LIVRE SIXIÈME

I. LE PÂTRE ET LE LION
suivi de 
II. LE LION ET LE CHASSEUR

La vraie épreuve du courage

N’est que dans le danger que l’on touche du doigt.

Tel le cherchait, dit-il, qui changeant de langage

S’enfuit aussitôt qu’il le voit.

SOURCE : ÉSOPE  LE BOUVIER ET LE LION

Un bouvier, qui paissait un troupeau de bœufs, perdit un veau. Il fit le tour du voisinage, sans le retrouver. Alors il promit à Zeus, s’il découvrait le voleur, de lui sacrifier un chevreau. Or, étant entré dans un bois, il vit un lion qui dévorait le veau ; épouvanté, il leva les mains au ciel en s’écriant : « Ô souverain Zeus, naguère j’ai fait vœu de t’immoler un chevreau, si je trouvais le voleur ; à présent je t’immolerai un taureau, si j’échappe aux griffes du voleur. »

On pourrait appliquer cette fable à ceux qui sont en butte à quelque disgrâce : dans leur embarras, ils souhaitent d’en trouver le remède, et, quand ils l’ont trouvé, ils cherchent à s’y soustraire.

SOURCE : ÉSOPE  LE CHASSEUR POLTRON ET LE BÛCHERON

Un chasseur cherchait la piste d’un lion. Il demanda à un bûcheron s’il avait vu des pas de lion et où gîtait la bête. « Je vais, répondit le bûcheron, te montrer le lion lui-même. » Le chasseur devint blême de peur, et, claquant des dents, il dit : « C’est la piste seulement que je cherche, et non le lion lui-même. »

Cette fable apprend à reconnaître les gens hardis et lâches, j’entends hardis en paroles et lâches en actions.

SOURCE : FAËRNE  LE BOUVIER

(Cent Fables choisies, LXXV)

Un Bouvier menant son troupeau

Au travers d’une forêt sombre,

Et de ses animaux voulant savoir le nombre,

Trouva qu’il y manquait un Veau.

Ô Jupiter, dit-il, prends pitié de ma peine !

Si tu me fais trouver le voleur qui l’emmène,

Je te consacre un Chevreau.

Dans le plus creux de la vallée

Il n’eut pas fait cinquante pas,

Qu’il vit un grand Lion sous la sombre feuillée,

Qui du Veau faisait son repas.

Le Bouvier crut alors aller cesser de vivre,

Et s’écria : Roi des Dieux immortels,

J’offre un Bœuf tout entier à tes sacrés Autels,

Si d’un si grand péril ta bonté me délivre !

Souvent on cherche avec chaleur

Ce qu’on ne peut trouver que par un grand malheur.

III. PHÉBUS ET BORÉE1

Borée et le Soleil virent un Voyageur

Qui s’était muni par bonheur

Contre le mauvais temps. (On entrait dans l’Automne,

Quand la précaution aux voyageurs est bonne :

5Il pleut ; le Soleil luit ; et l’écharpe d’Iris2

Rend ceux qui sortent avertis

Qu’en ces mois le Manteau leur est fort nécessaire.

Les Latins les nommaient douteux pour cette affaire3).

Notre homme s’était donc à la pluie attendu.

10Bon manteau bien doublé ; bonne étoffe bien forte.

« Celui-ci, dit le Vent, prétend avoir pourvu

À tous les accidents ; mais il n’a pas prévu

Que je saurai souffler de sorte

Qu’il n’est bouton qui tienne : il faudra, si je veux,

15Que le Manteau s’en aille au diable.

L’ébattement4 pourrait nous en être agréable :

Vous plaît-il de l’avoir ? – Eh bien gageons nous deux,

(Dit Phébus) sans tant de paroles,

À qui plus tôt aura dégarni les épaules

20Du Cavalier que nous voyons.

Commencez : je vous laisse obscurcir mes rayons. »

Il n’en fallut pas plus. Notre Souffleur à gage5

Se gorge de vapeurs, s’enfle comme un ballon ;

Fait un vacarme de Démon ;

25Siffle, souffle, tempête, et brise en son passage

Maint toit qui n’en peut mais, fait périr maint bateau ;

Le tout au sujet d’un Manteau.

Le Cavalier eut soin d’empêcher que l’orage

Ne se pût engouffrer dedans.

30Cela le préserva ; le Vent perdit son temps ;

Plus il se tourmentait, plus l’autre tenait ferme ;

Il eut beau faire agir le collet et les plis.

Sitôt qu’il fut au bout du terme

Qu’à la gageure on avait mis,

35Le Soleil dissipe la nue,

Recrée, et puis pénètre enfin le Cavalier ;

Sous son balandras fait qu’il sue,

Le contraint de s’en dépouiller.

Encor n’usa-t-il pas de toute sa puissance.

40Plus fait Douceur que Violence.

