Nombreuses sont, à la fin du XVe et au début du XVIe siècle, les compositions à destination religieuse dans lesquelles un saint, un prophète, un martyr ou un dignitaire de l’Eglise présente au spectateur un groupe (généralement une Vierge à l’enfant) qui prend valeur d’icône. Avec les coupoles du Corrège et — dans un contexte très différent — les peintures de Zurbaran, on n’a plus affaire à la présentation d’une image mais à la représentation d’une vision. L’important — et c’est par là que les décors de Parme et nombre des tableaux de Zurbaran échappent aux normes de l’imagerie pieuse — est que le spectateur n’ait accès à la vision miraculeuse que par le détour, le relais d’un intercesseur, lui-même souvent assisté d’intermédiaires, angéliques ou autres. Répétons-le : par la grâce de la peinture, le spectateur est admis à embrasser d’un seul regard et la représentation d’un individu en oraison et celle de l’apparition dont il constitue le support (comme le dénote clairement l’attitude de l’Alonso Rodriguez ou du Saint François de Zurbaran aussi bien que celle des Apôtres de la cathédrale de Parme, qui paraissent soutenir, de leurs bras largement ouverts, le registre céleste). Support, relais peut-être indispensables : là même où il est besoin de quelque application pour le découvrir, le témoin est présent, figure souvent minuscule (cf. la Vision d’Ezéchiel de Raphaël) et parfois à peu près invisible, comme l’est l’Evangéliste du Corrège, si bien dissimulé par la saillie de la corniche qu’on aura longtemps regardé l’image comme une Ascension et non comme l’apparition du Christ à saint Jean, dans l’île de Patmos, telle que la décrit l’Apocalypse.
Le Corrège n’aura cependant pas suivi à la lettre le texte de l’Ecriture : « Le voici qui vient sur les nuées. Tout œil le verra, et ceux même qui l’ont percé1. » La figure du Christ, loin qu’elle soit établie sur une assise de nuages (comme le sont celles des Apôtres qui font cercle autour de lui) demeure suspendue dans un espace indécis, sur un fond doré, et sa position devait choquer nombre des contemporains du peintre et jusqu’à Burckhardt2. Certes, l’adoption de la perspective de bas en haut (dal sotto in sù) rendait difficile la représentation d’une descente du Christ sur un tapis de nuées, suivant le principe adopté par Raphaël dans la Vierge de Saint-Sixte. Mais dès avant le XVIe et encore au XVIIe siècle, la mise en peinture (au sens d’une mise en scène) des transports, ascensions et apparitions du Christ paraît avoir posé des problèmes d’ordre aussi bien figuratif que théologique. Loin de suivre la leçon, pourtant explicite, des textes bibliques, et s’agissant aussi bien de l’Ascension3 que de la Parousie4, il semble que beaucoup aient hésité non pas à reconnaître au Christ des pouvoirs de lévitation, mais à feindre que ces pouvoirs aient été assujettis à un appareil quelconque, à un accessoire auquel s’attachaient des connotations parfois équivoques5. Passe encore qu’il faille aux élus emprunter un véhicule de nuées pour rejoindre le ciel6 ; passe encore pour la Vierge ; mais le Christ ? Le même Titien qui aura établi la Vierge des Frari sur une nuée bien fournie, fait s’élever le Christ d’Urbino à bonne distance du sol, sans le secours d’aucun appui. Il serait facile de multiplier les témoignages figurés, souvent contradictoires, qui révèlent l’existence, au XVIe siècle, d’un problème de représentation dont témoigne encore le fait que le Corrège n’ayant pas cru devoir suivre à la lettre le texte de l’Evangile et ayant dispensé le Christ du support que lui accorde l’Apocalypse, la Vision de saint Jean aura longtemps été tenue pour une Ascension : comme si l’essence divine du Fils de l’homme s’était mal accommodée d’un pareil support, lors même que les nuées paraissent constituer le revers dont s’ourle une gloire dorée, comme c’est le cas pour la coupole de Parme, l’Assomption des Frari et quantité de compositions célestes ou sur double registre.
L’emploi du nuage ou de nuées dans la figuration d’une Ascension, d’une Assomption, voire d’une assemblée céleste, d’une Gloire ou d’un « Paradis », impliquait un choix implicite quant à la nature et aux fins de la représentation7. Au XVIIe siècle, lorsqu’un Piero Testa projettera de peindre dans l’abside de Saint-Martin-aux-Monts, à Rome, une « Gloire du paradis », il prétendra rompre avec les principes alors en honneur et « la représenter sans nuages », disant que c’était une très grave erreur que d’entourer le Trône de Lumière et la Demeure des élus avec des nuées. Car « de tels lieux sont havres de paix et de sérénité éternelle, et les nuages n’y apportent que turbulence et obscurité8 ». Mais que dire là où le peintre, non content d’utiliser les nuées au titre d’accessoires de ce qu’il faut bien appeler une mise en scène, donne le nuage pour attribut, sinon pour vêtement à telle des figures de son théâtre ?
