QIRIAZI, Sevasti [PERAS 1871 - TIRANA 1949]
etQIRIAZI, Parashqevi [PERAS 1880 - TIRANA 1970]
Pédagogues et enseignantes albanaises.
Dans le cadre du mouvement national albanais pour l’indépendance, les sœurs Qiriazi ont représenté les premières femmes albanaises à s’engager dans l’enseignement. Après avoir étudié au Robert College à Constantinople, Sevasti Qiriazi, secondée par sa cadette Parashqevi Qiriazi, alors âgée de 11 ans, a fondé en 1891 la première école pour filles, dans la ville de Korçë. Les deux sœurs sont ainsi devenues les deux premières enseignantes de langue albanaise, à une époque où l’Empire ottoman ainsi que l’Église grecque dans le sud de l’Albanie interdisaient les écoles de langue albanaise sous prétexte qu’il ne s’agissait pas d’une langue liturgique. P. Qiriazi a été l’unique femme à participer au congrès de Monastir (aujourd’hui Bitola), tenu en 1908 et baptisé congrès de l’Alphabet, qui institua l’emploi de l’alphabet latin pour l’albanais écrit, à une époque où coexistaient des écritures en caractères arabes et grecs. Diplômée en pédagogie en 1912, à Oberlin (Ohio), elle entreprit de rédiger un abécédaire et des textes pour l’école élémentaire, luttant ainsi pour imposer un système d’éducation basé sur le système occidental. Cet engagement fut concrétisé en 1922, lorsque les sœurs Qiriazi ouvrirent à Tirana le premier lycée pour filles, l’institut Qiriazi. En 1909, les sœurs Qiriazi fondèrent à Korçë la première association pour l’émancipation des femmes, Yll’i Mëngjesit (« l’étoile du matin »). Entre 1920 et 1939, les activités de l’association, soutenue par la presse, s’élargirent à l’ensemble des villes albanaises. En 1919, à la conférence de la Paix tenue à Paris, P. Qiriazi, représentante de l’Albanie, milita en faveur de la question nationale albanaise, en refusant la scission des territoires albanais ainsi que le protectorat étranger sur son pays. Après la Seconde Guerre mondiale, les deux sœurs furent écartées par le régime communiste albanais. Mais, après la mort du dictateur albanais Enver Hoxha (1985), elles furent décorées à de nombreuses reprises pour leur engagement dans l’enseignement.
Fatmira MUSAI
■ DISHNICA D., Motrat Qiriazi, Tirana, Shtëpia Botuese Enciklopedike, 1997 ; MUSAJ F., Gruaja në Shqipëri 1912-1939, Tirana, Botim i Akademisë së Shkencave, 2002.
QIU JIN [XIAMEN 1875 - SHAOXING 1907]
Poétesse et révolutionnaire chinoise.
Surnommée la Chevalière du lac Jian, Qiu Jin est originaire de Shanyin. Pendant son enfance, elle séjourne avec son père à Taïwan et s’arrête à deux reprises à Pékin. La révolte des Boxers (Geng zi) en 1900 provoque un changement radical de son idéologie politique : elle s’engage dans la voie de la révolution. En 1904, elle part étudier au Japon et y lance un périodique, Baihua bao (« langue courante »). De retour en Chine, elle devient membre de l’Association de reconquête (Guangfu hui), puis rejoint l’Association des alliés (Tongmeng hui) au Japon. Présidente de la filiale du Zhejiang, elle tient souvent des discours publics en faveur de la révolution, avant de mettre sur pied la fondation du Collège de Chine (Zhongguo gongxue) à Shanghai. En 1906, institutrice à l’école de jeunes filles de Xun Xi, elle crée un journal intitulé Zhongguo nübao (« femmes de la Chine ») ; l’année suivante, elle organise activement à Shaoxing l’Armée de reconquête (Guangfu jun), qui tente de provoquer une insurrection au Zhejiang, réprimée le 13 juillet 1907. La révolutionnaire est arrêtée, puis fusillée le 15 juillet.
Son entrée en écriture est antérieure à la révolte des Boxers. La plupart de ses premières œuvres (huitains et quatrains en vers pentasyllabiques ou heptasyllabiques) telles que « Mei » (« fleur d’abricotier du Japon », 1895) et « Lanhua » (« orchidée »), nourries de nobles ambitions, ont pour thème sa tristesse personnelle. Les huit poèmes recueillis dans Ti zhikan ji (« à propos de la niche aux iris ») expriment sa générosité et sa fidélité à la patrie, à travers l’éloge des héroïnes chinoises du passé, dont Hua Mulan. À partir de 1900, le contenu et le style de ses écrits varient sensiblement : toujours empreints d’ardeur patriotique, ses vers exaltent désormais la libération des femmes. Hormis pour ses quatrains, elle adopte le style gexing (utilisation du langage courant) afin d’évoquer deux couleurs distinctes. L’une correspond à la fraternité et à l’optimisme avec lesquels elle véhicule son idéal révolutionnaire : « Jian ge » (« chant de l’épée », 1903) et « Qiufeng qu » (« vent d’automne », 1906) en sont des exemples ; l’autre a tendance à critiquer la réalité sociale et à soupirer devant ses compatriotes, insensibles au sort de leur pays, comme en témoignent « Ganshi » (« réflexions sur l’actualité », 1900) et « Jian moujun » (« à M. X. », 1907), dont le ton est souvent pathétique et mélancolique. À l’exemple de son œuvre en vers, sa poésie lyrique (ci) exprime d’abord sa tristesse de jeune fille, puis sa ferveur révolutionnaire, que l’on décèle dans des chants tels que « Xiaozhu jinghua » (« le court séjour à Pékin »), publié en 1903, « Man jiang hong » (« le fleuve empourpré ») et « Song Chen Yan’an Sun Duokun erzi guiguo » (« à Chen Yan’an et Sun Duokun, deux sœurs de retour en Chine »), parus vers la même période. L’écrivaine jouit depuis toujours d’une haute estime, tant pour son engagement politique que pour son œuvre poétique. En 1913, Sun Yat-sen lui dédie une plaque gravée de l’inscription « Héroïne nationale », qu’il dépose sur sa tombe. Depuis 1907, divers recueils de ses œuvres ont été publiés, notamment Qiunü lieshi yigao (« manuscrits posthumes de la martyre Qiu », 1907) par l’Association à la mémoire du martyre de Qiu Jin de Changsha.
