N’importe qui peut être végétarien ! Hommes, femmes, enfants, jeunes ou moins jeunes. Les végétariens ne sont ni anormaux, ni marginaux, ni bizarres.
On a souvent l’habitude de dire ou d’entendre : il y a autant de végétariens que de raisons de le devenir. Je dirais qu’il y a malgré tout plusieurs « grandes raisons », et que chacun construit son propre mix de raisons. Parfois, notre compréhension comme notre sensibilité évoluent au fil du temps. Ce fut le cas pour moi lorsque je suis passée de végétarienne à végétalienne.
Avant de commencer, quelques définitions :
Dans ce livre, j’utiliserai souvent les mots veggie et végétarien : cela signifie végétarien ou végétalien. En tant que végétalienne, je ne partagerai avec vous que des recettes et astuces végétaliennes.
La grande raison du végétarisme est éthique. Elle consiste à ne pas vouloir tuer ou faire souffrir les animaux. Les animaux que l’on mange sont capables de ressentir la douleur, d’appréhender les abattoirs et même la mort, pour certains. L’élevage génère de grandes souffrances pour les animaux, entre les mutilations généralisées (couper le bec des poulets, castrer à vif les porcelets, broyer vivants les poussins mâles) et l’entassement dans des cages et des hangars, ou pendant les transports. Quant à l’abattage, pour des raisons de rendement imposé par un système capitaliste en recherche de rentabilité, mais également une pression de la part du consommateur pour obtenir des prix toujours plus bas, il reste peu fiable dans la mesure où l’étourdissement n’est pas toujours bien respecté. En effet, certains animaux sont dépecés et découpés alors qu’ils sont encore conscients.
Intolérable, n’est-ce pas ? Dans son livre Faut-il manger les animaux ?, Jonathan Safran Foer évoque longuement la question des abattoirs. Comme par hasard, les abattoirs sont très difficiles d’accès pour les journalistes, et pour cause, les images qui en sortent sont affligeantes. Je vous recommande le très bon site www.viande.info qui explique les conditions de vie des animaux d’élevage. L’association L214, qui milite pour les droits des animaux, explique également ces faits sur son site Internet et mène de nombreuses campagnes de sensibilisation du grand public, des institutions et des grandes enseignes commerciales, entre autres.
Nous qui sommes habitués à câliner des animaux domestiques, à vivre des relations privilégiées avec des animaux à qui nous trouvons des qualités, des personnalités (et qui peuvent même nous sauver la vie !), à qui nous ne souhaiterions pour rien au monde infliger de la douleur ou de la détresse…, nous sommes bien loin de connaître la vraie vie des animaux d’élevage, tout aussi sensibles et intelligents que nos chiens et chats. Dans les élevages et les abattoirs, ils vivent l’enfer au quotidien.
La production de lait est concomitante à celle de la viande. Une vache ne fait pas du lait spontanément, il faut qu’elle fasse un petit. Son veau lui est retiré juste après la naissance (d’après les images, c’est un déchirement pour tous les deux) pour être engraissé seul dans une stalle avant de partir à l’abattoir. La vache laitière y finira également ses jours au bout de quelques années de « bons et loyaux » services… Saviez-vous que 40 % de la viande de bœuf en France provient en fait de vaches laitières ? Oui, viande et lait de vache font partie du même système.
Il y aurait beaucoup à dire également sur la pêche dévastatrice des stocks de poissons marins, sur l’élevage des poissons, entassés eux aussi, sur celui des poules pondeuses, des cochons ou des lapins en cages… Si vous souhaitez vous informer avec objectivité – ce que je vous conseille vivement –, vous trouverez quelques ressources pertinentes à la fin de cet ouvrage.
Les autres raisons concernent la santé humaine et les aspects environnementaux. Je les mentionne en second car dans un cas comme dans l’autre, du point de vue philosophique, ces raisons peuvent inciter les gens à manger peu de viande, mais n’obligent en rien à devenir complètement végétarien.
Certaines personnes, bien informées, ont fait le choix de réduire partiellement ou totalement leur consommation de viande pour être en meilleure santé. Ce choix est tout à fait justifié comme nous allons le voir dans le chapitre « Veggie et santé ». C’est d’ailleurs une question de santé publique, même si malheureusement, en France, les lobbies de l’industrie de la viande et de l’industrie laitière sont très influents. J’espère que cela va changer : j’ai rencontré tant de personnes qui se sentent beaucoup mieux dans leur corps depuis qu’elles ont arrêté la viande et/ou les produits animaux.