L’étonnante image de l’Apocalypse de Dürer (1498) où l’on voit l’Evangéliste dévorer le livre que lui tend un ange dont les pieds sont comme des colonnes, mais dont le corps est dissimulé tout ensemble par une nuée et par les rayons qui émanent de son visage, cette image suit en fait à la lettre la leçon de l’Evangile9. Et les textes abondent dans l’Ecriture, qui justifient l’utilisation du nuage à des fins à la fois spectaculaires et figuratives. N’est-ce pas sous la forme d’une colonne de nuée que Iahvé dirigea son peuple au sortir d’Egypte, suivant la représentation qu’en a donnée Raphaël aux Loges du Vatican, — d’une colonne (pour mieux dire) où les nuées alternaient avec le feu, soit que Iahvé ait voulu éclairer la nuit ou en épaissir les ténèbres (Exode, XIII, 21-22 ; XIV, 19-20) ? Encore cette alternance ne suffit-elle pas à rendre compte des fonctions hiérophaniques de la nuée et du rapport que celle-ci entretenait avec le feu que parfois elle abritait : loin qu’on puisse y reconnaître la manifestation immédiate du Dieu d’Israël, la nuée apparaît d’abord comme un écran que celui-ci étendait sur son peuple pendant le jour, comme un ombrage (Psaumes, CV, 38 ; Sagesse, X, 17-18), et qui, lorsqu’elle couvrait la Tente du rendez-vous qu’emplissait sa Gloire, en interdisait l’entrée aux fils d’Israël (Exode, XL, 34-38). Il est écrit que Iahvé descendait dans cette nuée pour s’y entretenir avec Moïse. Mais ce n’est pas à dire que celui-ci, s’il lui parlait « comme parle un homme à son prochain » (ibid., XXXIII, 9-10 ; XXXIV, 5), ait été admis à contempler sa face10 : la Gloire de Iahvé est un feu dévorant qui ne peut apparaître qu’à l’intérieur de la nuée11. Nul ne peut vivre qui ait vu la face de Iahvé, laquelle doit demeurer cachée, comme son nom même : les hommes de Pharaon l’auront appris à leurs dépens ; et Moïse lui-même n’en aura aperçu que le revers. Présente dans la nuée qui en autorise la manifestation à proportion qu’elle la dissimule, la Gloire de Iahvé ne se donne à voir qu’en se dérobant, de même que son nom, lorsque le peuple ne le connaîtra plus que sous les espèces d’un tétragramme improférable, ne pourra plus être prononcé par les prêtres qu’à voix basse, et de façon indistincte, pendant la récitation des prières12.
« Je ne veux pas vous laisser ignorer, frères, que nos pères ont tous été sous la nuée, qu’ils ont tous traversé la mer, et qu’ils ont tous été baptisés en Moïse dans la nuée et dans la mer… Or ces choses ont été des figures de ce qui nous concerne13. » Ces lignes de la première Epître aux Corinthiens ne manifestent pas seulement l’importance de la nuée où s’annonce la Gloire divine dans l’iconographie mentale du christianisme ; elles apportent aussi une manière de justification préalable aux efforts des humanistes, bientôt suivis par les artistes et les clercs, au premier rang desquels les jésuites, pour constituer une science descriptive des images allégoriques, « devises », « emblèmes », et autres illustrations symboliques qui captivaient les imaginations depuis la découverte, en 1419, des Hieroglyphica d’Horapollon. Or le nuage qui révèle en voilant, qui donne à voir en dissimulant, apparaît là encore comme l’un des termes clés, voire comme l’index d’une discipline liée à l’écriture dans son projet le plus fondamental. Ne visait-elle pas, cette discipline, à découvrir un équivalent moderne des hiéroglyphes, lesquels étaient alors tenus — comme on le voit encore chez le père Kircher — pour une forme d’écriture purement figurative, et dont les signes appelaient une interprétation métaphorique14 ? Ces choses ont été des figures de ce qui nous concerne : pour les humanistes, il en était à cet égard des inscriptions égyptiennes comme des récits de la Bible, des oracles des Prophètes, des paraboles du Christ, des fables des Anciens, et en général de toutes les figures dont le traducteur français de la célèbre Iconologie de Cesare Ripa devait écrire que leurs inventeurs les ont « couvertes d’espais nuages, afin que les Ignorans et les Doctes les peussent comprendre d’une différente manière, et qu’ils ne pénétrassent esgalement dans les secrets de la nature15 ».
