SOMMAIRE
NOTIONS À MAÎTRISER
Rarement un instrument fiscal a été autant montré du doigt et rendu impopulaire, sous le vocable de « niche », introduisant un grand malentendu : les dépenses fiscales ne sont pas nécessairement des mesures dérogatoires bénéficiant indûment à des particuliers aisés ou à de grandes entreprises mais, plus souvent, des avantages dont bénéficie à des degrés divers le plus grand nombre sans pour autant imaginer qu’il s’agit d’une niche honnie !
Cette réalité explique largement pourquoi la publication du rapport du comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales (dit rapport Guillaume ou « IGF ») le 29 août 2011 n’a pas donné lieu au grand ménage auquel on aurait pu s’attendre. En effet, 67 % et 37 % du coût, respectivement, des dépenses fiscales et des niches sociales évaluées par le comité résultent de mesures cotées « 0 » (inefficaces) ou « 1 » (peu efficientes).
Selon la définition officielle, « Les dépenses fiscales sont des dispositions législatives ou réglementaires dont la mise en œuvre entraîne pour l’État une perte de recettes et donc, pour les contribuables, un allégement de leur charge fiscale par rapport à ce qui serait résulté de l’application de la norme, c’est-à-dire des principes généraux du droit fiscal français ». Les « niches sociales » en sont l’équivalent dans le domaine des finances sociales (impositions et cotisations sociales). À noter que l’on ne distingue pas de « niches locales » – qui existent pourtant.
Pour se limiter aux finances de l’État, on recense en 2017 451 dépenses fiscales – moins qu’en 2014, où l’on en recensait respectivement 460. Leur coût total est estimé à 89,9 Md€ en 2017. Soit davantage que le rendement de l’IR prévu pour 2017 (73,4 Md€).
L’importance de leur volume financier souligne que les dépenses fiscales sont devenues un mode d’intervention de l’État, au même titre que les subventions budgétaires, alors même que leur efficacité et leur efficience ne sont pas systématiquement démontrées et que leur nature dérogatoire fragilise l’équité du système fiscal. La question à se poser est moins celle de leur suppression brutale et systématique que celle de leur évaluation et de leur réforme.
Limitant le rendement des recettes fiscales, les niches fiscales ont un poids croissant sans avoir toutes démontré leur efficacité (I). L’amélioration de l’information sur leur périmètre et leur montant doit permettre de mener à bien une réforme des niches fiscales pour les rendre plus cohérentes (II).
Né dans des circonstances hétérogènes, obéissant à des motivations diverses, l’ensemble composite que constituent les dépenses fiscales a pour point commun d’avoir un coût aboutissant à une addition élevée alors même que nombre d’entre elles sont mal évaluées.
L’existence de dépenses fiscales n’est pas une situation anormale, cette technique étant probablement aussi ancienne que l’impôt lui-même. Les exigences modernes de transparence des finances de l’État ont cependant conduit à les identifier, voire à les recenser. Dès 1967, l’Allemagne fédérale publie un premier rapport sur les subventions (Erster Subventionsbericht), incluant les avantages fiscaux. L’année suivante, l’administration américaine présente un budget des dépenses fiscales (tax expenditures). En France, faisant suite à un rapport du Conseil des impôts publié en 1979, le gouvernement présente chaque année depuis 1980, en annexe du PLF, un rapport sur les dépenses fiscales. Une démarche systématique remarquable qui met la France à la pointe de la transparence sur le sujet. À titre de comparaison, l’Allemagne ne procède pas à un suivi exhaustif et continu des dépenses fiscales.
Les dépenses fiscales prennent des formes variées :
– la réduction d’impôt (RI) diminue le montant de l’impôt (e.g. RI pour services à la personne) ;
– le crédit d’impôt (CI) est également une somme venant diminuer l’impôt mais, à la différence d’une RI, si cette somme est supérieure à l’impôt dû, la différence est remboursée au contribuable (e.g. prime pour l’emploi) ;
– l’exonération consiste à soustraire à l’impôt des éléments de son assiette (e.g. exonération des allocations familiales) ;
– l’abattement consiste à ne soumettre à l’impôt qu’une fraction d’un élément de son assiette (e.g. abattement de 10 % sur les pensions) ;
– d’autres dispositifs, tel un dégrèvement d’impôt (tout ou partie de l’impôt n’est pas dû) ou encore une demi-part de quotient familial telle celle accordée aux vieux parents (l’impôt est calculé de manière avantageuse).