DU XIAOZHEN et GU JIACHEN
■ Qiu Jin ji, Pékin, Zhonghua shuju, 1960.
■ GIPOULON C., Qiu Jin, pierres de l’oiseau Jingwei, Paris, Des femmes-Antoinette Fouque, 1976 ; GUO C., Qiu Jin quanji jianzhu, Changchun, Jilin wenshi chubanshe, 2003 ; SI G., Wanqing jintou shi minguo, Guilin, Guangxi shida chubanshe, 2009.
QIU XINRU [HUAI’AN V. 1805 - ID. V. 1873]
Poétesse chinoise.
Qiu Xinru est l’auteure de tanci, genre de longues ballades, dont on chante les épisodes successifs, accompagné au sanxian (instrument à trois cordes) ou au pipa (luth au long manche). Elle a signé l’un des plus beaux tanci de l’histoire de la littéraire populaire chinoise : Bi sheng hua (« fleur née du pinceau »). En prologue de chacun des 32 épisodes qui composent cette œuvre, la poétesse avait pour habitude de rapporter les événements de sa vie et de confier son état d’âme du moment. La plupart des informations dont nous disposons proviennent de ces quelques lignes autobiographiques : elle vécut une enfance insouciante et aisée, et reçut une éducation confucéenne, qui la dota d’une solide connaissance de la littérature classique. À l’âge de 19 ans, son mariage avec un homme médiocre mit fin à son bonheur et la contraignit à passer le reste de son existence dans la pauvreté. Les cinq premiers épisodes de Bi sheng hua – son unique ouvrage –, rédigés avant son mariage, furent suivis de dix-neuf ans d’interruption. Elle ne reprit la plume qu’à son veuvage et consacra onze ans à achever cette œuvre, qui fut finalement imprimée en 1857. Son schéma est comparable à celui de Zai sheng yuan (« affinité prédestinée lors de la renaissance »), célèbre tanci de la dynastie Qing, paru environ un demi-siècle plus tôt : une fille intelligente et érudite, défiant le sort imposé aux femmes, se déguise en homme, réussit brillamment au concours national et devient un haut fonctionnaire de la cour. Bien que l’histoire, assez complexe, ne produise aucun effet de nouveauté, on y découvre un style élégant et une articulation élaborée, ce qui est encore rare chez les auteurs précédents de tanci. L’auteure y prouve son habileté à combiner plusieurs genres littéraires (poésie, prose, chant) dans ses descriptions exquises de personnages et de paysages. Ainsi, initialement destinée à être chantée, cette œuvre attira probablement plus de lecteurs que d’auditeurs.
CHEN MI
■ Bi sheng hua (1857), Henan, Zhongzhou guji chubanshe, 1984.
■ PIMPANEAU J., Chine, littérature populaire, Arles, P. Picquier, 1991 ; TAN Z., Zhongguo nüxing de wenxue shenghuo, Taipei, Zhuangyan, 1986 ; ZHENG Z., Zhongguo suwenxue shi, Pékin, Shangwu yinshuguan, 2005.
QUANT, Mary [LONDRES 1934]
Styliste de mode britannique.
C’est à Londres, où elle étudie au Goldsmiths College, que Mary Quant rencontre son futur mari, Alexander Plunket Greene. En 1955, ils ouvrent une première boutique, Bazaar, dans le quartier de Chelsea. Les modèles de la créatrice connaissent un succès immédiat. En 1962, elle dessine une collection pour une grande surface américaine et fonde, en 1963, la ligne The Ginger Group, pour la grande diffusion. Elle publie son autobiographie, Quant by Quant, dès 1966. M. Quant conçoit un total look et les rues de Londres s’emplissent de jeunes filles portant des collants de couleur et des minijupes plus courtes encore que celles de Courrèges. Cette tendance se généralise et la minijupe prend valeur de phénomène culturel. Figure emblématique de l’ascension des swinging sixties, M. Quant révolutionne la mode et devient la porte-parole d’une génération qui n’était jusqu’alors pas représentée. Elle lui offre les moyens d’exprimer un nouveau mode de vie, contestataire, amusant et libertin. Pendant les années 1990, elle élargit la marque aux cosmétiques, Mary Quant Colour. Un moment démodé, ce style renaît après 2000.
Zelda EGLER
■ Quant by Quant, Bath, Cedric Chivers, 1974.
■ COLLECTIF, Swinging Sixties, Londres, Victoria & Albert Museum, 2006 ; KAMITSIS L., REMAURY B. (dir.), Dictionnaire international de la mode, Paris, Éditions du regard, 2004.
QUARANTE, Danielle [SARCELLES 1938]
Designer de produits industriels et théoricienne française.