Le imagini jatte per significare una diversa cosa da quella, che si vede con l’occhio16, les images faites pour signifier une chose différente de celle qui est donnée à voir, et qui appartiennent aux peintres, c’est-à-dire à ceux qui savent représenter, par le moyen des couleurs ou de tout autre médium, une chose qui diffère de cet analogon mais qui ressemble à la chose signifiée17, ces images qui font (pour reprendre la terminologie de Paolo Giovo18) le corps signifiant de la figure doivent éveiller en l’esprit le désir de découvrir le signifié, le concept ou l’idée qui en est l’âme. Mais cette « âme », il n’est pas donné à tous de l’apercevoir, dissimulée qu’elle est par les voiles et les nuées de la métaphore ou de l’allégorie, voire par ceux, autrement subtils, dont s’auréole telle représentation articulée, selon les termes mêmes du Préambule de Ripa, sur le mode d’une définition19. Les connotations philosophiques, tout ensemble néoplatoniciennes et aristotéliciennes, de cette théorie20 indiquent qu’il en est des recueils emblématiques comme du trop célèbre décret du concile de Trente sur l’emploi légitime des images, lequel prend place, historiquement, entre le premier exemple du genre, les Emblk emata d’Alciat (Lyon, 1530), et l’Iconologie de Ripa (1re éd., Rome, 1593), qui en propose la théorie systématique : loin de constituer le point de départ d’un âge que certains n’hésitent pas à qualifier d’emblématique21, cette littérature marque, à bien des égards, l’aboutissement de plus d’un siècle de spéculation humaniste. On observera seulement que si elle connaît aujourd’hui une vogue considérable parmi les érudits, bien peu se soucient d’en dégager les implications non seulement iconographiques mais iconologiques, au sens littéral du terme, et de mettre au jour les principes tout à la fois sémantiques et syntaxiques auxquels obéissent les véritables énoncés figuratifs dont on trouve la description et l’explication dans nombre de ces recueils. Or c’est à ce niveau, et à ce niveau seulement, qu’on aura chance de repérer une évolution qui semble avoir été d’ordre essentiellement théorique : loin d’être contemporaine de la parution des premiers recueils, lesquels ne firent qu’entériner le triomphe d’une veine allégorique à laquelle Raphaël avait déjà payé tribut, elle n’interviendrait qu’à la fin du XVIe siècle, lorsque Ripa travaillera à définir en des termes encore ambigus les arcanes d’une langue des images que le XVIIIe siècle n’hésitera pas à tenir pour universelle22.
Un exemple emprunté à l’Iconologie de Ripa suffira pour faire entrevoir ce qui paraît s’être noué, sur le plan théorique, au détour de l’âge classique. S’agissant de dépeindre la « Beauté » (se dovendo dipingere la Bellezza), de la dépeindre, c’est-à-dire, au sens strict, de la décrire et représenter par le moyen d’une image articulée à la façon d’une proposition, et qui soit mesure de la chose signifiée (la cosa significata nell’imagine) comme la définition est mesure de la chose définie (comme la definitione è misura del definito), le peintre ne saurait suivre l’exemple de ces « Modernes » qui prétendent montrer la qualité essentielle par le détour de ses effets contingents. La Beauté n’est pas un prédicat, mais une proportion : mais ce n’est pas à aire qu’une image belle et bien proportionnée l’exprime adéquatement. Il n’y aurait là que tautologie (un dichiarare idem per idem), quand ce ne serait vouloir représenter une chose inconnue par une autre qui le serait tout autant, et prétendre par exemple à faire voir distinctement le soleil par le moyen d’une chandelle. Pareille figure n’aurait avec la chose signifiée qu’un lien accidentel : la « ressemblance » (qui implique donc différence) lui ferait défaut, qui est l’âme de l’image (Non haverebbe la similitudine, che è l’anima).
Fig. 1. La Beauté. Figure extraite de l’Iconologie de Ripa.
Comment procédera donc le peintre qui veut signifier, par les moyens de son art, une chose différente de celle qu’il donne à voir ? Il travaillera à former une figure dont les parties correspondent terme à terme à celles de la chose signifiée, tout en étant disposées dans un ordre conforme à celui des éléments de la représentation23, de telle façon qu’elles constituent un ensemble si bien cohérent (che tutte queste parti facciamo insieme un’armonia talmente concorde) qu’on ne sache ce qu’il faut le plus admirer, de l’exacte proportion qui existe entre les deux choses, ou du bon jugement de celui qui a su si bien ordonner les parties que le spectateur n’a à connaître que d’une seule chose, mais parfaite et délectable. Il représentera la Beauté sous les espèces d’une femme nue, tenant en sa main gauche un lys et dans la droite une sphère et un compas, et dont la tête se perd dans les nuages, tandis que le reste de son corps demeurera peu visible, présenté qu’il est au sein d’une gloire éblouissante. C’est, traduira Jean Baudoin, qu’« il n’est pas moins difficile de la peindre que de la regarder, sans estre éblouy des rayons qui l’environnent. Et bien qu’elle n’écoute pas volontiers les louanges que lui donne la Renommée, qui n’en peut parler assez dignement, l’une et l’autre néanmoins ont la teste enveloppée d’un nuage24 ». On retrouve ici, de façon significative, le couple gloire/nuée. Mais il vaut à cet égard de noter en quels termes Cesare Ripa lui-même justifie le recours à une pareille signalétique : « La Beauté se doit peindre avec la tête perdue dans les nuées ; car il n’y a pas de chose de laquelle on puisse plus difficilement parler dans une langue mortelle, et qui se puisse moins facilement connaître par l’intelligence humaine, la Beauté n’étant rien d’autre, parmi les choses créées, qu’une splendeur qui dérive de la lumière de la face de Dieu, comme la définissent les platoniciens, la beauté première étant une chose qui lui est associée, mais dont l’Idée s’est ensuite communiquée, par un effet de sa bonté, à ses créatures, et apparaît comme la cause que l’on découvre dans celles qui l’ont reçue en partage : et de même que ceux qui regardent leur visage dans un miroir l’oublient aussitôt, comme le dit saint Jacques dans son Epître canonique, de même quand nous regardons la beauté dans les choses mortelles nous ne pouvons guère nous élever jusqu’à voir cette pure et simple clarté où toutes les clartés ont leur origine25. »