Du point de vue de l’écologie, notre consommation de viande est dommageable pour la planète. La production de viande et de produits animaux implique en effet :
Installez-vous au calme et prenez un temps pour écouter ce que vous ressentez et vous poser ces quelques questions…
Peut-être cette perspective soulève-t-elle un certain nombre de craintes… celle d’être jugé, de se sentir différent, de devoir se justifier, de faire une erreur, de se couper des autres.
Les craintes existent mais vous avez ce livre entre les mains et il constitue une des nombreuses ressources qui peuvent vous aider à avancer sereinement dans cette voie si vous la choisissez.
Fermez les yeux et laissez remonter ces craintes. Laissez-les parler, dire ce dont vous avez peur… Essayez de ressentir que vous n’êtes pas seul(e) à vivre ce questionnement. D’autres personnes vivent la même chose et vous pouvez bénéficier de leur soutien et de leur expérience grâce à des livres, des sites Internet, des vidéos, des associations. La découverte de ce nouveau mode de vie n’est pas la traversée de l’Atlantique en solitaire !
Respirez, ressentez cela, rassurez-vous en profondeur.
J’aime ce tee-shirt où l’on peut lire l’inscription : « Aucun animal ne meurt pour finir dans mon assiette et curieusement, JE VAIS BIEN » (www.curieusementjevaisbien.com). C’est évidemment de l’humour, et nous allons voir dans ce chapitre qu’il n’est absolument pas curieux que les végétariens soient en bonne santé. En effet, c’est prouvé : la mortalité toutes causes confondues est moins importante chez les végétaliens et les végétariens que chez les omnivores. C’est ce qu’a montré une étude portant sur plus de 60 000 personnes aux États-Unis, qui ont été suivies pendant 6 ans1. D’autres études2 ont montré que le végétarisme et le végétalisme avaient un effet protecteur contre certaines maladies, ciblées, cette fois.
Donc pour résumer, que ce soit de façon globale ou concernant des maladies précises ou des facteurs de risques (obésité, diabète, etc.), aucune preuve scientifique ne va à l’encontre d’un régime veggie. Bien au contraire, nous avons la preuve que les végétariens et les végétaliens (et en particulier ces derniers) vivent plus longtemps et en meilleure santé. What else ?
De mauvaises langues vous laisseront entendre qu’il faut être un expert pour équilibrer son alimentation ou maîtriser ses apports quand on mange veggie. Ceci est faux ! Quel que soit notre régime alimentaire, nous avons tous avantage à appliquer quelques notions de diététique et il n’est pas plus compliqué pour un végétarien que pour un omnivore de connaître et de mettre en pratique ces notions. C’est ce qu’explique très bien le Dr Jérôme Bernard-Pellet, médecin nutritionniste, dans l’introduction du livre Vegan de Marie Laforêt (Éd. La Plage, 2014).
« Mais où trouves-tu tes protéines ? » est une des questions que l’on vous posera certainement. Chaque végétarien y a droit un jour !
L’apport en protéines dans l’alimentation veggie est un faux problème. Les végétaux, et notamment les céréales complètes, les légumineuses et les oléagineux, fournissent à eux seuls plus de protéines que ce dont nous avons besoin, à condition d’en manger suffisamment au cours d’une journée. En effet, si les besoins caloriques sont couverts, les besoins en protéines le seront également.
Il est scientifiquement faux de dire que les protéines animales sont de meilleure qualité que les protéines végétales. Les protéines, telles des colliers de perles, qu’elles proviennent des produits animaux ou végétaux, sont un assemblage d’éléments unitaires nommés acides aminés. Il existe des acides aminés dits essentiels : ce sont ceux que notre corps ne sait pas fabriquer et qui doivent en conséquence être apportés par l’alimentation. Ces acides aminés essentiels (AAE) sont tous présents dans les aliments végétaux.
