L
FRAIRIE n. f. apparaît sous la forme frarie (v. 1165) issue du latin fratria, emprunt au grec phratria (→ phratrie). Il a pris aussi les formes frerie (1543), sous l'influence de frère, et phrairie (1534), sous l'influence du grec.
❏
Le mot a désigné une compagnie, une confrérie (v. 1165) puis une fête consacrée au divertissement (1543) et se dit encore régionalement avec une valeur attestée dès le XVIe s. (av. 1553) d'une fête patronale.
G
1 FRAIS, FRAÎCHE adj. est une réfection (XIVe s., frais, fraische) de freis, fresche, attesté dans la Chanson de Roland (1080) ; il est issu d'un francique °frisk « frais » (en parlant de la température) d'où par figure « récent », « non flétri (d'un végétal) » (Cf. allemand frisch, anglais fresh et dans les langues romanes l'espagnol fresco, l'ancien provençal fresc).
❏
En français,
frais conserve les deux sens généraux. Il se dit (1080) de choses corruptibles en état d'être consommées (
œufs frais, etc.) et, par extension, de ce qui est consommé sans être conservé (v. 1160-1174,
frois « ni salé ni fumé », d'une viande), par exemple dans
légumes frais.
◆
De là
frais prend le sens général de « qui est d'origine ou d'apparition récente » (v. 1355) dans différents emplois ; on parle de
nouvelle fraîche, mémoire fraîche, blessure encore fraîche. En emploi adverbial,
frais signifie « récemment » (1393), par exemple dans
être frais sorti, émoulu de l'école. Le mot entre dans la locution adverbiale
de frais (1552,
être rasé de frais).
◆
Par extension, l'adjectif s'emploie pour ce qui vient d'être appliqué (1643,
peinture fraîche) et
argent frais équivaut (1563) à « fonds nouveaux »
(Cf. ci-dessous, la fraîche).
■
Dès les premiers emplois, frais s'applique figurément à des personnes ou à des choses qui gardent des qualités de vitalité, de jeunesse (1160 ; v. 1165, en parlant de fleurs), à ce qui donne une impression de jeunesse, de pureté (v. 1155 ; fin XIIe s., un rire frais ; 1752, frais coloris) ; par ironie, il signifie « dans une mauvaise situation » (1808 ; nous voilà frais !, à rapprocher de vous avez bonne mine !).
Par ailleurs, l'adjectif signifie « légèrement froid » (v. 1200) — d'où substantivement
le frais « l'air frais » (1549) avec la locution
prendre le frais (1660), auparavant comme adverbe dans
il fait frais (
XIVe s.) — et « agréablement froid »
(eau fraîche).
◆
De là vient, substantivement,
au frais « dans un endroit frais » (
XVIe s.
au frais de ce bocage, Pasquier
in Nicot) et, par plaisanterie,
mettre (qqn) au frais « le mettre en prison » (1685), synonyme de
mettre à l'ombre. Coup de frais s'est ajouté à
coup de froid, avec le sens second de « rajeunissement, renouvellement »,
Cf. rafraîchir (années 1990).
■
Au figuré, frais signifie « sans cordialité » (un accueil très frais). On peut rapprocher de cet emploi le sens québécois, à propos d'une personne insolente, prétentieuse, avec un renforcement familier et vulgaire, frais chié, où frais est adverbial. Un autre emploi adverbial correspond à « récemment » (un mur frais peint).
■
Enfin, en parlant du vent, frais équivaut en marine à « qui souffle avec une certaine force favorable à la navigation » (1559), d'où le frais n. m. (1643).
❏
FRAÎCHE n. f., substantivation de l'adjectif au féminin (fin
XVIIe s.), s'est employé dans une locution exclamative,
à la fraîche ! (1689), cri des marchands ambulants de produits frais. Aujourd'hui
à la fraîche loc. adv. (1842) signifie « à l'heure (ou dans un endroit) où il fait frais ». Terme de marine, le nom désigne un vent faible du matin ou du soir (1691).
■
La fraîche, en argot, équivaut à « argent frais » (1948), emploi précédé par fraîcheur « remise d'argent » (1845).
■
FRAÎCHEMENT adv. (v. 1150, freschement « immédiatement ») a des sens parallèles à ceux de l'adjectif : « récemment » (v. 1225), « avec hostilité » (fin XVIIe s., repris fin XIXe s. : être accueilli fraîchement).
■
FRAÎCHEUR n. f., rare jusqu'au XVIe s., est une réfection (XIVe s., fraischeur) de fraiscor (v. 1200) « endroit où il fait doux » ; il se dit de la qualité de ce qui est frais (des fleurs : 1288 ; du poisson : 1379) et d'une température fraîche (av. 1528) ; il s'emploie au figuré, comme frais : par exemple la fraîcheur d'une nouvelle (1412), la fraîcheur du teint (1580), la fraîcheur d'une impression (1756).