De la Beauté, on ne saurait voir la face, non plus que celle de Dieu, dont elle participe, mais seulement l’entrevoir à travers une nuée, comme on peut encore en reconnaître le reflet dans les êtres sensibles. L’image qu’en propose Ripa ne se réduit donc pas à une allégorie (si l’on met à part les attributs dont elle est dotée, et qui en désignent non pas la qualité essentielle mais les traits accessoires) : elle est construite à la semblance d’une définition, dont elle apparaît comme le substitut ; une définition qui suit les articulations naturelles de l’idée, que le bon dialecticien doit savoir analyser en ses éléments sans rompre aucune partie26. Il semble donc (mais on verra que l’apparence est pour une part trompeuse) qu’on s’approche ici de l’élément que Michel Foucault a défini comme étant celui de la représentation, au sens logique, discursif du terme : le rapport entre signifiant et signifié s’établirait sur le mode du donné pour, de la substitution, de la réciprocité, et d’une organisation strictement binaire où le signe apparaît comme une représentation doublée et redoublée sur elle-même : ainsi que l’énoncera la Logique de Port-Royal, « le signe enferme deux idées, l’une de la chose qui représente, l’autre de la chose représentée ; et sa nature consiste à exciter la première par la seconde (…) Quand on ne regarde un certain objet que comme en représentant un autre, l’idée qu’on en a est une idée de signe, et ce premier objet s’appelle signe27 ». Voilà pour la théorie du signe à laquelle souscrit l’âge classique ; mais voilà également qui suffit à démontrer qu’on ne saurait décider dans l’absolu des relations qu’entretient l’image avec le langage : ces relations ont leur histoire, et chaque époque paraît en décider à sa manière, qui lui donne peut-être, pour partie, sa cohérence, son unité. On empruntera encore à Foucault cette formule, sous l’éclairage de laquelle l’entreprise d’un Ripa prend son exact relief : à partir de l’âge classique, « le signe c’est la représentativité de la représentation en tant qu’elle est représentable28 ». Il n’y a de signe de la Beauté que dans la mesure où celle-ci se donne comme une représentation, susceptible à ce titre d’être à son tour représentée par un énoncé — image ou définition — qui puisse lui être substitué, qui lui soit absolument transparent : et il n’est pas jusqu’au signe de l’opacité, jusqu’au nuage où se dénonce la limite de la représentation, du représentable, qui ne soit exactement accordé au signifié qu’il dénote. Par-delà les nuées s’ouvre le règne de ce qui ne peut faire l’objet d’une représentation parce qu’il ne peut recevoir de nom, l’espace infini, ou indéfini, dont le silence inquiétera les esprits classiques aussi longtemps qu’ils n’auront pas découvert un langage qui permît de l’interroger, de l’analyser, de le faire parler.
S’agissant de Dieu ou de la Beauté, seule leur face est dérobée à la vue : au moins peut-on les nommer et, par la connaissance du nom, accéder à celle de la chose signifiée. Et si la tâche fondamentale du « discours » classique est en effet d’attribuer un nom aux choses, et en ce nom de nommer leur être29, on conçoit que la langue, la science des images (mais c’est tout un dès lors qu’une science n’est rien autre chose qu’une langue bien faite), l’iconologie ne dédaigne pas le secours des noms. Il est, écrit Ripa, des images communes, triviales, que chacun reconnaît au premier regard, et d’autres qui doivent au contraire demeurer énigmatiques ; mais la curiosité qu’éveille une image conçue selon les règles, le désir que le « corps » de la figure doit faire naître en l’esprit de découvrir la signification qui en est l’« âme », ce désir ne peut que s’accroître de la présence visible du nom de la chose signifiée (Questa curiosità viene ancora accresciuta dal vedere i nomi) : n’est-il pas de la nature du signe, comme le voudra encore la Logique de Port-Royal, d’exciter l’idée de la chose qui représente par celle de la chose représentée ? Du fait même du primat reconnu au signifié, de la transparence parfaite du signe à l’idée et de l’idée au signe, et du privilège qu’a la représentation, dans sa discursivité, de se représenter elle-même, sémiologie et herméneutique se superposent et se confondent : c’est une seule et même chose que d’analyser les signes et d’en découvrir le sens, puisque aussi bien le signifiant ne vaut comme tel que pour autant qu’il est exactement accordé au signifié30. Connaître une chose, c’est d’abord pouvoir la nommer (per che, comme l’écrit Ripa, senza la cognitione del nome non si puo penetrare aile cognitione della cosa significata) : la possession du nom, sinon sa présence visible autorise tout ensemble la lecture de l’image et son interprétation, soit — au sens que l’âge classique a donné à ce mot — la connaissance de la chose signifiée. Mais l’image, si elle apparaît ainsi comme un mode de connaissance, et qui donne accès à la chose qu’elle représente, ce n’est pas tant par la ressemblance que les parties visibles dont elle est constituée entretiennent avec les êtres et les objets du monde extérieur — encore que l’« imitation » continue de faire le ressort objectif de la figuration — que par celle qui existe entre la figure et la chose signifiée, similitude fondée sur l’ordre et la mesure et qui fait de l’image ainsi conçue une façon de définition (per che questa sorte d’Imagini si riduce facilmente alla similitudine della definitione).