SOURCE : ÉSOPE  BORÉE ET LE SOLEIL

Borée et le Soleil contestaient de leur force. Ils décidèrent d’attribuer la palme à celui d’entre eux qui dépouillerait un voyageur de ses vêtements. Borée commença ; il souffla avec violence. Comme l’homme serrait sur lui son vêtement, il l’assaillit avec plus de force. Mais l’homme incommodé encore davantage par le froid, prit un vêtement de plus, si bien que, rebuté, Borée le livra au Soleil. Celui-ci tout d’abord luisit modérément ; puis, l’homme ayant ôté son vêtement supplémentaire, le Soleil darda des rayons plus ardents, jusqu’à ce que l’homme, ne pouvant plus résister à la chaleur, ôta ses habits et s’en alla prendre un bain dans la rivière voisine.

Cette fable montre que souvent la persuasion est plus efficace que la violence.

SOURCE : FAËRNE  LE PAYSAN ET JUPITER

(Cent Fables choisies, XCVIII)

Entre les mains d’un Paysan

Jupiter autrefois remit un héritage,

Et lui dit que des fruits ils feraient le partage

Entre eux deux à la fin de l’an,

Avec ce pacte encore que le Maître du monde

Ferait neiger, pleuvoir, venter, geler, tonner,

Et luire du Soleil la lumière féconde,

Ainsi qu’au Paysan il plairait d’ordonner.

Il se mit donc à remuer la terre,

À la herser, à la semer.

Et sur tout à la bien fumer.

Tout crut, tout profita, car le Dieu du Tonnerre

Donnait le temps que l’homme demandait :

Mais quand la Moisson vint, cet homme malhabile,

Au lieu des grains qu’il attendait,

Ne recueillit qu’une paille stérile.

Jupiter en sourit, et ce triste malheur,

Affligea peu le Roi du monde,

Qui Maître souverain de la Terre et de l’Onde,

Et des biens et des maux juste dispensateur,

Voulut montrer combien sa Providence

L’emporte sur notre prudence.

Tu vois, dit-il au Laboureur,

Ce qu’il t’en prend d’avoir réglé l’année,

Et fait du temps la destinée ;

Laisse-moi donc en ordonner,

Et ne prends soin que de la Terre :

Contente-toi de la bien façonner,

Et de faire aux Mulots une cruelle guerre,

Et moi j’aurais le soin de neiger, de pleuvoir

Et de donner le temps tel qu’il le faut avoir.

La chose ainsi sagement digérée,

Du Paysan fut agréée

Si grande fut de l’an d’après

La fertilité des guérets,

Que les greniers qui de grains se remplirent,

Pour les contenir tous à grand-peine suffirent.

Depuis l’homme ignorant et superficiel

N’a plus voulu régler le Ciel.

V. LE COCHET1, LE CHAT, ET LE SOURICEAU

Un Souriceau tout jeune, et qui n’avait rien vu,

Fut presque pris au dépourvu.

Voici comme il conta l’aventure à sa Mère.

« J’avais franchi les Monts qui bornent cet État,

5Et trottais comme un jeune Rat

Qui cherche à se donner carrière,

Lorsque deux animaux m’ont arrêté les yeux ;

L’un doux, bénin et gracieux ;

Et l’autre turbulent, et plein d’inquiétude.

10Il a la voix perçante et rude ;

Sur la tête un morceau de chair ;

Une sorte de bras dont il s’élève en l’air,

Comme pour prendre sa volée ;

La queue en panache étalée. »

15Or c’était un Cochet dont notre Souriceau

Fit à sa mère le tableau,

Comme d’un animal venu de l’Amérique.

« Il se battait, dit-il, les flancs avec ses bras,

Faisant tel bruit et tel fracas,

20Que moi, qui grâce aux Dieux de courage me pique,

En ai pris la fuite de peur,

Le maudissant de très bon cœur.

Sans lui j’aurais fait connaissance

Avec cet Animal qui m’a semblé si doux.

25Il est velouté comme nous,

Marqueté, longue queue, une humble contenance ;

Un modeste regard, et pourtant l’œil luisant :

Je le crois fort sympathisant

Avec Messieurs les Rats ; car il a des oreilles

30En figure aux nôtres pareilles.

Je l’allais aborder ; quand d’un son plein d’éclat

L’autre m’a fait prendre la fuite.

— Mon fils, dit la Souris, ce doucet est un Chat,

Qui sous son minois hypocrite

35Contre toute ta parenté

D’un malin vouloir2 est porté.

L’autre animal tout au contraire

Bien éloigné de nous mal faire,

Servira quelque jour peut-être à nos repas.

40Quant au Chat, c’est sur nous qu’il fonde sa cuisine.