Diplômée de l’École nationale supérieure des arts décoratifs (Ensad) de Paris, Danielle Quarante intervient d’abord dans le secteur du design graphique avant de se consacrer complètement au design de mobilier. Elle présente ses premiers meubles au Salon des artistes décorateurs de Paris : mobilier extensible pour enfants (1967) et fauteuil en résine polyester et fibre de verre moulé (Albatros, édité par Airborne en 1969). Véritable chercheuse, D. Quarante veut expérimenter tous les nouveaux matériaux que propose cette décennie. C’est ainsi qu’elle crée la table basse Ondine pour Saint-Gobain, à partir du verre Securit utilisé pour les pare-brise. En 1970, elle remporte le premier prix du concours Prisunic-Shell avec une gamme de tables et de sièges empilables en plastique moulé, Balthasar. Les premiers prototypes réalisés en 1971 en résine armée de fibre de verre étant trop lourds, ce sont des modèles réalisés en ABS de Cycolac, doublement thermoformés en une seule opération, qui seront vendus par Prisunic dans son catalogue n° 9 de vente de mobilier contemporain par correspondance, printemps-été 1973. Ses meubles font partie des collections permanentes du musée des Arts décoratifs de Paris. Dès 1974 elle cesse ses activités de designer indépendante, devient enseignant-chercheur et introduit l’enseignement du design industriel à la très récente et très expérimentale université de technologie de Compiègne, où elle crée la première formation, en France, d’ingénieur-designer, puis le premier troisième cycle en design industriel/conception de produits. Présidente de l’Union française des designers industriels (Ufdi) au début des années 1980, elle participe régulièrement aux travaux de l’International Council of Societies of Industrial Design (Icsid), ce qui lui vaut une reconnaissance internationale. Elle publie pour la première fois, en 1984, Éléments de design industriel. Cet ouvrage de référence destiné aux enseignants et aux étudiants, auxquels il rappelle les sources du design industriel, contient également des éléments théoriques et méthodologiques qui s’adressent à tous ceux qui sont concernés par l’innovation et par la conception de produits.
Joëlle MALICHAUD
■ Éléments de design industriel, Paris, Polytechnica, 2001.
■ MORINEAU C. (dir.), Elles@centrepompidou, artistes femmes dans la collection du musée national d’Art moderne, Centre de création industrielle (catalogue d’exposition), Paris, Centre Pompidou, 2009.
QUARDON, Françoise [NANTES 1961]
Plasticienne française.
Après des études à l’École des beaux-arts du Mans, où sa professeure, Gina Pane*, exercera une profonde influence sur sa position d’artiste, Françoise Quardon développe une œuvre inclassable, caractéristique cependant du baroque contemporain et d’une approche littéraire et décorative de la création artistique. Ce travail polymorphe, obsessionnel et souvent autobiographique, se présente sous des formes diverses : objets, installations, sculptures, photographies, dessins, écrits et, plus récemment, vidéos. Ses premières expositions (La Criée, Rennes, 1990 ; chapelle de l’Oratoire, Nantes, 1993 ; Le Creux de l’enfer, Thiers, 2000) présentent un monde domestique fait de lits, de chaises, de guéridons, de lustres, transformés en objets magiques et inquiétants. Robes de mariée ou de princesse, guirlandes lumineuses, animaux hybrides : elle explore le monde des contes de fées et du roman gothique. En 1995, elle présente dans l’exposition Féminin-Masculin, le sexe de l’art, au Centre Pompidou, une installation consacrée à Milena (1896-1944), la compagne de Kafka : La Jupe de Milena. À la chapelle de l’Oratoire de Nantes, elle suspend de grandes cloches de résine transparentes et lumineuses, recouvertes d’ustensiles de cuisine, qui sont, pour elle, des fantômes (Ghost, 1993). Elle crée aussi un parfum, Écume d’amour, pour l’exposition Aimée à jamais, rose de personne, au Centre d’art contemporain de Pougues-les-Eaux. La plupart de ses mises en scène évoquent des récits fantastiques, des histoires d’amour qui finissent mal, mais avec toujours une pointe d’ironie. En 2008, elle fait un voyage au Mexique pour visiter Ciudad Juárez, la ville des femmes mortes, et revient très inspirée par les objets et les rituels de la fête des morts. Depuis plusieurs années, elle entreprend un immense tatouage sur son corps, qui devient le nouveau support de ses fantasmes. Elle fait dessiner sur sa peau des motifs de fleurs, de dragons, des épées, des roses et des têtes de mort. Invitée par la Manufacture nationale de Sèvres en 2006, elle réalise des armes en porcelaine recouvertes d’inscriptions : l’ensemble Letters Are Weapons sera présenté à l’exposition Contrepoint, au musée du Louvre en 2006. Dans ses vidéos, F. Quardon s’introduit fréquemment dans le récit, sous forme de femme fatale, de rockeuse, de fée ou de sorcière. Un bestiaire fantastique apparaît dans la plupart de ses créations : araignées, serpents, papillons et crapauds. Elle mène aussi un travail d’écriture sur de nombreux supports : ses propres textes ou bien des phrases d’écrivains en anglais ou en français. Son œuvre, que l’on peut qualifier de romanesque féminin, se déploie comme un labyrinthe, avec de multiples voies, comme en témoigne la maquette de l’ouvrage La Ballade des Clamecés (2009), qu’elle a entièrement mis en page et enluminé.
Marie-Laure BERNADAC
■ La Ballade des Clamecés, Nantes, Joca Seria, 2009.
■ Rose de personne (DVD), Troyes/Dijon, Passages/L’Office, 2004.
QUATREHOMME, Marie [PARIS 1959]
Maître-fromagère française.