L’image doit être mesure du signifié comme la définition l’est de la chose définie. Mais ce langage ne doit pas abuser : la mesure importe moins ici que la comparaison, l’analogie qui définit l’espace poétique de l’image. La théorie de la métaphore, de l’expression comme voile et vêtement, de la figure qui montre en dissimulant, cette théorie emprunte en fait plus à la double tradition néoplatonicienne et aristotélicienne qu’elle n’innove sur le plan philosophique. Si même la comparaison procède selon l’ordre de la pensée, en suivant les articulations de l’idée, elle n’échappe pas pour autant à l’élément de la ressemblance (la similitude) dont Foucault — comme on l’a déjà rappelé — a montré quel rôle bâtisseur elle a joué dans le savoir occidental jusqu’à la fin du XVIe siècle, organisant les figures du savoir et conduisant l’exégèse, la connaissance des choses de la nature et jusqu’à l’art de la représentation : une similitude fondée sur la contiguïté, la sympathie, l’analogie, le rapport du même au même, et qui conférait aux signes la valeur de métaphores31. Ripa critique le dichiarare idem per idem, la métaphore qui se ramène à une tautologie ; mais il ne renonce pas pour autant aux prestiges des figures de la similitude, ceux-là que dénoncera Descartes, après Bacon, au nom de l’ordre et de la mesure32. Là où la logique classique établira le signe dans la dépendance d’une organisation binaire, fondée sur la réciprocité du représentant et du représenté, les deux sortes de ressemblances où Ripa voit le nerf et la force de l’image bien formée (e sono queste due sorti di similitudine il nervo, e la forze della imagine ben formata) impliquent encore, comme le voulait la Rhétorique, une relation à trois termes : la première consiste en la proportion égale où deux choses distinctes entre elles sont par rapport à une troisième (nell’ egual proportione, che hanno due cose distinte fra se stesse ad una sola diversa da ambedue : à la ressemblance de la force on peindra la colonne qui soutient la bâtisse comme le fait, dans l’homme, la force qui lui permet de résister à l’adversité). La seconde joue quand deux choses distinctes se rejoignent dans une seule, différente d’elles (quando due cose distinte convengono in una sola differente da esse) : pour dénoter la grandeur d’âme, on prendra le lion, cette façon de procéder qui doit déjà moins à l’analogie, mais associe encore deux idées dans un signe unique, étant de l’avis de Ripa moins louable, encore que plus usitée.
Si ambigus, voire contradictoires qu’en soient les termes, le texte de Ripa n’en obéit pas moins, cependant, à une intention parfaitement explicite : il vise à la constitution d’une langue (une science) universelle des images ; et ce projet ne pouvait manquer d’entrer confusément en résonance avec celui d’une Grammaire générale, tel que devait le développer l’âge classique. Mais l’Iconologie de Ripa, au moins dans son propos théorique et encyclopédique, est un ouvrage à bien des égards exceptionnel33. Et rien n’autorise à penser que l’art du temps ait emprunté à la littérature emblématique autre chose que des motifs, des thèmes, des programmes iconographiques, ni que la théorie de l’expression figurée à laquelle elle obéit permette de rendre compte des développements contemporains de la peinture. Apparue dans le second tiers du XVIe siècle, cette littérature occupe, du point de vue historique, une position paradoxale. Là, en effet, où l’art du Quattrocento, à en croire l’interprétation traditionnelle, aurait défini les conditions et les règles d’une représentation « objective », affranchie des normes du symbolisme médiéval, il semble que la vogue que connurent, dès le siècle suivant, les travaux des emblématistes et autres « iconologues », témoigne au contraire de la résurgence d’un goût de l’allégorie, d’une passion de la métaphore dont les érudits se plaisent à retrouver l’écho dans les arts figuratifs. Comme s’il avait appartenu au peintre — tout de même qu’au poète : ut pictura poesis — d’assumer le rôle allégorique et de parler le langage de la ressemblance, de la similitude, dans un âge qui ne voulait plus connaître, sur le plan du savoir, que des identités et des différences sur lesquelles opère la mathesis, la science de l’ordre et de la mesure. Et pourtant l’allégorie telle que la conçoit Ripa n’en est pas moins solidaire, dans son articulation visible, de l’ordre pictural instauré au Quattrocento et auquel obéira encore (comme en témoigne, au XVIIe siècle, la querelle d’Abraham Bosse avec l’Académie sur le statut de la perspective) la représentation classique (cf. 3.3.4.).