■
FRAÎCHIN n. m. est un mot d'origine dialectale (ouest de la France), altération (1573) de freschume (v. 1534 ; dérivé de fresche), pour désigner l'odeur du poisson frais.
■
FRAÎCHIR v. intr. est la réfection d'après frais, fraîche (d'abord freschir v. tr., v. 1200, « redonner des forces à [qqn] ») de l'ancien français frescir (v. 1120 ; de fresc). Le mot est rare avant le XVIIe siècle. Il s'emploie notamment en parlant du vent (1678 ; 1616, afraischir) et de la température (1626).
◈
Le composé
RAFRAÎCHIR v. tr. et intr. apparaît au
XIIe s. (
rafreschir, refreschir) ; il correspond à « rendre plus frais », l'adjectif étant pris dans ses différentes acceptions.
◆
Une première série d'emplois se rattache à l'idée de « froid » (en emploi intransitif, 1690,
le vent rafraîchit renforce
fraîchit) ; un second ensemble est lié à la notion de « nouveauté », de « renouvellement » d'où l'acception « redonner de la vitalité » (
XIIe s.) ou, dans l'ordre psychologique, « de la vivacité » (
XVIIe s.,
rafraîchir la mémoire). Le sens de « remettre en état » est sorti d'usage en parlant de personnes, mais on a conservé
rafraîchir les cheveux (1680) « couper légèrement ».
■
Le dérivé RAFRAÎCHISSANT, ANTE adj. (1579) « qui rafraîchit » et, spécialement, « qui désaltère », se dit aussi (mil. XXe s.) de ce qui plaît par sa simplicité.
■
RAFRAÎCHISSEMENT n. m. s'est d'abord utilisé au sens d'« action de revigorer » (v. 1460) : par métonymie, il a désigné ce qui restaure les forces. Le mot est lié à l'idée de « refroidir » (XVIIe s.) ; il s'emploie au pluriel (1765) pour désigner des boissons fraîches, autrefois aussi des glaces, etc.
■
RAFRAÎCHISSEUR n. m. (1842 ; terme technique, 1812) s'est substitué à rafraîchissoir (mil. XVIe s.) mais tend à être remplacé par seau à glace.
◈
DÉFRAÎCHIR v. tr. (1856) s'emploie rarement au sens de « flétrir » mais plutôt comme verbe pronominal et au participe passé
DÉFRAÎCHI, IE adj. pour « perdre sa fraîcheur », en parlant d'une couleur, d'une étoffe.
L
2 FRAIS n. m. pl. représente (1260) le pluriel de l'ancien français fret, frait « dommage causé en brisant qqch. » (mil. XIIIe s.), d'où « dépense destinée à réparer le dommage » (v. 1276), par l'intermédiaire de la locution payer le fret « payer le dégât » (1216). Fret, frait est issu du latin médiéval fractum « dépense » (XIIIe s.), neutre substantivé du latin classique fractus, participe passé adjectivé de frangere « briser » (→ fraction, fragile). Mais P. Guiraud note que frait n'aurait pu aboutir en ancien français au verbe frayer « faire les frais » (Cf. ci-dessous défrayer) ; il pose au singulier °frai, issu du latin fragium « bris, éclat » (Cf. ancien provençal fragar) d'un verbe °fragare ; les frais seraient alors les sommes réparties (« fragmentées ») aux différents postes d'un devis et non pas destinées à réparer des dégâts.
❏
Frais a le sens général de « dépenses occasionnées » (1260), d'où son emploi spécial à propos d'un acte juridique (1549) et du fonctionnement d'une entreprise, au XIXe s. (frais de production, frais généraux, etc.).
◆
Au figuré, il se dit d'une dépense, d'un effort notamment fait pour plaire (XVIIe s.) d'où la locution se mettre en frais (1668 au propre ; 1872 au figuré).
◆
Frais entre dans de nombreuses locutions (adverbiales, prépositives, verbales), employées au propre ou au figuré : à peu de frais (av. 1613), à frais communs (1666), faire les frais de qqch. (1666 ; 1802, ...de la conversation), en être pour ses frais (1690), etc. Au Québec, un appel téléphonique aux frais du destinataire, avec son accord, est dit à frais virés.
◆
Les faux frais sont « les dépenses occasionnées en dehors des frais légaux » (1690), d'où couramment « toute dépense hors de ce qui est prévu ».