Garde-toi, tant que tu vivras,

De juger des gens sur la mine. »

SOURCE : VERDIZOTTI  LE SOURICEAU,
LE
CHAT ET LE COCHER

(Cent Fables morales, XXI)

Un souriceau sortit de son trou où sa mère l’avait laissé depuis sa naissance ; par hasard il rencontra un cocher et un chat. Celui-ci, aussitôt qu’il vit le souriceau s’aplatit, calme, au milieu du sentier. Il guetta, pour l’enlever et s’en amuser, la petite bête qui tout doucement, par jeu, s’approchait. Mais le cocher qui l’avait également vu, courut vers lui en battant des ailes pour jouer. Le souriceau effrayé par les mouvements inattendus du cocher s’enfuit et retourna aussitôt auprès de sa mère qui pleine d’appréhension lui demanda la raison de sa fuite. Il lui répondit en tremblant : « J’ai vu, mère, pendant que j’allais me promener, deux animaux. L’un, dont le poil est pareil au tien, mais avec des taches différentes, de couleurs plus foncées ; ses beaux yeux semblaient d’or luisant et pleins de bienveillance. Il a quatre pattes et une longue queue de teintes variées. Ce qui me plaît le plus en lui, c’est qu’il paraît si paisible, si aimable et qu’il ne bougea pas à ma vue. Au contraire, lorsqu’il me vit, il s’arrêta en un geste humble et bienveillant. La hardiesse me vint d’aller auprès de lui car j’avais grand désir d’aller admirer de plus près son bel aspect. Quant à l’autre, plus petit, son dos est vêtu de plumes noires, il n’a que deux pieds, une crête rouge comme le sang sur la tête et de farouches yeux de feu. Il me parut si menaçant et si hautain que, aussitôt qu’il m’aperçut de loin, avec une arrogance que je ne puis t’exprimer, ouvrant ses deux ailes, et poussant un cri aigu, il vint à ma rencontre. Il semblait si cruel et orgueilleux que tout mon être fut saisi de frayeur. Je pris la fuite de crainte qu’il ne me dévorât. Il continua à me poursuivre avec des cris de rage, mais finalement, je pus revenir à toi sain et sauf. Voilà la raison de ma terreur, de ma fuite et de mon effroi. »

Alors la mère, qui avait très bien compris qui étaient ces animaux qu’il décrivait, lui répondit : « Ah ! mon fils, comme ta naïveté te trompe ; tu ne reconnais pas encore le bien du mal, car tu sors à peine de mon ventre et que tu es dénué de toute expérience. Sache que l’animal qui te parut si humble et plein de bonté, est le plus méchant de la terre : perfide, inique, hautain, redoutable, il est le pire ennemi de ton espèce. Il ne se montrait humain à tes yeux que pour s’assurer que tu t’approcherais innocemment de lui et qu’il pourrait assouvir sa faim gourmande. Crains-le toujours, ne mets pas ta confiance dans sa fausse apparence doucereuse, tiens-toi bien loin de ses griffes si tu ne veux pas risquer une mort cruelle. Quant à l’autre animal qui te parut hautain, désobligeant, et menaçant, il est simple comme toi, indulgent, prêt à jouer. Jamais il ne se nourrit ni ne se repaît du sang d’autrui ; il ne courait à ta rencontre que par jeu, en criant pour plaisanter avec toi, et puis il t’aurait laissé t’en aller en paix sans te faire de mal. Ne crains donc pas sa vaine impétuosité qui t’a semblé redoutable. Mais crains plutôt celui qui de loin apparut si gentil à ton être ingénu. »

Ainsi doit-on redouter l’homme sans scrupules et faux qui prend une apparence de sainteté mais dont le cœur est celui d’un loup rapace. Il a l’habitude de se taire ou bien il cache, sous de pieux discours, ce que convoite son esprit perfide. On ne doit pas avoir peur de celui qui dans ses discours se montre parfois hautain, ou qui, à tort, paraît orgueilleux dans ses paroles, mais que tu trouveras indulgent et pieux dans ses actions.

Ainsi, parfois un homme peut présenter, un visage de saint, mais si tu le regardes à l’œuvre c’est un diable. Maintes fois un homme qui paraît méchant cache la bonté de son cœur sous des apparences trompeuses.

Ne juge pas sur la mine, le bon ou le méchant.

SOURCE : ÉSOPE  LE RENARD ET LE SINGE ÉLU ROI

Le singe, ayant dansé dans une assemblée des bêtes et gagné leur faveur, fut élu roi par elles. Le renard en fut jaloux et, ayant vu un morceau de viande dans un lacs, il y mena le singe en lui disant qu’il avait trouvé un trésor, mais qu’au lieu d’en user lui-même, il le lui avait gardé, comme étant un apanage de la royauté, et il l’engagea à le prendre. Le singe s’en approcha étourdiment et fut pris au lacs. Comme il accusait le renard de lui avoir tendu un piège, celui-ci répliqua : « Ô singe, sot comme tu es, tu veux régner sur les bêtes ! »

C’est ainsi que ceux qui se lancent inconsidérément dans une entreprise, non seulement échouent, mais encore prêtent à rire.