Attention, il ne suffit pas qu’un dispositif prenne une des formes énumérées ci-dessus pour constituer une dépense fiscale ; encore faut-il qu’il soit dérogatoire.
Les dépenses fiscales peuvent être « passives » (ou horizontales) ou « actives » (ou verticales) : dans le premier cas, elles sont liées à une situation de fait et ont généralement pour objectif d’aider une catégorie de contribuable (par exemple les habitants des départements d’outre-mer), dans le second, elles ont un objectif incitatif et concourent ainsi à une politique publique (du logement par exemple).
Entre 2001 et 2009, les dépenses fiscales ont constamment augmenté, tant en nombre (augmentation de plus de 20 % sur la période) qu’en montant (augmentation de plus de 15 %). Après une baisse entre 2009 et 2013, le coût des dépenses fiscales est reparti à la hausse à compter de 2014, sous l’effet de la création du crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE).
Cette hausse ne résulte pas seulement d’une politique délibérée, tant il est structurellement difficile de maîtriser le coût des dépenses fiscales, qui dépend du dynamisme des recettes fiscales et des comportements des agents. Néanmoins, le fait que les dépenses fiscales échappent aux normes de dépense budgétaires (cf. chapitre 6) et puissent juridiquement figurer dans des lois ordinaires a concouru à leur foisonnement.
Le coût des dépenses fiscales est très concentré : 14 d’entre elles représentent à elles seules plus de 50 % du coût total des dépenses fiscales, comme l’illustre le tableau 1.
36 % du coût des dépenses fiscales, soit 32,5 Md€ en 2017, concerne l’impôt sur le revenu (hors dépenses fiscales communes à l’IR et à l’IS). Ainsi, en théorie1, la suppression de l’ensemble des dépenses fiscales touchant l’impôt sur le revenu conduirait à augmenter son rendement de 44 %.
À cet égard, le fait que l’IR soit recouvré sur rôle n’est pas neutre. Le recouvrement sur rôle appuyé sur une déclaration de revenus permet aisément d’attribuer des réductions et crédits d’impôt dans ce cadre, comme la prime pour l’emploi. Ceci y compris lorsque le recouvrement sur rôle intervient à titre de régularisation postérieurement à une retenue à la source (situation existant par exemple aux États-Unis et en Allemagne et prévue en France pour 2018). En revanche, un impôt comme la CSG, prélevé à taux proportionnel par un tiers et non assorti d’un dispositif de régularisation en N+1, n’est pas compatible avec l’existence de réductions et crédits d’impôt – ce qui n’empêche pas les exonérations et les taux réduits.
Le constat sévère dressé par le comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales ne révèle pas seulement que nombre de niches sont pas ou peu efficaces, il fait également apparaître que les niches n’étaient pas systématiquement évaluées.