C’est ce que confirme, indirectement, l’attaque en règle menée par l’un des créateurs de la science moderne contre la poésie allégorique, et nommément celle du Tasse. L’allégorie, écrit Galilée dans ses Considerazioni al Tasso, contraint le lecteur à interpréter chaque élément comme une allusion abstruse à quelque chose d’autre. Elle oblige la narration naturelle, « originellement bien visible et faite pour être vue de face », à s’adapter à « un sens visé obliquement et seulement impliqué34 », à la façon de ces peintures qui ne donnent rien à voir à l’œil non prévenu qu’un chaos de lignes et de couleurs, ou un paysage informe, mais où se laissent découvrir, moyennant l’adoption du point de vue approprié, des portraits, des figures, voire des scènes entières qui y sont comme dissimulées, impliquées. L’anamorphose est solidaire, dans son principe, de la construction perspective, dont elle apparaît comme une façon de développement aberrant35. Mais l’analogie avec la peinture ne s’arrête pas là : le récit du Tasse, écrit encore Galilée, ressemble plus à un travail de marqueterie qu’à une peinture à l’huile ; les contours en sont durs, appuyés, les figures sèches, sans relief ni rondeur, les éléments en trop grand nombre et simplement juxtaposés, comme si le poète avait cherché à remplir systématiquement tous les vides. Outre qu’elle témoigne, comme l’a bien vu Panofsky36, du goût de Galilée pour un style plus « pictural », moins graphique, cette critique vient à son heure : elle manifeste le lien qui existe entre les procédés de l’allégorie et une pratique artisanale qui aura été associée, dans son principe, à l’institution du code perspectif et confirme du même coup l’ambiguïté du projet iconologique. Car si la théorie du signe que développe Ripa dans son Proemio s’accorde à certains égards avec celle à laquelle se ralliera l’âge classique, elle n’en est pas moins solidaire, par le découpage et l’articulation qu’elle commande des différents éléments de l’image, d’un système figuratif établi de longue date.
S’agissant du nuage, et des fonctions qu’il assume sous l’espèce figurative, l’Iconologie de Ripa conduit à lui assigner, à côté des valences spectaculaires qu’il peut avoir dans la représentation de transports ou d’apparitions miraculeuses, d’autres valences plus proprement discursives. Cet élément s’inscrit ainsi à la jonction de deux règnes apparemment distincts. Un lien d’implication (ou de succession) peut-il être établi entre les deux modes, spectaculaire et discursif, de la représentation ? Doit-on y reconnaître au contraire deux figures étrangères l’une à l’autre, et que la langue associe abusivement sous un vocable unique ? La question a une portée théorique, puisqu’elle a trait à l’essence générale de la représentation, entendue comme l’élément où la pensée du signe trouve son lieu privilégié. Mais elle a également un intérêt historique, dans la mesure où l’on voudrait que l’ère de la représentation discursive — et fondée sur la substitution — ait succédé à un âge dans lequel la représentation se serait donnée au contraire comme répétition, théâtre de la vie, miroir du monde37. Mais le problème serait alors de situer l’art du Quattrocento dans son propre contexte épistémologique : à une époque qui paraît vouée aux jeux de miroirs de la similitude, l’art, bien loin — comme parle Foucault — d’imiter l’espace38, n’aurait-il pas travaillé déjà à contre-courant des figures du savoir et tâché à définir les conditions objectives d’une représentation au sens tout à la fois spectaculaire et discursif du terme, à construire par les moyens de la peinture le théâtre où la tragédie classique fera jouer les ressorts de la mimesis, à ouvrir par les voies de la répétition le champ des substitutions, à en produire la scène, — la représentation au sens classique du terme ressortissant alors, au moins sur le plan esthétique, à un ensemble singulièrement plus large, s’inscrivant sur un fond autrement étendu ?
A cet égard encore, le nuage peut servir d’inducteur théorique. Car la définition classique du signe n’apparaît que comme une figure parmi d’autres possibles dans le champ représentatif lui-même, lequel n’a pas nécessairement la pureté, la transparence que lui prête la Logique de Port-Royal. Au regard de l’idée qu’il produit (son interprétant), un signe, ou representamen, selon la définition désormais classique de Peirce, se donne en lieu et place de quelque chose (son objet). Mais « l’objet de la représentation ne peut être qu’une représentation dont la première représentation est l’interprétant… La signification (meaning) d’une représentation ne peut être qu’une représentation. En fait, elle n’est pas autre chose que la représentation elle-même, conçue comme débarrassée d’un vêtement inadéquat. Mais ce vêtement ne peut jamais être complètement retiré ; il peut seulement être changé pour un plus diaphane39 ». Ces propositions, en même temps qu’elles font écho, jusque dans la lettre, au propos de Ripa, confèrent aux fonctions tout ensemble spectaculaires et discursives que le nuage assume dans l’ordre représentatif un retentissement imprévu. Le nuage (et il faut ici rappeler l’importance qu’un Wölfflin attachait au motif du voile dans l’imagerie baroque40) ne donne à voir qu’en dissimulant : à tous égards, il apparaît comme l’un des signes électifs de la représentation, dont il manifeste à la fois les limites et la façon de régression infinie sur laquelle elle se fonde.
Apocalypse, 1, 7.
« La figure principale, le Christ, est d’un raccourci qui la fait ressembler à une grenouille », Burckhardt, Cicerone, t. II, p. 715.