Née dans une famille de fromagers, Marie Quatrehomme se destinait à l’éducation des jeunes enfants. En 1980, elle obtient son diplôme d’éducatrice et, en 1984, un diplôme de psychomotricité. Mais dès 1985 elle reprend, avec son mari, la fromagerie familiale ouverte depuis 1953 rue de Sèvres à Paris, avant de créer, plus tard, d’autres points de vente. Elle s’initie sur le tas aux secrets de l’affinage et, en 2000, elle est la première femme à remporter le concours du Meilleur Ouvrier de France (MOF) dans cette spécialité. En 2004, elle intègre le jury du concours, présidant ensuite la commission de son organisation. À ce jour, elle partage cette prestigieuse récompense avec deux autres femmes seulement, Joseane Déal (MOF 2004) et Laetitia Gaborit (MOF 2007). Les boutiques de M. Quatrehomme sont devenues les hauts lieux d’approvisionnement de chefs étoilés, comme Guy Savoy, Michel Roth ou Yannick Alléno. En 2008, elle publie un livre de recettes à base de fromage.
Clarissa ALVES-SECONDI
■ Avec COMBET D., Une irrésistible envie de fromage, Paris, Albin Michel, 2008.
QUEFFÉLEC, Anne [PARIS 1948]
Pianiste française.
Née dans une famille d’artistes – son père est romancier et sa mère cantatrice –, Anne Queffélec apprend à jouer du piano en posant ses mains sur le Pleyel de sa grand-mère. Après des études au Conservatoire national supérieur de musique de Paris, où elle obtient le premier prix de piano et celui de musique de chambre, elle part travailler à Vienne auprès de Paul Badura-Skoda, Jörg Demus et Alfred Brendel. À la fin des années 1960, elle remporte des concours internationaux, à Munich et à Leeds, puis joue dans de nombreux pays avec des orchestres prestigieux – dont l’orchestre philharmonique de Radio France – et les plus grands chefs dont Pierre Boulez, John Eliot Gardiner, Philippe Jordan. Elle participe à plusieurs festivals, dont La Folle journée de Nantes, les BBC Prom’s, La Roque d’Anthéron – où elle donne, en 2003, l’intégrale des Sonates de Mozart. Elle a déjà enregistré une trentaine d’albums, explorant notamment les œuvres de Mozart, Ravel, Bach, Haydn, Chopin. Nommée Meilleure interprète de musique classique aux Victoires de la musique en 1990, A. Queffélec est plusieurs fois membre du jury au Concours musical international Reine-Élisabeth-de-Belgique. Son dernier disque, Satie et compagnie (2013), dédié à Brigitte Engerer*, et dont certaines pièces sont jouées à quatre mains avec son fils Gérard Dehaene, a été récompensé par un Diapason d’or. Dans un foisonnement de couleurs, cet album revisite avec humour et élégance les œuvres du début du siècle dernier dans un magnifique « voyage en musique française ».
Joëlle GUIMIER
QUEIROZ, Dinah SILVEIRA DE [SÃO PAULO 1911 - RIO DE JANEIRO 1982]
Écrivaine brésilienne.
Dinah Silveira fait ses études secondaires à São Paulo. En 1930, elle épouse le magistrat Narcélio de Queiroz, qui influence ses lectures et l’amène à découvrir sa vocation littéraire. En 1939, elle publie le roman Floradas da serra (« fleurs de montagne »), qui connaît un grand succès. Ce livre, primé par l’Académie des lettres de l’État de São Paulo, est adapté à l’écran en 1955. En 1961, la romancière perd son mari et épouse l’année suivante le diplomate Dário Moreira de Castro Alves, ce qui l’amène à vivre en Union soviétique, en Italie et finalement au Portugal. Elle devient en 1980 la deuxième femme à entrer à l’Académie brésilienne des lettres. Après son premier succès littéraire, elle écrit des romans d’inspiration historique, tels que L’Île aux démons et A muralha (« la muraille », 1954). Elle publie également des nouvelles comme As noites do morro do encanto (1957), une pièce de théâtre, O oitavo dia (« le huitième jour », 1956), et une biographie de la princesse Isabel, A princesa dos escravos (« la princesse des esclaves », 1966).
Wilton José MARQUES
■ L’Île aux démons (Margarida la rocque, 1949), Sherbrooke, Naaman, 1980.
QUEIROZ, Rachel DE [FORTALEZA 1910 - RIO DE JANEIRO 2003]
Écrivaine et journaliste brésilienne.