❏
Le préfixé
DÉFRAYER v. tr. (1378,
deffroyer), de l'ancien verbe
frayer « faire les frais » (1260), s'emploie au sens de « décharger qqn de ses frais ». Au figuré,
défrayer la conversation correspond à « en faire les frais » (1640,
défrayer la compagnie de bons mots « l'amuser »),
défrayer la chronique « faire parler de soi ».
■
En dérive DÉFRAIEMENT n. m. (mil. XIVe s., desffrayement) « action de défrayer », qui a remplacé l'ancien déverbal défrai (1403).
L
1 FRAISE n. f. serait une altération (v. 1174-1178, freise), d'après frambeise « framboise », d'une forme °fraie issue d'un latin populaire °fraga, pluriel neutre pris comme féminin singulier du latin classique fragum « fraise (des bois) » : on trouve des formes du type fraga en wallon, en gascon, en Suisse romande. P. Guiraud, qui doute de l'influence de framboise sur fraise, pose une parenté entre les différents mots fraise qui seraient tous dérivés de l'ancien français fraiser « broyer » (→ fraiser) ; toutes ces « fraises » ont la même caractéristique d'être des objets divisés en compartiments séparés (mais on peut objecter que « broyer » et « subdiviser » ont peu de rapport). La graphie moderne apparaît au XVIe siècle.
❏
L'évolution des cultures rend nécessaire l'opposition
fraise des bois-fraise tout court, ce dernier désignant les gros fruits forcés. Avant le
XVIIIe siècle, époque où un marin français, nommé Fraizier (!) ramène du Chili une nouvelle espèce, acclimatée en Bretagne, le mot
fraise ne désignait que l'espèce petite et savoureuse, non cultivée, qui sera appelée plus tard
fraise des bois.
◆
La locution
aller aux fraises « aller cueillir des fraises des bois » s'est employée par plaisanterie pour « aller dans les bois en galante compagnie » (anciennt,
cueillir la fraise).
Sucrer les fraises (
XXe s.), par analogie de mouvement, se dit pour « être agité d'un tremblement incontrôlable », d'où « être gâteux ».
■
Par analogie de forme, fraise s'emploie (1872) pour un type de lésion de la peau.
■
En argot (métaphore assimilant la tête à un fruit ou légume), il signifie « visage » (1901) et par extension « personne » (ramener sa fraise, 1921).
❏
De fraise « fruit » dérivent FRAISIER n. m., réfection (XVIe s.) de frasier (fin XIIe s.), FRAISERAIE n. f. (1914), qui a remplacé fraisière (1823), de fraisier, et quelques termes techniques.
FRAISER v. tr. apparaît au XIVe s. (fraser) mais on trouve le participe passé féminin dès 1200 (fèves frasées « écossées ») ; le mot est issu du latin classique (faba) fresa « (fève) broyée », de fresum supin de frendere « broyer » ou d'un latin populaire °fresare « dépouiller de son enveloppe ». Frendere est apparenté au germanique grindan (Cf. anglais to grind).
❏
Fraiser a signifié « écosser, dépouiller de son enveloppe » puis (1572,
pain fraisé) « mélanger de la pâte » en fragmentant les éléments, d'où vient le sens (1690) de « briser la pâte » ; le terme technique, en boulangerie, est
fraser (1730 ;
fraiser, 1680).
■
Le sens de « percer » ou « évaser en tronc de cône » à l'aide de l'outil appelé fraise (ci-dessous), en général considéré comme dérivé de ce substantif, constitue peut-être une autre spécialisation (1676) ; frase, puis fraise « outil », serait alors le dérivé (déverbal).
❏
De
fraiser, en ce sens technique, dérivent
FRAISAGE n. m. (1842),
FRAISEUR n. m. « ouvrier qui fraise » (1930), précédé par
FRAISEUSE n. f. « machine à fraiser » (1873),
FRAISOIR n. m. (1752) et
FRAISURE n. f. (1792).
■
Dans l'hypothèse adoptée ici, 2 FRAISE n. f., « instrument pour fraiser » (1676), est aussi un dérivé du verbe. Fraise s'est appliqué plus tard à la chirurgie dentaire et aussi aux travaux publics (XXe s.).
◈
3 FRAISE n. f., d'abord « tripes » (v. 1130) et désignant (1300) la membrane plissée enveloppant les intestins de veau, d'agneau, est en général considéré comme dérivé du verbe
fraiser ; cependant ce dernier apparaît plus tard et n'a jamais signifié « envelopper », mais « dépouiller de son enveloppe » par spécialisation du sens général.
■
Fraise n. f., « collerette tuyautée et plissée » (1585) portée au XVIe s. et au début du XVIIe s., est un emploi peu clair. Il peut s'agir d'une analogie de forme avec les tripes, ce qui supposerait un début d'emploi burlesque ou ironique.