VII. LE MULET SE VANTANT DE SA GÉNÉALOGIE

Le Mulet d’un Prélat se piquait de noblesse,

Et ne parlait incessamment

Que de sa Mère la Jument,

Dont il contait mainte prouesse.

5Elle avait fait ceci, puis avait été là.

Son Fils prétendait pour cela

Qu’on le dût mettre dans l’Histoire.

Il eût cru s’abaisser servant un Médecin.

Étant devenu vieux on le mit au moulin.

10Son père l’Âne alors lui revint en mémoire.

Quand le Malheur ne serait bon

Qu’à mettre un Sot à la raison,

Toujours serait-ce à juste cause

Qu’on le dit bon à quelque chose.

SOURCE : ÉSOPE  LA MULE

Une mule engraissée d’orge se mit à gambader, se disant à elle-même : « J’ai pour père un cheval rapide à la course, et moi je lui ressemble de tout point. » Mais un jour l’occasion vint où la mule se vit forcée de courir. La course terminée, elle se renfrogna et se souvint soudain de son père l’âne.

Cette fable montre que, même si les circonstances mettent un homme en vue, il ne doit pas oublier son origine ; car cette vie n’est qu’incertitude.

SOURCE : FAËRNE  LE MULET

(Cent Fables choisies, XXX)

SOURCE : PHÈDRE  LE VIEILLARD ET L’ÂNE (I, XV)

Dans un changement de gouvernement, il n’y a souvent que le maître qui change pour les citoyens pauvres. C’est une vérité que prouve la petite fable suivante.

Un vieillard craintif faisait paître son âne dans une prairie ; épouvanté par les cris soudains des ennemis, il engageait l’âne à fuir pour empêcher qu’on ne les prît. Mais l’âne, sans s’émouvoir : « Crois-tu, je te prie, que le vainqueur me fasse porter double bât ? — Non, répondit le vieillard. — Eh bien alors, que m’importe qui je servirai, du moment que je continuerai à porter un bât unique ? »

SOURCE : PHÈDRE  LE CERF SE VOYANT DANS L’EAU (I, XII)

On trouve souvent ce qu’on a vanté moins utile que ce qu’on a méprisé, témoin cette histoire.

Le cerf, après avoir bu à la source, s’y arrêta, et dans la surface liquide vit son image ; là, tandis qu’en admiration il vante la ramure de son bois et critique la trop grande finesse de ses jambes, effrayé soudain par les cris des chasseurs, il se met à fuir à travers champs, et sa course légère met les chiens en défaut. Le fourré le reçoit ensuite au sortir de la plaine ; mais, là, arrêté par son bois qui s’embarrasse dans les branches, il est déchiré par la morsure cruelle des chiens. On dit qu’en expirant il prononça cette parole : « Malheureux que je suis ! maintenant seulement je comprends toute l’utilité du bien que j’avais méprisé, comme pour les avantages dont j’étais fier, tout ce qu’ils avaient de funeste. »

 

N. B. : Ésope avait déjà traité ce thème dans sa fable, Le Cerf à la source et le Lion, mais c’est la version de Phèdre qui inspira La Fontaine.

X. LE LIÈVRE ET LA TORTUE

SOURCE : ÉSOPE  LA TORTUE ET LE LIÈVRE

La tortue et le lièvre disputaient qui était le plus vite. En conséquence ils fixèrent un jour et un endroit et se séparèrent. Or le lièvre, confiant dans sa vitesse naturelle, ne se pressa pas de partir ; il se coucha au bord de la route et s’endormit ; mais la tortue, qui avait conscience de sa lenteur, ne cessa de courir, et, prenant ainsi l’avance sur le lièvre endormi, elle arriva au but et gagna le prix.

SOURCE : ÉSOPE  LÂNE ET LE JARDINIER

Un âne était au service d’un jardinier. Comme il mangeait peu, tout en travaillant beaucoup, il pria Jupiter de le délivrer du jardinier et de le faire vendre à un autre maître. Zeus l’exauça et le fit vendre à un potier. Mais il fut de nouveau mécontent, parce qu’on le chargeait davantage et qu’on lui faisait porter l’argile et la poterie. Aussi demanda-t-il encore une fois à changer de maître, et il fut vendu à un corroyeur. Il tomba ainsi sur un maître pire que les autres. En voyant quel métier faisait ce maître, il dit en soupirant : « Hélas ! malheureux que je suis ! j’aurais mieux fait de rester chez mes premiers maîtres ; car celui-ci, à ce que je vois, tannera aussi ma peau. »

Cette fable montre que les serviteurs ne regrettent jamais tant leurs premiers maîtres que quand ils ont fait l’épreuve des suivants.