Fille d’un juge et descendante de l’écrivain José de Alencar, Rachel de Queiroz grandit dans l’État du Ceará. Après la sécheresse de 1915, ses parents quittent la région et s’installent à Rio de Janeiro en 1917. En 1925, elle revient dans son État natal, où elle devient institutrice à partir de 1927, tout en écrivant pour le journal O Ceará. Trois ans plus tard, se croyant tuberculeuse, elle se retranche chez elle et écrit son premier roman, L’Année de la grande sécheresse, salué par la critique. Dans cette œuvre réaliste, elle dépeint la lutte des habitants de sa région contre la misère et le despotisme des détenteurs du pouvoir. En 1931, elle se rapproche du parti communiste. L’année suivante, elle se marie avec José Auto da Cruz Oliveira et rompt avec le parti communiste, qui tentait de lui imposer le contenu de son deuxième roman, João Miguel, puis d’en interdire la publication. Elle se rapproche alors des trotskistes. À la même époque, sa fille de 18 mois meurt d’une septicémie. En 1937 paraît son troisième roman, Caminho de pedras (« chemin de pierres »). Au début de l’Estado Novo (« l’État nouveau », 1937-1945), la dictature de Getúlio Vargas, elle est emprisonnée trois mois et ses livres sont brûlés, comme ceux de Jorge Amado et d’autres écrivains. En 1940, elle rencontre le médecin Oyama de Macedo avec qui elle vivra jusqu’à la mort de celui-ci, en 1982. L’assassinat de Trotski sur ordre de Staline l’éloigne de la gauche. En 1964, elle participe au coup d’État militaire contre le président João Goulart et fait partie du Conseil fédéral pour la culture de 1967 à 1985. Outre d’autres romans, parmi lesquels Dora, Doralina (1975) et Maria Moura (1992), elle publie des pièces de théâtre, comme Lampião (1953), du nom d’un bandit brésilien, et A beata Maria do Egito (1958), des livres pour enfants, et traduit des auteurs classiques. Elle écrit aussi des chroniques pour des revues et des journaux qui sont ensuite rassemblées et publiées sous les titres A donzela e a moura torta (« la jeune fille et la Berbère méchante », 1948), 100 Crônicas escolhidas (« 100 chroniques choisies », 1958), O Brasileiro perplexo (« le Brésilien perplexe », 1964) et Falso mar, falso mundo (« fausse mer, faux monde », 2002). En 1977, R. de Queiroz a été la première femme à siéger à l’Académie brésilienne des lettres. Son œuvre a été adaptée au théâtre et à la télévision et plusieurs de ses livres ont été traduits. Parmi d’autres distinctions, elle a reçu le prix Machado-de-Assis de l’Académie brésilienne des lettres pour l’ensemble de son œuvre en 1957, et le prestigieux prix Camões, attribué pour la première fois à une femme, en 1993.
Regina CRESPO
■ L’Année de la grande sécheresse (O quinze, 1930), Paris, Stock, 1986 ; Dora, Doralina (Dôra, Doralina, 1975), Paris, Stock, 1980 ; Maria Moura (Memorial de Maria Moura, 1992), Paris, Métailié, 1995.
QUELER, Eve [NEW YORK 1936]
Chef d’orchestre américaine.
Eve Queler est l’une des premières musiciennes à s’être imposées comme chef d’orchestre. Elle commence par l’étude du piano à l’âge de 5 ans, puis travaille avec Isabelle Vengerova, devient élève de la High School of Music and Art puis de la Mannes School of Music de New York où elle suit également les cours d’écriture et de direction d’orchestre. Elle débute comme répétitrice puis est assistante au New York City Opera, avant d’être nommée au Metropolitan. En 1967, elle fonde le Concert Opera Orchestra de New York (OONY), composé d’étudiants et de professeurs de musique et destiné à faire connaître, en version concertante, des œuvres lyriques connues ou oubliées. Elle commence avec Don Giovanni. Le succès est tel qu’elle enregistre certains des ouvrages qu’elle produit : Le Cid de Massenet, Gemma di Vergy de Donizetti, Aroldo de Verdi, Guntram de Strauss… Depuis, elle a donné plus de cent opéras en concert, à Carnegie Hall, de Rienzi à Tristan et Isolde de Wagner, Benvenuto Cellini de Berlioz à L’Amour de Danaé de Strauss en passant par Dalibor de Smetana. Elle a été le premier chef à diriger aux États-Unis l’opéra inachevé de Moussorgski, La Khovanstschina, dans l’orchestration de Chostakovitch, ainsi que les versions originales en langue morave de Katia Kabanova (1979) et Jenufa (1988) de Leoš Janáček et, en tchèque, de Rusalka d’Antonin Dvořák en 1987. En 1982, elle crée à l’Université du Maryland le National Opera Orchestra Workshop, atelier d’orchestre consacré au répertoire lyrique. Elle se produit au Théâtre Mariinsky, à l’Opéra de Sydney, à l’Opéra de Hambourg, au Théâtre national de Prague, à l’Opéra de Francfort, à l’Orchestre de Philadelphie et de Cleveland, à l’Orchestre symphonique de Montréal, et sur bien d’autres scènes prestigieuses.
Bruno SERROU
QUÉRANGAL, Julie DE (Mme AUGUSTIN THIERRY, dite) [1802-1844]
Femme de lettres française.
Fille d’un amiral de la Révolution et de l’Empire, Julie de Quérangal est l’une des collaboratrices d’Augustin Thierry – historien français qui fut le secrétaire de Saint-Simon –, puis devient sa femme en 1831. Elle écrit notamment, sous son nom d’épouse, Scènes de mœurs et de caractères au XIXe°siècle et au XVIIIe°siècle – publié dans la toute jeune Revue des Deux Mondes, puis en librairie en 1835. Elle montre dans ces nouvelles – dont « Les Trois Sœurs », « Le Fils du millionnaire », « Le Salon de Mme Necker » – des qualités de romancière étayées par une documentation très sérieuse. Elle y accumule avec précision et vivacité des observations sur d’Alembert, sur Marmontel, sur la République genevoise, sur les politiques de Necker et de Turgot, ainsi que sur la future Mme de Staël*. Elle parvient à intégrer une importante somme de connaissances pour recréer un monde romanesque. Toujours sous le nom de Mme Augustin Thierry, elle publie un roman, Adélaïde, mémoires d’une jeune fille (1839), récit en première personne, avec des échos de Rousseau et de Bernardin, qui fourmille de notations colorées, justes et vivantes.
François LE GUENNEC
QUIGLEY, Sarah [CHRISTCHURCH 1967]
Poétesse et romancière néo-zélandaise.