Chaque aliment, animal comme végétal, possède un profil particulier en acides aminés : certains comme le riz ou le maïs sont plus riches en méthionine qu’en lysine, par exemple, tandis que pour les légumineuses, c’est globalement l’inverse. On a longtemps entendu parler de la nécessité de coupler au cours d’un même repas des aliments aux profils en AAE dits « complémentaires ». En réalité, si vous consommez des aliments en quantité suffisante (c’est-à-dire en couvrant vos besoins caloriques, ce qui arrive sans souci lorsqu’on mange à sa faim), tout en piochant parmi les aliments de la pyramide alimentaire présentée au chapitre « Que dois-je manger ? » en partie 2, vous n’aurez aucunement besoin de penser constamment à ces associations. En conséquence, ne vous forcez pas à manger au cours du même repas des légumineuses et des céréales. Le principal étant de consommer les deux de façon régulière et de bien manger à votre faim, sans oublier les autres familles d’aliments veggie qui contiennent également des protéines (même les légumes en contiennent !).
À nouveau, rassurez-vous, une étude scientifique démontre qu’il n’y a pas plus d’anémie par carences en fer chez les végétaliens que chez les omnivores3. En pratique, on trouve du fer dans toutes les grandes familles d’aliments végétaux, et en particulier dans des aliments très communs comme les haricots blancs, les lentilles, le tofu, les graines de courge, les amandes, le sésame ou les abricots.
Le fer des végétaux (fer non héminique) est moins bien absorbé que le fer issu de la viande (fer héminique), mais son abondance dans les végétaux compense cette différence.
Pour les femmes, qui sont globalement plus sujettes aux anémies par carence en fer que les hommes (mais cela est autant valable pour les omnivores que pour les végétariennes !), et pour les végétariens qui consomment du fer d’origine végétale, on peut envisager les conseils suivants :
La vitamine D est essentielle à notre bonne santé. Parmi ses nombreux rôles, l’absorption et la fixation du calcium (voir paragraphe suivant).
L’alimentation fournissant peu de vitamine D, notre apport principal en vitamine D provient de la peau où elle est fabriquée sous l’effet des rayons UVB du soleil.
En théorie, l’inclinaison du soleil pendant l’hiver sous nos latitudes ainsi que notre faible exposition journalière directe (du fait de nos modes de vie urbains) font que la grande majorité des Français (quelle que soit leur alimentation) serait potentiellement carencée en vitamine D. Voilà pourquoi il est recommandé de se supplémenter en vitamine D via des spécialités que l’on trouve en pharmacie, avec ou sans ordonnance (Stérogyl® par exemple).
Les végétaliens privilégieront la vitamine D2 qui est toujours issue des végétaux, tandis que la vitamine D3 est pratiquement toujours issue des animaux. Le complément alimentaire Vitashine®5 contient une source végétale de vitamine D3. Concernant l’aspect quantitatif, le Guide du végétarien débutant6 édité par l’Association végétarienne de France (dotée d’un comité diététique) indique : « les adultes ne doivent pas hésiter à prendre environ 4 000 UI de D2 par jour sous forme de supplément s’ils veulent avoir des apports optimaux », tout en précisant que ce conseil n’est pas valable seulement pour les végétariens, mais pour tout le monde.
La question du calcium est passionnante ! Le discours officiel incite à consommer beaucoup de produits laitiers pour soi-disant faire le plein de calcium et ainsi protéger nos os. La réalité n’est pas aussi simple : la consommation de viande et de produits laitiers serait responsable d’une perte de calcium par les urines4. De plus, des apports journaliers de calcium plus importants ne garantiraient pas une meilleure santé osseuse chez les femmes en postménopause7. Enfin, des études mettent en évidence une adaptation de l’organisme aux apports journaliers, par une absorption accrue du calcium et des pertes urinaires moindres8. Ces pistes indiquent que des apports journaliers plus faibles que ceux actuellement recommandés dans les pays occidentaux sont envisageables, mais également qu’il est intéressant de puiser son calcium dans des sources végétales. L’apport en sel devrait également entrer en ligne de compte puisqu’une diminution de la consommation de sel permettrait de réduire la perte de calcium par les urines.
Voici quelques conseils pour optimiser vos apports et diminuer vos pertes de calcium :
L’OMS avance le chiffre de 550 mg de calcium comme apport quotidien suffisant dans la plupart des cas (chez l’adulte). Ce total est couvert sans souci en piochant quotidiennement parmi les aliments suivants et les eaux précédemment citées :
Les oméga-3 sont des acides gras polyinsaturés. Les principaux acides gras du groupe oméga-3 sont : l’acide alphalinolénique (ALA), l’acide eicosapentaénoïque (EPA) et l’acide docosahexaénoïque (DHA). L’ALA contient 18 molécules de carbone, il est dit à chaîne courte, tandis que l’EPA et le DHA sont des acides gras oméga-3 à chaînes longues : ils contiennent respectivement 20 et 22 molécules de carbone.