Ordre | Numéro de la mesure | Mesure | Chiffrage pour 2017 |
1 | 210324 | Crédit d’impôt en faveur de la compétitivité et de l’emploi. | 15 770 |
2 | 200302 | Crédit d’impôt en faveur de la recherche. | 5 505 |
3 | 120401 | Abattement de 10 % sur le montant des pensions (y compris les pensions alimentaires) et des retraites. | 4 150 |
4 | 730213 | Taux de 10 % pour les travaux d’amélioration, de transformation, d’aménagement et d’entretien, autres que ceux mentionnés à l’article 278-0 ter du CGI, portant sur des logements achevés depuis plus de deux ans. | 3 410 |
5 | 730303 | Taux de 2,10 % applicable aux médicaments remboursables ou soumis à autorisation temporaire d’utilisation et aux produits sanguins. | 2 450 |
6 | 730221 | Taux de 10 % applicable aux ventes à consommer sur place, à l’exception des ventes de boissons alcooliques. | 2 400 |
7 | 110246 | Crédit d’impôt au titre de l’emploi d’un salarié à domicile pour les contribuables exerçant une activité professionnelle ou demandeurs d’emploi depuis au moins trois mois. | 2 025 |
8 | 120202 | Exonération des prestations familiales, de l’allocation aux adultes handicapés ou des pensions d’orphelin, de l’aide à la famille pour l’emploi d’une assistante maternelle agréée, de l’allocation de garde d’enfant à domicile, et, depuis le 1er janvier 2004, de la prestation d’accueil du jeune enfant. | 1 990 |
9 | 800201 | Taux réduit de taxe intérieure de consommation sur le gazole sous condition d’emploi, repris à l’indice 20 du tableau B de l’article 265 du code des douanes. | 1 885 |
10 | 730210 | Taux de 5,5 % pour certaines opérations (livraisons à soi-même d’opérations de construction, livraisons à soi-même de travaux de rénovation, ventes, apports, etc.) et taux de 10 % pour les livraisons à soi-même de travaux d’amélioration, de transformation, d’aménagement et d’entretien lorsqu’ils ne bénéficient pas du taux réduit de 5,5 %, portant sur les logements sociaux et locaux assimilés suivants : logements sociaux à usage locatif ; logements destinés à la location-accession-logements relevant des structures d’hébergement temporaire ou d’urgence ; logements relevant de certains établissements d’hébergement de personnes âgées ou handicapées ; partie des locaux dédiés à l’hébergement dans les établissements d’accueil pour enfants handicapés. | 1 800 |
11 | 110222 | Crédit d’impôt pour la transition énergétique. | 1 670 |
12 | 130201 | Déduction des dépenses de réparations et d’amélioration. | 1 560 |
13 | 070101 | Exonération en faveur des personnes âgées, handicapées ou de condition modeste. | 1 550 |
14 | 140119 | Exonération ou imposition réduite des produits attachés aux bons ou contrats de capitalisation et d’assurance-vie. | 1 513 |
Total | 47 678 |
Rares étaient les dépenses fiscales ayant fait l’objet d’une étude d’impact préalable. Ce n’est que depuis la mise en œuvre de la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République que les nouvelles dépenses fiscales sont préalablement évaluées, pour autant qu’elles figurent dans un projet de loi.
Quant à l’évaluation ex post, par manque d’organisation de l’État et par facilité, elle était laissée aux rapports des corps de contrôle et d’inspection (cf. le rapport du CPO, Entreprises et niches fiscales et sociales, 2010). La LPFP 2011-2014 a enfin prévu un principe d’évaluation des niches fiscales pour démontrer qu’elles remplissent effectivement leur objectif de politique publique.
Cette situation regrettable a favorablement évolué ces dernières années.
En termes de règles, d’information, d’évaluation, les progrès de la science et de la gestion des dépenses fiscales sont constants. Pour autant, la situation actuelle reste insatisfaisante tant la révision des dépenses fiscales n’a été que partielle.
Depuis 1980, le PLF comprend chaque année un rapport sur les dépenses fiscales (tome II du fascicule « Voies et moyens » annexé au PLF), qui permet d’appréhender avec une vue d’ensemble le périmètre des dépenses fiscales. En outre, chaque PAP présente depuis 2005 les dépenses fiscales qui lui sont rattachées au même titre que ses crédits budgétaires.
Le tome II a été plusieurs fois enrichi, accroissant la transparence de l’information fournie par le gouvernement. Depuis le PLF 2009, le tome II met en valeur les mesures nouvelles et les dépenses supprimées. Depuis le PLF 2012, il présente la norme fiscale de référence utilisée pour estimer l’impact budgétaire d’une dépense fiscale. Depuis le PLF 2013, il intègre une brève présentation des mesures considérées non comme des dépenses fiscales mais comme des modalités de calcul de l’impôt.
Chaque dépense fiscale est accompagnée d’un chiffrage et de précisions sur leurs bénéficiaires, notamment leur nombre. Toujours par transparence, le tome II présente un indicateur de fiabilité du chiffrage. Ainsi, en 2017, le chiffrage de près de 50 % des dépenses fiscales était très bon (100 sur 451) ou bon (116) – pour les autres, seul un ordre de grandeur est indiqué (178), à moins que la mesure ne soit pas chiffrable (57) !