Après des études à l’université de Canterbury à Christchurch, Sarah Quigley décroche une bourse qui l’aide à poursuivre sa formation à Oxford, où elle soutient sa thèse de doctorat en littérature en 2000. Elle suit entre-temps le cours de techniques de l’écriture de Bill Manhire à Wellington. Dès le début de sa carrière, elle reçoit plusieurs prix et bourses littéraires, comme le Buddle Finlay Sargeson Fellowship en 1998, le Writer in Residence Berlin en 2000 – à la suite duquel elle décide de s’installer à Berlin –, et le Robert Burns Fellowship en 2003. Ses nouvelles et poèmes sont publiés dans des anthologies et des périodiques renommés en Nouvelle-Zélande, tout comme en Grande-Bretagne. S. Quigley ne se limite jamais à un seul genre littéraire ; elle écrit des nouvelles, des romans, divers commentaires critiques et des recueils de poèmes comme Having Words With You (« dispute avec toi », 1998) et Love in a Bookstore or Your Money Back (« l’amour dans une librairie ou “remboursé” », 2003). Néanmoins, ce sont surtout ses romans comme Fifty Days (« cinquante jours », 2004) que les critiques saluent pour la profondeur des personnages. After Robert (« après Robert », 1998) raconte le destin de deux femmes qui cherchent à surmonter leurs états d’âme respectifs. Dans Shot (« fusillé », 2003), l’auteure parvient, avec brio, à décrire les affres d’une crise émotionnelle sous un jour positif en se concentrant sur les inquiétudes et les sentiments de solitude des personnages. Cependant, la langue reste légère, sans ambages et pleine d’humour. Souvent, ses poèmes ont été conçus dans des lieux de passage, tel un aéroport ; ils évoquent dès lors des émotions qui franchissent les frontières nationales. Ils sont porteurs de messages modernes, inspirés par la personnalité cosmopolite de l’auteur.
Claudia DUPPE
■ Write : A 30 Day Guide to Creative Writing, Auckland, Penguin, 2006.
■ HALL B., « Review », in New Zealand Books 1.10, Wellington, 2000 ; MATTHEWS P., « Thinking of you », in The Listener, Auckland, 3 nov. 2001 ; SHARP I., « Our woman in Berlin », in Sunday Star Times Supplement, Auckland, 2003.
QUILLÉVÉRÉ, Katell [ABIDJAN 1980]
Réalisatrice française.
Fille d’une professeure et d’un informaticien, Katell Quillévéré grandit en Côte d’Ivoire avec ses parents et ses grands-parents jusqu’à l’âge de 5 ans. La famille s’installe ensuite en banlieue parisienne puis à Paris. Élevée dans le catholicisme, c’est une enfant très croyante. La foi et la rupture qui s’ensuit à l’adolescence constitueront le thème de son premier long-métrage de fiction, Un poison violent (2010). À 13 ans, elle commence à s’intéresser à la photographie, à la littérature et découvre avec fascination les films de Maurice Pialat. Malgré l’opposition de ses parents, elle s’engage dans la filière cinématographique. Après un DEA de cinéma et une licence de philosophie à l’université Paris 8-Vincennes-Saint-Denis, elle crée et organise avec le réalisateur Sébastien Bailly les premières Rencontres du moyen-métrage de Brive. K. Quillévéré réalise un premier court-métrage sur le thème de l’enfance, À bras-le-corps (2005), sélectionné pour la Quinzaine des réalisateurs et les Césars. Deux autres courts-métrages, L’Imprudence (2007) et L’Échappée (2009), sont retenus dans de nombreux festivals. Un poison violent, où elle dirige avec maestria Michel Galabru et Lio* sur un sujet (la religion catholique) rarement choisi par les cinéastes, est salué par la critique et reçoit le prix Jean-Vigo. Son deuxième long-métrage, Suzanne (2013), histoire d’une jeune femme qui tombe dans la délinquance par amour, est présenté en ouverture de la Semaine de la critique au festival de Cannes et plutôt bien reçu. K. Quillévéré y offre à l’actrice Sara Forestier, déjà récompensée par le César de la meilleure actrice en 2011, un très beau rôle d’héroïne pathétique et moderne.
Nathalie COUPEZ
QUIN, Élisabeth [1963]
Journaliste, romancière et actrice française.
Éloquente, raffinée, drôle, Élisabeth Quin fait ses premières armes à la radio, notamment chez OUI FM et Radio Nova. Brillante critique de cinéma, on la retrouve avec Remo Forlani sur RTL, dans Le Masque et la Plume sur France Inter avec Alain Riou, ainsi qu’à la télévision dans Rappetout, présenté par Bernard Rapp (France 3), et Comme au cinéma sur France 2. Elle chronique aussi sur le septième art pour la chaîne Paris Première dans Rive droite/Rive gauche aux côtés de Thierry Ardisson, Courts particuliers, Ça balance à Paris et Cinéquin. Depuis 2010, elle présente 28 minutes, une émission d’information en prime time, à contrecourant des journaux d’informations et des talk-shows entertainement traditionnels de cette tranche horaire. La journaliste orchestre, selon une « gestion du temps millimétrique », cette émission bimédia à la fois dense et fluide axée sur l’actualité européenne et mondiale, et que nourrissent des chroniqueurs réguliers ainsi que de nombreux intervenants spécialisés. Plume reconnue, elle écrit notamment pour Marie-Claire et Elle. Celle qui est nommée en 2009 « chargée de mission pour la haute couture et le prêt-à-porter » auprès du ministre de l’Industrie Christian Estrosi est aussi éditorialiste mode chez Madame Figaro. Écrivain, É. Quin publie La Peau dure (2002) puis Tu n’es pas la fille de ta mère (2004) et Bel de nuit, Gérald Nanty (2007). Elle apparaît à l’écran dans Fais-moi rêver de Jacky Katu (2002) et Elle critique tout d’Alain Riou (2004).