L’ALA est facile à trouver dans l’alimentation végétarienne tandis que les oméga-3 à chaînes longues (ELA et DHA) sont difficiles à trouver dans ce régime. L’organisme est naturellement capable de transformer l’ALA en EPA ou en DHA, mais le taux de conversion est assez faible (environ 10 % chez les humains)9, voilà pourquoi il semble prudent de dépasser un peu les recommandations en matière d’apports journaliers en ALA10 (2 g/jour selon l’EFSA11) car une partie de ces apports serviraient à être convertis en DHA et EPA. Les taux de conversion pour l’ALA tendent à s’améliorer quand les niveaux d’acides gras oméga-6 ne sont pas trop élevés9.
En conséquence, voici quelques conseils à retenir :
La vitamine B12 est indispensable à notre bonne santé, à divers égards. Elle participe à la formation des cellules sanguines et joue un rôle dans le système nerveux et dans le métabolisme.
Seules les bactéries (et d’autres organismes microscopiques, les archées) sont capables de synthétiser la vitamine B12. Dans l’alimentation humaine, seuls les produits et sous-produits animaux en contiennent. Les animaux la fabriquent grâce aux micro-organismes de leur flore digestive (via la rumination ou l’ingestion de leurs fèces).
À l’heure actuelle, on considère qu’il n’existe pas de source fiable de vitamine B12 dans le règne végétal, et ce malgré beaucoup de rumeurs qui circulent sur Internet. Pour les végétaliens, la seule façon d’obtenir une source fiable de vitamine B12 est de se supplémenter. Les usines qui produisent la vitamine B12 utilisent des bactéries et des végétaux pour recréer le processus naturel de synthèse de la vitamine. De nombreuses personnes jugent malgré tout « non naturel » le fait de se supplémenter en vitamine B12. Elles ignorent cependant que les omnivores tirent leur B12 en grande majorité de cette même source industrielle puisque 90 % de la production mondiale de B12 est destinée au bétail. La viande consommée a donc bénéficié de cette supplémentation, car l’élevage intensif moderne ne permet plus aux animaux de produire correctement la vitamine.
La Société Végane ainsi que de nombreuses associations militant en faveur du végétalisme ont édité un texte, « Ce que tout végane doit savoir sur la vitamine B12 – Lettre ouverte d’associations véganes et de professionnels de la santé12 », qui suggère de consommer 2 000 µg de vitamine B12 par semaine13 ou 10 µg par jour14. Les auteurs notent que plus la prise de B12 est rare, plus l’on doit en consommer car les petites quantités de B12 sont mieux assimilées. Il n’existe pas de risque à dépasser les doses recommandées.
La réponse est oui ! Comme l’affirme l’Association américaine de diététique dans sa position de 2009 sur les régimes végétariens4 : « Les alimentations végétalienne, lacto-végétarienne et ovo-lacto-végétarienne bien conçues sont appropriées à tous les stades de la vie, y compris la grossesse et l’allaitement. […] elles satisfont les besoins nutritionnels des bébés, des enfants, des adolescents et contribuent à une croissance normale. » Je vous recommande de lire ce texte, qui explique pour chaque âge les bienfaits d’une alimentation végétarienne et donne des recommandations pour les femmes enceintes et allaitantes, les nourrissons, les enfants, les adolescents, les personnes âgées et les sportifs de haut niveau. Globalement, il s’agit de prendre les précautions nécessaires afin d’obtenir les apports adéquats pour les différents micronutriments évoqués ci-dessus.
ENTRETIEN AVEC LUDOVIC RINGOT
Ludovic Ringot est diététicien nutritionniste diplômé en 1999, et cadre de santé diététicien depuis 2010 à l’APHP (hôpital Ambroise-Paré, Raymond-Poincaré et Sainte-Périne). Il fait partie de la commission diététique de l’Association végétarienne de France et est co-auteur de Petit végétarien gourmand (Éditions Alternatives, 2013).
Si tu avais un seul conseil à donner à un végétarien débutant au sujet de l’équilibre alimentaire, quel serait-il ?