SOURCE : FAËRNE  LÂNE, CHANGEANT DE MAÎTRE

(Cent Fables choisies, LXIX)

L’Âne d’un Jardinier se plaignant chaque jour

D’avoir trop de fatigue et trop peu de quoi paître,

Pria le Souverain de la céleste Cour,

De lui donner un autre Maître.

Jupiter consentit qu’il servit un Potier.

Il n’en eut pas plus de quartier ;

Car sans cesse il portait argile, tuile et brique.

Il fit à Jupiter encore une supplique

Pour avoir un autre Seigneur.

Jupiter ordonna qu’il eût un Corroyeur.

Ce fut bien pis. Chargé de peaux pesantes,

Sales, vilaines et puantes,

De ses frères, de ses parents,

Il crevait sous le faix. Ah ! se mit-il à braire,

Que le sort m’est dur et contraire ;

Mes Maîtres d’autrefois n’étaient pas si tyrans.

Ce maudit Corroyeur, que Jupiter confonde,

Et qui me va mettre au tombeau,

Quand je ne serai plus au monde,

Ira se mettre encore à tourmenter ma peau.

À faire son profit ce n’est pas se connaître,

Que de changer souvent de Maître.

SOURCE : ÉSOPE  LE SOLEIL ET LES GRENOUILLES

C’était l’été, et l’on célébrait les noces du Soleil. Tous les animaux se réjouissaient de l’événement, et il n’était pas jusqu’aux grenouilles qui ne fussent en liesse. Mais l’une d’elles, s’écria : « Insensées, à quel propos vous réjouissez-vous ? À lui seul, le Soleil dessèche tous les marécages ; s’il prend femme et fait un enfant semblable à lui, que n’aurons-nous pas à souffrir ? »

Beaucoup de gens à tête légère se réjouissent de choses qui n’ont rien de réjouissant.

SOURCE : PHÈDRE  LE SOLEIL ET LES GRENOUILLES (I, VI)

Ésope, voyant les noces d’un voleur attirer le concours du voisinage, se mit aussitôt à dire ce conte :

Un jour que le soleil voulait prendre femme, les grenouilles poussèrent des cris jusqu’aux astres. Tout ému de ce vacarme, Jupiter demande la cause de leurs plaintes. Alors une habitante des étangs lui répond : « Présentement, un seul soleil brûle, tarit tous les bassins et nous fait misérablement périr dans nos demeures desséchées ; que sera-ce donc, s’il a des enfants ? »

SOURCE : ÉSOPE  LE LABOUREUR ET LE SERPENT GELÉ

Un laboureur trouva dans la saison d’hiver un serpent raidi par le froid. Il en eut pitié, le ramassa et le mit dans son sein. Réchauffé, le serpent reprit son naturel, frappa et tua son bienfaiteur, qui, se sentant mourir, s’écria : « Je l’ai bien mérité, ayant eu pitié d’un méchant. »

Cette fable montre que la perversité ne change pas, quelque bonté qu’on lui témoigne.

SOURCE : PHÈDRE  LHOMME ET LE SERPENT (IV, XX)

Celui qui porte secours aux méchants le regrette quand il est trop tard.

Comme un serpent était raide de froid, un homme le ramassa et le réchauffa dans son sein ; c’était une compassion contraire à son propre intérêt, car une fois ranimé, l’animal tua l’homme à l’instant même. Un autre serpent lui demandant le motif de ce crime, il répondit : « C’est afin que l’on apprenne à ne pas rendre service aux méchants. »

XIV. LE LION MALADE ET LE RENARD

De par le Roi des Animaux,

Qui dans son Antre était malade,

Fut fait savoir à ses Vassaux

Que chaque espèce en Ambassade

5Envoyât Gens le visiter :

Sous promesse de bien traiter

Les Députés, eux et leur suite ;

Foi de Lion très bien écrite

Bon passeport contre la dent ;

10Contre la griffe tout autant.

L’Édit du Prince s’exécute.

De chaque espèce on lui députe.

Les Renards gardant la maison,

Un d’eux en dit cette raison :

15« Les pas empreints sur la poussière

Par ceux qui s’en vont faire au Malade leur cour,

Tous, sans exception, regardent sa tanière ;

Pas un ne marque de retour.

Cela nous met en méfiance.

20Que Sa Majesté nous dispense.

Grand merci de son passeport.