Audrey CANSOT
QUIMBY, Edith [ROCKFORD 1891 - NEW YORK 1982]
Radiologiste et physicienne américaine.
Dans le domaine de la radiologie, Edith Hinkley Quimby a travaillé en collaboration avec Gioacchino Failla à la quantification des doses acceptables dans l’usage thérapeutique du radium puis des rayons X, et a mis au point des procédures concernant la sécurité du personnel manipulant des matériaux radioactifs. Née dans l’Illinois, elle réussit un master en physique à l’université de Californie à Berkeley en 1915. Après avoir enseigné les sciences dans une école secondaire, elle suit son mari à New York, où il doit enseigner la physique. Ce départ est déterminant pour sa carrière. Elle commence à travailler sous la direction du Dr G. Failla, biophysicien et radiologiste, au New York City Memorial Hospital for Cancer and Allied Diseases, tout juste créé. Elle étudie les emplois possibles du radium (pendant que Marie Curie* poursuit ses recherches à Paris), puis l’emploi des rayons X dans le traitement des tumeurs. Jusqu’alors, les médecins décidaient au cas par cas de la quantité de rayons à administrer. Elle réussit à mesurer la pénétration des rayons de manière que les doses utilisées lors d’un traitement par radiothérapie soient plus précises et les effets secondaires moindres. Après plusieurs années de recherche, elle parvient à mesurer le nombre de röntgens (unité internationale de dose d’exposition aux rayons X) émis par minute dans l’air, sur la peau et dans le corps, mesure aujourd’hui obsolète mais qui va ouvrir la voie à la quantification de la radiothérapie. Ses recherches entre 1920 et 1940, sur les effets des radiations sur la peau, mais aussi sur les propriétés du radium et des rayons X, ont été particulièrement utiles à la communauté scientifique. Après avoir enseigné la radiologie à Cornell University Medical College, E. Quimby est professeure associée au College of Physicians and Surgeons de Columbia University. Là, elle crée avec G. Failla le Radiological Research Laboratory où ils étudient l’emploi thérapeutique d’isotopes radioactifs dans le traitement des maladies de la thyroïde. Elle prend part à d’autres aspects de la recherche radiologique, étudiant en particulier l’emploi du sodium radioactif synthétique et les moyens de protéger les chercheurs et le personnel médical des effets nocifs de l’irradiation. Elle a participé au Manhattan Project (qui a développé la bombe atomique), à l’Atomic Energy Commission, et travaillé comme consultante sur l’emploi thérapeutique des rayons X pour la United States Veterans Administration. E. Quimby a reçu la Janeway Medal de l’American Radium Society en 1940 et une médaille d’or de l’American College of Radiology en 1963.
Madeleine COTTENET-HAGE et Doris MÉNACHÉ-ARONSON
■ Avec GOODWIN P. N., Physical Foundations of Radiology, New York, Harper & Row, 1970.
QUIÑÓNEZ, Delia [GUATEMALA 1946]
Poétesse guatémaltèque.
Membre de l’Académie guatémaltèque de la langue depuis 1999, Delia Quiñónez est cofondatrice du groupe de poètes Nuevo Signo (« nouveau signe »). Elle a publié des recueils de poésie, comme Barro pleno (« glaise pleine », 1968), Otros poemas (« autres poèmes », 1982) et l’anthologie Vuelo de piedra, puño y flor (« vol de pierre, poing et fleur », 1999). En collaboration avec Marcela Valdeavellano et Julia Abbott, elle a contribué au recueil de récits Astroloquía, cuentos zodiacales (« contes du zodiaque », 2001). Par ailleurs, elle a écrit de nombreux essais et articles critiques sur la littérature, l’art et le féminisme. Son registre poétique est étendu, du recueil de poèmes érotiques Nos habita el paraíso (« le paradis nous habite », 1990) à Ultramar (« outremer », 1991), qui traite du choc des cultures lors de la découverte du Nouveau Monde en 1492. Sa poésie est conceptuelle et cryptique, à la recherche du symbolique. Dans Rituales sobre la piel (« rituels sur la peau », 2007), D. Quiñónez aborde la thématique érotique sans préjugés, dans un langage familier. Son œuvre figure dans plus de 30 anthologies guatémaltèques et étrangères.
Guisela LÓPEZ RAMÍREZ
QUINQUET, Suzanne VOIR MORENCY, Suzanne GIROUST DE
QUINTANE, Nathalie [PARIS 1964]
Poétesse française.
Parmi les plus innovantes de cette fin de siècle, sa pratique poétique ne cesse d’éprouver et de repousser les frontières du champ poétique par la diversité et la singularité de ses productions. À partir des années 1990, Nathalie Quintane publie dans des revues d’avant-garde et participe activement à la revue Nioques, fondée en 1989 par Jean-Marie Gleize. Les recueils Chaussures (1995) et Remarques (1997) dessinent une première ligne de son œuvre ; ils affichent le parti pris de la prose, tant par la forme que par l’attachement au détail et à l’insignifiant, qui cherche à renouveler le regard sur la banalité du monde quotidien. L’accumulation de fragments s’apparente ainsi à une forme de poésie inventaire. Ce procédé de répétition-variation, jouant sur la typographie, révèle aussi une attention particulière au rythme visuel et musical du texte. Cette démarche se retrouve dans Début (1999), autobiographie singulière comme dans Une oreille de chien (2007). Formage (2003), qui s’interroge sur la manière dont un personnage de roman prend forme, et Antonia Bellivetti (2004), récit d’adolescence, constituent une transition dans l’œuvre : continuant de s’inscrire dans la veine humoristique et les effets de décalage, ils s’orientent vers l’écriture romanesque, ce que confirme Cavale (2006), récit picaresque obstrué par le télescopage des rencontres et des discours des personnages. Ses derniers écrits explorent ainsi sous une forme plus narrative ce que l’auteure appelle une « esthétique du saut ». Elle est aussi une « poétesse sonore », adjoignant à sa pratique littéraire des lectures publiques, des performances et des vidéos. Le travail de N. Quintane est ainsi soutenu par une volonté de désacralisation de la poésie, élargissant le champ du poétique au-delà des contraintes de la rhétorique et de l’écrit, voire de la littérature.