Le conseil que je donnerai, c’est d’être « curieux ». Le passage d’une alimentation classique à une alimentation végétarienne remet en cause les habitudes prises dès le plus jeune âge. C’est une magnifique occasion de faire évoluer son régime alimentaire pour intégrer une nouvelle dynamique, pleine d’aliments riches en vitamines, en antioxydants, et bonne pour la santé.
Il faut profiter de ce moment de remise en question pour découvrir de nouveaux goûts, de nouvelles manières de cuisiner. Il faut éviter de se retourner vers les aliments déjà présents dans son alimentation : le recours aux fromages pour compenser la viande n’est, par exemple, pas une bonne idée. Non seulement les graisses apportées par les produits laitiers sont similaires à celles des viandes, mais en plus on surcharge son corps en calcium.
Comme nous le verrons dans la pyramide alimentaire, les légumineuses et les céréales complètes jouent un rôle majeur dans l’alimentation végétarienne. Peux-tu nous expliquer pourquoi ?
Les légumineuses ont plusieurs avantages. Riches en protéines pour compenser les apports habituellement couverts par la consommation de viande, elles permettent aussi d’apporter plus de fibres et vitamines du groupe B dans l’alimentation. Elles sont également riches en fer et pauvres en graisses. Les céréales complètes offrent quasiment les mêmes avantages, mais sont un peu moins riches en protéines. Leur présence dans l’alimentation permet d’assurer un apport en glucides complexes nécessaires à la couverture des besoins énergétiques.
Est-il important de faire régulièrement des analyses sanguines et lesquelles ?
Pas plus que lorsqu’on est omnivore. Le rapport de l’ADA (Association américaine de diététique) met d’ailleurs en avant un meilleur état de santé des végétariens par rapport aux non-végétariens. En cas de fatigue, on s’oriente peut-être plus facilement vers une anémie par carence en fer lorsqu’on est végétarien, et une supplémentation résout très vite le problème.
Dans différents chapitres de cet ouvrage, je donne des pistes aux végétariens débutants pour bien vivre leur alimentation en famille et en société. Quels conseils pourrais-tu leur donner concernant les relations avec le corps médical ?
Je pense qu’il faut être honnête et dire clairement que l’on est végétarien, ou végétalien. Il faut prendre un peu de temps pour expliquer son choix, et argumenter un peu, notamment en s’appuyant – si nécessaire – sur le rapport de l’ADA. Le médecin est un professionnel de santé qui est là pour vous aider quels que soient vos choix de vie, il doit rester ouvert à vos problématiques et il faut donc pouvoir être en pleine confiance avec lui.
Entre vous et vous c’est une chose, une idée qui fait son chemin et qui s’ancre aujourd’hui encore un peu plus dans votre réalité, puisque vous avez ce livre entre les mains. Mais en parler, l’annoncer et faire respecter son choix dans un monde où chacun câline son chien tout en mangeant un steak, voilà une autre paire de manches… Vous trouverez dans ce chapitre quelques conseils pour vous aider à en parler autour de vous. En parler aux bonnes personnes, avec les bons mots.
Peut-être vous demandez-vous si c’est absolument nécessaire de dire autour de vous que vous êtes devenu (ou comptez devenir) végétarien. En effet, la tentation existe de ne pas attirer l’attention sur soi tandis que l’on prend un chemin qui s’écarte de la norme. Vous avez des appréhensions et c’est normal, surtout au début où vous êtes encore peut-être inquiet à propos de votre santé ou de la composition de votre nouvelle assiette (si c’est le cas, je vous renvoie à la deuxième partie de ce livre). Néanmoins, je pense sincèrement qu’il vaut mieux en parler, mais c’est à vous de sentir quand, et à qui.
Les plus confiants d’entre vous en parleront spontanément à leurs amis, à leur famille ou à leurs collègues dès le début, dès leur « période de transition ». J’ai remarqué que cette approche permet à l’entourage de s’habituer progressivement à la nouvelle. Les plus moqueurs se diront (ou vous diront !) que vous n’y arriverez pas, que c’est impossible, que la viande va trop vous manquer… et seront peut-être bluffés ou incrédules lorsque vous leur direz que oui, maintenant vous êtes végétarien !
Si vous craignez ce type de remarques, ou si vous savez que certaines personnes risquent d’adopter un comportement plus pessimiste ou réprobateur qu’encourageant, vous pouvez simplement en parler lorsque vous serez bien ancré dans votre décision et dans votre nouvelle assiette. Dans tous les cas, cela ne vous empêche pas de choisir à qui vous souhaitez le dire et comment le dire.