Tout d’abord, des objectifs pesant sur le coût global des dépenses fiscales et des niches sociales ont été fixés depuis 2009.
Ainsi, la LPFP 2014-2019 prévoit, comme précédemment la LPFP 2012-2017 :
1°) un objectif d’évolution (à la hausse ou à la baisse) des PO par le biais de « mesures nouvelles » (étant entendu qu’une hausse doit prioritairement se produire par la réduction des niches et non par de plus classiques « hausses d’impôts ») : 24 Md€ devaient ainsi être dégagés en 2013, avant que l’objectif de mesures nouvelles n’entre en territoire négatif depuis 2014 (– 8 Md€ pour 2017, article 18 de la LPFP 2014-2019) ;
L’article 2 de la loi organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques érige d’ailleurs en obligation organique le principe d’objectif de mesures nouvelles en PO.
2°) un principe de stabilisation en valeur des dépenses fiscales et, depuis 2015, des niches sociales (articles 19 et 20 de la LPFP 2014-2019). Ce « gel » s’entend à périmètre constant, c’est-à-dire hors déclassements ou reclassements de niches.
S’agissant des dépenses fiscales, un double plafond est prévu par l’article 19 de la LPFP 2014-2019. D’une part, le montant annuel total des dépenses fiscales ne peut excéder 86 Md€ en 2017, ce plafond tenant compte de la montée en charge progressive du crédit d’impôt compétitivité emploi, exclu de ce gel. D’autre part, un sous-plafond a été institué pour les crédits d’impôt, désormais considérés comme des dépenses par la comptabilité nationale, à hauteur de 30,1 Md€ en 2017.
S’agissant des niches sociales, leur montant annuel (hors incidence du renforcement des allégements généraux de cotisations patronales de sécurité sociale mis en place par la loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014) ne peut excéder celui de l’année précédente. Ainsi, pour 2017, le plafond prévisionnel s’élève à 44,5 Md€ (coût des niches sociales en 2016 prévu par le PLFSS 2017). Mais le gouvernement assume de ne pas respecter ce plafond puisque la prévision du coût des niches sociales est de 45,9 Md€, compte tenu notamment des mesures du pacte de responsabilité et de solidarité.
Ensuite, des règles de gouvernance pour une « gestion responsable des finances publiques » ont été fixées.
Premièrement, l’article 21 de la LPFP 2014-2019, reprenant une mesure issue de la RGPP, limite dans le temps les niches nouvellement créées : les créations ou extensions de niches votées postérieurement au 1er janvier 2015 doivent être revues trois ans au plus tard après leur entrée en vigueur.
Deuxièmement, le gouvernement a institué le 4 juin 2010 par voie de circulaire un « monopole fiscal » des lois de finances et des LFSS : une mesure fiscale ne doit plus figurer dans un projet de loi ordinaire. Les assemblées parlementaires n’ont néanmoins pas pris d’engagement similaire.
Troisièmement, la circulaire du Premier ministre du 14 janvier 2013 relative aux règles pour une gestion responsable des dépenses publiques, outre qu’elle confirme le principe de monopole fiscal, prévoit qu’une réduction de niche ne doit pas être recyclée en dépense budgétaire et, surtout, que le recours à une dépense fiscale ne peut pas venir en substitution à une dépense budgétaire et doit être compensé par la diminution d’une autre dépense fiscale.
À cet égard, l’évolution en 2014 des normes de la comptabilité nationale, suite à la mise en place du Système européen de comptes (SEC) 2010, concourt à éviter que les contraintes budgétaires ne soient contournées par le recours à des crédits d’impôt. Ces derniers sont en effet désormais traités comme des dépenses budgétaires, ce qui signifie qu’ils sont pris en compte dans les agrégats de dépenses publiques et, corrélativement, qu’ils ne réduisent plus le taux de prélèvements obligatoires2.