Anne COUSSEAU
■ Jeanne Darc, Paris, POL, 1998 ; Mortinsteinck, Paris, POL, 1999 ; Saint-Tropez, une Américaine, Paris, POL, 2001 ; Grand ensemble (concernant une ancienne colonie), Paris, POL, 2008 ; Tomates, Paris, POL, 2010.
QUINTAVALLA, Maria Pia [PARME 1952]
Écrivaine italienne.
Maria Pia Quintavalla vit à Milan. Son premier livre, Cantare semplice (« chanter simplement »), paraît en 1984. L’année suivante, elle commence à s’occuper de la revue Donne in poesia (« les femmes en poésie »), qui inspire l’anthologie du même nom en 1988. Au cours de ces mêmes années, elle crée le congrès national Bambini in rima, la poesia nella scuola dell’obbligo (actes parus dans Alfabeta, 1986), fruit d’une passion née de ses études sur la pédagogie de la poésie. Son deuxième livre, Lettere giovani (« jeunes lettres »), paraît en 1990, suivi de Le moradas (« les salles de méditation de l’âme ») en 1996, et de Estranea canzone (« étrange chanson ») en 2000. Sont également parus ces dernières années : le recueil de fables, textes en prose et petits poèmes Corpus solum (2002) ; les plaquettes Canzone, una poesia (« chanson, un poème », 2002) ; Napoletana (« Napolitaine », 2003) ; Le nubi sopra Parma (« les nuages au-dessus de Parme », 2004) ; Album feriale (« album de vacances », 2005) ; Un pezzetto di storia di lavoro e di amicizia (« un petit morceau d’histoire sur le travail et l’amitié », 2006). Certains de ses textes ont été réédités dans l’anthologie Biblioteca parmigiana del novecento, racconti parmigiani (« bibliothèque de Parme du XXe siècle, récits de Parme », 2003), dans Coglierò per te l’ultima rosa del giardino (« je cueillerai pour toi la dernière rose du jardin », 2005) et dans Trent’anni di novecento (« trente ans de XXe siècle »), volume supervisé par Alberto Bertoni en 2005. Par ailleurs, ses poèmes on été publiés dans les principales revues littéraires italiennes : Alfabeta, Lettera internazionale, Nuovi argomenti, Il verri, Poesia, Gradiva et Journal of Italian Literature. Elle donne des cours universitaires sur la langue italienne dans la communication écrite et collabore avec la Libera Università delle donne (« libre université des femmes ») de Milan, au sein de laquelle elle étudie les écrivaines du XXe siècle en Europe.
Maria Valeria CICOGNA
QUIROGA DE ABARCA, Elena [SANTANDER 1921 - LA COROGNE 1995]
Romancière espagnole.
Son enfance heureuse et son éducation soignée auprès de son père, le comte de San Martín de Quiroga, sont à l’origine d’une sensibilité littéraire qui se révèle dès sa première publication, La soledad sonora (« la solitude sonore », 1948). La formation intellectuelle dont Elena Quiroga de Abarca a bénéficié, peu fréquente pour une femme de l’époque, lui ouvre les portes du milieu littéraire cultivé de Madrid. Elle publie en 1951 Les Bras du vent, histoire des relations entre une jeune domestique et son ancien maître, où elle définit les clés stylistiques de sa production narrative future. Très créative, elle fait paraître l’année suivante La Sève et le sang (1952), histoire de quatre générations observées par un arbre, Algo pasa en la calle (« il se passe quelque chose dans la rue ») en 1954, où, à côté des thématiques récurrentes de sa production antérieure, elle s’essaie à explorer de nouveaux domaines romanesques liés à l’actualité. Son divorce est à l’origine de cette œuvre située dans des espaces urbains, habitée par des personnages d’une grande complexité psychologique. En 1955, avec Le Masque et Liberata, elle aborde les difficultés psychiques d’une femme abandonnée par son amant. Trayecto uno (« parcours un », 1956) précède La última corrida (1958) qui relate les expériences vécues par trois toréadors. Elle cesse de publier pendant des années, puis paraissent Escribo tu nombre (« j’écris ton nom », 1965), El pájaro de oro (« l’oiseau d’or ») et Presente profundo (« présent profond », 1973), son meilleur roman de la maturité. En janvier 1983, elle est élue membre de l’Académie royale d’Espagne.
Concepció CANUT
■ La Sève et le Sang (La sangre, 1952), Paris, Plon, 1957 ; Le Masque (La careta, 1955), Paris, Gallimard, 1959 ; Les Bras du vent (Viento del norte, 1951), Paris, Casterman, 1963 ; Liberata (La enferma, 1955), Paris, Plon, 1965.
■ ZATLIN P., Elena Quiroga, Boston, Twayne Publishers, 1938.