Le plus simple est d’en parler en premier lieu à vos proches, aux personnes qui partagent votre quotidien. Normal, n’est-ce pas ? Vous n’êtes absolument pas obligé de le dire à la terre entière, surtout aux personnes qui ne partagent pas vos repas ou votre quotidien, même si elles font partie de votre famille. Il est important de vous mettre dans une posture de confiance : c’est votre choix et c’est tout (et ce, quelles que soient vos raisons !). Il me semble que vous n’avez de comptes à rendre qu’à vous-même. Avez-vous du plaisir à manger ? Vous sentez-vous bien dans votre corps et dans votre tête ? Voilà les bonnes questions. Néanmoins, si vous ressentez le besoin d’en parler autour de vous, ne vous brimez surtout pas ! Sachez simplement qu’en fonction de votre interlocuteur, la réaction pourra être très variable et pas forcément sympathique, ni de bonne foi…
Pour ma part, quand je suis devenue végétarienne à l’âge de 15 ans, j’étais très discrète sur le sujet et les amis à qui j’en parlais étaient globalement curieux et respectueux de mon choix. Pourtant, dès que je sortais de mon petit milieu protégé, je ressentais de la gêne. Je ne voulais pas déranger, j’étais la « végé qui s’adapte », qui trie les petits lardons dans les spaghetti à la carbonara. Que celui qui n’a pas trié un jour me jette la première pierre ! Et puis les années ont passé. Grâce à Internet, j’ai compris que l’on pouvait s’affirmer dans son choix et qu’il n’y avait aucun mal ni aucune honte à cela. J’ai compris qu’on pouvait dire non aux moqueries venant de personnes peu délicates. J’ai arrêté de sourire poliment aux blagues stupides et me suis armée de répartie ou même d’indifférence quand c’était nécessaire. Je n’ai désormais aucun scrupule à orienter volontairement mes amis vers un resto veggie, car je suis intimement persuadée que l’on a tous à y gagner. Qui m’aime me suive !
Dans votre parcours, vous allez (peut-être) malheureusement découvrir que la végéphobie existe… les mécanismes psychologiques et sociaux sous-jacents sont bien expliqués, notamment dans l’excellent livre de Martin Gibert, Voir son steak comme un animal mort (Lux Éditeur, 2015) ou celui de Melany Joy, Why we love dogs, eat pigs, and wear cows (Conari Press) (en anglais, mais certains chapitres sont disponibles en français sur Internet).
En dehors de votre entourage proche, je vous conseille d’identifier les personnes à qui vous avez réellement envie d’expliquer votre choix. L’attitude de votre interlocuteur vous donne-t-elle réellement envie de partager vos raisons ? Si ce n’est pas le cas, vous n’êtes pas obligé de vous livrer. Et si vous le faites, la conversation peut s’avérer tendue. C’est pourquoi j’ai tendance à conseiller d’entrer dans une discussion lorsque vous sentez que vous en avez envie, et non (uniquement) parce que vous vous dites qu’il le faut (« cette personne dit trop d’absurdités, il faut que je me défende ! »). Bien entendu, certains d’entre nous sont plus à l’aise dans l’adversité que d’autres, et il n’y a pas de règle. Je conseille simplement, autant que faire se peut, de vous préserver d’échanges polluants et d’émotions négatives.
Quand vous en parlerez, soyez factuel et concis.
Le plus court serait par exemple : « Je suis végétarien(ne) par choix : pour les animaux / ma santé / la planète » (choisissez).
Ou bien développez (un peu) : « Je suis végétarien(ne)-végétalien(ne) car… »
Dans certains contextes, vous n’avez peut-être pas envie que ça traîne, surtout si vous avez en face de vous des personnes très obtuses. Il m’arrive de dire : « Bien entendu, je ne prétends pas vous imposer quoi que ce soit, mais vous devriez simplement vous renseigner sur les bienfaits de cette alimentation, pour votre santé et pour l’environnement, ou simplement pour éviter des pratiques brutales et douloureuses aux animaux ». Et je donne parfois le nom du site web www.viande.info à mon interlocuteur.