Bien entendu, le respect de ces engagements non juridiquement contraignants devra être vérifié dans la durée. Des incartades ont hélas déjà été constatées, par exemple dans le cadre de la politique publique du logement : sans limitation de durée, la LFI 2014 a ainsi basculé la création et la rénovation de logements sociaux au taux réduit de TVA (alors qu’elles relevaient du taux intermédiaire) et institué un régime fiscal dérogatoire favorisant l’investissement institutionnel dans le logement intermédiaire (TVA à taux intermédiaire et exonération de 20 ans de TFPB). Les dépenses fiscales existantes en faveur du secteur n’ont pas été diminuées en conséquence, pas plus que les crédits budgétaires de la mission logement. Une fois encore, la dépense fiscale a servi de recours pour financer une politique publique prioritaire dont le budget était contraint.
Ces règles de gouvernance, si elles sont à même de freiner la création de nouvelles dépenses fiscales, ne conduisent pas en tant que telles à revenir avec discernement sur le stock de niches existant. Pour cela, leur évaluation systématique et leur pilotage affirmé sont nécessaires.
Conformément à un engagement du gouvernement Fillon, l’intégralité des niches fiscales et sociales a été ponctuellement évaluée dans le cadre du comité d’évaluation des dépenses fiscales, sous la direction de l’inspecteur général des finances Henri Guillaume. Son rapport de synthèse et l’ensemble de ses annexes (au total 6 000 pages) ont été intégralement publiés en toute transparence le 29 août 2011.
Bien que ce rapport ait été suivi de relativement peu d’effet, cette démarche d’évaluation a été pérennisée. Remplaçant des dispositions très ambitieuses de la LPFP 2012-2017, lesquelles prévoyaient une évaluation de la totalité des niches sur cinq ans, l’article 23 de la LPFP 2014-2019 prévoit de manière plus réaliste que celles des niches arrivant à l’échéance de la durée maximale de trois ans prévue pour les niches nouvellement créées ou étendues depuis le 1er janvier 2015 doivent être évaluées par le gouvernement. Cette évaluation doit être remise au Parlement au plus tard six mois avant l’échéance de la mesure. Ainsi, des niches dont l’efficacité, au regard de l’objectif de politique publique qui leur a été conféré, et l’efficience, au regard de leur coût, ne seraient pas avérées ne devraient, en toute logique, pas être reconduites.
Les dépenses fiscales et niches sociales sont par ailleurs dans le champ de la « revue de dépenses » prévue par l’article 22 de la LPFP 2014-2019. Chaque année, l’ensemble des moyens publics dévolus à certaines thématiques choisies après discussion avec le Parlement doivent être « revus » avant le mois de février. Fort des constats opérés, ces revues doivent identifier des sources d’économies potentielles, en vue de contribuer au respect de la trajectoire de finances publiques.
L’amélioration de l’efficacité et de l’efficience des dépenses fiscales suppose également que les ministères responsables des politiques publiques auxquelles concourent les dépenses fiscales soient aussi responsables de ces dernières, afin de les piloter – en assurant leur suivi, en proposant leur adaptation voire leur suppression. Les dépenses fiscales ne doivent pas « vivre leur vie » sans que l’on ne se pose la question de leur pertinence et de leur devenir.
Ce pilotage par les ministères doit s’inscrire dans la politique fiscale du gouvernement et impliquer le Parlement. C’est la raison pour laquelle la loi organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques a formellement enrichi les éléments fournis par le gouvernement dans le cadre des projets de loi de règlement : ce qui est nouveau est que les RAP devront expliquer l’évolution du coût des dépenses fiscales (art. 54, 4° de la LOLF).
Des règles sont posées mais les actes devront suivre. Pour créer une dynamique de pilotage effectif des dépenses fiscales, le ministère des finances et des comptes publics a mis en place en 2013 des conférences fiscales annuelles ayant pour objet, à l’instar des conférences budgétaires, de discuter ministère par ministère du stock des dépenses fiscales et des mesures fiscales envisagées pour le PLF.
Les premières conférences fiscales menées au printemps 2013 et les travaux parlementaires ont permis de supprimer 21 dépenses fiscales dans le cadre de la LFI 2014 – essentiellement de petites niches inutiles ou inefficientes abrogées par l’article 26 de cette loi. Les éléments tirés des conférences fiscales ont en outre vocation à documenter l’évaluation des dépenses fiscales.