◆
Le mot s'emploie aussi dans des sens techniques, par exemple pour une palissade hérissée, au sommet d'une escarpe (1628).
❏ voir
FRASIL.
FRAKÉ n. m. est un emprunt attesté au XXe s. en français, à une langue du Bénin, de Côte d'Ivoire, pour dénommer un arbre forestier dont le tronc présente à la base quatre contreforts assez aigus, et le bois de cet arbre, blanc veiné de noir. Le mot est usuel en français des régions originaires ; en République centrafricaine, on écrit plutôt fraqué.
?
FRAMBOISE n. f. est peut-être issu par dissimilation (v. 1175) d'un francique °brambasi « mûre de ronce » (Cf. ancien haut allemand bramberi, allemand Brombere) ; on trouve la forme framboses dans des glossaires latin-allemand du Xe s. ; le f- initial viendrait de l'influence analogique de fraie, ancêtre de fraise*. P. Guiraud voit plutôt à l'origine de framboise une forme °fimbritia, dérivée de fimbria « frange », c'est-à-dire « dont les bords sont déchiquetés » (pour la métathèse du r, Cf. l'ancien italien frambe, frambao « effrangé »).
❏
Les fraises et les framboises sont restées associées dans la culture. Framboise adj. inv., par référence à la couleur du fruit, se dit d'une couleur (1907, Colette).
❏
Du nom dérivent
FRAMBOISIER n. m. (1306) désignant la plante qui porte le fruit,
FRAMBOISER v. tr. (1651) « mêler de jus de framboise » et « parfumer à la framboise », d'où
FRAMBOISÉ, ÉE adj. (1690).
■
FRAMBOISIÈRE n. f. (1872), qui a eu en ancien français (1314) le sens de « framboise », est un synonyme vieilli de FRAMBOISERAIE n. f. (1922).
FRAMIRÉ n. m. est emprunté à un mot répandu dans plusieurs langues africaines, attesté en français écrit en 1962, pour désigner un grand arbre forestier à branches horizontales (le Terminalia ivorensis) et son bois fin, satiné, utilisé en ébénisterie.
G +
1 FRANC, FRANCHE adj. vient (v. 1050) du nom ethnique Franc* (→ 2 Franc) ; le latin médiéval francus avait le sens général de « libre » (fin VIe s.), avec une spécialisation juridique (IXe s.) ; le mot est passé en espagnol, en italien (franco) et en ancien provençal (franc).
❏
L'adjectif
franc s'est appliqué à un homme libre, spécialement de naissance noble (1080,
Chanson de Roland) et, par extension (v. 1460), a pris le sens de « moralement libre », courant à l'époque classique (
franc arbitre « libre arbitre »). De cette première valeur, on est passé à celle de « sans entrave », toujours vivante dans la locution
avoir ses coudées franches, et en sports dans
coup franc (1900, au football ; 1901, au rugby) « coup tiré sans opposition de l'adversaire ».
■
Franc de (v. 1170) signifie comme francus en latin médiéval « libéré de (certaines servitudes) », d'où en droit franc et quitte (v. 1175, quitte et franc) ; en commerce, franc de port (1723) se dit d'une marchandise dont le destinataire ne paie pas les frais de port ; on dit aussi 1 FRANCO adv. (1754 ; de l'italien franco, abréviation de franco porto « port franc ») ; franc employé seul signifie aussi « exempt de taxes », « exonéré » (zone franche).
De l'idée de « liberté », on est passé à celles de « sincérité », « droiture », « absence d'artifice » ; l'homme franc est celui qui parle ouvertement (1611 ; antérieurement, on disait surtout vrai) ; de là vient la locution ancienne franc comme l'osier (l'osier ne présente pas de nœuds) « très franc », remplacée beaucoup plus tard par franc comme l'or (1865 ; par jeu de mots avec la monnaie d'or). L'adjectif qualifie (mil. XVIe s.) les actes qui ne présentent aucune dissimulation, d'où jouer franc-jeu « en respectant les règles » (av. 1850 ; anciennt y aller de franc jeu ; Cf. fair-play). Par analogie, franc se dit des choses qui présentent des caractères de naturel (1269, vin franc) ou de ce qui est entier (1585, jour franc « jour complet »). Spécialement, en art, franc qualifie (1762) ce qui est hardi, sûr dans la manière.
◆
Par ironie et comme vrai, franc (devant un nom) s'emploie (av. 1630) pour « qui est véritablement tel » (une franche crapule).
