A coup sûr, a-t-il conseillé, il faut placer le jeune Osterfeld dans un institut à Genève. Lui-même, Moïse Droin, le choisira. Le comte s’en explique à Ranieri Lamporecchi :
« Vous savez, Monsieur le Chevalier, que j’ai destiné Nicolas Osterfeld pour le commerce ; ainsi il est temps de penser à son éducation. Je me suis décidé à l’envoyer à Genève. J’ai eu l’avantage de faire la connaissance ici d’un citoyen de cette ville, d’un homme, qui sous tous les rapports a les droits sur notre confiance, Mr. Troyen [pour Droin], ministre du culte réformé à Florence, que j’ai chargé de mener Nicolas Osterfeld à Genève et de le placer dans un institut. Comme ce départ ne peut avoir lieu que pendant mon absence, veuillez bien avoir l’amitié de fournir l’argent du voyage des sommes précédemment citées, de faire délivrer les papiers nécessaires à notre pupille Nicolas Osterfeld, et Vous mettre en relation directe avec Mr. Troyen [pour Droin] pour le paiement, que nous serons en cas de faire dans l’institut à Genève.
Mille fois pardon si je Vous interromps dans Vos occupations, mais l’amitié que Vous me témoignez et un cœur aussi bien placé que le Vôtre, me sont garants, que Vous excuserez mes importunités ; et agréez les assurances de la haute considération avec laquelle j’ai l’honneur de me nommer
Monsieur le Chevalier
Votre [paraphe illisible, de la main du comte]
Ostermann-Tolstoï » 225
Pourquoi destiner Nicolas au commerce ? Qui a mis cette idée dans la tête du comte lorsqu’on sait que la plupart des jeunes gens en Russie n’apprennent aucun métier ? Beaucoup embrassent une carrière militaire, ce qui n’est guère concevable pour Nicolas puisqu’il ne sera jamais reconnu par le tsar Nicolas Ier et, de ce fait, par la cour. Il faut donc envisager une profession en Europe de l’Ouest. Et pourquoi pas dans les affaires, dans le commerce au sens large du terme, y compris dans la banque ? Liée par des réseaux, l’activité bancaire se pratique sur le plan international. Le comte juge certainement utile que son fils connaisse le monde de la finance afin de rentabiliser la somme mise de côté pour luien Russie. Ce montant constitue un important capital qui pourrait aider Nicolas à devenir un jour associé dans une banque.
Dans cette même lettre du 12 mars 1835, à la veille de son départ pour la Moscovie, Ostermann-Tolstoï remercie le tuteur :
« Avant de quitter Florence, je me fais un agréable devoir de Vous réitérer ma reconnaissance pour les soins que Vous avez pris et l’intérêt que Vous avez témoigné à mes pupilles Nicolas, Catherine et Agrippine Osterfeld pendant mon voyage dans l’Orient. Me voilà à la veille de partir pour mon pays je m’empresse de Vous communiquer les mesures que je pris, que rien ne leur manque pendant mon absence. D’après Vos assurances amicales j’espère que vous me pardonnerez ces détails.
Ainsi je prends la liberté, Monsieur le Chevalier, de Vous prévenir, que j’ai déposé dix-huit mille lires toscanes dans la maison de Mr. Morris Ulrich à Livourne avec ordre de fournir chaque premier du mois deux mille lires pour les dépenses de mes pupilles Osterfeld sous Votre quittance ; laquelle somme Vous aurez la complaisance de remettre à Mr. le Docteur Höffler, qui est chargé par moi de payer les gouvernantes, les maîtres et les domestiques, ainsi que de surveiller les dépenses courantes de mes pupilles Osterfeld.
J’ai placé encore quatre mille lires toscanes chez Mr. Borry (sic) à Florence, pour fournir sous Votre quittance aux dépenses extraordinaires imprévues de nos pupilles ».
Que peut-il faire encore pour les Osterfeld avant de les quitter ? Laisser dans les mains de l’avocat la copie de deux bons, chacun d’une valeur de 50 000 roubles, déposés au Département des Innocents et mont-de-piété de Saint-Pétersbourg et rapportant un intérêt de 4 %. De plus, le directeur général du patrimoine d’Ostermann-Tolstoï à Saint-Pétersbourg, le lieutenant à la retraite Mikhaïl Ignazio Galianov, sera chargé au début de l’année 1835 d’envoyer la somme de 12 000 roubles à Lamporecchi pour l’entretien et l’éducation des pupilles. En outre, l’avocat recevra une longue lettre du comte 226 :
« Au cas où je mourrais, [je veux] que Vous écriviez au susdit Mr. Galianoff et qu’en l’avertissant que vous avez les copies signées par lui-même des bons existant en original chez lui, vous l’invitiez à [les] retirer et vous en transmettre la valeur ».
Comment Maria accepte-t-elle l’idée de se séparer de Nicolas ? En réalité fort mal. Elle semble avoir développé un attachement et une tendresse pour cet aîné qu’elle n’exprime pas dans les mêmes termes à ses autres enfants. Plusieurs indices montrent qu’elle perd la maîtrise d’elle-même chaque fois que le comte aborde le sujet du départ de Nicolas. Mais Ostermann comprend ceci : la Signora Cresci doit être épargnée car depuis le début de l’année 1835, il devient visible qu’elle est à nouveau enceinte. La petite Giulia aura bientôt deux ans, Gustavo en a quatre. Même au second étage du palais, il y a place pour une famille nombreuse avec plusieurs domestiques. Quel effet a sur le comte la nouvelle grossesse de la Signora Cresci ? Le bébé ayant été conçu au début du mois de septembre, il n’est pas impossible qu’il en soit le géniteur. Ne se trouvait-il pas au « Boschetto » avec les Cresci pendant l’été et une partie de l’automne ?
219 Ces tréteaux existent toujours dans le palais Ciofi Jacometti, l’ancienne demeure de Maria.
220 La maison est dite le « Boschetto ». Elle appartient à une branche de la famille Strozzi, princes de Forano.
221 Au Sotto Monte Olivetto.
222 Lajetchnikov I.I. Quelques notes et souvenirs au sujet de l’article « Données biographiques de A.P. Ermolov », p. 474.
223 Cette dernière causera par la suite toutes sortes de problèmes à Maria, à Lamporecchi et même au comte.
224 Les écoles qu’elle a fondées à Pugnano et Vecchiano ont été fermées en 1832-1833, Mathilde Calandrini ayant été accusée de prosélytisme protestant.
225 Lettre du 12 mars 1835. En français.
226 Datée du 4 mars 1835.