Je le crois bon ; mais dans cet Antre

Je vois fort bien comme l’on entre,

Et ne vois pas comme on en sort. »

SOURCE : ÉSOPE  LE LION VIEILLI ET LE RENARD

Un lion devenu vieux, et dès lors incapable de se procurer de la nourriture par la force, jugea qu’il fallait le faire par adresse. Il se rendit donc dans une caverne et s’y coucha, contrefaisant le malade ; et ainsi, quand les animaux vinrent le visiter, il les saisit et les dévora. Or beaucoup avaient déjà péri, quand le renard, ayant deviné son artifice, se présenta, et s’arrêtant à distance de la caverne, s’informa comment il allait. « Mal », dit le lion, qui lui demanda pourquoi il n’entrait pas. « Moi, dit le renard, je serais entré, si je ne voyais beaucoup de traces d’animaux qui entrent, mais d’animal qui sorte, aucune. »

Ainsi les hommes judicieux prévoient à certains indices les dangers, et les évitent.

SOURCE : FAËRNE  LE LION ET LE RENARD

(Cent Fables choisies, LXXIV)

Un Lion cassé de vieillesse,

Ne pouvant chasser désormais,

Ni par là se pourvoir de bons et friands mets,

Comme il faisait en sa verte jeunesse,

Crut que par ruse et par adresse

Il en aurait plus que jamais.

Il feint d’être malade, et couché dans son Antre,

Pousse un plaintif gémissement.

Les Bêtes le vont voir, et dès que chacune entre,

Il l’agrippe, il la croque et la met dans son ventre.

Nulle ne sort de son appartement.

Le Renard pour en être quitte,

Voulut aussi lui rendre une visite,

Et s’approcha tout doucement.

Le Lion l’entendit du fond de sa Tanière,

Et lui cria d’une douce manière :

Entrez, entrez, vous me ferez honneur.

Le Renard répondit : excusez-moi Seigneur,

Les pas des Animaux marqués sur la poussière,

Vont tous de concert en avant,

Et pas un seul ne retourne en arrière.

Salut, et je m’enfuis plus vite que le vent.

Sur un signe léger souvent un homme sage

Se tire d’un mauvais passage.

SOURCE : ABSTÉMIUS  DE L’AUTOUR QUI POURSUIVAIT UNE COLOMBE

(Hecatomythium, III)

SOURCE : ÉSOPE  LE CHEVAL ET L’ÂNE

Un homme avait un cheval et un âne. Un jour qu’ils étaient en route, l’âne, pendant le trajet, dit au cheval : « Prends une partie de ma charge, si tu tiens à ma vie. » Le cheval fit la sourde oreille, et l’âne tomba, épuisé de fatigue, et mourut. Alors le maître chargea tout sur le cheval, même la peau de l’âne. Et le cheval dit en soupirant : « Ah ! je n’ai pas de chance ; que m’est-il arrivé là, hélas ! Pour n’avoir pas voulu me charger d’un léger fardeau, voilà que je porte tout, avec la peau en plus. »

Cette fable montre que, si les grands font cause commune avec les petits, les uns et les autres assureront ainsi leur vie.

SOURCE : FAËRNE  LE CHEVAL ET L’ÂNE

D’un même Maître l’Âne et le Cheval,

Tous deux chargés faisaient voyage.

L’Âne accablé sous le faix du bagage,

Allait priant l’autre animal

D’en vouloir prendre une partie :

Le Cheval ne l’écouta pas,

Et l’Âne au bout de quatre pas,

Sous le fardeau laissa la vie.

Le fier Cheval se vit alors,

Malgré son arrogance extrême,

Contraint de porter sur son corps

Le faix de l’Âne et sa peau même.

Ciel ! cria-t-il, quel est mon sort ?

Pour avoir refusé, par une humeur trop fière,

D’aider mon compagnon qui vient de tomber mort,

Seul je porte aujourd’hui la charge toute entière.

Si l’homme accommodé n’aide le malheureux,

Ils s’en trouveront mal tous deux.

XVII. LE CHIEN QUI LÂCHE SA PROIE POUR L’OMBRE

Chacun se trompe ici-bas.

On voit courir après l’ombre

Tant de Fous, qu’on n’en sait pas

La plupart du temps le nombre.

5Au Chien dont parle Ésope il faut les renvoyer.

Ce Chien, voyant sa proie en l’eau représentée,

La quitta pour l’image, et pensa se noyer ;

La Rivière devint tout d’un coup agitée.

À toute peine il regagna les bords,

10Et n’eut ni l’ombre ni le corps.

SOURCE : ÉSOPE  LE CHIEN QUI PORTE DE LA VIANDE

Un chien tenant un morceau de viande traversait une rivière. Ayant aperçu son ombre dans l’eau, il crut que c’était un autre chien qui tenait un morceau de viande plus gros. Aussi, lâchant le sien, il s’élança pour enlever celui de son compère. Mais le résultat fut qu’il n’eut ni l’un ni l’autre, l’un se trouvant hors de ses prises, puisqu’il n’existait même pas, et l’autre ayant été entraîné par le courant.

Cette fable s’applique aux convoiteux.