Franc s'utilise aussi comme adverbe (v. 1450), moins couramment que le dérivé FRANCHEMENT adv., employé autrefois pour « librement » (v. 1120) et « noblement » (v. 1165) et signifiant « nettement », « sans détour » (dans les rapports humains) [1536], « d'une manière hardie » (XIVe s.) ; dans cette acception, on emploie aussi l'abréviation 2 FRANCO (1879).
❏
FRANCHIR v. tr. s'est d'abord employé (v. 1170) aux sens de « rendre franc », c'est-à-dire « affranchir » et « accorder en possession franche » (libre), puis de « libérer (qqn) d'une charge » (1245 ;
Cf. affranchir).
◆
Ce sont les emplois de droit commercial, « rendre libre, affranchir », qui ont produit le sens moderne de « rendre libre au passage, dégager » puis « passer par-dessus (un obstacle), traverser » (apr. 1350) :
franchir un col, une montagne, c'est en disposer librement. Par extension,
franchir signifie (1580) « aller au-delà d'une limite » et, au figuré, « surmonter (une difficulté) », d'où
franchir le pas (av. 1615) « décider après avoir hésité ». De l'idée de « traverser », on passe à celle d'« aller d'un bout à l'autre de », dans le temps (1580), par exemple dans
franchir les siècles, et dans l'espace (av. 1841).
■
FRANCHISSEMENT n. m., d'abord « affranchissement » (XIIIe s.), a signifié « dépassement » (XIVe s.) et « exemption » (1335), avant de se restreindre à son emploi moderne : « action de passer, de parcourir, de traverser » (1864).
■
FRANCHISSABLE adj. (1831) est beaucoup plus rare que le composé INFRANCHISSABLE adj. (1792), au propre et au figuré.
◈
FRANCHISE n. f. s'est employé à l'origine au sens de « condition libre » (v. 1130) ; en droit ancien (1215), le mot a désigné un droit qui limitait l'autorité du souverain au profit d'une ville, d'une corporation (notion alors aussi importante que celle de
bourgeoisie), d'où
(lieu de) franchise « lieu d'asile » (1538) à l'époque classique. Aujourd'hui, dans divers emplois,
franchise signifie (v. 1138) encore « exemption » (d'une taxe), « exonération » (d'un droit) :
franchise postale (1878),
franchise douanière.
◆
En parlant de personnes,
franchise se rattache aux valeurs psychologiques de
franc ; il signifie d'abord (v. 1150) « noblesse de cœur » puis (1559) « caractère d'une personne qui dit la vérité », par exemple dans
en toute franchise.
◈
FRANQUETTE n. f. est employé dans la locution adverbiale
à la bonne franquette (1741) qui succède à
à la franquette (mil.
XVIIe s.) à l'époque classique « franchement », aujourd'hui « sans cérémonie ».
◈
Une série d'emplois du préfixé
AFFRANCHIR v. tr. (
XIIIe s. ; d'abord
pron., fin
XIIe s.) se rattache au premier sens de
franc ; c'est à l'origine « rendre (qqn) de condition libre », d'où « rendre indépendant » (un pays, etc.) et « délivrer de ce qui gêne psychologiquement » (
XVIe s.).
◆
En argot, le verbe a le sens (1837) d'« apprendre à vivre en marge des lois », c'est-à-dire de s'en libérer, et par extension la valeur de « faire connaître, informer »
(Cf. ci-dessous affranchi).
■
Affranchir, dans des emplois spéciaux, est lié à d'autres sens de franc « rendre exempt de taxe (un envoi) pour un destinataire » (1752) d'où, l'idée initiale n'étant plus sentie, « mettre un timbre à ». Affranchir une carte « la rendre maîtresse » (1877) relève du même sémantisme. Au XVIe s., affranchir était en concurrence avec franchir : d'où, en équitation, affranchir un fossé « le franchir » (1583).
■
On retrouve ce partage des sens dans les emplois du dérivé AFFRANCHISSEMENT n. m. : d'abord terme de droit pour « action de libérer (d'une taxe, d'un droit, etc.) » (1276), d'où vient affranchissement d'une lettre (1835), affranchissement désigne aussi l'action de rendre libre (qqn) [1611].
■
AFFRANCHI, IE adj.et n. (1640), hors son premier emploi (« esclave qui a été affranchi »), permet d'opposer un affranchissement propre aux femmes, vis-à-vis de la morale sexuelle, et un autre, propre aux hommes, à l'égard de la morale juridique (n. m., « une personne qui mène une vie hors de la morale courante », d'où en argot [1821] « qui vit en marge des lois » puis « homme du milieu », opposé à cave n. m.).
◆
D'après affranchir, avec le préfixe négatif dé-, DÉFRANCHIR v. tr. (1842) s'emploie en français de Belgique pour « faire perdre son assurance à (qqn) », le participe passé étant adjectivé.