C’est à la faveur de la crise financière des subprimes, afin de dégager de nouvelles ressources et de parer au risque de dégradation de la solvabilité de la France, qu’un effort de réduction des dépenses fiscales a été engagé.
Deux mécanismes ciblant certaines niches dans une approche globalisante ont été introduits respectivement par la LFI 2009 et la LFI 2011. L’avantage en impôt total, procuré par les réductions d’impôt sur le revenu à finalité incitative, a été mis sous un unique plafond annuel dit « plafonnement global des niches » (PGN). Plusieurs fois durci, le PGN a été ramené à 10 000 € (ou 18 000 € dans certains cas) par la LFI 2013. Par ailleurs, par le rabot, les mêmes réductions d’impôt ont fait l’objet d’une réduction homothétique de leur taux (de 10 %3). Le rabot a à nouveau été appliqué en LFI 2012 (à 15 %) mais ne saurait être renouvelé sans compromettre l’intérêt même des réductions d’impôt concernées.
Les mesures ciblant spécifiquement certaines niches se sont multipliées entre 2011 et 2014 : suppression du taux réduit de TVA à 5,5 % sur les offres composites dites « triple play » (LFI 2011), suppression du régime du bénéfice mondial consolidé en matière d’IS (2e LFR pour 2011), suppression en matière d’IS de l’abattement d’un tiers sur les résultats provenant d’exploitations situées dans les départements d’outre-mer (LFI 2012), réduction des niches en matière de TVA (hôtellerie-restauration, travaux de rénovation dans le logement…) avec le relèvement à 7 % puis 10 % du taux réduit (3e LFR pour 2011 puis 3e LFR pour 2012), suppression de l’exonération fiscale et des allégements sociaux des heures supplémentaires (LFI 2013) puis des majorations de pensions pour charges de famille (LFI 2014)…
Toutefois, d’autres dépenses fiscales ont récemment été renforcées (le crédit d’impôt « développement durable », rebaptisé crédit d’impôt pour la transition énergétique en LFI 2015 et procurant désormais un avantage fiscal de 30 % des dépenses engagées), créées (notamment le CICE ou encore la RI dite Duflot, LFI 2013, cette dernière étant même renforcée sous le nom de RI Pinel en LFI 2015), prorogées (abattement de TFPB dans les zones urbaines sensibles, LFI 2014) voire pérennisées (dégrèvement de CAP au titre des avantages acquis, LFI 2013). Signe que les dépenses fiscales continuent à être un outil considéré comme utile et nécessaire.
*
Il n’est pas question de supprimer toutes les dépenses fiscales mais de les maîtriser afin qu’elles ne soient pas un point de fuite de la dépense publique : la suppression ou révision de niches ne doit s’envisager qu’après une évaluation rigoureuse et circonstanciée. Or le législateur et le gouvernement ont mis en place les conditions d’une suppression des niches inefficaces. Mais « derrière chaque niche se cache un chien » : revenir sur un avantage, même injustifié économiquement et inéquitable, est difficile politiquement et socialement. Peut-être une démarche plus globale de suppression des niches inefficaces aurait-elle plus de réussite et d’impact que la tactique du « pas à pas » ? Le renforcement du pilotage des dépenses fiscales que l’exécutif s’est efforcé de mettre en œuvre va dans ce sens.
SUJETS D’EXAMEN ET DE CONCOURS
• Les dépenses fiscales
• Dépenses fiscales et niches sociales
RÉFÉRENCES
Évaluation des voies et moyens (tome II), en annexe au PLF (disponible sur le site www.performance-publique.gouv.fr)
Rapport du comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales (29/08/2011) : http://www.budget.gouv.fr/budget/rapport-comite-devaluation-des-depenses-fiscales-et-des-niches-sociales
Annexe V au PLFSS sur les niches sociales (disponible sur le site www.securite-sociale.fr)
Circulaire du Premier ministre du 14 janvier 2013 relative aux règles pour une gestion responsable des dépenses publiques.