 

N. B. : Phèdre a repris ce thème dans sa fable : Le Chien qui lâche sa proie pour l’ombre (IV, IV).

SOURCE : FAËRNE  LE CHIEN ET LE MORCEAU DE CHAIR

(Cent Fables choisies, LIII)

Un Chien traversant un Ruisseau,

Dans sa gueule en nageant emportait de la viande.

Comme elle se mirait dans l’eau,

Il crut en voir un bien plus gros morceau,

Et d’une chair plus belle et plus friande :

Lâchant donc ce qu’il emportait,

Il lance sa mâchoire avide

Sur ce que l’eau représentait,

Et sa dent ne porta qu’à vide.

Juste Ciel, dit-il, à quel point

Manqué-je aujourd’hui de cervelle !

Pour une chose qui n’est point,

Je quitte une chose réelle.

Qui laisse l’assuré pour prendre l’Incertain,

N’a pas le jugement bien fin.

SOURCE : ÉSOPE  LE BOUVIER ET HÉRACLÈS

Un bouvier menait un chariot vers un village. Le chariot étant tombé dans un ravin profond, au lieu d’aider à l’en sortir, le bouvier restait là sans rien faire, invoquant parmi tous les dieux le seul Héraclès, qu’il honorait particulièrement. Héraclès lui apparut et lui dit : « Mets la main aux roues, aiguillonne tes bœufs et n’invoque les dieux qu’en faisant toi-même un effort ; autrement tu les invoqueras en vain. »

SOURCE : FAËRNE  LE BOUVIER ET HERCULE

(Cent Fables choisies, XCI)

Un Chariot dans une grasse argile

Malgré six bœufs demeurait immobile,

Et de ce Chariot un Bouvier conducteur

Avec de longs soupirs lamentait sa misère ;

Et se tenant là sans rien faire,

D’Hercule implorait la faveur.

Alors sur une claire nue

Hercule s’offrit à sa vue,

Et lui tint ce sage discours :

Courage enfant, que ton cœur s’évertue,

Toi-même ici prête-toi du secours,

Pique tes bœufs, pousse à la roue

Mets-toi, s’il le faut, dans la boue,

Agis et ne cesse un moment

De te donner du mouvement ;

Fais pour dompter tout obstacle contraire,

Sans jamais dire c’est assez,

Ce qu’humainement on peut faire ;

Et tes vœux seront exaucés.

Veiller, prévoir, agir avec constance,

Sur nous du Ciel attire l’assistance.

XIX. LE CHARLATAN

SOURCE : ABSTÉMIUS  DU GRAMMAIRIEN QUI VOULAIT INSTRUIRE UN ÂNE

(Hecatomythium, CXXXIII)

Un certain grammairien se glorifiait de son art et se trouvait si excellent qu’il se vantait d’être capable, s’il était payé d’un bon prix pour le faire, d’instruire non seulement des enfants, mais même un âne.

Un puissant entendant la témérité de notre homme lui demanda s’il se sentait capable, contre cinquante pièces d’or, d’instruire un âne dans un laps de temps de dix ans.

L’effronté répondit qu’il acceptait que le prince le fasse mettre à mort si dans le délai imparti l’âne n’était pas capable de lire et d’écrire.

À ces mots, ses amis furent pris d’étonnement et gourmandèrent cet homme qui promettait de faire une chose non seulement rude et difficile, mais certainement impossible, et ils redoutaient que si le vantard dépasse les délais impartis, le prince le fasse mettre à mort.

Ce à quoi notre homme répondit : « Avant que ce temps soit écoulé, soit l’âne, soit le prince, soit moi, nous mourrons. »

Moralité de cette histoire : en cas de danger, un moratoire au rendez-vous prévu est souvent bien utile.

SOURCE : ARIOSTE  ROLAND FURIEUX (XIV)

N. B. : Dieu envoie saint Michel sur terre :

LXXVI. Cherche d’abord le Silence, ordonne-lui de ma part de te seconder dans cette entreprise ; il saura pourvoir avec dextérité à tout ce qui sera nécessaire pour l’accomplissement de ma volonté. Cet ordre étant rempli, tu voleras aux lieux où la Discorde préside ; ordonne-lui de prendre son amorce et son fusil, et de porter le feu dans le camp des Maures.

LXXVII. Et d’exciter surtout tant de haines, tant de disputes entre ceux qui passent pour les vaillants guerriers, qu’elle leur fasse tourner leurs armes les uns contre les autres ; que les uns périssent, que les autres soient blessés ou faits prisonniers ; que d’autres indignés abandonnent leur camp, de manière que leur Roi ne puisse plus tirer d’utilité de leur secours. L’Ange ne réplique rien à cet ordre, mais à l’instant il se précipite du Ciel.