◈
Dans plusieurs composés,
franc a le sens de « dépourvu de liens » :
FRANC-ALLEU n. m. (v. 1125,
aloé ; 1258,
franc aluel)
[→ alleu] « terre de pleine propriété » ;
FRANC-FIEF n. m. (v. 1283 ;
→ fief) « fief non assujetti à l'hommage ».
■
FRANC-PARLER n. m. signifie (1765) « liberté de langage ».
■
FRANC-TIREUR n. m. (de tireur ; → tirer) désigne d'abord (1792, répandu à partir de 1870) un soldat membre d'un corps franc, c'est-à-dire d'une unité de volontaires (« qui s'engagent librement ») ; aujourd'hui franc-tireur se dit de celui qui n'appartient pas à une armée régulière (pendant l'occupation allemande de 1940-1944, les F. T. P., francs-tireurs et partisans). Au figuré le mot s'emploie à propos d'une personne qui n'observe pas la discipline collective d'un groupe.
◈
Dans d'autres composés,
franc a le sens d'« exempt de redevances » :
FRANC-BOURGEOIS n. m. (
XIIIe s. ;
→ bourgeois) désignait l'habitant d'une ville exempt des charges municipales.
G
2 FRANC, FRANQUE n. et adj. apparaît comme adjectif dans la Vie de saint Léger (2e moitié Xe s.) puis comme nom (1050), issu du bas latin francus adj., Francus n. m., emprunt au francique °frank, nom d'une peuplade germanique puis « homme libre » (→ 1 franc).
❏
Le mot désigne le peuple germanique qui occupait les rives du Rhin et la partie maritime de la Belgique et de la Hollande. On a donné le nom de Francs aux Européens, dans les ports du Levant (attesté 1606 mais évidemment antérieur). Langue franque (1670) a désigné un mélange de langues romanes utilisé dans le Levant (lingua franca).
❏
Le dérivé
FRANCIQUE n. m., attesté comme surnom (1643) signifiant « vainqueur des Francs », a voulu dire « propre aux Francs » (1838 ;
Cf. bas latin franciscus « des Francs »). Il désigne aujourd'hui (1872) l'ensemble des dialectes du germanique occidental, langue reconstruite de façon hypothétique et dont de nombreux mots sont passés en français (on dit aussi
ancien bas francique). Voir l'encadré.
◈
FRANCISQUE n. f. est un emprunt (1599) au bas latin
francisca, ellipse de
securis francisca « hache franque » (
securis dérive de
secare « couper » ;
→ scier). La francisque à deux fers a été prise (1940 à 1944) comme emblème par le gouvernement de Vichy, comme les faisceaux de licteurs étaient le symbole du fascisme.
3 FRANC n. m., au sens de « monnaie », apparaît pour la première fois en France dans une ordonnance du 5 décembre 1360, sous le règne du roi Jean II, dit le Bon. Le mot vient peut-être de la devise inscrite sur les premières pièces, Francorum rex « roi des Francs » (→ 1 franc).
❏
Le franc correspondait alors à une livre* tournois (monnaie de compte non matérialisée) ; les francs furent frappés jusque sous Henri IV (Cf. louis). Le franc devient l'unité monétaire légale de la France sous la Convention (1795 ; 18 germinal an III), sous la forme d'une pièce de 5 g d'argent ; la loi du 26 mars 1803 en fait une monnaie de compte et institue le bimétallisme (or et argent), qui subsistera jusqu'en 1914. Nouveau franc (N. F. ; familièrement franc lourd) [18 novembre 1959] se dit de la nouvelle unité qui vaut cent fois le franc précédent (dit alors ancien franc, familièrement franc léger). Après une longue période d'adaptation, franc employé seul désignait en général la nouvelle unité, mais on comptait encore en anciens francs, en centimes, surtout pour les grosses sommes ; le synonyme d'origine populaire balle accroissait encore la confusion. On disait, avant l'euro, franc français dans le contexte international, dans la mesure où le franc désignait aussi (XIXe s.) l'unité monétaire d'autres pays (franc belge, franc luxembourgeois, franc suisse), et dans le cadre colonial et post-colonial franc CFA (Afrique), franc CFP (Pacifique).
◆
En 1999, le franc français et le franc belge cèdent la place dans les transactions financières et boursières à la monnaie unique européenne, l'euro*, et ont disparu trois ans plus tard. Le franc suisse a encore cours.