Luc, 24, 51 : « Pendant qu’il les bénissait, il se sépara d’eux et il fut enlevé au ciel. » Actes, 1, 9 : « Après qu’il eût ainsi parlé, il fut élevé en leur présence, et une nuée le déroba à leurs yeux. Et comme ils avaient leurs regards fixés vers le ciel pendant qu’il s’éloignait, voici que deux hommes parurent auprès d’eux, vêtus de blanc, et dirent : “Hommes de Galilée, pourquoi vous arrêtez-vous à regarder au ciel ? Ce Jésus qui, du milieu de vous, a été enlevé au ciel, en viendra de la même manière que vous l’avez vu monter.” »
Matthieu, 26, 64 : « Dès ce jour vous verrez le Fils de l’homme siéger à la droite du Tout-Puissant et venir sur les nuées du ciel. » Ibid., 24, 30 : « Alors appparaîtra dans le ciel le signe du Fils de l’homme, et toutes les tribus de la terre se frapperont la poitrine, et ils verront le Fils de l’homme venant sur les nuées du ciel avec une grande puissance et une grande majesté. »
Le Toldos Jeschu, ouvrage juif sans doute composé au IIe siècle, et publié en 1681 par J. Wagenseil dans son Tela ignea satanae, attribue au Christ une lévitation de caractère magique. Dans ce récit, Jésus apparaît comme un magicien qui doit sa puissance à la possession du nom secret de Iahvé, dérobé dans le temple. Grâce à ce charme, il opère divers prodiges et notamment s’élève dans les nuages en présence de la reine et des sages de Jérusalem. Mais l’un des sages, du nom de Judas, et qui possède lui aussi la clé du Tétragramme, s’élève à son tour avec Jésus sur les nuées, et le précipite sur le sol. Cf. Gustave Brunet, Les Evangiles apocryphes, Paris, 1863, p. 390-391.
« Au signal donné, à la voix de l’archange, au son de la trompette divine, le Seigneur lui-même descendra du ciel, et ceux qui sont morts dans le Christ ressusciteront d’abord. Puis nous, qui vivons, qui sommes restés, nous serons emportés avec eux sur les nuées à la rencontre du Seigneur dans les airs. » Thessaloniciens, 1, 4, 16-17.
Meyer Schapiro a mis en évidence l’existence d’un conflit du même ordre dans la littérature et l’art du Moyen Age, voire chez les pères de l’Eglise. Dès le VIe siècle, Grégoire le Grand distinguait entre l’ascension du Christ et celles qui l’ont précédée : alors qu’Enoch (ante legem) avait eu besoin du secours des anges et Elie (sub lege) de celui d’un chariot, le Christ, qui dispose de toutes choses, s’est élevé de sa propre force (« nimirum super omnia sua virtute ferebatur »), Homiliae in Evangelia, lib. II, hom. 29, Migne, Pat. lat., LXXVI, cols 1216-17. Cf. Meyer Schapiro, « The Image of the disappearing Christ. The Ascension in English Art around the Year 1000 », Gazette des Beaux-Arts, vol. 23 (1943), p. 135-152.
Giovanni Battista Passeri, Vite de’Pittori, Scultori, et Architetti, Rome, 1772, cit. par Francis Haskell, Patrons and Painters, a study in the relations between italian art and society in the age of baroque, New York, 1963, p. 112.
« Puis je vis un autre ange puissant qui descendait du ciel, enveloppé d’un nuage, et l’arc-en-ciel au-dessus de la tête ; son visage était comme le soleil et ses pieds comme des colonnes de feu. » Apocalypse, 10, 1.
Lorsque Moïse demande à Iahvé de lui « faire voir sa Gloire », il s’attire cette réponse : « Moi, je ferai passer tout ce que j’ai de bon devant toi et je prononcerai le nom de Iahvé devant toi (…). Tu ne peux voir ma face, car l’homme ne peut me voir et vivre !… Voici un endroit à côté de moi ! Tu te tiendras debout sur le rocher ! Et il arrivera, quand passera ma Gloire, que je te mettrai dans le trou du rocher et je te couvrirai de ma paume jusqu’à ce que je sois passé ! Puis je retirerai ma paume et tu verras mon dos, mais ma Face ne sera pas vue ! » (Exode, XXXIII, 18-21.)
« Alors Moïse monta sur la montagne et la nuée couvrit la montagne. La Gloire de Iahvé se posa sur le mont Sinaï et la nuée le couvrit durant six jours. Au septième jour, Il appela Moïse du milieu de la nuée. Or l’aspect de la Gloire de Iahvé était comme un feu dévorant au sommet de la montagne, aux yeux des fils d’Israël. » (Ibid., XXIV, 15-18.) Cf. ibid., XVI, 10 : « Il advint donc, comme Aron parlait à toute la communauté des fils d’Israël, qu’ils se tournèrent vers le désert et voici que la Gloire de Iahvé apparut dans la nuée ! » La légende hébraïque insiste sur le rôle imparti à la nuée dans la Révélation. Mais elle fait aussi place au nuage qui se tenait constamment à la disposition de Moïse pour le porter jusqu’à Dieu et le ramener ensuite parmi les hommes. Quand Iahvé enjoignit à Moïse de le rejoindre sur le Sinaï, un nuage apparut et se coucha devant Moïse. Mais celui-ci ne savait pas s’il lui fallait monter dessus ou simplement s’accrocher à lui. Alors la bouche du nuage s’ouvrit et Moïse entra en lui, et parcourut le ciel comme un homme marche sur la terre. Mais lorsqu’il apercevra le gardien du trône divin, l’ange Sandalfon, il sera si effrayé qu’il manquera de dégringoler de son véhicule (cf. Louis Ginzberg, The Legends of the Jews, trad. angl., Philadelphie, 3e éd., 1947, t. III, p. 85, 109, 111). Le don des Tables a fait l’objet de très nombreuses représentations, dès les débuts de l’art chrétien. La Bible de Gebhardt (ou Bible d’Admont, Salzbourg, XIIe siècle) en propose une version particulièrement intéressante, en deux volets. Dans le volet de gauche (fol. 68 v), Moïse a les pieds sur la montagne et les genoux pris dans une nuée d’où émerge la partie supérieure de son corps, tandis qu’il tient les Tables où Dieu est en train d’écrire. Dans le volet droit (fol. 69 r), Moïse s’apprête à redescendre vers ses compagnons et reçoit la bénédiction divine. La nuée a disparu, mais le quart de cercle où s’inscrit la figure de Dieu est agrémenté d’une sorte de corolle dentelée qui en apparaît comme une transformation (Vienne, Nationalbibl. Ser. Nov. 2701. Cf. André Grabar et Karl Nordenfalk, La Peinture romane, Genève, 1958, p. 167).