Terminons ce chapitre avec quelques éléments de réponse (sérieux ou non) aux objections et réactions les plus courantes… il y en a d’autres, n’hésitez pas à fouiller sur Internet ! (Les questions ou remarques très stupides sont malheureusement communes également. Voir le Tumblr « Le végétarisme m’a tuer ».)
L’homme a toujours mangé de la viande ! (Ou l’homme est omnivore.)
Je respecte ton choix, respecte mon choix de manger de la viande.
Les animaux ne souffrent pas quand on les tue.
C’est grâce à la viande que le cerveau de l’homme a évolué !
Moi je ne mange que la bonne viande bio qui vient du petit producteur d’à-côté de chez mes parents à la campagne !
Tu pourrais faire un petit effort pour ta grand-mère / chez les voisins / chez mes parents…
Les animaux sont faits pour ça.
Je suis d’accord avec toi mais la viande et le fromage, c’est trop bon !
Les végétariens sont : tristes/extrémistes/sectaires…
1Orlich, M.J., et al., Vegetarian dietary patterns and mortality in Adventist Health Study 2, JAMA Intern Med, 2013, 173 : 1230-8.2.
2 Appleby, P.N., et al., The Oxford Vegetarian Study : an overview, Am J Clin Nutr, 1999, 70 : 525S-531S. Key, T.J., et al., Mortality in vegetarians and nonvegetarians: detailed findings from a collaborative analysis of 5 prospective studies, Am J Clin Nutr, 1999, 70 : 516S-524S. Key, T.J., et al., Mortality in British vegetarians: review and preliminary results from EPIC-Oxford, Am J Clin Nutr, 2003, 78 : 533S-538S. Craig, W.J. and A.R. Mangels, Position of the American Dietetic Association : vegetarian diets, J Am Diet Assoc, 2009, 109 : 1266-82. (Traduction en français sur le site de l’APSARes : http://www.alimentation-responsable.com/sites/alimentation-responsable.com/files/Position_VG_ADA2009_VF1.00.pdf)
3Ball, M.J., M.A. Bartlett, Dietary intake and iron status of Australian vegetarian women, Am J Clin Nutr, 1999, 70 : 353-8.
4Craig, W.J., A.R. Mangels, Position of the American Dietetic Association : vegetarian diets, J Am Diet Assoc, 2009, 109 : 1266-82. (Traduction en français sur le site de l’APSARes : http://www.alimentation-responsable.com/sites/alimentation-responsable.com/files/Position_VG_ADA2009_VF1.00.pdf)
5En vente en ligne sur www.vitashine.com ou dans la boutique Un monde vegan.
6Disponible en ligne sur le site de l’Association végétarienne de France : http://www.vegetarisme.fr/wp-content/uploads/2012/06/guide-vegetarien-debutant.pdf
7Sellmeyer D.E., et al., A high ratio of dietary animal to vegetable protein increases the rate of bone loss and the risk of fracture in postmenopausal women, Am J Clin Nutr, 2001, 73 : 118-22.
8Prentice, A, et al., Biochemical markers of calcium and bone metabolism during 18 months of lactation in Gambian women accustomed to a low calcium intake and in those consuming a calcium supplement, J Clin Endocrinol Metab, 1998, 83 : 1059-1066.
9Williams C. M., Burdge G., Long-chain n-3 PUFA : plant v. marine sources, Proc Nutr Soc, 2006, 65 : 42-50.
10Institute of Medicine, Food and Nutrition Board, Dietary Reference Intakes for Energy, Carbohydrate, Fiber, Fat, Fatty Acids, Cholesterol, Protein, and Amino Acids, Washington, DC : National Academies Press, 2002.
11European Food Safety Authority. Scientific Opinion : Labelling reference intake values for n-3 and n-6 polyunsaturated fatty acids. The EFSA Journal. 2009 ; 1176, 1-11.
12À lire sur le site Internet de la Société Végane : http://www.societevegane.fr/documentation/sante/ce-que-tout-vegane-doit-savoir-sur-la-vitamine-b12/
13Soit 2 ampoules à boire de 1 000 µg, disponibles sans ordonnance en pharmacie.
14Sous forme de compléments alimentaires comme VEG 1, vendu notamment chez Un Monde Vegan.
15La production industrielle de viande engendre des pollutions considérées comme problématiques pour la santé publique (forts taux de nitrate retrouvés dans l’eau, en Bretagne, imputables à l’élevage porcin par exemple).