FRANÇAIS, AISE adj. et n., réfection tardive (XVIIIe s.) de franceis (1080, Chanson de Roland), françois (XIIe s.), est un dérivé suffixé de France, du bas latin Francia « pays des Francs », nom de la région de Gaule romanisée située au nord de la Loire et qui fut occupée par les Francs (Cf. le latin médiéval franciscus « relatif à la France », VIIe s.) ; Francia dérive de Francus (→ 1 franc).
❏
L'adjectif signifie « qui est relatif à la France, à ses habitants et à sa langue », l'entité juridique
France englobant selon l'époque considérée des territoires non métropolitains. Le mot est utilisé en français, hors de France, dans des emplois qui seraient considérés comme pléonastiques en France (par ex. :
du vin français) ; il peut avoir une valeur culturelle et linguistique, non pas nationale
(Canadien français). Dans
langue française, l'adjectif s'applique à toutes les variantes parlées en France (usages régionaux) et hors de France. Dans une conception normative de la langue,
français se dit pour « qui appartient au “bon” français »
(ce n'est pas français).
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La locution adverbiale
à la française équivaut « à la mode française » (ex. :
jardin à la française).
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Le nom (m. et f.) désigne une personne de nationalité française, surtout de la métropole (ou hexagone), les autres emplois étant plus ou moins naturels ou acceptés par les ressortissants des départements et territoires d'outre-mer de la France. Dans les pays francophones indépendants, le mot français a évidemment d'autres connotations : on parlera de pain français en Belgique, en Suisse, au Canada, de vin français au Québec, ce qu'on ne pourra faire dans les territoires relevant de la République française.
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FRANÇAIS n. m. (fin XIIe s. ; v. 1265, parler français) signifie « la langue française », qu'il s'agisse de la langue maternelle ou de la langue (étrangère) officielle. Le mot s'emploie dans des locutions : parler français « clairement » (1580), d'où vous ne comprenez donc pas le français ? « vous n'avez pas compris ce que je viens de vous dire ? », et en bon français « pour parler plus clairement » (v. 1360). Le français désigne spécialement cette langue, considérée comme une matière d'enseignement (classe de français). Le sens linguistique, qu'il s'agisse du nom ou de l'adjectif, ne dépend plus de la relation avec l'État nommé France. De nombreux écrivains de diverses nationalités écrivent en français ; des communautés canadiennes, caraïbes, africaines, polynésiennes, etc. parlent français. Plusieurs expressions jalonnent l'emploi du français hors de France : français tirailleur s'est dit de l'usage élémentaire du français par les soldats des troupes africaines, dans la période coloniale ; on a dit aussi petit français à côté de l'expression courante et raciste de petit nègre.
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On parle en Suisse de français fédéral pour se moquer de l'usage administratif du français par les services du gouvernement de Berne.
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Plusieurs mots sont formés à partir de
France ou de
français.
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FRANCIEN n. m. et adj., mot créé par les romanistes (1889 ; de France), se dit du dialecte de langue d'oïl parlé au moyen âge en Île-de-France et en Orléanais, qui supplanta les autres dialectes d'oïl (normand, picard, lorrain, etc.) pour aboutir au français. Voir l'encadré.
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FRANCISER v. tr. (v. 1534 ; de
français ; Cf. la variante françaiser, XVIe s.), c'est d'abord « donner une forme française à (un mot étranger) » et par extension (1698) « donner un caractère français à (qqch.) »
(franciser un usage) ; en dérive
FRANCISATION n. f. (1793). Ces mots, au Québec, s'appliquent à la politique de qualité de la langue, par élimination des anglicismes.
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FRANCITÉ n. f. (1943, mais répandu v. 1965 ; de France) est un terme didactique signifiant « caractères propres à la culture française ou à la communauté francophone ».
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FRANCISME n. m. apparaît dans le Dictionnaire (québécois) du français Plus (1988) pour désigner tout usage du français propre à la France et inconnu dans le reste de la francophonie (sur le même plan que belgicisme ou québécisme).
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FRANCISANT, ANTE adj. et n. s'emploie à propos des personnes qui, dans un pays non francophone, utilise le français dans ses rapports avec l'étranger. En français du Maghreb, francisant s'emploie pour « de formation francophone ».
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FRANKAOUI ou
FRANCAOUI n. (déb.
XXe s., de
français, avec un élément final arabe), utilisé péjorativement en Afrique du Nord avant l'indépendance par les autochtones d'origine européenne (ou
pieds-noirs), désignait les Français de Métropole.
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FRANSQUILLON n. m., emprunt (1836 dans Th. Gautier) au wallon
franskilion (1739), de
français avec un suffixe péjoratif, désigne parfois en Belgique francophone une personne qui parle le français avec des tournures et l'accent du français parisien et, en Belgique néerlandophone, un francophone. Par extension, il s'emploie péjorativement pour « français » (1910). On relève en argot
francillon dès le
XVIIe s. (1628 ; 1594 à Anvers).