Dans le même sens, et dans un contexte chrétien, on notera le sort fait, dans le grand décor plafonnant, et en association avec gloires et nuées, à des thèmes tels que le Triomphe du nom de Jésus (cf. la fresque du Baciccia au Gesù) ou la Gloire du nom de Dieu (cf. la fresque de Goya à la cathédrale de Saragosse).
I Corinthiens, 10, 1-6.
Cf. Ludwig Volkmann, Bilderschriften der Renaissance, Hieroglyphik und Emblematik in ihren Beziehungen und Fortwirkungen, Leipzig, 1923.
Jean Baudoin, Iconologie, ou explication nouvelle de plusieurs images, emblèmes et autres figures hiéroglyphiques… tirée des recherches et des figures de Cesare Ripa, Paris, 1644.
Cesare Ripa, Iconologia, overo Descrittione dell’imagini universal cavate d’all’antichita et da altri luoghi,… opera non meno utile che necessaria à poeti, pittori et scultori per rappresentare le vitti, Virtù affetti et passioni humane, Rome, 1593, Proemio.
« Diro solo di quella, che appartiene a’ Dipintori, overo a quelli, che per mezzo di colori, o d’altra cosa visibile possono rappresentare qualche cosa differente da essa, & ha conformità con l’altra », ibid.
Paolo Giovo, Dialogo dell’imprese militari et amorose, Rome, 1555.
« Con questo poi si forma l’arte dell’altre Imagini, le quali appartengono al nostro discorso, per la conformità, che hanno con le definitioni », ibid.
Pour une analyse de l’arrière-plan philosophique de la littérature emblématique (mais qui, curieusement, ne prend pas en compte le texte de Ripa), cf. Robert Klein, « La théorie de l’expression figurée dans les traités italiens sur les Imprese, 1555-1612 », in La Forme et l’Intelligible, Paris, 1969, p. 125-149.
M. Praz, op. cit.
Cf., par ex., Charles-Etienne Gaucher, « Discours préliminaire » à l’Iconologie par figures d’Hubert-François Gravelot et Charles-Antoine Cochin, Paris, 1791.
« Nel numero dell’altre cose da anvertire sono tutte le parti essentiali della cosa istessa ; e di queste sera necessario guardar minutamente le dispositioni, e le qualità. » Ripa, Proemio.
Jean Baudouin, op. cit., p. 29.
Ripa, op. cit., p. 41-42.
Platon, Phèdre, 265e.
Cité par Michel Foucault, Les Mots et les Choses, p. 78.
Ibid., p. 79.
Michel Foucault, op. cit., p. 136.
Ibid., p. 80.
Michel Foucault, op. cit., p. 32-59.
Ibid., p. 65 s.
On en trouvera une preuve supplémentaire dans le fait que les « images » y sont présentées dans l’ordre alphabétique des notions, alors qu’à en croire Michel Foucault « l’usage de l’alphabet comme ordre encyclopédique arbitraire, mais efficace, n’apparaîtra que dans la seconde moitié du XVIIe siècle » (op. cit., p. 53).
Galileo Galilei, Opere, Edizione Nazionale, éd. Favaro, Florence, 1890-1909, t. IX, p. 63.
Cf. Jurgis Baltrušaitis, Anamorphoses ou Perspectives curieuses, Paris, 1955.
Cf. Erwin Panofsky, Galileo as a Critic of the Arts, La Haye, 1954.
Michel Foucault, op. cit., p. 32.
Michel Foucault, op. cit., p. 32.
« The object of representation can be nothing but a representation of which the first representation is the interpretant. But an endless series of representation, each representing the one behind it, may be conceived to have an absolute object at its limit. The meaning of a representation can be nothing but a representation. In fact, it is nothing but the representation itself conceived as stripped of irrelevant clothing. But this clothing never can be completely stripped off ; it is only changed for something more diaphanous. So there is an infinite regression here. Finally, the interpretant is nothing but another representation to which the torch of truth is handed along ; and as a representation, it has its interpretant again. Lo, another infinite series. » Charles Sanders Peirce, Collected Papers, Cambridge (Mass.), 1965, vol. I, p. 171.
Heinrich Wölfflin, Renaissance et Baroque, trad. française, Paris, 1967, p. 74-75.