L’anémone et l’ancolie
Ont poussé dans le jardin
Où dort la mélancolie
4 Entre l’amour et le dédain2
Il y vient aussi nos ombres
Que la nuit dissipera
Le soleil qui les rend sombres
8 Avec elles disparaîtra
Les déités des eaux vives3
Laissent couler leurs cheveux4
Passe il faut que tu poursuives
12 Cette belle ombre que tu veux
1 Pré-originale : Les Soirées de Paris, n° 6, juillet 1912, avec « Marie-Sybille » (« Marizibill ») et « Rosemonde ». Le vers 2 diffère : « Ont pourri dans le jardin ». Il est difficile de dater le poème, qui prend place dans la série des poèmes ayant pour titre un prénom féminin. Le choix du prénom demeure énigmatique. On notera que chaque quatrain compte trois heptasyllabes suivis d’un octosyllabe. On trouve une telle symbolique florale dans les Petits poèmes d’automne de Stuart Merrill, par exemple « Amour d’automne » XIII, dont chaque quatrain compte trois octosyllabes et un heptasyllabe (Léon Vanier, 1895, p. 39). L’ancolie, associée à la tristesse, se retrouve dans « Le songe de la forêt » d’Henri de Régnier (Poèmes anciens et romanesques, Tel qu’en songe, augmentés de plusieurs poèmes, Mercure de France, 1897, p. 99 : « Et la dame en tristesse a cueilli l’ancolie » ; voir aussi p. 111 : « tes mains pâles / Qui cueillaient tour à tour la rose et l’ancolie / Du mensonge changeant de leurs leurres d’opale »).
2 On lit dans La Femme assise : « Comme Elvire n’accordait à la guerre qu’un intérêt médiocre, cette décision [de son amant de partir à la guerre] lui parut incohérente et, au firmament de leur liaison, le dédain se prit à monter comme une lune rousse » (Pr, 1, p. 417). Dans les Poèmes à Lou, le poème XLIX a pour titre « L’amour le dédain l’espérance » (Po, p. 463).
3 « Déités » (qui signifie divinités) appartient au vocabulaire des symbolistes ; voir par exemple Adolphe Retté, L’Archipel en fleurs, « Aquarelles et tambourins » : « Toutes les déités s’effacent, je recule / Au temps du lotus bleu qui flotte sur l’Atma » (éd. citée, p. 79). « Les déités des eaux vives » sont proches des sirènes ou nixes du recueil. Le mot désigne l’amante dans Poèmes à Madeleine, « Le deuxième poème secret » (Po, p. 622).
4 Voir p. 251, v. 4 « Nuit rhénane ».