FRANSQUILLONER v. tr. correspond en Belgique à « s'exprimer comme les Français ».
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Un autre synonyme péjoratif de
français est
FRANCHOUILLARD, ARDE adj. (1967) « français de manière chauvine ou mesquine ».
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Le composé
ANTIFRANÇAIS, AISE adj. et n. (1790,
anti-français) signifie « hostile à la France ».
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FRANGLAIS n. m., de
fran(çais) et (an)
glais (1955), répandu par Étiemble (1964,
Parlez-vous franglais ?, titre), désigne un usage de la langue française où l'influence anglaise et surtout étatsunienne est très sensible. Le mot a eu plus de succès que
fragnol, de
français et
espagnol, qui l'a précédé. Sur le même modèle, on peut citer
FRANGACHE (de
Malgache),
FRANWOLOF (au Sénégal), désignant des usages métissés.
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NÉO-FRANÇAIS n. m. a été introduit vers 1960 par Raymond Queneau, pour désigner la langue française contemporaine, en tant qu'elle présente des structures nouvelles.
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3 FRANCO- est un élément invariable, tiré du radical de
français, utilisé pour composer des adjectifs et des noms, comme
FRANCOPHILE adj. et n. (1591, repris en 1834 ;
→ -phile), d'où
FRANCOPHILIE n. f. (att. 1916),
FRANCOPHOBE adj. et n. (1864 ;
→ -phobe) et
FRANCOPHOBIE n. f. (1877).
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FRANCOPHONE adj. et n. (1880), inusité avant 1930 et répandu surtout vers 1960, correspond à « qui parle habituellement ou normalement français ». Il devrait s'appliquer à la majorité des Français, ainsi qu'à toutes les communautés parlant français, mais une opposition critiquable est parfois faite entre français et francophones, réservé alors aux non-Français.
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FRANCOPHONIE n. f. (apparu dès 1880 ; diffusé après 1960), notion controversée, désigne l'ensemble des personnes de langue française maternelle ou seconde (souvent langue officielle), de par le monde, ainsi que le statut du français langue maternelle, véhiculaire et parfois langue étrangère apprise, dans tous les continents. Voir l'encadré.
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FRANCILIEN, IENNE adj. et n. est une création récente à partir de
Île-de-France.
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Il existe d'autres composés en
FRANCO- comme
FRANCO-CANADIEN, IENNE adj. et n. (de descendance, d'origine française, de langue français, au Canada),
FRANCO-ONTARIEN, IENNE, FRANSASKOIS, OISE (« francophone de Saskatchewan ») ;
FRANCO-MAURICIEN, IENNE (« d'origine européenne, à l'île Maurice »).
❏ voir
FRANGLAIS (art. ANGLAIS), FRANCIUM.
FRANCFORT n. f. abrège (1932) l'expression saucisse de Francfort, désignant un type de saucisse originaire de cette ville allemande, devenu très populaire en terre francophone, notamment à Paris, avec l'expression consacrée une francfort frites.
FRANCHISAGE n. m. représente la francisation (1973) de l'anglais franchising (1574, repris v. 1966 au sens moderne ; introduit en français en 1969), de to franchise, emprunté à l'ancien français franchir* (→ 1 franc).
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C'est un terme de commerce désignant un contrat par lequel une société (le franchiseur, n. m., de franchiser), moyennant redevances, concède à un commerçant (le franchisé, n. m.) l'exploitation d'une marque.
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Sur franchisage a été dérivé le verbe FRANCHISER v. tr. (1973).
FRANCIQUE, FRANCISQUE → 2 FRANC
FRANCISCAIN, AINE n. et adj. est un dérivé (1757, avec le suffixe -ain ; 1544, francisquin) du latin médiéval Franciscus « François » d'après le latin ecclésiastique Franciscanus (1537).
❏
Le nom masculin désigne un religieux de l'ordre mendiant fondé par François d'Assise au début du
XIIIe s. ; aujourd'hui les Franciscains comprennent les Conventuels, les Capucins et les Frères mineurs.
FRANCISCAINE n. f. se dit (fin
XIXe s.) d'une religieuse du tiers ordre régulier de François d'Assise (mot pris abusivement comme synonyme de
clarisse).
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Comme adjectif, le mot qualifie ce qui concerne ces ordres, puis ce qui est caractéristique de saint François d'Assise.
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De là FRANCISCANISME n. m. (1938, in T. L. F.) qui désigne l'esprit franciscain.
FRANCIUM n. m. a été construit (1939) sur France, patrie de Marguerite Perey, physicienne qui découvrit cet élément radioactif.