LXXVIII. Partout où Michel dirige son vol, les nuages disparaissent, la sérénité reparaît dans le Ciel ; un cercle doré de lumière, aussi brillante que l’éclair pendant une nuit obscure, entoure l’Archange : sur la route le courrier céleste songe en lui-même, de quel côté il dirigera sa course, pour ne pas manquer cet ennemi de la parole, à qui il doit d’abord communiquer le premier ordre qu’il a reçu.

LXXIX. Il parcourt dans sa pensée tous les lieux qu’il croit habités, fréquentés par le Silence ; et enfin, après bien des réflexions, il conclut qu’il doit le rencontrer dans les églises, dans les monastères des moines et des religieux, où les paroles sont tellement défendues, que chez eux le mot de Silence se trouve écrit à l’entrée de leur chœur, dans leurs dortoirs, dans leurs réfectoires, et enfin dans toutes leurs cellules.

LXXX. Croyant le rencontrer dans ces lieux, il agite plus vivement ses ailes dorées : il compte aussi y trouver la paix, le doux repos et la charité ; mais qu’il se trouva trompé dans son attente, dès qu’il eut mis le pied dans un cloître ! Le Silence n’habite plus ici, lui dit-on, il n’y est plus qu’en écrit, il n’en existe plus que le nom.

LXXXI. On ne trouve plus ici ni la piété, ni la tranquillité, ni l’humilité, ni l’amour du prochain, ni la paix ; ces vertus y régnaient autrefois ; mais dans les temps anciens. La gourmandise, l’avarice, la colère, l’orgueil, l’envie, la paresse, la cruauté les en ont bannies. L’Ange s’étonne de tant de changement : il jette un œil d’indignation sur cette vile troupe, et il aperçoit la Discorde qui habite aussi parmi eux.

LXXXII. La Discorde, celle même que le Père Éternel lui avait ordonné de chercher, dès qu’il aurait trouvé le Silence. Michel s’attendait à faire le chemin des enfers, croyant ne pouvoir la rencontrer que parmi des réprouvés : mais qui le croirait ? elle parut à ses yeux dans ce nouvel enfer, parmi les prières et de saints sacrifices. Cette rencontre parut fort étrange à Michel, qui croyait avoir à faire un bien plus long chemin pour la trouver.

LXXXIII. Il la reconnaît à ses habits de cent couleurs différentes, et composés d’un nombre infini de bandes inégales, qui tantôt la couvrent, et tantôt la montrent nue, car à chaque pas qu’elle faisait, le vent agitait ces bandes décousues. De ses cheveux, les uns étaient dorés, les autres argentés ; les uns noirs, les autres gris, et toujours prêts à se mêler ensemble : ceux-ci étaient en tresse, ceux-là relevés sous sa coiffure, un grand nombre descendaient sur ses épaules, d’autres étaient épars sur sa poitrine.

LXXXIV. Son sein, ses mains étaient pleins d’ajournements, d’exploits, d’informations, de procédures de toutes espèces, et de grandes liasses de gloses, de consultations, et de papiers de chicane au moyen desquels les possessions du pauvre ne sont jamais en sûreté dans les villes : elle avait devant, derrière et à ses côtés des notaires, des procureurs et des avocats.

 

N. B. : L’allégorie de la Discorde prend sa source chez Homère (L’Iliade, IV et V) et passe ensuite chez Hésiode (Théogonie et Les Travaux et les Jours) puis chez Virgile (L’Énéide).

XXI. LA JEUNE VEUVE

La perte d’un Époux ne va point sans soupirs.

On fait beaucoup de bruit, et puis on se console.

Sur les ailes du Temps la Tristesse s’envole ;

Le Temps ramène les plaisirs.

5Entre la Veuve d’une année

Et la Veuve d’une journée

La différence est grande : on ne croirait jamais

Que ce fût la même personne.

L’une fait fuir les Gens, et l’autre a mille attraits.

10Aux soupirs vrais ou faux celle-là s’abandonne ;

C’est toujours même note, et pareil entretien :

On dit qu’on est inconsolable ;

On le dit, mais il n’en est rien ;

Comme on verra par cette Fable,

15Ou plutôt par la vérité.

SOURCE : ABSTÉMIUS  LA FEMME PLEURANT SON MARI MORT, TANDIS QUE SON PÈRE LA CONSOLE

(Hecatomythium, XIV)

SOURCE : PHÈDRE  ÉPILOGUE DU LIVRE IV

(Fables ésopiques)

Il me reste encore beaucoup de choses que je pourrais dire, des sujets de fables d’une riche et abondante variété ; mais ce sont les badinages modérés qui sont agréables ; excessifs ils déplaisent. Aussi, homme d’une vertu éminente, Particulon, toi dont le nom vivra dans mes écrits tant que les lettres latines seront en honneur, que sinon mon talent, du moins ma brièveté reçoive ton approbation ; elle est un titre de recommandation d’autant plus juste que les poètes importunent plus vivement les gens.